mardi 28 février 2012

Saigneur et maîtres

Nicolas Sarkozy ne sait plus s'arrêter. Depuis 2007, 66.000 postes d'enseignants ont été supprimés en France. Juste avant Noël 2011, le Ministère de l'Education en annonçait 14.000 de plus. Entendez: de moins en plus (1). Aujourd'hui, le président candidat a annoncé son projet en matière d'éducation. Il prévoit encore des suppressions d'emplois. Mais qu'on se rassure: les enseignants restants seront mieux payés. Vingt-cinq pour cent de plus. Pour cela, ils devront aussi travailler plus. On n'a rien sans rien. Il faut mériter la chance de garder son job. Ils devront prester en classe 26 heures par semaine plutôt que 18 actuellement (2). Si on considère qu'une heure de cours nécessite une autre heure en préparation et/ou en correction, on peut estimer que les enseignants français travailleront désormais 52 heures par semaine. Ce doit être ce qu'on appelle le progrès. Le président pense que tout s'achète, se consomme, se jette. Il pense que tout le monde est comme lui, que tout le monde ne rêve que de gagner plus d'argent, que chaque enseignant pourra enfin se payer une Rolex. Au-delà de cela, il ne pense pas. Il ne pense pas que l'enseignement joue un rôle fondamental dans l'éducation des jeunes, qu'il est porteur de valeurs et de sens. Ceci dit, le président sortant veut créer de l'emploi. C'est d'ailleurs sa priorité. On peut être rassuré.
Il veut aussi plus de notes éliminatoires au bac, dit-il. Le président aime l'élite. Et tous ceux qui citeront la Princese de Clèves seront en échec. Le président est décidément surprenant. C'est ce qui fait son charme. Il devrait cependant se méfier des notes éliminatoires. Personne ne peut jurer qu'il en est à l'abri.

(1) http://www.lemonde.fr/education/article/2011/12/17/ecole-la-carte-des-14-000-postes-supprimes_1620042_1473685.html
(2) JT de France 2, 28 février 2012

lundi 27 février 2012

Difficultés de la filiation

Le Front National français s'est dédiabolisé, et même banalisé. Il faut mettre cette phrase au conditionnel. Ou au futur espéré. C'était le projet de sa présidente, Madame Fille. Elle voulait mettre une distance avec celui qui est son père mais dont elle est si fière d'être la digne (?) héritière. Visiblement, on n'échappe pas si facilement à son père et aux fondamentaux de son parti. Autour d'elle, les militants se lâchent bien plus qu'elle.
"Vive Marine, vive la France, mort aux rats!" (1), écrit l'une d'entre eux, Sophie Doutch, candidate du FN aux législatives de juin prochain." A une femme d'origine arabe, elle déclare ceci: "On te parle pas parce que t'es conne et ça risque de t'instruire déjà enlève ta cape à moins qu'avec ça tu t'envoles plus vite dans ton pays, maintenant dégages!!!". On voit par là qu'il ne suffit pas d'être français pour maîtriser la langue française. C'est une première leçon qu'on peut retirer. Parlant d'Eva Joly, elle dit: "Ho la sale gueule". Une deuxième leçon, c'est que le niveau du débat est proche de zéro. En dessous de zéro, s'il fallait le préciser.
Marine Le Pen veut éviter toute attitude raciste. Elle se retient donc. Se bride. Ce qui la fait souffrir. "Si je dis que l'islam n'est pas fréquentable et que c'est la pire des choses, les Français me traiteront de raciste et ne voteront pas pour moi. Donc, je fais en sorte de les flatter. En attendant, le Front ne rentre pas dans le lard de l'islam, et moi ça s'emmerde." Voilà ce qu'est capable de déclarer Le Pen fille, selon la journaliste Claire Checcaglini qui s'est infiltrée au F.N. et en témoigne dans un livre (2).
Philippe Chevrier, compagnon de la vice-présidente du FN, Marie-Christine Arnautu, donne, lui, libre cours à ses fantasmes: "quand est-ce qu'on se l'emmène la Fourest? On la met à poil, on l'attache à un arbre, on se la prend, on met des cagoules, on va à la forêt de Rambouillet et on la laisse" (3). On voit par là que Caroline Fourest dérange autant l'extrême droite que les islamo-gauchistes et que si le Front National veut un jour changer de nom, il peut très pertinemment se rebaptiser Ku Klux Klan.
Tout ceci n'empêche pas Marine Le Pen d'être invitée par une presse audiovisuelle plus soucieuse d'audience que de démocratie et d'éthique. "Entre janvier et mai 2011, le FN est intervenu 716 fois dans les journaux de France 3 (nationaux ou régionaux). Par comparaison, en 2006, Nicolas Sarkozy était passé 538 fois à la télévision, toutes chaînes confondues! Sur un an!" C'est Jean-François Téaldi, ancien secrétaire général du syndicat SNJ-CGT de France Télévisions qui s'indigne de ces chiffres (4). "Il savent que je fais de l'audience", se réjouit Madame Fille.
Madame Fille, loin de France, peut enfin se laisser aller - il faut bien vivre normalement de temps en temps: "Marine Le Pen a été invitée le 27 janvier dernier à un bal. Un bal en Autriche. Un bal en Autriche organisé par une corporation d'extrême droite qui n'accepte pas de Juifs dans ses rangs. Un bal en Autriche organisé par une corporation d'extrême droite qui n'accepte pas de Juifs dans ses rangs et qui avait lieu le jour commémorant la libération du camp d'Auschwitz. Rien d'extraordinaire donc. " (5). Elle y est allée à "ce bal pour nostalgiques du IIIe Reich" (4). Elle ne voit pas où est le problème. Son père non plus: Jean-Marie Le Pen, parlant de ce bal, a déclaré qu'il s'agissait juste de "Strauss sans Khan". Comprenez: de la musique de valse sans Juifs. C'est ça l'humour à papa. "C'est une plaisanterie, un trait d'humour", a déclaré Marine qui veut tellement prendre ses distances avec son père.
Pendant ce temps-là, beaucoup d'électeurs français, aidés par une presse complaisante qui aime cette bonne cliente, pensent que Marine Le Pen et le Front National ne sont pas le diable. Juste une candidate bien plus anti-système que le président sortant (et bientôt sorti?). Ces électeurs-là feraient bien d'admettre que Marine est bien la fille de son père.

