mardi 30 août 2011

Du coq à l'âne

"Les négociations ne donnent rien. Il faut passer à un Etat confédéral." C'est Bart De Wever qui le dit. On le sent un peu énervé. Il est hors jeu et n'aime pas ça. Il devrait rester calme. Il met sa santé en danger. Et ainsi celle de toute la Flandre. Car il est la Flandre. C'est Tijl Uilenspiegel, l'abbé Daens, Will Tura, Guido Gezelle et Roger De Vlaeminck à lui tout seul. Et aussi le Père Damien et Bob et Bobette. Que perdrait la Flandre si Bart De Wever était victime d'une apoplexie? On n'ose l'imaginer.
En attendant, la bêtise nationaliste prend de la hauteur. Deux habitants de Haringe, près de Poperinge, rêvent de remplacer le coq du clocher de leur village par un lion. Le bourgmestre (CDV) estime que ça n'a aucun sens. De toute façon, l'église est classée. Leur idée aussi. Au rayon "cocorico".

lundi 29 août 2011

Pâle position

Décidément, Jean-Marie Happart n'arrivera jamais à bien se placer sur la ligne de départ. Le président de l'Intercommunale immobilière de Spa-Francorchamps a fait réaliser sur le circuit des travaux recommandés par la Fédération Internationale de l'Automobile. Ils ne devaient pas dépasser les 200 000 euros. Ils atteignent les 500 000. C'est comme ça, dit l'ineffable président (1), faut faire avec, y avait pas moins cher. Ses partenaires ne décolèrent pas: il n'aurait même pas informé le conseil d'administration de la nouvelle entité, la Société du Circuit de Spa Francorchamps (2).
De toute façon, quelle importance? C'est la Région wallonne qui paie le déficit de ces magnifiques grands prix sur le
plus-beau-circuit-du-monde-qu'il-est-tellement-beau- que-tout-le-monde-nous-l'envie. L'an dernier, elle (donc, nous) a épongé un déficit de quatre millions d'euros. On nous a annoncé un déficit moindre pour cette année. Mais toujours un déficit pour cette organisation emblématique d'une Wallonie qui... gagne (3).

(1) Ineffable, mais quand même ce souvenir d'une réunion en commission Economie-Finances du Sénat (ce devait être vers 2003). Il y était question de modifications au Code de la route, proposées par Isabelle Durant, alors Ministre des Transports. Jean-Marie Happart s'opposait - ce n'était pas une surprise - à des règles plus strictes: de toute façon, nous a-t-il expliqué (sans rire, ce qu'il est de toute façon incapable de faire), son emploi du temps ne lui permettait pas de respecter les limitations de vitesse. On voit par là qu'il serait grand temps de supprimer la fonction de sénateur coopté.
(2) LLB, 27 août 2011
(3) lire, notamment, sur ce blog "Francorflop", billet du 20 octobre 2009 et "Francorstop" du 3 septembre 2010. Décidément, le GP de Francorchamps est un "marronnier" dans ce blog.

dimanche 28 août 2011

Plaisant

"On ne peut pas plaire à tout le monde", écrit Haruki Murakami dans "Autoportrait de l'auteur en coureur de fond". "Même quand je m'occupais de mon bar, je suivais la même politique, dit-il. Un certain nombre de clients venaient au club. Si un sur dix s'y plaisait et disait qu'il reviendrait, c'était suffisant. Si un client sur dix devenait un fidèle, mon commerce tournait. Ou, pour voir les choses à l'envers, cela n'avait aucune importance que neuf clients sur dix n'aiment pas ce bar. Quand j'ai pris conscience de cet aspect des choses, j'ai été soulagé d'un grand poids. Néanmoins, je devais m'assurer que celui qui aimait mon bar l'aimait vraiment. Pour avoir la certitude qu'il l'aimait, il me fallait clarifier complètement ma philosophie et ma position, et conserver cette position dans toutes les situations. Voilà ce que m'a enseigné mon commerce."
Le Vif de ce vendredi consacre un dossier au CDH, le parti qui s'est génériquement placé au centre. A lire l'article, on comprend que le CDH a besoin de "clarifier complètement (sa) philosophie et (sa) position". Il faut dire que ça se bouscule au centre. Des partis qui s'affirment de gauche ou de droite s'y sont solidement installés, essayant de plaire à tout le monde, d'attirer un maximum d'électeurs. C'est simple: il suffit d'être d'accord avec chacun d'entre eux. Quitte à assumer les contradictions les plus inconfortables. A faire le grand écart, même si ça fait mal. Même si on a du mal à se relever parfois. On ne peut pas plaire à tout le monde. Et pourtant, ils sont nombreux à essayer, à tout faire pour séduire. En arguments et en attitudes.
Ces derniers jours, se succèdent les mêmes images sans parole: les négociateurs, qui tentent de trouver un accord pour la formation du gouvernement, sortent au compte-goutte du Parlement et se dirigent sans commentaire vers leur voiture. C'est toujours un plaisir de voir sortir Laurette Onkelinx qui, chaque fois, dès qu'elle aperçoit un journaliste - mieux: une caméra - dégaine son sourire de crémière (1). Quel bonheur de la voir aussi radieuse. Elle friserait presque l'hilarité.
"Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode qu'affectent la plupart de vos gens à la mode et je ne hais rien tant que les contorsions de tous ces grands faiseurs de protestation, ces affables donneurs d'embrassades frivoles, ces obligeants diseurs d'inutiles paroles". Ces propos du Misanthrope de Molière n'ont pas pris une ride en quatre cents quarante-six ans.


