dimanche 30 octobre 2022

Du goudron et des plumes pour Hanouna

La popularité rend-elle ignoble ou est-ce l'ignominie qui rend populaire ? Cyril Hanouna a affiché clairement, il y a peu, sa conception de la justice : expéditive et sans appel. Lola, une jeune fille de 12 ans, est morte victime d'un crime atroce qui a révulsé la France entière. Dans son émission, très suivie quotidiennement, le paon de M6 affirme que « le procès doit se faire immédiatement en quelques heures et terminé c’est perpétuité directe » pour la femme, déséquilibrée, immigrée et en situation irrégulière qui a assassiné cet enfant. Pourquoi pas la potence tout de suite comme au meilleur temps du Far West ? « On est dans un État de droit ! », lui rétorque Georges Fenech,  ex-député LR. Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, s'est fâché, lui aussi : «  Une justice expéditive, quelques heures, perpétuité, pas d'avocat… C'est ça, la conception de l'état de droit ? [...] Si c'est ça l'époque, on est tombés bien bas. Car ça, c'est le Moyen-Âge. » Oui, mais "les Français en ont marre", assène le prince de la vulgarité.

Le lendemain de cette émission aux odeurs nauséabondes, l'animateur à haleine de chacal faisait la fête avec son équipe pour célébrer l'audience atteinte grâce à cette émission : deux millions de téléspectateurs.
"Le plus grand nombre était d'accord avec moi, se défend le paon. Et les bien-pensants se sont servis de ça pour détourner l'affaire. » On comprend par là qu'il pense mal et on peut imaginer qu'il l'assume. Mais ce n'est pas le cas.

Lundi, dans sa chronique hebdomadaire sur France Inter (1), Sophia Aram vole dans les plumes du paon qu'elle traite de barbare. " En touillant le remugle des instincts mortifères d’une foule criant vengeance, ne nous y trompons pas : Hanouna est un barbare au service de la barbarie. Un barbare de la pire espèce. Un barbare auquel tout le monde vient servir la soupe en le présentant comme un “homme du peuple“ ou “de son temps“ alors qu’il n’est que le fossoyeur d’une civilisation au service d’un multimilliardaire ayant compris depuis longtemps que le populisme de ses antennes constitue le moyen le plus sûr de servir l’extrême-droite. Voilà qui est Hanouna. Alors, on peut toujours se mentir, se raconter qu’on parle à tout le monde, sans mépris et sans tabous, mais tous ceux qui vont sur son plateau ou l’invitent, en le considérant comme un inoffensif trublion populaire, ne font qu’alimenter un barbare. Un barbare, populiste, joyeux, souvent couillon, mais un barbare."
Hanouna fustige les bien-pensants mais ne supporte pas d'être traité de mal pensant. « Tous ceux qui ont fait des éditos là-dessus, comme Sophia Aram, cela doit être examiné par l’Arcom, parce que rigoler là-dessus et m’insulter c’est extrêmement grave », a-t-il réagi. 
" Entre nous, on ne percevait pas spécialement l’envie de rigoler chez Sophia Aram, plutôt un sentiment situé entre la colère et le dégoût », commente son collègue François Morel, également chroniqueur sur France Inter (2). En revanche, ainsi que le dit l’expert judiciaire Cyril Hanouna, critiquer quelqu’un d’aussi considérable que lui dans le Paysage audiovisuel français est certainement extrêmement grave et ne doit sûrement pas rester impuni. Comment l’Arcom, autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, va réagir. On ne sait pas. On attend. Licencier Sophia Aram ? La priver de ses droits civiques ? L’envoyer au bagne ? Comment essuyer l’affront fait au jurisprudent Hanouna ? Pourquoi ne pas le nommer Garde des Sceaux afin de mettre en pratique ses idées si novatrices ? " 
Plutôt mettre un frein à la logorrhée écœurante du garde des sots, comme l'appelle dans le titre de sa chronique François Morel.

(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-francois-morel/le-billet-de-francois-morel-du-vendredi-28-octobre-2022-1294283
(Re)lire sur ce blog "Et alors ?", 29.5.2017.

vendredi 28 octobre 2022

Inquiétant

La nature est totalement perturbée par cet été qui n'en finit pas, avec ces températures beaucoup trop douces, voire trop chaudes pour la saison. Des arbres produisent des feuilles, des bourgeons sont prêts à s'ouvrir.
Et voilà que cet après-midi un grand vol de grues passe dans la direction du nord-est, à l'exact opposé de celle qu'elles ont prise il y a quelques jours ou quelques semaines. La nature perd le nord. Par notre faute.


Post-scriptum : les grues, ce dimanche 30 octobre, ont retrouvé le sud-ouest. Ouf !



lundi 24 octobre 2022

Allo ? Y a quelqu'un ?

Monsieur et Madame Orange,
cette lettre pour vous dire que je n’en peux plus, que je ne sais plus comment m’adresser à vous qui nous méprisez.
Depuis la dernière semaine de septembre, plus de quatre semaines donc, nous sommes déconnectés : plus de téléphone fixe, plus d’internet. Et chez vous, visiblement, tout le monde s’en moque.

