dimanche 30 mars 2008

L'économie a toujours raison 2

Pourquoi il faut absolument s'opposer au projet de centre de glisse et à tout autre projet de ce type, totalement contraire au développement durable*:

- parce que ce sont les mêmes qui entendent s'approprier la terre pour en faire de l'argent, que ce soit ici ou dans la forêt amazonienne;
- parce que seul compte pour eux le profit, même s'ils le déguisent sous de vertueuses mais fallacieuses volontés de créer de l'emploi ou de respecter l'environnement;
- parce qu'ils n'ont que mépris pour les populations concernées, l'avenir de la planète, les économies d'énergie et tout ce qui pourrait freiner leur voracité;
- parce que ce type de projet est non seulement anti-naturel, mais surtout anti-culturel, dépourvu de "sens" et destructeur de territoires autant que de liens sociaux;
- parce qu'il est basé sur une conception d'exploitation et d'enfermement d'un territoire plutôt que sur des notions d'ouverture, de respect et de mise en valeur;
- parce que les politiques concernés (certains "responsables" politiques du moins) n'ont aucun courage politique et surtout pas l'audace de s'opposer à ces investisseurs aux dents longues et s'avèrent incapables de la moindre créativité et de la plus petite once d'imagination;
- parce que ce sont les mêmes politiques qui sont capables de rendre hommage à Che Guevara et de faire des courbettes devant ces pontes d'un capitalisme plus suffisant que jamais, yesmen constamment en quête du consensus mou, de l'assise entre deux chaises;
- parce qu'il faut bien être d'autant plus critique qu'eux ne le sont pas;
- parce que les promoteurs de ce projet de centre de glisse sont incapables de débattre, se contentant d'attaques ad hominem plutôt que de discuter d'idées: "vous êtes venus en voiture, donc ne nous reprochez pas un projet qui se base sur l'utilisation de la voiture individuelle" - "vous n'êtes pas de Clochermerle, donc vous n'avez pas à donner votre avis sur ce projet "européen". Pauvres arguments de débatteurs impuissants, incapables de développer une argumentation de fond, d'opposer des concepts à d'autres, de répondre à une analyse scientifique.

Dans la Libre Belgique de ce 29 mars, Jean-Claude Vandemeeren, qui quitte ses fonctions d'administrateur général de la FGTB wallonne, estime que "il y a un problème de la gauche dans toute l'Europe, qui dès l'instant où elle s'inscrit dans la logique du système capitaliste dominant, a du mal à assumer ses choix. Le socialisme n'ose plus véritablement contester le système. Il se contente d'une ligne défensive, tente de limiter les dégâts dans une Europe capitaliste. (...) Au niveau wallon, ajoute-t-il, c'est encore plus grave. On est dans une situation économique assez catastrophique. On a donc besoin d'un capitalisme dynamique. Et dès lors, le PS a peur de le gêner, il lui fait confiance, lui accorde des cadeaux."

Dans le quatrième et dernier tome de "Son combat ordinaire" ("Planter des clous"), Manu Larcenet fait dire à un de ses personnages: "si la loi autorise les patrons à aller planter des usines dans le tiers-monde, il faut être un sacré hypocrite - ou un socialiste - pour s'offusquer qu'ils le fassent dans les faits".
Ce sont les mêmes patrons qui délocalisent pour remplir un peu plus les poches de leurs actionnaires et s'offrir des parachutes dorés et qui "localisent", chez nous ou ailleurs, des parcs fondés sur un concept dépassé de profit, de luxe et de gaspillage.
"Planter des clous" (Dargaud) évoque le temps des désillusions, du désenchantement, celui du triomphe des cyniques, des je-m'en-foutistes, des ultralibéraux. Heureusement, il y a les enfants, les nôtres, les autres, à qui on promet qu'on fera tout ce qu'on peut encore pour qu'il y ait toujours des hirondelles et des écureuils.

