vendredi 29 décembre 2017

Arroseur arrosé

Les indépendantistes sont-ils gens sensés? On s'est déjà posé la question (1). Elle reste entière. Les responsables politiques catalans qui plaident pour l'indépendance ne semblent pas avoir réfléchi auparavant aux conséquences de celle-ci. Pas plus que ne l'avaient fait les tenants du Brexit qui se sont empressés de démissionner au lendemain même d'une victoire que visiblement ils n'avaient pas imaginée (et sans doute pas vraiment souhaitée).
On apprend à présent que Carles Puigdemont envisage de présenter "à distance" sa candidature au poste de président de l'exécutif catalan qu'il avait gouverné jusqu'il y a peu. Réfugié à Bruxelles, il n'entendrait pas revenir pour l'instant à Barcelone, ce qui amène évidemment le premier ministre espagnol, Mario Rajoy, à trouver "absurde de prétendre être président d'une région en vivant à l'étranger et plus encore de prétendre exercer ses fonctions depuis l'étranger" (2).
Mais voilà que Puigdemont et les indépendantistes doivent faire face au projet de Tabarnia (3). Des anti-indépendantistes, pour démontrer, de manière parodique, l'absurdité d'une indépendance catalane, ont imaginé une nouvelle région formée des provinces de Tarragone et de Barcelone (d'où le nom), deux régions qui n'ont pas voté majoritairement pour l'indépendance, au contraire des zones rurales de Catalogne. "La Catalogne subventionnée vit aux crochets de la Tabarnia productive", affirment les partisans de cette dernière. La revendication qui se veut humoristique commence à être prise au sérieux et à faire grincer des dents. Au point qu'un eurodéputé indépendantiste en arrive à se réfugier derrière la Constitution espagnole. Cherchez la contradiction. Voilà l'arroseur arrosé.
Si les indépendantistes pratiquaient la dialectique, ou simplement la pédagogie du projet, ils auraient appris à envisager toutes les conséquences de leur projet et les réactions qu'il pouvait susciter. Mais visiblement leur ego les a dépassés et empêchés de réfléchir avant de lancer un référendum. Qui débouche sur un cul-de-sac. Une fois encore, la démocratie représentative électorale se retrouve mise en question.
Au-delà du cas catalan, on constate que ce sont, un peu partout, les régions rurales qui se tournent vers les populistes, les indépendantistes, les nationalistes, les anti-U.E., les anti-Etat central. Les villes sont visiblement plus ouvertes sur leur pays, sur l'Europe, sur le monde, sur le changement, quand les campagnes font le choix du repli.

(1) sur ce blog: "Indépendance cha-cha", 4 décembre 2017.
(2) http://www.lalibre.be/actu/international/rajoy-juge-absurde-que-puigdemont-pretende-gouverner-la-catalogne-de-l-etranger-5a46398acd70b09cef58865d
(3) http://www.lalibre.be/actu/international/espagne-barcelone-n-est-pas-la-catalogne-des-anti-independance-creent-la-region-fictive-de-tabarnia-5a453eaacd70b09cef542a7a