On ne peut communiquer avec vous que via des machines. Le seul moyen de contacter le champion de la communication que vous êtes est mon téléphone mobile qui, quand je vous appelle, tombe sur votre ordinateur qui débite des messages déshumanisés. Je me suis parfois retrouvé sous la pluie (nous sommes dans une zone blanche…) à former le 3900 pour entendre une machine me demander de répondre à sa série de questions par oui ou par non.

Le 26 septembre, alors que nous sommes en panne depuis deux jours (il y a plus de quatre semaines donc), un message nous annonce ceci : « Votre ligne sera rétablie au plus tard le 29/09/2022 18:00 ».
Ce jour-là, à cette heure-là, rien n’avait changé. Entretemps, le 27, je recevais un message me disant que « le technicien est intervenu. Votre installation intérieure doit être vérifiée. »
Après de nouveaux appels, on nous annonce le passage d’un technicien le 1er octobre. Nous ne voyons personne, mais recevons un message nous signalant que « votre ligne est rétablie suite aux travaux réalisés sur notre réseau ». La machine qui a envoyé ce message est visiblement daltonienne, puisque notre Livebox clignotait toujours en rouge (ce qui est toujours le cas 23 jours plus tard).
Ixième coup de téléphone de ma part pour contredire l’information reçue. Une opératrice m’annonce alors le passage à domicile - enfin, une présence humaine ! - d’un technicien.
Ce dernier constate, le 8 octobre (il y a 16 jours donc) que le problème n’est pas lié à notre Livebox mais au réseau qui doit être réparé. Ce doit être fait dans les cinq jours ouvrables, me dit-il. Depuis, rien, sinon une valse d’appels ou de tentatives d’appels, des rendez-vous téléphoniques qui se succèdent sans résultat.

Vendredi dernier, le 21, je reçois un appel d’une opératrice m’annonçant que la réparation se fera ce jour-là avant 18h. Vers 17h, un de ses collègues m’appelle pour me signaler que l’intervention est reportée et qu’il me rappellera le… 27. J’exige qu’il m’appelle ce lundi pour me donner une date précise. Je reçois un message m’annonçant un appel ce lundi entre 12 et 13h. J’ai patienté, avant de découvrir un message envoyé à 12h36 nous informant que ce rendez-vous est reporté au lendemain entre 13 et 14h. Une heure plus tard, il est reporté d’une heure : entre 14 et 15h. Ce soir, à quel jour sera-t-il reporté ? De qui vous moquez-vous ?

Je tente de vous joindre pour protester. Je veux parler à un être humain ! Mais cette même voix enregistrée  - devenue insupportable - après la valse de ses mêmes sempiternelles questions que je connais par cœur, me demande si je veux annuler ce rendez-vous. Si je le fais, je sais qu’il ne se passera tout simplement rien. Je devrais à nouveau tout recommencer …

Nos appareils en wifi sont hors circuit depuis un mois, plus de radio, plus de télé, plus d’imprimante. Vous ne cessez de nous demander de patienter, puis de patienter encore et encore, c’est tout ce que vous êtes capable de nous proposer. Vous nous envoyez une information, puis son contraire.

En attendant, vous nous avez prêté une Airbox pour que nous puissions avoir un minimum de wifi. Cet AirBox fonctionne parfois (sans nous permettre toutefois  d’utiliser nombre de nos appareils), mais régulièrement nous nous trouvons à nouveau sans wifi, faute de réseau téléphonique mobile dans la maison. Ce fut le cas la majeure partie du temps ce dernier week-end. 

Monsieur et Madame Orange, que me conseillez-vous de faire ? Prendre un avocat ? M’enchaîner dans vos bureaux ? Changer d’opérateur ? 

Nous sommes abonnés chez vous depuis onze ans, depuis que nous nous sommes installés en France, mais visiblement, nous ne comptons pas. Un opérateur de télécommunication incapable de communiquer et irrespectueux de ses clients, voilà ce qu’est Orange. Hélas !

Allo ? Allo ? Alloooooo ?

Note : Impossible de transmettre ce message à Orange sur son site. La seule possibilité d'écrire à ce champion de la communication, c'est via un "chat" où visiblement seuls trois ou quatre mots-clés peuvent être utilisés. 

Suite du feuilleton : ce lundi, à 14h17, alors que j'attends un appel d'Orange annoncé entre 14 et 15h (et confirmé ce matin par un sms), je reçois ce message : "Votre RDV téléphonique du 25/10 au (mon n°) entre 16:00 et 17:00  avec votre conseiller Orange est confirmé". Puis-je faire remarquer à Orange que "confirmer" signifie assurer l'authenticité de quelque chose ? On confirme une information déjà donnée. Ici, vous devriez dire que ce rendez-vous est reporté. On ne communique pas de manière hypocrite. Quittez le mépris et assumez vos non-décisions ! Quel message vais-je recevoir entre 16 et 17h ?

Episode 25 (?) : A 16h47, je reçois le sms suivant : "Votre RDV téléphonique du 1/11 au (mon n°) entre 14:00 et 15:00  avec votre conseiller Orange est confirmé". Quelle grossièreté ! Je téléphone aussitôt à Orange, me soumet à la litanie des questions automatiques et fait annuler ce rendez-vous reporté à une semaine. Au revoir et merci, me dit la voix. Je recommence l'opération, nouvelle série de questions et après quelques minutes de patience j'ai enfin une voix humaine au bout du fil. Auprès de qui j'exprime ma colère. La conseillère me dit ne pas comprendre pourquoi on ne m'a pas appelé, qu'une intervention est prévue sur la ligne le vendredi 28. Dois-je la croire ?