* je sais, c'est un peu obsessionnel chez moi, mais j'assume! Pour en savoir plus, voir www.c-i-a-o.eu

vendredi 21 mars 2008

Drucker, modèle du Ps

Deux pages d'interview d'Elio Di Rupo dans la Libre Belgique de ce jour. Question: "Le PS est dans la majorité depuis 1992. N'aurait-il pas eu besoin d'une cure d'opposition pour se réformer ?"
Réponse du président du Ps: "On peut très bien assurer des responsabilités et se régénerer. Il y a des gens de grande qualité qui durent. Voyez Michel Drucker..."
Voilà donc l'animateur télé (assurant on ne sait quelles responsabilités...) pris pour modèle. C'est sûr en Belgique, en Wallonie, en Communauté française, les projets du siècle passé ont encore de beaux jours devant eux! Je ne sais si Di Rupo a assisté à l'émission belge de celui qui est passé de statut de gendre idéal à celui de gentil tonton, en tout cas il n'en a pas lu les critiques. Qui ne furent pas tendres! Jean-Claude Vantroyen dans le Soir (du 18 mars) parle de "regard passéiste" sur la Belgique: "comment peut-on avoir une idée aussi trompeuse et ringarde de ce qu'est la musique en Belgique francophone", demande-t-il?
Dans Vers l'Avenir (le même jour), Géry Eykerman imaginait justement Michel Drucker, "l'inoxydable Petzi du PAF", en formateur du gouvernement belge. Avec lui, dit-il, "plus besoin de compromis à la belge. On passerait à l'étage supérieur, celui du consensus mou."
Il faut bien admettre que les Frédéric François, Frank Michaël, Plastic Bertrand, Annie Cordy, Jean Vallée et autres Adamo ne représentent pas vraiment la modernité et l'avenir (l'émission aura au moins eu le mérite de nous apprendre que certains d'entre eux sont toujours vivants!).
Mais comme le fait remarquer Vantroyen, s'intéresser à ce qui fait bouger la scène musicale aujourd'hui "c'eût été prendre trop de risques..." Ce qui n'est sans doute le plus sûr moyen de faire de l'audience ou... des voix. Et donc, là, on comprend pourquoi, finalement, le modèle est pertinent.

mercredi 19 mars 2008

L'économie a toujours raison!

Il est frappant de constater à quel point, dans l'opinion publique, l'entrepreneur (l'homme d'affaires, le chef d'entreprise, etc.) a toujours bonne presse. Je le constate régulièrement dans des exercices sur les clichés et stéréotypes que je fais effectuer lors de formations, aussi bien d'étudiants que d'enseignants. Le chef d'entreprise apparaît toujours comme un homme dynamique, responsable, volontaire, battant... Les qualificatifs positifs sont légion, les négatifs quasi inexistants. L'homme politique, a contrario, apparaît comme menteur, corrompu, retors, séducteur, etc. Pour lui, la colonne des qualifications négatives l'emporte toujours sur celle du positif. Or, si le politique est corrompu, c'est qu'existent quelque part des corrupteurs... En général, on les trouve chez les entrepreneurs, dont l'image n'est cependant jamais écornée.
Comme si, parce qu'il développe une activité économique et crée de l'emploi, l'homme d'affaires avait toujours raison. Et même les politiques le défendent si, d'aventure, des opposants se manifestent.
Témoin, cette conversation houleuse hier soir avec deux bourgmestres, à l'issue de la séance d'information-débat organisée par les promoteurs du projet de "centre de glisse" à Antoing. L'un d'eux n'accepte pas les critiques des riverains, des naturalistes et des écologistes contre un projet qui, bien qu'il lui pose question, annonce des emplois par centaines. Et de nous reprocher de nous opposer sans proposer un autre projet économique. Ce n'est évidemment pas le rôle des riverains de monter un tel projet (ils n'en ont ni les compétences ni les moyens). Mais, en démocratie, c'est leur devoir de citoyens responsables de tirer les signaux d'alarme. Par contre, c'est le devoir des promoteurs d'adapter leur projet aux nécessités de l'époque et aux politiques menées localement et régionalement (développement rural, parc naturel, lutte contre le réchauffement climatique, diminution du trafic automobile, etc.). Et c'est justement aux politiques d'y contraindre les hommes d'affaires. Le silence des bourgmestres, pourtant interpellés par l'assistance, était - hélas - éloquent et témoigne de la difficulté, et de la peur sans doute, du politique de remettre l'économique à sa place.

mercredi 12 mars 2008

La Wallonie et le développement durable: paroles, paroles, paroles?