(1) "L'oeil du cyclone", in LLB, 25 février 2012
(2) "Bienvenue au Front National - Journal d'une infiltrée" - éditions Jacob-Duvernet (cité dans LLB, 24 février 2012
(3) "Le FN sans cagoule", sur carolinefourest.wordpresse.com - 22 février 2012
(4) in Télérama, 15 février 2012: "Comment monter au Front?"
(5) Charb, "Le FN, gross rigolade!", in Charlie Hebdo, 8 février 2012

dimanche 26 février 2012

Tournée des Enfoirés

La Foire du Livre ouvrira bientôt ses portes à Bruxelles. Des publicités dans la presse nous l'annonce. Nous pourrons y rencontrer Antoine De Caunes, Jean-Pierre Coffe, Stéphane Bern, Dani Klein, B.J. Scott, Philippe Manoeuvre, Stéphan Eicher, Gérald Wathelet, Marc Ysaye, Annie Duperey, Marianne Faithfull. Perdus parmi eux, ici ou là, quelques écrivains sont annoncés. On s'inquiétait. Il y aura Sorj Chalandon, Emmanuel Carrère, Tom Lanoye, Amélie Nothomb et quelques autres aussi.
La Foire du Livre porte bien la première moitié de son nom. Et peut-être aussi la deuxième. On craint que le singulier ne soit justifié.
On se contentera de se rendre chez ses chères libraires habituelles: on y trouve des livres. Et dans ces livres on rencontre des écrivains.