Episode 26 (25.10.2022). L'épisode du jour est consacré à la facture. Ce matin, ouvrant mes courriels, je découvre un message intitulé "Comprendre votre supplément sur votre facture du 25/10/2022". Mon sang ne fait qu'un tour : nous avons connu une panne de cinq à six jours début septembre et connaissons une panne complète depuis le 26 septembre et voilà que notre facture est augmentée ! Je clique dans le message sur "En savoir plus" et me retrouve sur le "chatbox" d'Orange qui propose un échange par écrit Je demande des explications, rappelant qu'une conseillère Orange m'a annoncé début septembre qu'elle ferait un geste en diminuant ma facture suite à la panne de cinq-six jours que nous avons alors connue, que nous sommes en panne depuis un mois, que cette augmentation est donc incompréhensible et inadmissible. C'est mon "correspondant" qui ne comprend pas : "voulez-vous que je vous mette directement en relation avec un humain ?", me demande-t-il. Oui, être en relation avec un humain, voilà qui me plairait. A vous de téléphoner, me dit-il. Visiblement, ses capacités sont limitées. Me voilà à former pour la ixième fois le 3900, à passer le cap des questions automatiques pour parler à un humain à qui, très fâché, je débite mon histoire. C'est normal que je n'ai pas eu de réduction sur ma facture de septembre, m'explique-t-il, puisqu'il faut sept jours de panne pour bénéficier d'une réduction d'1 € par jour. Je comprends que la panne a donc été trop courte d'un jour ! La réduction sera appliquée sur ma prochaine facture quand la panne sera réparée. Mais pourquoi alors sa collègue m'a-t-elle promis cette réduction? Il n'en sait rien. Il est désolé. Ils sont tous désolés que leurs collègues ait dit ce qu'il ne fallait pas dire ou n'ait pas rappelé après avoir promis de le faire, ou reporte sans cesse des rendez-vous ou annonce une réparation qui n'a pas eu lieu. Le monde d'Orange me rend fou.


Episode 27 (le 28.10.2022). Reçu un sms d'Orange : "Le technicien est intervenu ce 28/10. Ce service ne sera pas facturé." Il ne manquerait plus que cela ! La panne perdure. Ça fera cinq semaines demain. 
Appel d'un conseiller Orange ce soir, qui vient aux nouvelles suite à l'intervention du technicien. Ah bon ! La panne n'est toujours réparée ? Pourtant, le technicien est intervenu. Puisque c'est comme ça, il nous envoie un technicien expert. Mais que sont donc les autres alors ? Il viendra lundi. A suivre.

Episode 28 et dernier de cette saison (le 31.10) : la Live box fonctionne à nouveau après plus de cinq semaines de panne. Le technicien expert annoncé est passé. C'était le même qui était passé le 8 octobre, un sous-traitant d'Orange, qui nous avait dit qu'il ne pouvait faire plus, que c'était à l'équipe réseau d'Orange d'intervenir. Il n'a pas vraiment trouvé d'explication à la panne, mais l'a réparée. C'est bien un expert. Ouf !

dimanche 23 octobre 2022

Femme - Vie - Liberté !

"Passez-nous à tabac, réduisez-nous au silence, humiliez-nous si vous voulez. C'est terminé, nous ne nous tairons plus. Nous ne bougerons pas ; c'est à vous de partir. Les garçons devant lesquels on devait se cacher les cheveux sont devenus des hommes, et ils sont dans la rue pour défendre notre liberté à cor et à cri. Les filles que vous avez voulu faire taire sont devenues des femmes qui tiennent tête aux gardiens en armes que vous autorisez à tirer sur des enfants. Nous qui avons 13, 14, 15 ans, vous avez fait de nous des adultes. Bientôt nous chanterons et nous danserons librement dans nos rues." Voilà ce que dit au pouvoir théocratique une Iranienne de 16 ans (1). 
Pour la première fois depuis quarante-trois ans, depuis le début de cette sinistre farce qu'est la prétendue révolution iranienne, des lycéens sont dans les rues  à travers tout le pays. Prêts à payer de leur vie s'il le faut la liberté qu'ils revendiquent. Liberté pour les filles et les femmes de sortir sans voile, liberté de danser, d'écouter, d'écrire, de penser... Des femmes osent marcher tête nue, des adolescentes font des doigts d'honneur à la photo de l'ayatollah Khameini ou la piétinent. Les jeunes n'ont plus peur, malgré les deux cents morts, les milliers de blessés, les milliers de détenus.

L'Occident soutient les opposantes et opposants iraniens, mais du bout des lèvres. "La plupart des dirigeants européens ferment les yeux sur ce qui se passe en Iran, écrit The National (2), afin d'éviter de contrarier le régime et de préserver un éventuel accord sur le nucléaire (même si l'Union européenne a voté des sanctions contre la police des mœurs et que le président français a soutenu le mouvement). Sans accord, il faut s'attendre à ce que l'Europe souffre cet hiver et à voir reprendre les activités terroristes pilotées par l'Iran sur le continent ainsi que l'accélération du programme nucléaire militaire iranien."
Bref, le mouvement d'opposition iranien ne reçoit qu'un bien faible soutien aussi bien (ou mal) des gouvernements occidentaux et du reste de la planète que de la gauche qui avait cru voir en 1979 un révolutionnaire en un vieux barbu réactionnaire.