On compare souvent le développement durable à un tabouret à trois pieds, bien sûr d’égale importance : l’économie, l’environnement, le social. S’il manque un pied ou si l’un est plus court que les autres, le tabouret n’est qu’un objet dépourvu de sens.
En Région wallonne, le tabouret est souvent très déséquilibré : le pied économique tient toujours du piédestal, quand celui de l’environnement a l’épaisseur d’une allumette. Le pied du social bien souvent ne repose que sur l’argument de l’emploi : un projet éveille l’intérêt du politique s’il annonce de très nombreuses créations d’emplois. Et tant pis, si les activités générées par ces emplois risquent d’engendrer bien des nuisances sociales : bruit, augmentation du trafic automobile, production de CO2, perte de qualité de vie, autant d’atteintes à la santé, à la vie sociale, à l’avenir de la planète.

Il est temps que nos responsables politiques cessent de rêver à un retour aux golden sixties et décident d’entrer, enfin, de plain-pied, dans le XXIe siècle. Il est temps de faire face aux changements nécessaires et d’y adapter nos politiques. Ce qui passe par le choix d’un certain type de développement et, a contrario, par le refus de certains projets qui appartiennent aux logiques du passé. D’un bout à l’autre de la Wallonie, les exemples sont pourtant nombreux de ces projets, privés ou publics, déjà obsolètes, mais que les responsables politiques continuent à soutenir : autoroutes, aéroports, circuit moto, centres de pratique du ski.

Dans la région liégeoise, le Gouvernement wallon entend bien créer la fameuse liaison Cerexhe-Heuseux-Beaufays, un projet qui remonte à… 1969, époque du « tout à la route ».
Quarante ans plus tard, le trafic a été multiplié au moins par vingt et le réseau routier s’est considérablement renforcé.
Aujourd’hui, les nuisances du trafic routier sont un fait observable au niveau planétaire, spécialement dans les zones urbanisées et en particulier dans notre pays qui détient le record mondial du plus grand nombre de kilomètres d’autoroute par habitant. Mais le Gouvernement wallon n’en démord pas : il va débourser un demi-milliard d’euros pour ce « chaînon manquant » qui va sauver, selon lui, la région liégeoise de la congestion automobile. Même si l’étude d’incidences indique que la liaison CHB n’allègera ni le tunnel de Cointe, ni les quais de la Meuse, ni la Dérivation, ni la traversée de Fléron. Et même si cette dépense énorme se fera, une fois de plus, au détriment du budget, nettement insuffisant aux yeux de la Cour des Comptes, de la réfection et de l'entretien des voiries existantes.
Et tant pis pour les habitants concernés, pour la balafre à travers le Pays de Herve, pour les sites de haut intérêt écologique et paysager concernés. Tant pis aussi pour les politiques de diminution du trafic automobile, du bruit et de la pollution qu’entend, paraît-il, mener le même Gouvernement wallon.
La construction d’infrastructures supplémentaires, loin de résoudre les problèmes de mobilité, aura pour effet de créer un nouvel appel de véhicules et contribuera donc à l’augmentation du trafic et de la pollution sonore et atmosphérique et à la destruction de l’environnement.