mercredi 27 décembre 2017

L'art de savoir se taire

A la place de Charline Van Hoenacker, je me serais tu. La journaliste humoriste intervenait dans la remise des trophées des Belges du bout du monde à la RTBF.  Elle s'est plainte d'avoir été coupée au montage, sûre d'avoir été censurée. Certaines blagues n'auraient pas plu, pense-t-elle, "parce qu'elles étrillent gentiment le ministre-président Rudy Demotte face à (elle) ". En fait de blagues, on a plutôt affaire à des propos assez convenus, qu'on pourrait même qualifier de poujadistes. "Je gagne du blé pour dire un paquet de conneries, avait-elle déclaré, et dans ce sens avec Monsieur Demotte on fait un peu le même métier". Autre propos coupé: "un con qui marche ira toujours plus loin qu'un politique qui reste assis" (1). Voilà toute l'affaire: des propos de café du commerce, des brèves de comptoir ni drôles, ni originales.
Dieu (c'est une expression!) sait que j'ai longtemps étrillé, ici et ailleurs, Rudy Ier, grand mamamouchi auto-proclamé de la Picarde Wallonie et que je pense qu'il a déjà dit un sacré paquet de conneries dans sa trop longue carrière politique. Mais voilà (tout arrive) que j'en viens à le défendre. Ou plutôt à défendre les politiques par rapport aux critiques populistes de certains humoristes sans humour.
Il y a quelques mois, Guillaume Meurice, un des comparses de Charline Van Hoenacker dans son émission "Si tu écoutes, j'annule tout", avait affirmé - on était au lendemain même de la formation du premier gouvernement de l'ère Macron - "en France, personne n'est attaqué parce qu'il est con, c'est même plutôt un avantage. Y a clairement une prime aux cons. Y a qu'à voir le gouvernement, il est paritaire à ce niveau-là: moitié de cons, moitié d'arrivistes, sans compter ceux qui cumulent les deux" (2). Une déclaration agressive et totalement gratuite qui participe au rejet des politiques, quels qu'ils soient. Allez hop, tous dans le même sac, même les nouveaux venus. 
Remplaçons "politique" par humoriste, par artiste, par boulanger, par magistrat, par pompier, par enseignant, par coiffeuse, par quelque profession que ce soit, et la réflexion sera toujours aussi simpliste. Voire stupide.
Les fous du roi doivent exister pour lui rappeler, comme le disait Montaigne, que "sur le plus beau trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul". Mais cette folie-là, qui implique une mise à distance, le fou doit aussi l'exercer par rapport à lui-même et surtout être capable d'humour et de propos qui feront d'autant plus mouche qu'ils seront subtils et acérés. A la place de Charline Van Hoenacker (qui peut pourtant parfois être drôle), j'aurais été content de voir disparaître au montage des saillies aussi faciles et rabâchées. J'aurais remercié le monteur de m'avoir évité le ridicule. Mais bon, comme il ne tue pas...

(1) http://www.lalibre.be/light/buzz-tele/charline-vanhoenacker-reproche-a-la-rtbf-d-avoir-coupe-deux-de-ses-blagues-au-montage-parce-qu-elles-etrillaient-rudy-demotte-5a415f18cd70b09cef4673e3
(2) "Si tu écoutes, j'annule tout", France Inter, 18.5.2017.