Où sont celles et ceux qui prônent la décolonisation, la déconstruction, qui luttent contre le patriarcat ? Pourquoi sont-ils, sont-elles si silencieuses ? Qu'attendent-elles pour dénoncer ce régime viriliste d'un autre âge ? Pour dénoncer ces vieux colonisateurs des esprits, des tenues vestimentaires, des cuisines ? Leur silence est une honte. 

A lire : le dossier du Courrier international du 20.10.2022 : "Iran, le régime au pied du mur".
A écouter ou à lire : le billet de Sophia Aram : 
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-10-octobre-2022-3397743

(1) The Sunday Times, 9.10.2022, in Le Courrier international, 20.10.2022.
(2) The National (Abou Dhabi), 2.10.2022, in Le Courrier international, 20.10.2022.



jeudi 20 octobre 2022

La Biélorussie entrainée dans une guerre qui n'est pas la sienne

Voilà que le dictateur Loukachenko, qui jusqu'à présent était resté distant de "l'opération spéciale" de celui dont il est vassal, entre en guerre. "Après l’annonce de la création d’un groupement militaire conjoint entre la Russie et la Biélorussie, écrit Le Monde (1), une mobilisation cachée serait en cours." Terroriser et mater son peuple ne lui suffit pas. Il va maintenant s'attaquer aux Ukrainiens.
"Le 10 octobre, écrit encore Le Monde, une partie du déluge de missiles qui se sont abattus sur toute l’Ukraine venait aussi du territoire biélorusse. Une semaine plus tard, c’est encore de la Biélorussie que les « drones kamikazes » qui ont touché Kiev, lundi 17 octobre, ont été lancés, ont affirmé les autorités ukrainiennes."
Un nouveau front s'ouvre ainsi au nord de l'Ukraine. La faiblesse numérique et opérationnelle de l'armée biélorusse amoindrit les craintes que peut nourrir l'Ukraine qui cependant n'exclut rien "et se prépare à tous les scénarios, y compris à une éventuelle nouvelle invasion à partir du territoire biélorusse".
La population biélorusse, elle, est très majoritairement  hostile à la guerre. Elle souffre déjà suffisamment de ce régime dictatorial brutal qui piétine les droits les plus élémentaires.

Le jury du Prix Nobel de la Paix l'a souligné, en distinguant cette année l'écrivain Ales Bialiatski (2), prisonnier d’opinion au Bélarus, accusé de fraude fiscale, lors de procès montés de toutes pièces, et condamné à du travail forcé dans les camps de détention au régime sévère. Il fut emprisonné de 2011 à 2014 et l'est à nouveau depuis juillet 2021.
"En 1996, face à la répression du régime Loukachenko, écrivait en 2012, la Ligue française des Droits de l'Homme (3), Ales crée le Centre de défense des droits de l’Homme Viasna, une organisation qui vient en aide aux victimes de la violence politique et milite pour faire connaître dans le monde les conditions de la répression au Bélarus. En 2003, comme des centaines d’autres associations, Viasna – qui signifie printemps en bélarusse – est liquidée sous le coup d’une décision de justice, et entre dans l’illégalité. Mais son combat, très tôt reconnu, se poursuit et lui vaut de recevoir de prestigieuses récompenses. En 2007, seulement trois ans après avoir rejoint la FIDH, Ales Bialiatski est nommé vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). Il devient ainsi le premier représentant issu de l’un des ex-pays communistes d’Europe. Il s’est rendu, lors des missions d’enquête, en Russie, en Ukraine, au Kazakhstan, au Kirghizstan, en Géorgie ou encore en Arménie. Sur le terrain, il accomplit des observations de procès politiques, de soutien aux familles de détenus, des enquêtes sur des crimes de masse. Il mène de nombreuses actions internationales et participe à des missions de solidarité. Il partage son expérience sur le terrain avec les défenseurs des droits de l’Homme égyptiens, cubains ou encore tunisiens… "

" Pendant le vaste mouvement de contestation post-électoral de l'été 2020 et sa répression par Alexandre Loukachenko, Viasna recensait les arrestations, les accusations de tortures en prison et les blessés", écrit Radio France (4). Quelques jours après la réélection contestée d'Alexandre Loukachenko, Ales Bialiatski constatait que "tant dans les petites villes que dans les villes régionales et la capitale, il y a une véritable terreur. L'objectif est très simple : conserver le pouvoir à tout prix et semer la peur dans la société." D'autres membre de Viasna sont détenus dans diverses affaires, allant du "trouble à l'ordre public" à la "participation à une organisation criminelle". Des perquisitions ont visé en février et en juillet 2021 plus de cinquante lieux liés à des membres de l'organisation.
Ce prix Nobel "est une reconnaissance importante pour tous les Bélarusses combattant pour la liberté et la démocratie" contre le régime d'Alexandre Loukachenko, a commenté la cheffe de l'opposition Svetlana Tikhanovskaïa.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/18/la-bielorussie-fait-un-pas-de-plus-vers-une-implication-directe-dans-la-guerre-en-ukraine_6146277_3210.html
(2) co-lauréat, avec l'ONG russe de défense des droits humains Memorial et l'ONG ukrainienne Centre pour les libertés civiles.
(3) https://www.ldh-france.org/Ales-Bialiatski-vice-president-de/
(4) https://www.radiofrance.fr/franceinter/cinq-choses-a-savoir-sur-le-prix-nobel-de-la-paix-l-opposant-belarusse-emprisonne-ales-bialiatski-4351382