jeudi 16 février 2012

Candidat des candides

Nicolas Sarkozy est décidément un homme étonnant. On est forcé de le reconnaître. Voilà qu'il se présente comme le candidat anti-système, le candidat anti-élite. L'homme du bling-bling, des Rolex, des yachts, du Fouquet's, le président de l'argent, l'homme qui transpire la suffisance, qui cire les bottes du capitalisme chaque matin (avant de les enfiler) va donc tenter de faire croire à ce peuple français qu'il aime tant et qu'il est si content de retrouver (il l'avait donc perdu, reconnaît-il implicitement) qu'il en fait partie. Lui qui n'a pour amis que des patrons de grands groupes industriels et de grands groupes de presse. Mais de quel peuple français fait-il partie ? On se le demande. Celui qui craint les fins de mois ou celui qui ne sait choisir entre des vacances dans la maison familiale de la Pointe Nègre ou dans le ranch d'un ami au Texas?
Le JT de France 2 nous montre le dernier candidat en date fendant la foule de ses supporters dans un meeting à Annecy. Les images sont de l'UMP, nous précise-t-on. Si elles ne sont pas de la rédaction de France 2, c'est que la presse n'était pas la bienvenue, en conclut-on. Depuis quand les JT sont-ils autorisés à diffuser des images publicitaires?
On découvre l'affiche de campagne du candidat Sarkozy, "avec un léger sourire", nous dit David Pujadas. Mais peut-être faudrait-il dire "l'Egée sourire".
(lire http://tempsreel.nouvelobs.com/presidentielle-la-bataille-du-web/20120216.OBS1568/la-photo-de-l-affiche-de-campagne-de-sarkozy-prise-en-grece.html)
Et voir aussi
http://www.liberation.fr/politiques/11011855-la-france-forte-dechainement-de-parodies#s12

mercredi 15 février 2012

Echos de campagne

Marine a de la peine. La pauvre a une grande crainte: celle de ne pas réunir ses cinq cents signatures de maires pour pouvoir se présenter aux élections présidentielles. Mais où est la démocratie?, demande-t-elle. C'est la démocratie, lui rétorque-t-on. Chaque élu local a le droit de choisir (ou de refuser de choisir) qui il soutient. Elle a toujours rencontré certaines difficultés à comprendre comment fonctionne la démocratie. Il est vrai qu'elle est compliquée à comprendre. La Démocratie. Pas la Le Pen. Elle, on la comprend facilement. Elle utilise les techniques de papa. Se faire plaindre, se poser en victime. La télé court derrière elle et ses affidés qui chassent les signatures comme ils chasseraient la palombe. Mais qui a envie de voter pour une victime pleurnichante et menaçante?

François Hollande, lui, a été clair. Il n'a qu'un et un seul adversaire: la finance. C'est ce qu'il a déclaré dans son discours français. Dans son discours anglais, il est plus nuancé: au Guardian, il rappelle que la gauche au pouvoir en France durant quinze ans a toujours respecté la logique de marché. Que le marché ne doit pas s'inquiéter. Qu'il est gentil, lui, Hollande, pas le marché. Enfin, oui, si, qu'on ne se méprenne pas, le marché n'est pas méchant. Qu'il doit juste être un petit peu régulé. Si ça ne le dérange pas trop. On pense à Lionel Jospin qui déclarait qu'il ne tenait pas un discours de gauche. Juste un discours de rassembleur. Mais rassembler le vent n'est pas une sinécure.

En Belgique, les politologues, les journalistes ne cessent de nous convaincre que, depuis des temps immémoriaux, nous sommes plus, beaucoup plus, passionnés par la politique française que par la politique belge. On comprend pourquoi. D'un côté, on entend des pleurnicheries, de l'autre, on entend dire "ne me faites pas dire ce que j'ai dit". Motivant et passionnant en effet. Et puis, on apprend aussi qu'aujourd'hui sera un grand jour: le non candidat ne le sera plus. Magnifique. Tout arrive.