mercredi 20 décembre 2017

Un monde en gris

En ces temps où les faits de harcèlement sexuel et de viol sont enfin dénoncés et s'avèrent innombrables, où les femmes réclament plus que jamais respect et égalité, quel sens ont encore les concours de miss?
Les jeunes femmes qui préparaient le concours de Miss France étaient en stage en Indre durant une semaine ou deux. Où peut-on les voir?, demandait un journal régional qui s'empressait de répondre à sa propre question. Car ces jolies femmes, on peut les admirer comme on ne peut plus voir les animaux du cirque. Sur Facebook, un groupe dénonçait les critères de sélection des candidates: âge, taille minimale, poids maximal, etc. Ces jeunes femmes doivent être conformes à l'image idéale de la femme, telle que notre société l'a définie.
Lors d'éditions précédentes, des élues avaient été crucifiées par des commentaires sur Internet: certains faibles d'esprits  leur reprochaient leur couleur de peau. L'une avait le tort d'être guyanaise, d'autres d'avoir des origines rwandaise ou béninoise. Bref, Miss France n'était pas parfaitement blanche. Comme si la France l'était. Samedi dernier, le choix du jury s'est porté sur une miss rousse. Ce qui a déclenché d'autres attaques, de roussophobes cette fois. Car il est bien connu, depuis les temps préhistoriques, que le roux est une couleur inadmissible: les rousses sont des sorcières ou des prostituées, les roux sont laids et fourbes. Mais la jeune reine de France est aussi violemment attaquée pour propos "racistes". Son crime: avoir parlé de la crinière de lion de la Miss France précédente. Celle-ci aurait été blanche et blonde, voilà qui n'aurait assurément suscité aucune réaction, mais, même si elle semble assez blanche (on admettra que bien des couleurs de peau sont assez difficiles à définir, sauf par ceux qui veulent absolument vous mettre dans une case), elle est surtout guyanaise. La référence à la lionne est donc un cliché safarisant. Même l'hebdomadaire Marianne tombe dans le politiquement correct (1). Qui ressemblera de plus en plus à du politiquement muet. Ne pourra-t-on plus dire d'un joueur de foot ou d'un athlète qu'il court comme un zèbre, d'un candidat à un jeu qu'il a une mémoire d'éléphant, d'une mannequin qu'elle a une allure de féline?
Il faudrait, dans les écoles, ne plus enseigner le français, l'anglais, l'allemand ou le corse. Mais la langue de bois. On en profitera pour imposer l'usage de l'uniforme. Et, pourquoi pas?, de la burqa. Chacun sera prié de se maquiller en gris et de porter des lunettes noires à monture blanche. Les tenants du politiquement correct nous font glisser, lentement mais sûrement, dans 1984. Je ne veux voir qu'une seule tête.
On pensait, naïvement, que la diversité était une chance pour nos sociétés. Mais certains, racistes, racisants, racisés, l'exècrent. Si on fait allusion à une couleur de peau, à une origine étrangère, on se fait flinguer. Si on ne le fait pas, c'est pareil. On pense à Astérix chez les Corses et à ce Corse qui demande, menaçant, à Astérix (ou était-ce Obélix?): "quoi!? elle te plaît ma sœur?". Et Astérix de bredouiller "non, non". Et l'autre de s'énerver: "quoi? elle te plaît pas ma sœur?!".

(1) https://www.marianne.net/societe/les-haines-de-tous-bords-envahissent-miss-france-2018


lundi 11 décembre 2017

La lassitude de Narcisse

Les autonomo-indépendantistes ont triomphé en Corse avec 56% des voix (même si seul un électeur sur deux a participé au scrutin). Certains s'empressent de traduire cette victoire en dégagisme. Les Corses adresseraient ainsi un sévère avertissement au président Macron et à son gouvernement: on ne veut plus de vous. On entend même des électeurs affirmer leur "lassitude" par rapport à La République en Marche. Qui est au pouvoir, rappelons-le, depuis six mois. Nous vivons en des temps fatigués, nous sommes si vite las. Le simplisme des analyses n'a jamais aidé à comprendre l'évolution du monde.
Et pourtant, même si on ne peut comparer toutes les poussées nationalistes, c'est bien dans un mouvement mondial, et non dans un positionnement franco-français, que s'inscrit le succès des nationalistes corses. La Guerre froide, estime Bernard Guetta, avait endormi les conflits entre nations. On était d'un camp ou de l'autre. Pas du sien. "La Guerre froide, disait-il ce matin (1), avait ainsi fait oublier que l'Histoire est faite de conflits entre nations et que le nationalisme, fauteur de guerres, est en quelque sorte l'état de nature des relations internationales, celui qu'il faut combattre avant qu'il ne nous fasse revenir aux temps mortifères." Le nationalisme, rappelle l'éditorialiste de France Inter, revient en force en Corse comme en Catalogne, en Chine comme en Russie, aux Etats-Unis comme en Iran. Et si on ne peut les mettre tous dans le même sac, on y trouve des racines communes. Et notamment la nostalgie: "celle des temps révolus où chacun pouvait encore comprendre un monde aux configurations tellement anciennes qu'elles étaient familières à tous. Le monde d'aujourd'hui donne la migraine et la nation en est l'aspirine".
Personnellement, je vois aussi un lien entre la montée des nationalismes et les réseaux dits sociaux. Dans ces réseaux, chacun proclame l'amour qu'il a pour lui-même. Y parle de ses goûts et de ses dégoûts, de ses choix et de ses rejets, y présente de ce qu'il fait, a fait et va faire, y publie des photos, d'abord et surtout de lui-même (ces selfies que les Québécois ont pertinement baptisés egoportraits). Le nationalisme, me semble-t-il, c'est la reine dans Blanche-Neige qui dit: "Miroir, mon beau miroir, dis-moi que je suis la plus belle". C'est fermer les volets pour ne plus voir que soi. Le nationalisme, c'est la politique à l'ère de Facebook. Entre soi. C'est tellement mieux.