dimanche 16 octobre 2022

Ecrit avec accent

"En studio, Alex Vizorek (...) incarne avec sobriété (et sans accent !) cet homme de l'ombre (...)." 
Voilà un extrait d'un article de Laurence Le Saux (1) consacré à une séquence de l'émission "Autant en emporte l'histoire" de France Inter.
Alex Vizorek est un humoriste belge. Son absence d'accent apparaît dès lors étonnante pour la critique de Télérama. Il faut donc comprendre qu'un Belge qui s'exprime sans accent est une exception, tandis que - évidemment - un Français qui s'exprimerait avec un accent serait, lui, exceptionnel. Peut-on conseiller à Laurence Le Saux de voyager, tant en Belgique qu'en France ? Elle constaterait vite que les exceptions pullulent partout. Avec ou sans accent.

(1) "Une belle histoire belge", Télérama, 28.9.2022. L'émission en question était un portrait du Belge Jean Doissy qui fut rédacteur en chef du magazine Spirou de 1938 à 1955.

(Re)lire sur ce blog : "Accents graves", 2.12.2020.

jeudi 13 octobre 2022

Panne des sens

L'essence manque. C'est la panique chez beaucoup d'automobilistes. La plupart d'entre eux affirment avoir impérativement besoin de leur voiture. Ce qui est parfois vrai et parfois pas. Nous avons pris de très mauvaises habitudes et trop souvent les pouvoirs publics, en délaissant les petites lignes de train ou en offrant peu voire pas de service de bus, nous ont forcés à acheter une voiture. Nous sommes habitués à avoir chacun la nôtre. On voit même des couples en France avec trois voitures. On les prend pour tout déplacement, même sur de petites distances, même plusieurs fois par jour.
Parfois, les services de transport en commun existent, mais sont trop méconnus, tant en termes de trajets proposés que de tarifs. Ce qui amène des organismes du type Pôle Emploi à organiser des formations à l'utilisation des transports en commun. Des personnes découvrent qu'un bus passe à deux rues de chez elles, qu'existent des systèmes d'abonnement, que celui-ci peut être pris en charge par l'employeur.
L'épidémie de Covid-19 avait amené de nombreuses personnes à découvrir les plaisirs et les avantages du vélo. Mais la vie redevenant normale, elles ont repris leur voiture comme elles ont oublié de se fournir auprès de producteurs locaux.

Une étude menée dans soixante pays (1) fait apparaître que la part de l'utilisation du vélo pour les déplacements quotidiens n'est que de 5% en moyenne. Alors que la part de possesseurs de vélos est souvent beaucoup plus élevée, mais la bicyclette reste un objet de loisirs utilisé durant le week-end ou les vacances et pas un moyen de déplacement quotidien. "Si chacun se déplaçait à vélo en moyenne 1,6 kilomètre par jour, soit la distance moyenne quotidienne des Danois, le monde réduirait les émissions de CO2 de quelque 414 millions de tonnes par an, soit l'équivalent des émissions annuelles de la Grande-Bretagne, selon les calculs des chercheurs. Avec 2,6 kilomètres de trajets effectués à vélo par jour comme aux Pays-Bas, on pourrait réduire les émissions de 686 millions de tonnes par an (l'équivalent des émission annuelles du Canada), sans compter les bénéfices pour la santé et pour l'amélioration de la qualité de l'air." 
Pour Gang Liu, auteur principal de l'étude, l'intérêt principal de celle-ci est qu'elle montre que le vélo a un rôle important à jouer dans la réduction de l'empreinte carbone du transport, alors que le débat tend à se focaliser sur l'électrification des voitures.

Il est urgent de sortir de la logique de la voiture individuelle et désolant de voir que dès qu'une autoroute est saturée, les pouvoirs publics se dépêchent - aujourd'hui encore - de l'élargir, que la voiture prend toujours autant de place dans les villes. Où que l'on circule, il est navrant de constater que l'immense majorité des voitures ne sont occupées que par leur conducteur. Des pouvoirs publics tentent de favoriser le covoiturage, mais on entend des automobilistes le refuser : "j'aime être seul dans ma voiture", affirmait récemment l'un d'eux dans un journal télévisé.
La pénurie de carburant que nous connaissons actuellement devrait nous amener à nous déplacer autrement. La vie normale n'est pas une vie en voiture. Cette panne d'essence devrait être l'occasion de changer de sens.