mardi 14 février 2012

Blood, sweat and tears

Les Grecs ne s'énervent pas, ils sont fâchés. Et on les comprend: leur gouvernement a, notamment, décidé de diminuer de 22% le salaire minimum. Un jeune vendeur à Athènes gagne 500 euros à temps plein. S'il faut trouver plus d'argent, faut-il inévitablement s'en prendre aux plus démunis? Ne faudrait-il pas plutôt diminuer de 22%, de 42% ou même de 62 ou 82% les salaires maxima? On ne sait combien gagnent les patrons grecs, les hauts fonctionnaires, les gros actionnaires, on ne sait quel est le pourcentage d'impôts payés par les entreprises grecques, mais on se doute qu'il y a dans ces poches-là des opportunités qu'il conviendrait de saisir.
Oncle Bernard (1) rappelle qu'en France le PDG de Renault, Carlos Ghosn, "se pavane avec ses 9 millions d'euros de salaire par an pour raconter qu'il faut délocaliser et fabriquer hors de France".
En Belgique, on apprend que le futur ex-directeur d'Intradel (intercommunale de gestion des déchets en région liégeoise) continuera à assurer, quatre demi-journées par semaine, une mission de consultance pour son ancien employeur. Qui lui paiera, pour ce faire, un peu plus de 8500 euros bruts par mois (2). Qui, suppose-t-on, s'ajouteront à sa pension de retraite que l'on ne parvient pas à imaginer comme une pension de survie.
Le groupe pétrolier Total a vu ses bénéfices progresser de 16% en 2011. Pour atteindre le joli niveau de 12,27 milliards d'euros. L'ex-ministre français de l'Industrie, Christian Estrosi (UMP) qui n'a pas le profil d'un gauchiste, regrette que Total "ne paie en France que 2,5% d'impôts sur les sociétés", quand des PME "paient plus de 30% d'impôts sur leur bénéfice" (3). Mais le patron de Total, Christophe de Margerie, trouve que "les profits, c'est super!" (4).
En Belgique, le PTB n'arrête pas de dénoncer, preuves à l'appui, l'absence d'impôt (ou leur insignifiance) payé par de grands groupes industriels, grâce notamment aux intérêts notionnels. Même la CREG (la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz) s'étonne que le secteur nucléaire ne paie une rente que de 250 millions d'euros.
L'Union européenne impose l'équilibre financier à ses Etats membres. Elle a pourtant en main une série de clés qui éviteraient à ces mêmes Etats de saigner leurs populations les plus faibles et de désinvestir des services publics. Il suffirait que l'Union européenne décide de mettre fin à l'existence de paradis fiscaux en son propre sein. En 2008, les Etats - les européens, comme les autres - ont couru au secours des banques sans exiger de contre-partie. "Les banques étaient à genoux, ils (les Etats) auraient pu tout exiger d'elles", estime le député euro-vert Pascal Canfin (5), "qu'elles sortent des paradis fiscaux, etc. Ils n'ont rien fait parce que Monaco est un paradis fiscal adossé à la France; le Lichtenstein à l'Allemagne; l'Etat du Delaware aux Etats-Unis; Macao à la Chine...". Il constate qu'aujourd'hui "des banques françaises vendent des CDS (6), donc de la protection, sur le risque de faillite de la France, qui entraînerait leur propre faillite, puisqu'ils détiennent massivement des obligations d'Etat! C'est délirant. Mais, en attendant, ils récupèrent du cash... des profits, des bonus." Le fondateur de Finance Watch appelle la France (ndlr: et pourquoi pas? l'ensemble des pays de l'Union européenne) à prendre la même mesure que les Etats-Unis: désormais toute banque dans le monde qui ouvrira un compte à un citoyen américain devra le signaler à l'administration fiscale américaine qui pourra alors taxer cet argent au même taux qu'il le serait aux Etats-Unis. "Le manque à gagner de l'Etat français, évalué par la Cour des Comptes, lié à l'évasion de l'argent dans les paradis fiscaux, est de trente milliards d'euros, soit plus de quarante fois la fraude aux allocations familiales", rappelle Pascal Canfin.
En Belgique, le gouvernement se préparerait à une nouvelle D.L.U., une déclaration libératoire unique, appellation pudique pour "amnistie fiscale". La première, vers 2003-2004, était déjà unique. Deux fois unique, ça commence à faire beaucoup.
Et le tout ensemble, ça commence à faire trop.
Résumons-nous: pour certains, la vie est faite de sang, de sueur et de larmes. Pour d'autres, elle est faites de cadeaux, de champagne et de mépris. Et certains de s'étonner, la main sur le cœur, de la violence de la réaction de la rue. Qui sont les pires casseurs? Ceux qui expriment leur colère en mettant le feu aux symboles du capitalisme (et aussi, c'est nettement plus stupide et totalement improductif, à des bâtiments du patrimoine) ou ceux qui cassent les modèles sociaux et, du haut de leur suffisance et de leur aveuglement, n'ont plus aucun respect pour ceux qu'ils "laissent pour compte"?