(1) "Où l'on voit les trois racines de la résurgence du nationalisme", France Inter, ce lundi 11 décembre: https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-11-decembre-2017
Lire aussi sur ce blog: "Indépendance cha-cha" (4 décembre 2017)





vendredi 8 décembre 2017

L'émotion nous submerge

On n'en peut plus. Trop, c'est trop. Noir, c'est noir. Voilà qu'au lendemain de la mort de Jean d'Ormesson, survient celle de Johnny Hallyday. Les deuils sont nationaux. La France n'a pas fini de pleurer la disparition d'un de ses plus grands écrivains et celle de son plus grand chanteur, l'idole des jeunes. Même si le premier était plus connu par sa notoriété que par ses livres (vous connaissez quelqu'un qui a lu d'Ormesson?) et si les jeunes dont le second était l'idole ont aujourd'hui entre cinquante-cinq et quatre-vingts ans. Le rocker de variétés sera, nous dit-on, inhumé après une messe. Des centaines de motards vont accompagner sa dépouille jusqu'à l'église. Y a-t-il plus rock and roll qu'une messe?
Aujourd'hui en France, il faut être en deuil, il faut pleurer toutes les larmes de son corps. C'est la mode.

A lire:
https://tempsreel.nouvelobs.com/chroniques/20171207.OBS8935/hommage-a-johnny-sur-les-champs-que-vient-faire-la-republique-dans-ce-deuil.html

jeudi 7 décembre 2017

Trump le boutefeu

Ubu Trump a encore sévi. Sa capacité de nuisance est sans limite. Il le sait et a visiblement décidé de profiter de sa fonction pour en abuser au maximum. C'était une promesse de campagne: il a décidé de déplacer l'ambassade américaine à Jérusalem, considérant ainsi la ville sainte comme la capitale d'Israël. Ce qui fâche évidemment les Palestiens, mais aussi tous ceux qui croient encore à une solution à deux Etats au conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens. Le gouvernement israélien s'en félicite (plutôt discrètement) et se prépare au pire. De leur côté, les autorités américaines invitent leurs resortissants à la plus grande prudence dans leurs déplacements en Israël et dans les pays arabes: attention, prenez vos distances, je jette de l'huile sur le feu, je vous aurais prévenu, ne venez pas vous plaindre ensuite, déclare en quelque sorte le président pyromane. 
"La solution à deux Etats passait par un partage de Jérusalem, estime Bernard Guetta (1), qu'Israéliens et Palestiens considèrent comme leur capitale et à laquelle ni les uns ni les autres ne peuvent renoncer sans s'admettre vaincus. Le président palestinien, le très réaliste et si modéré Mahmoud Abbas, a déjà répondu à Donald Trump, en parodiant la Constitution israélienne, que Jérusalem resterait la capitale éternelle de la Palestine. Les Israéliens, de leur côté, n'auraient aucune raison de renoncer maintenant à la Jérusalem une et indivisible qu'ils ont unifiée après leur victoire de la Guerre des 6-Jours."
L'éditorialiste de France Inter estime cependant que le premier ministre israélien aurait tort de se réjouir. C'est que, entre la campagne électorale de Trump et maintenant, la donne a considérablement changé: "face à la percée iranienne dans tout le Proche-Orient, face à l'avancée de l'Iran chiite en terres sunnites et à sa projection, par Hezbollah interposé, jusqu'à la frontière Nord d'Israël, les pays sunnites, Arabie saoudite en tête, se sont considérablement rapprochés d'Israël". Et c'était là à terme, estime encore Bernard Guetta, "la voie d'un accord de paix". Et cette voie-là, Trump vient de la torpiller sans états d'âme, d'abord soucieux de donner des gages à ses électeurs évangéliques. 
Beaucoup (trop) de présidents à travers le monde sont détestables et dangereux. Mais ce Trump, avec le pouvoir qu'il représente, incarne, plus qu'aucun autre, la nuisance et la fatuité.