(1) https://www.lalibre.be/planete/environnement/2022/08/20/une-nouvelle-etude-pointe-les-enormes-economies-de-co2-si-on-se-deplacait-plus-a-velo-pour-les-petits-trajets-6WZJ47WY5FFX3CLROAJLV4E4MQ/
(Re)lire sur ce blog : "Nos têtes immobiles, 14.7.2022 ; "Lever le pied", 11.5.2022 ; "L'heure du vélo," 25.5.2020.

lundi 10 octobre 2022

Vladimir le Criminel

Le mensonge est devenu un mode de gouvernement pour les régimes brutaux. Mais sans doute l'a-t-il toujours été. Est-ce la suffisance qui rend menteur ou l'inverse ?
Donald Trump avait érigé le mensonge en vérité. Le faux, c'est le vrai et les menteurs sont ceux qui prétendent le contraire. Vladimir Poutine utilise quotidiennement des arguments du même tonneau. Le faux justifie le pire. On comprend que la vérité se situe quasiment toujours à l'opposé de ce qu'il dit et Loukachenko, son vassal, agit de la même manière. Le voilà qui annonce qu'il déploiera des forces militaires avec la Russie parce que la Lituanie et la Pologne s'apprêtent, dit-il, à attaquer son pays, la Biélorussie. Et pourquoi pas le Luxembourg ou le Lichtenstein ? Avec ces dictateurs, le ridicule tue.
Quand Poutine affirme que l'Occident veut la mort de la Russie, il faut comprendre que c'est le contraire : Poutine et sa clique détestent l'Occident et sa démocratie et rêve de les voir s'effondrer. Quand le maître du Kremlin dénonce l'Ukraine comme un Etat terroriste, il faut comprendre que c'est lui seul qui a le droit d'agir en terroriste. Ce qu'il a fait aujourd'hui, en bombardant indistinctement l'Ukraine, y compris des civils, pour se venger de l'attentat commis sur son pont de Crimée. L'agresseur se présente en victime, la formule est connue et usée, mais elle fonctionne toujours auprès d'une partie de l'opinion.

La population russe n'est cependant pas aussi crédule qu'on peut parfois le croire, estime le romancier moscovite en exil Dmitri Gloukhovski (1) : "Le régime s’est transformé en dictature. Jusqu’ici, la guerre apparaissait sur l’écran de télé comme une émission psychothérapeutique permettant de détourner l’attention des gens de leurs problèmes réels, pour rediriger leur frustration vers la sécurité nationale. La majorité ne prêtait pas attention à l’opposition. Les gens ne voyaient pas le lien direct entre le manque de liberté et le risque de devenir de la chair à canon. Maintenant, ils font le lien, même s’ils sont encore un peu dans le brouillard de la propagande". (...)
"Poutine doit recruter dans les prisons, parmi les criminels, les assassins et les violeurs. Cela suggère que la guerre n’a pas été réellement soutenue par le peuple russe, malgré les chiffres des sondages d’opinion. Les régimes autoritaires prennent le contrôle des médias et des instituts de sondage afin de simuler l’approbation des dirigeants par l’opinion. Les sondages ne comptent pas. Ce qu’il faut mesurer, c’est le soutien de la guerre dans les actes. Or, à l’exception d’une minorité agressive, très active sur les réseaux sociaux et encouragée par les propagandistes de Poutine, il n’y a pas de soutien. La plupart des gens se sont simplement cachés, et ont fait semblant que rien ne se passait."
Pour les Russes qui s'opposent à la guerre, la meilleure solution est finalement la fuite à l'étranger. ce qu'ils ont fait en masse. La population a bien compris, dit encore Dmitri Gloukhovski, que Poutine entraîne son pays dans une guerre totale. "Car cette guerre n’est pas seulement dirigée contre l’Ukraine. Elle est aussi dirigée contre la Russie, contre le peuple russe. C’est une guerre contre l’avenir de la Russie, pour maintenir en esclavage son peuple, afin que Poutine puisse maintenir son régime politique dans le sang, même après sa mort." (...)
"C’est la guerre personnelle de Poutine, pour satisfaire son propre complexe d’infériorité. Pour qu’il puisse s’inscrire comme un grand homme d’Etat dans les livres d’histoire et figurer aux côtés de Pierre le Grand, de la Grande Catherine, de Lénine et de Staline."

Il ne sera aucun de ceux-là, pas même Ivan le Terrible. Juste Vladimir l'Infâme. Peut-on espérer en finir un jour prochain avec lui ? "Avec la mobilisation, le risque de coup d’Etat devient beaucoup plus élevé, de même que le scénario d’une insurrection. Mais il ne faut pas oublier que Poutine s’y est préparé, avec tous ses flics dorlotés par le pouvoir pendant des années. Ceux-là, personne ne les envoie à la guerre, ils restent déployés dans les centres urbains. Leur rôle demeure la dispersion des manifestations. Ils ont été armés le mieux du monde – par des équipements français, soit dit en passant. Poutine n’a pas l’intention de sacrifier cette garde prétorienne."