(1) Charlie Hebdo, 1er février 2012
(2) Le Vif, 10 février
(3) LLB, 11 février
(4) LLB, 19 janvier 2012
(5) Télérama, 25 janvier 2012
(6) les cds: des produits financiers toxiques qui permettent de spéculer contre les Etats, des contrats d'assurance sur des actions ou des obligations, pour se prémunir des risques d'impayés. On peut s'assurer contre le risque de faillite d'un Etat alors qu'on n'en détient aucune obligation (contrat dit "à nu").
A lire: Pascal Canfin, "Ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire" (éd. Les Petits Matins)

lundi 13 février 2012

Consommations nationalistes

"Il faut acheter français." Et l'économie française sera sauvée. C'est ce que dit le Front National, jamais à court d'un slogan simple, voire simpliste. Le FN a des solutions à tout. François Bayrou, l'incarnation du bon sens paysan, reprend la même idée. Entre le slogan et son application, il y a cependant un fossé.
Le Français qui veut acheter une automobile, doit-il choisir une Renault? Voiture qui sera désormais fabriquée au Maroc et qui l'est déjà en Roumanie et ailleurs. Ou alors une Toyota, voiture japonaise fabriquée près de Valenciennes? Entre l'emploi et la marque, il faut choisir.
François Bayrou, qui habite Pau, doit-il acheter des légumes du Nord - Pas de Calais, qui feront mille kilomètres pour lui parvenir, plutôt que des produits d'Aragon, à deux pas de chez lui, de l'autre côté de la frontière espagnole? Si on prend en compte le critère écologique, on voit où est la solution.
Patrick Pelloux, médecin urgentiste, imagine que dans son service seuls seraient utilisés des produits français (1). Seuls l'ambulance et les draps seraient fabriqués en France. Le matelas est espagnol, la couverture de survie chinoise, le matériel et les produits de perfusion sont respectivement américain et allemands, les écrans de contrôle sont japonais. Si seul du matériel français était utilisé aux urgences, les morts y seraient nombreux.
On voit par là qu'il faut se méfier du bon sens. Il n'est pas aussi bon qu'il tend à le faire croire.

(1) Charlie Hebdo, 8 février 2012

dimanche 12 février 2012

Ingratitude corse

La neige est tombée en abondance sur la Corse. Elle ne se gêne pas. Elle empêche les vacanciers de rentrer chez eux. L'aéroport est bloqué. Est-ce ainsi qu'on accueille les touristes? "Je viens ici en vacances pour rendre service à la Corse. Alors, ça suffit!", s'exclame l'une d'entre eux face à l'employée de l'aéroport qui appelle les voyageurs à la patience (1). On voit par là que la neige cultive l'art de se rendre insupportable et d'assombrir la fin de vacances caritatives.

(1) JT France 2, 11 février 2012

samedi 11 février 2012

Le noir manteau de l'hiver

L'hiver sert de révélateur. Qui savait qu'autant de Belges vivaient dans des conditions aussi précaires? L'opération "Hiver 2012", lancée par la RTBF (avec, hélas parfois, des sujets aussi misérabilistes que moralisateurs), aura permis de découvrir - si on l'ignorait - qu'ils sont de plus en plus nombreux celles et ceux qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts. En particulier celui du mois qui n'en finit pas de se terminer et celui du suivant qu'on attend impatiemment. Il y a les "sans logis". Et il y a aussi les "avec logis", mais non chauffé ou inchauffable, ou les deux.
On est sidéré de constater qu'en 2012, presque quarante ans après la première crise pétrolière, tant de maisons, tant de logements sociaux, tant d'écoles ne sont pas isolés, sont équipés de simples vitrages, sont chauffés au mazout (parfois avec des chaudières du paléolithique) dont on sait depuis une éternité que les cours ne cessent et ne cesseront de s'envoler.
A qui la faute? Aux pouvoirs publics, d'une part, qui n'ont sans doute pas suffisamment investis et permis d'investir dans l'isolation et d'autres moyens de chauffage. Aux propriétaires, d'autre part. Il y a les propriétaires qui se contentent d'encaisser des loyers (parfois pour des logements qu'il serait plus indiqué de qualifier d'abris) sans investir un centime en confort et en économies d'énergie. Les conditions climatiques actuelles font apparaître les négriers du sommeil. Et il y a les propriétaires qui habitent leur propre maison. La société de consommation qui est la nôtre, et qui montre chaque jour un peu plus son absurdité, nous pousse à nous procurer toujours plus d'appareils informatiques, de téléphones portables, de home-cinémas, d'appareils électro-ménagers. Plutôt que de nous inciter à investir dans l'absence de pertes énergétiques. Et donc dans la lutte contre le gaspillage et dans l'économie.
En 1973, lors de la première crise du pétrole, les autorités nous avaient imposé les "dimanches sans voiture". On en garde un souvenir réjoui. Quel gouvernement oserait aujourd'hui, où le problème de l'énergie est plus criant que jamais, prendre la même mesure? Plutôt des dimanches sans voiture, des dimanches sans foot sur pelouse chauffée, des dimanches sans piscine tropicale surchauffée que des semaines sans chauffage. Il suffirait de cinq minutes de courage politique. Mais la croissance mène la danse. La croissance du gaspillage, la croissance de la consommation de tout et n'importe quoi, la croissance de l'absurdité, la croissance du mépris pour des situations sociales inacceptables. Mais bien réelles.