Le nouveau terminal de l’aéroport de Charleroi a été inauguré en grandes pompes, voici quelques semaines, par le ban et l’arrière-ban du Gouvernement wallon. Le Ministre fédéral de l’Energie et du Climat avait tenu à rehausser de sa présence ce grand moment pour l’économie wallonne. La nouvelle infrastructure doit permettre un accroissement considérable du trafic aérien, avec 38.000 mouvements annuels et cinq millions de passagers. Tant pis pour les riverains qui dénoncent l’augmentation des nuisances de bruit, de la pollution et des risques liés aux manoeuvres d’atterrissage et de décollage qu’ils considèrent comme intolérables dans cette agglomération densément peuplée du nord de Charleroi. Des riverains qui avaient fixé leurs limites acceptables à 10.000 mouvements annuels et un million de voyageurs et qui affirment depuis le début que la politique de développement des infrastructures aéroportuaires wallonnes est sans vision : quelle pérennité peut-on imaginer à un secteur aussi étroitement lié au pétrole bon marché ? Ils rappellent que l’étude d’incidence de 1998-1999 a dénombré plus de 56.000 personnes dans les zones A, B, C, D affectées par le bruit et 330.000 dans un rayon de 10 kilomètres, ainsi que plus de 30 établissements sensibles (crèches, écoles, hôpitaux, homes) dans la même zone.
Les gaz à effet de serre générés par ce que le Ministre Antoine a qualifié de « success story wallonne » ne comptent pas, malgré la volonté affirmée par le Gouvernement wallon de lutter contre le réchauffement climatique. Comme le dit un habitant de Charleroi, « pendant la pollution atmosphérique dont la ville souffre de manière chronique, le low cost aérien continue ».
Les avions engendrent également des nuisances sonores comprises entre 120 et 140 décibels (seuil de douleurs) aux abords des aéroports. Mais ces nuisances ne comptent pas davantage face au développement incessant d’une économie assassine pour la planète et ses habitants et face aux créations d’emplois annoncées.

Autre décor : à Thulin - Elouges, à deux pas du Parc Naturel des Hauts-Pays, non loin de Mons et de la frontière française, c’est un projet de technopôle moto qui met les villages en émoi. Un promoteur a l’intention de créer, sur le territoire des communes de Dour et de Hensies, un circuit asphalté d’une longueur de 4,5 km principalement dédié à la moto, ainsi qu’une zone d’activités axées sur les sports mécaniques. Le circuit serait utilisé huit mois par an et pourrait accueillir ponctuellement des véhicules automobiles. Ici, la superficie concernée serait de 80 hectares (58 pour le circuit moto et 22 pour le technopôle). Plus de 200 personnes habitent à moins de 500 mètres du site concerné et plus de 1500 dans un rayon de 1000 mètres. Auront-ils d’autre choix que de vivre portes et volets clos toute l’année, week-ends compris, pour éviter les vrombissements de bolides, généreux distributeurs de décibels et de CO2? A moins que le Gouvernement wallon refuse ce projet dont l’enquête publique vient de se terminer…

A Lessines, ce même Gouvernement wallon a accordé depuis deux ans toutes les autorisations au projet Snow Games qui entend offrir aux skieurs, sur dix hectares dans une ancienne carrière de porphyre, de la neige artificielle 365 jours par an. Le site de la carrière Cosyns a beau être classé parmi les sites de grand intérêt biologique (SGIB) de la Région wallonne, les promoteurs du projet ne lui voient aucune utilité et prétendent vouloir le « valoriser ». Entendez par là : en tirer de l’argent. Pour ce faire, ils sont prêts à investir 94 millions d’euros pour 2,3 km de pistes.
Non loin de là , à Antoing, des promoteurs parisiens et bruxellois sont prêts à dépenser jusqu’à 450 millions d’euros pour créer un « centre européen des sports de nature et de glisse » : du ski sur neige artificielle, du patinage sur de la glace artificielle, du surf sur une vague artificielle, du rafting sur une rivière artificielle, le tout sur 218 hectares au cœur du Parc… Naturel des Plaines de l’Escaut ! L’étude d’incidences sur l’environnement, réalisée en 2007, a mis le doigt sur une longue liste de problèmes et la Commission Régionale d’Aménagement du Territoire s’est montrée, jusqu’ici, plus que sceptique. Actuellement, le Gouvernement wallon semble consulter...
Ces deux projets de Lessines et Antoing viennent s’ajouter à Ice Mountain, déjà opérationnel depuis de nombreuses années à Comines. De quoi s’interroger sur la vocation économico-touristique du Hainaut Occidental : la partie la plus plate de Wallonie serait-elle destinée à devenir le plus grand domaine skiable de l’ouest de l’Europe ? Sur le plan économique, la proximité de ces trois projets n’a évidemment aucun sens. Et sur le plan environnemental, voire éthique, elle n’en a pas davantage. Tous ces centres consomment ou consommeront des quantités astronomiques d’eau et d’énergie pour produire de la neige et de la glace artificielles. Ainsi, à Antoing, ce sont quelque 31 millions de kWh d’électricité, 54 millions de kWh de gaz et 500.000 m3 d’eau qui seront dilapidés annuellement pour faire fonctionner ce temple du superflu.
Enfin, ces différents projets ne seront guère accessibles qu’en voiture, alors que les citoyens prennent lentement conscience des économies d'énergie à réaliser, du danger des particules fines et de l’impérieuse nécessité de réduire la production de gaz à effet de serre.