(1) je suis injuste: la crémière dont je suis un fidèle client a un vrai beau sourire naturel.

vendredi 26 août 2011

De l'objectivité des chiffres

Après que Karel De Gucht se soit demandé s'il n'y avait pas trop d'allocations pour handicap accordées en Belgique, voici - dans la série "stigmatisons, il en restera toujours quelque chose" - qu'une sénatrice NVA affirme qu'il y a "50 % de personnes handicapées en plus en Wallonie qu'en Flandre", ce qui indique, toujours selon elle, que "les médecins accordent plus facilement le statut d'invalide au sud du pays" et que "l'on trouve plus facilement le chemin de la sécurité sociale en Wallonie. " "Un fait objectif", d'après elle. Jean-Marc Delizée, secrétaire d'Etat aux Affaires sociales, chargé des personnes handicapées, s'est empressé de démonter ses chiffres et son analyse scandaleuse. La NVA ne cesse de tronquer les chiffres pour leur faire dire ce qu'elle veut. A savoir que les Wallons sont des profiteurs, qui coûtent cher à l'Etat. Et donc à la Flandre.
Personnellement, je me demande s'il n'y a pas trop de populistes en Flandre et trop d'imbéciles (*) dans les rangs nationalistes. Je crains que ces excès nuisent à l'intelligence collective. Mais, honnêtement, je n'ai pas de chiffres.

(*) le terme politiquement correct devrait être "personnes à capacité de réflexion réduite"

mardi 23 août 2011

Célérité de l'Histoire

L'Histoire va trop vite. Certains n'arrivent pas à la suivre. Parfois, ils ne sont pas encore au bout de leur mandat que déjà elle les rattrape.
En 2004, c'est-à-dire il y a peu, Mouammar Kadhafi était reçu à Bruxelles, par Romano Prodi alors Président du Conseil européen, par Guy Verhofstadt, Premier Ministre belge, par Herman De Croo, Président de la Chambre (la vidéo de promotion de la Chambre en témoignait encore récemment (1) - peut-être en témoigne-t-elle encore cette heure?), par des hommes d'affaires. Le terroriste numéro un s'était assagi, disait-on. Il s'était racheté une conduite. Il était à nouveau fréquentable. On pouvait faire des affaires avec lui. Il n'y avait donc pas de raison que d'autres en face à notre place.
Fin 2007, c'était avant-hier, le tout frais émoulu président français Sarkozy recevait le leader libyen. Celui-ci planta sa tente dans les jardins de l'Elysée et multiplia les parades et les caprices: balade en bateau sur la Seine, visite du Louvre et du château de Versailles, chasse en forêt de Rambouillet (2). Sarko en fut humilié.
Juin 2009, c'était hier, le Premier wallon, Rudy Demotte, décidait "dans la sérénité", au lendemain des élections régionales, d'accorder à la Fabrique Nationale d'armes de Herstal une licence de vente d'armes à l'armée libyenne (3).
Et voilà qu'aujourd'hui, le partenaire d'hier est jeté comme un malpropre, pire poursuivi comme un assassin, par sa propre population. Lui qui en était le guide suprême. On voit par là qu'il ne faut espérer aucune gratitude et qu'il convient de se laver les mains plusieurs fois.

(1) voir le Vif, 12 août 2011
(2) lire ou relire à ce propos ce qu'en dit Patrick Rambaud dans "Deuxième chronique du règne de Nicolas Ier". Un extrait, pour le plaisir: " Dès lors, Mouammar se consacra au désordre, il figura le Mal, ses manières piquaient insultaient même, et il devint aussi fin à nuire qu'à se faire des ennemis; son commerce sembla insupportable par son autorité brutale, ses humeurs, sa malice, avec un air de supériorité qui faisait vomir et révoltait en même temps.
Le sobriquet de Cruel était justifié par ses actes." (p. 14)
(3) voir sur ce blog le billet "Wallonie, terre d'écueil" du 19 février 2011