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/07/les-russes-se-sentent-comme-du-gibier-face-a-un-etat-predateur-invincible_6144883_3210.html

vendredi 7 octobre 2022

Memorial, prix Nobel de la Paix

Nous étions nombreux à l'espérer, l'ONG Memorial vient de recevoir le Prix Nobel de la Paix 2022, conjointement avec le Centre pour les libertés civiles, organisation ukrainienne de défense des droits de l’homme, et avec l'avocat biélorusse et défenseur des droits de l’homme Ales Bialiatski, président de l'organisation Viasna, aujourd’hui détenu en prison dans son pays.
« Le comité Nobel norvégien souhaite honorer trois champions remarquables des droits humains, de la démocratie et de la coexistence pacifique dans les trois pays voisins : Biélorussie, Russie et Ukraine », a déclaré sa présidente Berit Reiss-Andersen.

Dans les derniers jours de 2021, la Cour suprême de Russie avait prononcé la dissolution de Memorial International, présentée par Le Monde (1) comme "l’ONG russe la plus ancienne et la plus connue pour ses travaux de recherche sur les répressions de l’époque soviétique". Elle avait été cofondée par le prix Nobel de la paix Andreï Sakharov. Le procureur Alexeï Jafiarov avait alors déclaré qu'il est évident pour la Cour suprême que " Memorial, en spéculant sur le thème de répressions au XXe siècle, crée une image mensongère de l’URSS comme Etat terroriste". Il l'accusait, en outre, de « blanchir et de réhabiliter les criminels nazis ».
"Pour de très nombreux Russes en quête d’informations sur le sort passé de leurs proches, poursuivait Le Monde, l’ONG a joué un rôle de premier plan dans la documentation de la terreur stalinienne dont ont été victimes les familles. Elle continue encore aujourd’hui à le faire, alors que ces crimes sont relativisés ou mis sous le tapis. Sa disparition est en ce sens parlante : le pouvoir russe actuel, dont les représentants revendiquent fièrement l’héritage des services de sécurité soviétiques, se débarrasse de la dernière organisation critiquant ouvertement ce legs et pointant les similitudes entre pratiques passées et présentes." 
Depuis cette dissolution, les similitudes n'ont fait que s'accentuer, mais les relever s'apparente à un crime en Russie. Le choix du comité du Prix Nobel insiste sur cette nécessité de sauvegarder la mémoire d'un peuple que voudrait effacer un régime brutal et aux abois.

Post-scriptum :
"Il y a un lien entre la justification historico-théorique de l’invasion de l’Ukraine et la dissolution de Memorial. Les deux choses sont étroitement liées", affirme l’historien Nicolas Werth, qui préside la branche française de Memorial (2).
L'attribution de ce prix Nobel lui en rappelle d'autres : les prix Nobel de littérature à Boris Pasternak
en 1958 et à Alexandre Soljenitsyne en 1970, qui avaient été vus par l’URSS comme des provocations de l’Occident collectif. "Le prix Nobel de la paix à Memorial sera vu comme tel et sera ressenti de la même manière par le pouvoir russe d’aujourd’hui. Ça ne peut que le conforter dans le fait que tout l’Occident se ligue contre lui et fait feu de tout bois, y compris via le comité du prix Nobel. Même si c’est un immense honneur et une grande joie pour ceux qui défendent Memorial, ça ne peut être vu que comme une provocation de l’ennemi par le pouvoir poutinien. D’autant que ça tombe le jour du 70ᵉ anniversaire du dirigeant suprême." 
Parlant des réactions de la population russe, Nicolas Werth estime que "au sein de la petite minorité consciente qui déjà se pose des questions, soit depuis longtemps soit depuis moins longtemps à cause de la mobilisation, oui", cette distinction peut avoir un écho. "Mais pour la masse abreuvée par la propagande, ça ne fera que renforcer le sentiment que l’Occident entier est ligué contre la Russie et lui veut du mal."
Libération constate que des voix s’élèvent en Ukraine pour s’émouvoir qu’une ONG russe et qu’un opposant bélarusse, vus comme des représentants de pays agresseurs, sont honorés en même temps qu’une ONG de Kyiv. Vous comprenez cela ?, demande le quotidien à Nicolas Werth.
"C’est un signe extrêmement fort pour montrer qu’il y a beau y avoir un pays agresseur, il y a des forces à l’intérieur de ce pays qui sont farouchement et délibérément opposées à la politique du régime poutinien. C’est un signe d’espoir, d’avenir, au regard de la tendance actuelle – qui est compréhensible mais qui est absolument mortifère – de l’Ukraine à dénoncer en bloc l’ensemble de la culture russe, à vouloir dérussifier tout le champ culturel. C’est un signal fort envoyé par le comité Nobel pour freiner cette dérive qui consiste à critiquer l’ensemble de la culture russe au-delà de Poutine. Le régime va passer mais la culture russe, la culture ukrainienne et la culture bélarusse vont rester."

Extrait du communiqué de Memorial France publié ce jour :
"En ce moment, comme toutes les organisations de la société civile en Russie, Memorial est soumis à une forte pression. Mais la mémoire et la liberté ne peuvent être interdites. Nous poursuivons donc notre travail et continuerons à le faire en toutes circonstances.
Nos pensées vont à Ales Bialiatski et aux autres prisonniers politiques dans les prisons de Russie et du Belarus, ainsi qu’à nos collègues ukrainiens qui travaillent dans des situations de guerre.
Cette récompense intervient à un moment où la Russie mène une guerre d’invasion contre l’Ukraine et où les droits et libertés en Russie même sont violés à chaque instant. Il est plus important que jamais de se rappeler la thèse formulée il y a des décennies par Andrei Sakharov : la paix, le progrès, les droits de l’homme sont trois objectifs indissociables. On ne peut pas réaliser l’un d’entre eux en négligeant les autres. Un État qui supprime les droits de l’homme sur son territoire est inévitablement une menace pour la paix."