A Antoing, à Lessines, à Elouges, à Charleroi, la carotte que tendent les promoteurs pour justifier leur projet est, à chaque fois, l’argument de l’emploi. Et là, c’est la surenchère ! Les emplois sont annoncés par centaines : 300 à Lessines, 300 à Elouges, 800 à Antoing… Même si aucun de ces nombres n’est justifié et ne résiste à une analyse un tant soit peu critique. Mais la simple annonce de ces seuls chiffres suffit visiblement à convaincre les responsables wallons, qui semblent en oublier aussitôt les politiques qu’ils entendent mener : « soutenir un développement économique durable » (p. 39 de la Déclaration de Politique Régionale), « conserver les spécificités du monde rural et sa qualité de vie » (p. 40) ; « (concevoir) la politique environnementale de la Région wallonne (comme) un élément essentiel du développement territorial équilibré et durable de la Wallonie » ; « intégrer la dimension environnementale dans l’ensemble des politiques (aménagement du territoire, mobilité, logement…). » La DPR ajoute encore que « le développement économique sera plus performant, si, dès le départ, l’objectif de préservation des ressources naturelles fait partie de la stratégie des acteurs de ce développement. (…) Quel que ce soit l’avenir du protocole de Kyoto, poursuit la DPR, le Gouvernement considère que la réduction des gaz à effet de serre constitue une priorité incontournable. Il sera procédé à une évaluation des mesures concrètes au regard de leur coût/bénéfice. » (p. 42)

Les citoyens wallons sont donc en droit d’attendre de leur gouvernement un développement économico-touristique respectueux de leur qualité de vie et de la richesse naturelle et paysagère de leur région, et surtout cohérent avec la volonté de ce même gouvernement d’économiser l’eau et l’énergie, d’améliorer la biodiversité et de lutter contre le réchauffement climatique. Un type de développement, sûrement moins spectaculaire que tous ces Travaux d’Hercule, mais qui permettrait de créer des activités durables, plus porteuses de sens et plus proches des citoyens.
Ils se sentent floués dans les appels qui leur sont adressés quotidiennement : les économies d’énergie que leur demande le Gouvernement – et que celui-ci soutient à coups de primes – vont-elles permettre à des promoteurs sans scrupule de gaspiller cette même énergie ? Y a-t-il un sens pour le citoyen lambda à diminuer d’un degré son thermostat ou à prendre moins souvent sa voiture, si l’énergie qu’il économise ainsi est transformée en neige artificielle ?