jeudi 9 février 2012

Le blues de la pelouse

Froide réflexion qu'un ami souhaite partager.


Bonjour.
Pour rappel, il a gelé à -15° la nuit dernière...

RTBf Radio - La Première ce mercredi 17h23 : dans la région de Charleroi, un particulier a accueilli chez lui un sans-abri et déclare vouloir ainsi donner un sens à sa vie.
RTBf Radio - La Première ce mercredi 17h24 : le journaliste de service nous rassure : le match de foot prévu ce soir à Courtrai pourra bien avoir lieu car "la pelouse de ce club est équipée d'un système de chauffage !" (sic)

Cherchez l'erreur !

A diffuser largement si, comme moi, vous pensez... que nous vivons réellement une époque formidable.
Bonne soirée bien au chaud de vos chaumières... à l'écoute de la RTBf radio.

Jean-Claude Dewinte

mercredi 8 février 2012

Faiblesses d'esprit

La plupart des gens progressent vers le haut. Il en est, plus rarement, qui effectuent le trajet inverse. C'est le cas de Souhail Chichah. On ne peut que le regretter. On l'a rencontré il y a quinze ans. C'était ce qu'on peut qualifier d'esprit éclairé. Depuis, la lumière s'est éteinte. Il est passé du siècle des lumières à celui de l'obscurantisme. Quel triste chemin suit un esprit pour en arriver là? Aujourd'hui, pour exister, le voilà réduit à dénoncer les critiques contre la religion, plus précisément contre les dérives de l'islam. Pour cet assistant à l'ULB, la critique doit visiblement être évitée. Curieux positionnement pour un chercheur. La science, quelle qu'elle soit, peut-elle exister sans critique?
Hier soir, l'ULB recevait Caroline Fourest et Hervé Hasquin pour un débat sur l'extrême droite. "L'extrême droite est-elle ou non devenue fréquentable?", c'était là la question à débattre. Mais il n'y eut pas de débat. Les organisateurs de la "burqa pride", menée par Souhail Chichah, l'ont voulu ainsi. Dès le début de la soirée, ils se sont mis à chahuter, à huer, à faire du tapage, avec un seul objectif: empêcher toute prise de parole de Caroline Fourest accusée d'islamophobie. Pour ces censeurs, la critique de l'islamisme, cette utilisation de l'islam à des fins fascisantes, s'apparente à du racisme. On ne peut critiquer la religion. Surtout pas l'islam, cette religion des pauvres, des sans-grade de la planète *.
Face aux cris des censeurs, Hervé Hasquin invite ceux-ci à faire valoir leurs arguments. Le micro est donc ouvert à ceux qui veulent le fermer. Chichah se contente de saluer ses troupes. "Burqa blabla", scandent celles-ci. On voit par là la puissance de l'argumentation. Finalement, il se contente de dénoncer, vêtu d'une simili-burqa, "Bruxelles, ville islamophobe", sans plus d'explications. Ses partisans, dont plusieurs sont courageusement "voilés", l'acclament.
Le philosophe Guy Haarscher, qui mène les débats, condamne la censure et l'attitude de Souhail Chichah: "j'ai toujours considéré qu'il avait une burqa dans la tête", dit-il.
Le Cercle du Libre Examen et les associations d'étudiants de l'ULB dénoncent les méthodes fascisantes de ces censeurs et de leur leader, chercheur en économie à l'Université Libre de Bruxelles. La communauté de l'ULB se plaint de cette attaque contre la liberté d'expression. Souhail Chichah a autrefois marqué son soutien à Dieudonné, tombé dans les bras de Jean-Marie Le Pen. L'accusation d'islamophobie est le déguisement de fachos masqués.
Le débat n'a pas eu lieu hier, mais la réponse à la question est claire: c'est non, l'extrême droite n'est pas devenue fréquentable. A jouer les censeurs sans arguments, les anti-islamophobes s'amusent à créer l'islamophobie. Et ont choisi leur camp. Celui de la censure et de l'affrontement. Celui de l'extrême droite, bête et méchante.