Père Ubu. - Oh! quel déluge! Ceci est un effet des manœuvres que nous avons ordonnées.
(Alfred Jarry, Ubu Roi)

(1) "La tragique bourde de M. Trump",
https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-07-decembre-2017
A lire aussi:
https://www.marianne.net/monde/trump-reconnait-jerusalem-comme-capitale-d-israel-vers-un-scenario-catastrophe

lundi 4 décembre 2017

Indépendance cha-cha

L'indépendantisme est-il irrationnel? On est en droit de se poser la question.
Les partisans du Brexit n'avaient visiblement anticipé ni les conséquences ni le coût de la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne. Les Catalans navigaient à vue dès le lendemain de leur déclaration d'indépendance qui (pour l'instant du moins) semble s'être retournée contre eux. Aujourd'hui, ce sont les indépendantistes corses qui triomphent. Mais s'ils devaient aller jusqu'au bout de leur rêve, si l'île devait réellement, un jour, rompre les amarres avec la République française, leur Etat nouveau se retrouverait face à lui-même, sans les avantages incroyables qui ont été accordés à la Corse par les gouvernements français successifs depuis des décennies.
Les vins produits et consommés en Corse ne sont pas soumis à la TVA. Le tabac y est en moyenne 25% moins cher que sur le continent. Et de nombreux biens et services bénéfient d'un taux de TVA extrêmement réduit. Sans base légale, les véhicules de transport de marchandise de plus de 12 tonnes ne circulant que sur île sont exonérés de la taxe qui frappent ceux qui circulent sur le continent. Les entreprises et les ménages bénéficient aussi d'avantage fiscaux non accordés ailleurs, notamment une exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (1). Dans le même temps, on voit un maire (2) annoncer que sa commune réservera désormais les permis de construire aux seuls Corses, affirmant froidement qu'il n'a pas besoin des non Corses.
En juin 2016, la Cour des Comptes condamnait ces "pratiques dérogatoires reposant sur des dispositions obsolètes, voire dépourvues de tout fondement légal, qui méconnaissent le principe général d'égalité devant l'impôt". 
Tous ces avantages fiscaux, scandaleux par rapport aux autres régions françaises, ne peuvent exister que dans le cadre de l'Etat français. Sauf à se transformer en paradis fiscal pour les grandes entreprises et les grandes fortunes, une Corse indépendante devrait, pour vivre, assumer ses impôts et ses taxes. Selon toute vraisemblance, le coût de la vie exploserait et on peut penser que, comme dans d'autres cas récents, certains se mettraient, discrètement ou non, à regretter leur vote. La facture de l'indépendance pourrait être... corsée. Et les Corses ne seraient plus les enfants gâtés qu'ils sont aujourd'hui.
Peut-être ou sans doute la majorité des Corses ne souhaite-t-elle pas l'indépendance, mais la coalition nationaliste est quand même arrivée en tête hier avec 45,3% des voix au premier tour (même si seul un électeur sur deux s'est déplacé) (3). Alors de deux choses l'une: ou il s'agit avant tout de se faire plaisir et de pouvoir pleurer de bonheur en tombant dans les bras les uns des autres emballés dans le drapeau nationaliste, ou il s'agit réellement d'aller vers l'indépendance mais avec toutes les conséquences qu'elle implique, notamment en termes de fin des avantages fiscaux accordés par l'Etat-papa poule.
Ça n'engage que moi, mais j'ai vraiment le sentiment que la plupart des volontés d'indépendance n'a pas grand-chose à voir avec la raison et la réflexion, beaucoup plus à voir avec le romantisme, la fierté, le sentiment national. Et avec l'émotion. Par définition, irrationnelle.