On le voit, les projets anachroniques ont toujours le vent en poupe. La Wallonie semble bloquée au XXe siècle, ses responsables politiques s’avérant incapables de faire des choix, de refuser des projets totalement contradictoires avec leurs belles intentions. L’économie – un certain type d’économie « consommatoire » - continue à triompher, envers et contre tout. Alors, Wallonie, terre d’élection d’un développement économique irraisonné? Ou terre d’avenir grâce à des choix porteurs d’une vision à long terme et de valeur ajoutée pour la région et ses habitants ?
Aux responsables politiques et économiques wallons de faire preuve de créativité. Il est plus que temps !

lundi 10 mars 2008

Les outils de communication tuent la communication

Les téléphones portables, par définition, permettent à leurs heureux propriétaires d'être en lien permanent avec la terre entière. Mais ils empêchent souvent de rester en lien avec la personne dont on est proche physiquement, celle qui nous fait face. Régulièrement, on assiste à cette scène - hélas banale aujourd'hui - où deux personnes sont en pleine conversation, même au restaurant, et voilà que sonne le téléphone d'une des deux. Et la personne de décrocher, abandonnant immédiatement sa conversation pour entrer dans une autre, donnant priorité à cet appel. On souffre pour ces gens qui brusquement n'existent plus! Celui qui appelle supplante brutalement celui qui se trouve en vis-à-vis. Alors que tout téléphone normalement constitué dispose d'un répondeur... Régulièrement, nous croisons ces grossiers personnages (que nous sommes peut-être parfois?) qui discutent au comptoir d'un magasin avec la vendeuse ou le vendeur et qui cessent, de but en blanc, leur conversation pour se jeter sur l'appel qu'ils reçoivent. Que reste-t-il de la "communication"? Parle à mon gsm, ma tête est malade!

Il en est de même dans la vie politique. "Le Vif" de ce vendredi 7 mars consacre un article à la pollution géessèmienne qui envahit les négocations gouvernementales. Pierre Havaux cite cet observateur qui a constaté que "les appareils étaient allumés en permanence autour de la table: tout le monde pianotait. Leterme passait son temps à manipuler son Blackberry, Reynders consultait ses données sur son PC portable et Milquet était accro au GSM. Ce sont des exaltés de l'immédiat." Et le journaliste de relever que "jamais jusqu'alors, les technologies de la communication n'avaient été accusées de contrarier, voire de nuire à l'action politique".

Je me souviens d'une collègue au Sénat qui passait sa vie suspendue au téléphone (et j'imagine qu'il en est toujours de même aujourd'hui). Nos collègues flamands l'avaient surnommée Miss Proximus. Même dans des réunions de commission à huis clos, son téléphone ne cessait de sonner et elle, à chaque fois, d'entamer une conversation à voix à peine feutrée en plein milieu de la réunion. C'est vrai qu'il faut mériter chaque jour son surnom de Madame Sans-Gêne...

Nous vivons dans le règne de l'immédiateté. Et ça en devient maladif, pour beaucoup d'entre nous. Le décrochage du téléphone et l'envoi de textos tiennent de la toxicomanie.
Dans "La société immédiate", Pascal Josèphe (éditions Calmann-Lévy) constate que les nouvelles technologies de l'information et de la communication favorisent l'individualisme (au détriment du collectif) et l'immédiateté. C'est la tyrannie de la réponse immédiate, du plaisir immédiat. Et les politiques se laissent entraîner dans cette dérive tellement facile. Mais tellement dangereuse pour la gestion de la société. Les décisions ne s'inscrivent plus dans la durée, ne se prennent plus au terme de mûres réflexions et de confrontation de points de vue. Elles répondent immédiatement - et souvent de manière simpliste - à l'émotion. Les exemples sont nombreux ces dernières années. Ce sont les remises en question brutales de la politique de protection de la jeunesse suite au meurtre de Joe Van Holsbecke. Ce sont les déclarations scandalisées de certains leaders politiques suite à l'émission By Bye Belgium de la RTBF (les mêmes étant capables de modifier leur opinion à 180°, deux jours après, constatant que l'opinion publique ne pensait finalement pas comme eux...). C'est la loi Dati en France. Ce sont les positions et propositions, toutes plus ahurissantes les unes que les autres, du grand ado qui préside la France et dont les paroles galopent visiblement plus vite que la pensée.
Tiens, en voilà une idée: si on reprenait le temps de penser?