* les nababs du pétrole, par exemple?

lire http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2012-02-08/l-ulb-denaturee-et-menacee-par-des-assassins-de-la-democratie-895845.php
Lire aussi sur ce blog "Faut-il enfiler une burqa pour parler de l'islamisme? (09.09.2010) et "Mauvaise foi" (15.11.2010)

Post-scriptum: lire le témoignage et l'analyse de Caroline Fourest sur
http://www.huffingtonpost.fr/caroline-fourest/
caroline-fourest-ulb_b_1267538.html#s681471

mardi 7 février 2012

Effets de gel

En cette saison, il arrive que la zapette gèle. Elle s'arrête sur une chaîne imprévue. Ainsi est-on tombé* par inadvertance sur TF1. On en reste confondu.
Hier, on a eu la chance de faire la connaissance d'un "artiste-cheveux" (sic). Comme tout artiste qui essaie d'en avoir l'air, il a la chevelure hirsute et la lunette noire. Histoire, sans doute, d'être reconnu pour son talent. La séquence s'intitule "Un instant d'émotion". Elle porte bien son nom. On est ému. Jusqu'aux larmes.
Ce soir, on découvre "Après le 20h, c'est Cantelourd". On se demande où est l'humour français, on invite Pierre Desproges à se réveiller. Un certain Nicolas Canteloup nous propose des imitations de niveau - 2, voire -3. Bref, un niveau parking. Là où on se perd, où on ne sait plus où on a garé sa voiture. Ou même son cerveau.
TF1 poursuit sur la voie que lui avait tracé son directeur de l'époque, Patrick Le Lay: rendre les cerveaux disponibles. A la pub. Et au Front National.
A ce propos, un moment de (petit) plaisir: celui de voir (au JT) Marine Le Pen sortir son sourire jaune devant l'accueil hostile qui lui a été réservé à l'île de la Réunion. Il y fait nettement plus chaud qu'ici, mais son sourire était aussi figé que notre zapette.

* on ne peut que tomber sur TF1, jamais monter


dimanche 5 février 2012

Une âme en peine

La Le Pen serait (on a bien dit "serait") à la traîne dans les sondages. Elle ne peut l'accepter. Elle se fait méprisante vis-à-vis des sondeurs. Elle est douée pour cela. "Le Peuple de France" (c'est ainsi qu'elle appelle ses supporteurs) ne saurait pour qui voter au deuxième tour des présidentielles si elle n'y était pas. C'est un scandale. Elle ne comprend pas bien le système à deux tours et la démocratie. Certaines notions lui échappent.
La Le Pen ressemble de plus en plus au Le Pen. C'est tout son papa. Le même discours putassier pour les uns, méprisant pour les autres. La même dégaine, mais avec une jupe et des cheveux blonds. Les mêmes propos simplistes, les mêmes harangues viriles. Mais il le faut: le Peuple de France aime les mecs, les vrais, ceux qui en ont. Et elle, elle en a. Peuple de Francs, il faut que tu le saches: Marine, ce n'est pas Jeanne d'Arc réincarnée, c'est Clovis.
On s'interroge: si les électeurs du FN constituent le Peuple de France, c'est que les électeurs des autres candidats n'appartiennent forcément pas à ce peuple. Bon sang, mais c'est bien sûr: 85% des électeurs français ne sont pas français, ce sont des étrangers, des agents du mondialisme.
Peuple de France, réveille-toi. Il est temps que tu te rendes compte qu'on te raconte n'importe quoi. "On" est un mec. Un vrai, qui en a. De la morgue et de la niaiserie à te vendre.

