dimanche 20 juillet 2014

Folie aveugle

A la fois assassine et suicidaire. On ne sait comment traiter autrement l'attitude de l'Etat israélien vis-à-vis de la population de Gaza.
L'objectif de l'opération menée par l'armée israélienne est clair, même si des fous furieux qui ont tué trois adolescents israéliens lui en ont offert une occasion qu'on n'oserait qualifier d'idéale: "nous avons été mandatés à l'échelon politique pour frapper durement le Hamas", a affirmé le porte-parole de l'armée le 8 juillet (1).
"Depuis le début ou presque, le gouvernement israélien savait que les garçons étaient morts. Et s'il a prétendu qu'il restait un espoir c'était un prétexte pour démanteler les cellules opérationnelles du Hamas en Cisjordanie", écrit Jonathan J. Goldberg (1). Qui affirme que le gouvernement de Netanyahou a voulu, dès le début, faire du Hamas le responsable de ce crime alors qu'il savait pertinemment qu'il s'agissait "d'un dérapage d'un clan familial d'Hebron affilié au Hamas".
La violence a évolué ensuite en spirale, le nombre de morts, y compris des enfants, étant actuellement multiplié par cent du côté palestinien.
C'est la loi du Talion appliquée jusqu'à l'excès, dans une violence démesurée. La loi du Talion, c'est celle de l'homme qui régresse de plus de deux mille ans. Mais ici, ce n'est même pas œil pour œil, c'est yeux pour œil, écrit Charb: "pour un œil, les deux yeux, pour une dent, toute la mâchoire" (2).

Des amis me relataient récemment leur voyage en Palestine, leur écœurement face à l'humiliation que les Israéliens font subir quotidiennement aux Palestiniens. Allant jusqu'à établir une politique d'apartheid stigmatisant la population palestinienne, comme les nazis l'ont fait avec les Juifs.
"Quand il n'y a pas de progrès vers la paix, une escalade de la violence s'ensuit automatiquement. La décision de Netanyahou de ne pas s'orienter vers la partition du pays l'a mené au bord d'une implosion politique qui l'empêchera de relever le défi de toute sa carrière: l'Iran", écrit le journaliste israélien Ari Shavit (3).
Les œillères israéliennes mènent les deux populations dans le mur. "Israël ne veut pas d'un Etat palestinien viable, avec un territoire et des frontières clairement définis, écrit Youssef Bazzi (4). Mais Israël ne veut pas non plus être l'Etat de tous ses habitants (y compris les Palestiniens). Il n'est ni capable de se séparer des Palestiniens ni de les englober. Son problème, c'est l'existence même des Palestiniens. Le seul fait qu'ils existent rend impossible la réalisation de l'Etat juif." Le journaliste libanais constate l'aveuglement de l'Etat palestinien, "prisonnier d'un projet non viable", son absence de volonté de recherche de solution, sa course dans une impasse. "Les Israéliens sont engagés dans une fuite en avant et se laissent aller au délire qui consiste à refuser tout à la fois la solution de deux Etats (israélien et palestinien côte à côte) et la solution d'un seul Etat pour les Juifs et les Arabes. Leur seule perspective, c'est toujours plus d'occupation et de spoliations. Israël a décidé de vivre dans la guerre permanente. De ne pas s'accorder la paix ni de donner leurs droits aux Palestiniens. (4)"

Cette spirale imbécile de la violence déborde fatalement partout. Dans les deux camps, là-bas comme ici, des attiseurs de haine appellent à casser, sinon, à tuer des Arabes ou des Juifs (4). La confusion entre Juifs et Israéliens, entre Palestiniens, Arabes et Musulmans fait l'affaire des va-t-en-guerre et des extrémistes de tous bords.

Aujourd'hui, l'armée israélienne a tué 87 personnes à Gaza.

Résumons-nous: l'homme, s'il n'est pas désespéré, est désespérant.