lundi 22 août 2011

Il y a citoyens et citoyens

Il y a des citoyens vigilants qui surveillent leur quartier et se méfient de (ce) qui n'est pas ordinaire (voir le billet précédent). Il en est d'autres, tout aussi vigilants par rapport à ce qui se passe dans leur environnement. Mais ceux-là, les autorités les apprécient moins. Charlie Hebdo (3 août 2011) nous apprend que 150 chasseurs alpins italiens ont été dépêchés dans le val de Suse, en appui à la police. C'est que Roberto Maroni, le ministre italien de l'Intérieur, considère comme des "professionnels de la violence" les citoyens qui tiennent un piquet d'occupation à Chiomonte pour s'opposer au forage d'un tunnel sur la ligne TGV Turin-Lyon. Un projet décidé à Bruxelles, sans consultation des habitants, écrit Paul Klein. Ceux-ci considèrent que la nouvelle ligne est inutile (la ligne actuelle n'est qu'à un tiers de sa capacité), coûteuse et nuisible pour la santé et l'environnement. Soixante-cinq militants ont déjà été arrêtés pour "résistance à un représentant de l'Etat" et fin juin la police a donné l'assaut avec "une violence inouïe".
"Aujourd'hui, poursuit Paul Klein, du point de vue de la classe politique européenne, être citoyen n'est plus une activité liée à un territoire. Ce n'est d'ailleurs même plus une activité. Les habitants du val de Suse n'ont pas eu plus leur mot à dire sur la terre où ils vivent que les troupeaux qui y paissent." Le journaliste de Charlie parle ainsi de dédémocratisation de nos sociétés. Et ce sont ces mêmes Berlusconi et consorts qui entendent donner des leçons de démocratie aux dictateurs africains et réformer leurs propres lois pour se protéger et échapper à la justice. On voit par là que la démocratie reste un combat permanent. Et dangereux pour certains citoyens.

vendredi 19 août 2011

Big brother is stealing you

Les Réseaux d'Information de Quartier sont à la mode, paraît-il. En France, on parle de "voisins vigilants". Chez nous, on en compterait quelque vingt-cinq côté wallon et dix fois plus en Flandre. Le principe: les habitants du quartier relèvent tout ce qui leur apparaît anormal, tout ce qui sort de l'ordinaire et préviennent aussitôt la police. Le problème est évidemment de savoir ce qui peut être qualifié d'anormal, ce qui sort de l'ordinaire. Un jeune qui vient à mobylette rencontrer un de ses copains qui habite le quartier; un punk ou un baba cool qui passe par là, ou un africain, un asiatique, ou pire encore: un rom; un travailleur qui stationne sa voiture dans le quartier pour partir en covoiturage; voilà, on l'imagine, autant de motifs d'inquiétude. L'ado qui fait le mur pour sortir de chez lui ou pour y rentrer ensuite risque fort d'être dénoncé auprès de ses parents par ces si gentils voisins vigilants. Bref, le quartier est sous contrôle et "normé": les voisins vigilants doivent induire, on l'imagine, un mode de vie standard, une même vision de qui est étrange ou étranger. Le quartier doit se refermer sur lui-même. Une sociologue flamande a étudié la composition des ces Réseaux: 40% de leurs membres votent pour l'extrême-droite (2).
La délinquance, paradoxalement, est extrêmement faible dans les communes qui ont adopté le système, écrit Elodie Emery dans Marianne (1). Elle cite un policier de Loriol dans la Drôme qui estime que "les voisins vigilants agissent surtout sur le sentiment d'insécurité; ça rassure...".
Je pense à cette amie qui vit dans le sud de la France: en son absence, elle avait confié les clés de sa maison à sa voisine. A son retour, elle avait constaté qu'elle avait été victime d'un cambriolage. D'après les gendarmes, celui-ci n'a pu être commis que par quelqu'un qui disposait des clés...La vigilance des voisins a dû se relâcher à leur propre égard (ou égarement).

(1) 6 août 2011
(2) JT RTBF 17.08.2011

jeudi 18 août 2011

L'homme qui croit aux fantômes

Ainsi donc, il serait tout à fait logique et acceptable que des fantômes puissent se promener dans nos rues, malgré des lois qui, pour des raisons de sécurité publique, oblige chacun à être reconnaissable. C'est ce que considère un candidat aux élections présidentielles françaises, en mal de notoriété. Le chevalier blanc Rachid Nekkaz pense que l'argent peut tout acheter, y compris celui de circuler dans la rue de manière totalement anonyme. L'homme d'affaires français a payé hier à Bruxelles les amendes infligées à deux jeunes filles qui circulaient en niqab. Elles ont seize et dix-sept ans. Un âge où on se cherche, où on est souvent mal dans sa peau, où on n'ose s'affirmer. On peut difficilement penser que le port du niqab va les aider à grandir, à affronter la vie. Mais Nekkaz considère que c'est leur droit, qu'il faut interdire le voile intégral dans tous les lieux publics et les magasins, mais pas dans la rue, "espace de liberté partagé". Etrange conception de la notion de lieux publics. La rue n'en est-elle pas un par excellence? Celui où tout le monde se croise, se salue, peut échanger... Etrange conception du partage: les unes se cachent tout en regardant les autres qui ne peuvent les voir. Le niqab est le symbole de l'anti-communication.
L'homme qui croit aux fantômes mène ainsi une croisade contre la communication. Etrange positionnement pour un candidat à la présidentielle. L'obscurantisme et l'enfermement au nom de la liberté d'expression. C'était notre rubrique "l'avenir, on peut y arriver en marche arrière".