Effets de neige 2

Les automobilistes belges, français, italiens et autres sont-ils niaiseux *? La neige est annoncée. Ils prennent malgré tout leur voiture. Puis se plaignent que la neige les a bloqués. "Tout le monde était prévenu quand même!", s'exclame l'un d'entre eux. "Que font les services d'épandage?" Les automobilistes n'en veulent pas à la neige, elle est si jolie sur la campagne, dans les jardins, sur les toits, si excitante sur les pistes. Ils reprochent aux autorités et aux services publics de l'avoir laissé tomber sur les routes. La route est faite pour les voitures, pas pour la neige. L'automobiliste doit pouvoir rouler en voiture par tous les temps. Il a payé cher pour cela. Il a des droits que la neige n'a pas.

* niaiseux est un joli adjectif québécois qui dit bien ce qu'il veut dire

samedi 4 février 2012

Effets de neige

On ne se méfie jamais assez de la neige. Elle peut avoir des effets secondaires inattendus. Pour une séquence sur les problèmes que génère la neige en Brabant wallon (1), un cameraman filme le pilote d'un scooter qui a bien des difficultés à progresser. L'homme quitte son engin, y laisse son fils, s'approche du cameraman pour le frapper. Il menace également de coups le journaliste qui l'esquive de justesse, puis il repart. Comme il peut. C'est-à-dire difficilement. La neige le rend agressif. Il devrait éviter l'hiver.
Les SDF, eux, sourient, rient parfois, s'entraident, se remontent le moral les uns des autres (2). L'un d'eux dit que le froid le laisse indifférent. Il lui manque l'amour, tenir quelqu'un dans ses bras. On lui recommande d'éviter certains pilotes de scooter.
Ainsi va l'hiver.

(1) JT RTBF, 3 février 2012, 19h30
(2) JT France 2, 3 février 2012, 20h

jeudi 2 février 2012

MR comme Mort de Rire*

Les ambassadeurs - plus exactement délégués et conseillers - de ce qu'il est à présent convenu d'appeler, jusqu'à nouvel ordre (c'est le cas de le dire), Fédération Wallonie-Bruxelles devront désomais être recrutés sur concours. Pour éviter les nominations de copains. Il y aura des exceptions. On suppose qu'elles doivent confirmer la règle. Les exceptions stipulent que des Hauts Représentants (on appréciera les majuscules) pourront être désignés "en raison de circonstances spécifiques et liées à une situation politique et/ou géographique ou en raison de circonstances particulières liées au poste ou encore en raison de l'importance stratégique du poste liée à la politique gouvernementale (...) eu égard à la spécificité de postes ouverts et en raison des circonstances" (1). Bref, il y aura toujours des opportunités pour des copains. Rudy Demotte nous l'explique posément. En d'autres termes, il est vrai (2).
Le chef de groupe MR au Parlement wallon, Willy Borsus, vitupère: c'est inacceptable, dit-il, de laisser à la porte ouverte à des désignations partisanes. La RTBF rappelle les nominations de William Ancion et de Catherine Brahy (CDH) et celle de Jean-Pol Baras (PS). Et encore celle de Pierre Hazette qui fut Ministre de l'Enseignement secondaire de 1999 à 2004. Il est MR. Willy Borsus s'empresse de préciser qu'il ne s'en prend pas aux personnes, que c'est une question de principe. Cela va sans dire. Il ne faut jamais s'en prendre aux personnes. Tout comme il ne faut jamais laisser passer une occasion de se taire. Après, il est trop tard.

* ou Mine de Rien

(1) LLB, 2 février 2012
(2) JT de la RTBF, 2 février 2012

mercredi 1 février 2012

De la difficulté de changer le changement

Voilà plus de douze ans, pour ses partisans, Abdoulaye Wade représentait l'espoir de changement au Sénégal. "Sopi!", criaient les jeunes dans les rues. Ce qui signifie "changement" en ouolof. En mars 2000, Wade est devenu président de la république. Douze ans plus tard, l'incarnation du changement n'entend plus rien changer. Il y a un âge pour tout. A 85 ans, il termine son second mandat et a bien l'intention d'en effectuer, au moins, un de plus. Ce qui est contraire à la Constitution. Il s'accroche, mais plus personne ne veut de lui. On lui demande de partir. Et même de dégager. On voit par là qu'incarner le changement est une fonction très difficile. Tout comme d'incarner la révolution. Le Colonel Kadhafi en sait quelque chose. Du moins, l'a-t-il su, un moment.