(1) http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/12/02/20002-20171202ARTFIG00025-ces-surprenants-avantages-fiscaux-dont-beneficie-la-corse.php
(2) dans un Journal de France 3, il y a deux ou trois jours.
(3) http://www.lemonde.fr/elections/article/2017/12/03/victoire-des-nationalistes-en-corse-maintenant-c-est-a-paris-de-comprendre-ce-qu-il-se-passe-ici_5224057_5001134.html

dimanche 3 décembre 2017

A fond la caisse

Ma voiture, c'est ma liberté. Beaucoup d'automobilistes traduisent ce slogan (très relatif: est-on libre dans des bouchons, de plus en plus nombreux, y compris maintenant dans les petites villes?) par "laissez-moi rouler comme je veux".
L'Etat français envisage, nous dit-on, de limiter sur certains tronçons (ou sur tous?) de nationales ou de départementales jugés dangereux la vitesse à 80 km/h plutôt que 90 (1). Comme on pouvait s'y attendre, les associations d'automobilistes s'empressent de hurler toujours le même argument éculé: ces mesures de limitation de vitesse ne servent qu'à plumer un peu plus ces pauvres conducteurs déjà pressés comme des citrons et à remplir les caisses de l'Etat. C'est de l'hypocrisie, clame l'assocation 40 millions d'automobilistes. Qui semble spécialiste en matière d'hypocrisie, refusant d'accepter la réalité: l'insécurité routière repart à la hausse en France, avec son lot d'accidents, de blessés et de morts. Parmi lesquels des automobilistes. Mais apparemment les associations d'automobilistes défendent les conducteurs en mouvement, pas les victimes de la route (parmi lesquels beaucoup d'automobilistes). 1 km/h en moins, c'est 4% de morts en moins, rappelle la responsable d'une association de victimes de la route.  
Comme de très (trop) nombreux automobilistes ont pris l'habitude de rouler systématiquement 10 km/h au-dessus de la limite autorisée, se disant que de toute façon ils ne seraient pas sanctionnés, si on limite à la vitesse à 80 km/h, finalement ils devraient rouler à 90.
Une automobiliste interviewée sur le projet gouvernemental explique que son mari est tout le temps sur les routes et qu'il y passera plus de temps encore puisqu'il y aura plus d'embouteillages si la vitesse est réduite. Il y a surtout moins d'embouteillages quand il y a moins d'accidents et moins de voitures sur les routes et dans les villes. 
On repense à ce dessin du Chat de Philippe Geluck qui, face au cercueil d'Ayrton Senna descendant dans la tombe, déclare: "Jusqu'au bout la devise d'Ayrton Senna aura été A fond la caisse.
On repense à Jean-Marie Happart qui, lors de débats sur les nouvelles règles de sécurité routière en commission du Sénat en Belgique, expliquait très sérieusement qu'il n'avait, vu son emploi du temps, absolument pas le temps de respecter les limitations de vitesse. Jean-Marie est le digne frère jumeau de José. On repense à leur propos à une célèbre phrase de Michel Audiard...
On repense aussi à cette voiture brûlant la priorité à des enfants qui s'apprêtaient à traverser sur un passage pour piétons. Sur sa vitre arrière, un autocollant: "Protégez nos enfants". Effectivement.
Comme pratiquement tout le monde dans nos pays, je suis automobiliste, mais aussi piéton, cycliste, père, riverain, citoyen. Une voiture qui roule moins vite, c'est plus de sécurité routière et moins de pollution. Les associations d'automobilistes devraient se rebaptiser en associations de l'accélérateur. Celui-là même qui nous mène dans le mur.

(1) France 3, Journal, 2.11.2017, 19h30.