(1) "Une guerre dont personne ne voulait", Forward (New-York), 10.07.2014, in Le Courrier International, 17.07.2014. (note: Le Courrier International présente l'hebdomadaire Forward comme la "publication de référence de l'intelligentsia juive américaine".)
(2) "Le suicide d'Israël", Charlie Hebdo, 16 juillet 2014.
(3) "Tel-Aviv n'est plus une bulle", Ha'Aretz (Tel-Aviv), 10.07.2014, in Le Courrier International, 17.07.2014.
(3) "Israël n'est pas un Etat normal", Al-Mustaqbal (Beyrouth), 13.07.2014, in Le Courrier International, 17.07.2014.
(4) www.lesoir.be/6-52/article/actualite/belgique/2014-07-19/manifestation-pro-gaza-derape-bruxelles-photos

jeudi 10 juillet 2014

Coucou, roux, coucou

Le temps automnal que nous connaissons en ce début juillet ne doit pas nous amener à relâcher notre action dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il a des conséquences dramatiques. En voici une preuve de plus: d'après des généticiens écossais, d'ici quelques centaines d'années, si le réchauffement de la planète se poursuit, celle-ci pourrait bien ne plus compter aucun roux (1). Ce qui serait bien triste, la diversité humaine y perdrait des couleurs. Une, en tout cas. "Une belle tête, sous une perruque rousse, n'est autre chose que le Soleil au milieu de ses rayons; ou le Soleil lui-même n'est autre chose qu'un grand œil sous la perruque d'une rousse", écrivait Cyrano de Bergerac (2). 
On voit par là que pour le bien de la planète il faut à la fois lutter contre le réchauffement climatique et faire des enfants roux. 
Personnellement, ma conscience citoyenne m'a amené à agir des deux manières. 
"On reconnaît le rouquin aux cheveux du père et le requin aux dents de la mère", disait Pierre Desproges (2).

(1) http://www.lalibre.be/lifestyle/magazine/les-roux-une-espece-en-voie-de-disparition-53bbef4a357013fdc9c5edb1
(2) cité par Xavier Fauche in "Roux et rousses - un éclat très particulier", Gallimard Découvertes.

dimanche 6 juillet 2014

Boire et déboires

Le Français est chauvin, le Belge ne cesse de le dire. Lui ne l'est pas. Mais alors pas du tout, il en est convaincu. 
Quittant pour quelques jours la France, à la veille du match de foot opposant les Bleus à l'Allemagne, je n'y vois guère de drapeaux aux couleurs nationales arborés aux fenêtres. Arrivant en Belgique, à Tournai plus précisément, je n'y compte pas les centaines, les milliers de drapeaux affichés aux fenêtres et aux murs des maisons, accrochés aux voitures, à leurs rétroviseurs, les gens vêtus de rouge-jaune-noir. L'hystérie collective a gagné le pays. Les journaux ne parlent que de foot, que de cette équipe nationale qui enthousiasme le pays et ira, c'est sûr, jusqu'en finale. Si pas au-delà. Le monde a dû s'arrêter de tourner. La presse n'a plus ni espace ni temps pour aborder d'autres sujets. On voit par là que le Belge est un supporteur comme les autres, chauvin, nationaliste, sûr que son équipe est la meilleure.

Ce samedi à 18h, à l'heure de la rencontre opposant les équipes belge et argentine, je sors en ville. Elle n'est qu'une clameur.  Les supporteurs en retard se pressent vers la grand-place, où se donne la grand messe. Ailleurs, les rues sont vides, d'un calme inhabituel à cette heure. Derrière des fenêtres, on entend parfois les commentaires du journaliste de la RTBF, on devine des gens vêtus aux couleurs nationales. La police a mobilisé ses chevaux qui frappent le pavé de leurs sabots. Autour des poubelles s'entassent des canettes de Jupiler. Les rues sentent l'urine. Les homme savent pourquoi. Déjà, la rumeur de la foule s'est adoucie. La Belgique est menée au score. "A la chanson wallonne", à Saint-Piat, l'amertume a gagné les verres. Dans un café du quartier de Sainte Marguerite, Che Guevara ne parvient pas à motiver la petite dizaine de supporteurs qui regardent la télé d'un œil déçu: "hasta la victoria siempre", dit-il. On sait quel camp il soutient.
Aux terrasses des cafés, des supporteurs trop sensibles au stress, boivent une bière, loin des écrans. Au café "Le Paradis", on espère un miracle. Mais c'est Messi et non les Diables qui y fait la loi. La fête est finie. C'est trop injuste. On était pourtant les meilleurs. "Chuis trop zaraf", dit un jeune au bord des larmes. La pluie tombe drue, nettoyant les trottoirs et les coins de porte. Une écharpe aux couleurs belges dérive lentement sur l'Escaut.