(1) (Re)lire sur ce blog : "Que se taisent les morts", 29.12.2021
Plus d'informations sur https://memorial-france.org/, une organisation à soutenir !
(2) https://www.liberation.fr/international/europe/le-nobel-de-la-paix-2022-pour-memorial-un-signe-despoir-davenir-20221007_CLOSHRCU7ZCFNI3RL5OV24S66Q/

Chasse-neige

Les stations de sports d'hiver françaises s'adaptent un peu - un tout petit peu - au réchauffement climatique. Les remontées mécaniques seront ralenties, la production de neige artificielle sera diminuée, les dates d'ouverture reculées et de fermeture avancées (1). De modestes petits pas vers des pratiques plus intelligentes.
Dans le même temps, l'Arabie saoudite avance un peu loin dans la bêtise et le cynisme en annonçant qu'elle accueillera les Jeux panasiatiques d’hiver de 2029. On croit à une information parodique du Gorafi, mais non, l'info est bien réelle et d'autant plus idiote. Un pays connu pour son désert et ses fortes chaleurs va organiser des compétitions exclusivement pratiquées sur neige et sur glace. Les polémiques actuelles et les critiques adressées au Qatar qui accueillera dans quelques semaines les matchs de la Coupe du monde de football dans des stades climatisés indiffèrent l'Arabie saoudite qui veut prouver que rien ne lui est impossible. surtout pas le mépris pour l'avenir de la planète.
"Ces Jeux asiatiques d’hiver se dérouleront dans la province de Tabouk, frontalière de la Jordanie et baignée par la mer Rouge, explique Le Monde (2). Elle fait face au détroit de Tiran, qui la sépare de la ville égyptienne de Charm El-Cheikh. La prochaine COP27 sur le changement climatique se tiendra justement dans cette dernière en novembre. Les délégués qui s’y presseront pourront disserter à loisir sur cette parabole saoudienne. Elle illustre à la perfection la subordination systématique des enjeux environnementaux aux impératifs de puissance et de prestige."
Le Monde rappelle que l'Arabie saoudite a pour ambition d'être neutre en carbone d'ici 2060 en plantant des milliards d’arbres, en réduisant massivement ses émissions de gaz à effet de serre dès 2030 et en doublant ou presque ses zones protégées, y compris dans la province de Tabouk. "Ces objectifs louables restent manifestement compatibles, selon la logique saoudienne, avec l’affront environnemental que vont constituer la préparation et la tenue des Jeux asiatiques d’hiver. Leur organisation répond il est vrai à un objectif qui n’a rien à voir avec le sport et encore moins avec l’écologie. Il s’agit de promouvoir un projet qui tient particulièrement à cœur à l’homme fort de Riyad, le prince héritier Mohammed ben Salman, récemment promu premier ministre : la création ex nihilo dans cette province de Tabouk d’une cité futuriste, Neom. Mohammed Ben Salman, dont la réputation reste entachée par l’assassinat et le démembrement du dissident Jamal Khashoggi, tente en fait de copier, avec quelques décennies de retard, la cité la plus clinquante des Emirats arabes unis, Dubaï."
Comme l'écrit encore Le Monde, on peut comprendre - sans l'accepter - la logique d'un potentat, mais pas celle d'une organisation internationale. Quoique... Le sport, on le sait, ne fait pas de politique. Uniquement de l'argent. 

Ceci dit, on se souvient qu'à Antoing, dans la vallée de l'Escaut, il n'y a pas si longtemps - une petite vingtaine d'années - le prince de Ligne entendait créer sur ses terres des pistes de ski, un stade de glace et une rivière tropicale (3). Quasiment tous les élus du coin ont soutenu avec un enthousiasme débordant ce projet délirant. Il a fallu une forte mobilisation citoyenne pour qu'il en vienne à une conception plus économe et intelligente. 

(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/06/des-jeux-d-hiver-saoudiens-anachoniques_6144701_3232.html
(3) (Re)lire sur ce blog "Skier à Maubray ou  surfer sur le réchauffement climatique ?", 16.4.2007 et quantité d'autres billets sur ce projet démentiel. 

jeudi 6 octobre 2022

Machinalement

C’est quand les machines nous lâchent que nous nous rendons compte à quel point nous en sommes dépendants.
Plus de dix jours sans téléphone fixe, sans Internet, sans wifi et nous voilà coincés, incapables de réserver un billet de train, de gérer nos comptes bancaires, de publier des billets ou des photos, de faire des recherches sur Internet.
Notre opérateur téléphonique, par trois fois, nous annonce l’intervention d’un technicien. Il travaille à distance et un message automatique nous signale que le problème est réglé. Mais son appareil doit être daltonien, incapable de faire la différence entre une lumière verte fixe et une lumière rouge clignotante. Un humain, même peu éveillé, la fait immédiatement. Mais les humains restent au loin. L’un d’eux cependant nous appellera ce soir, un membre de la « cellule d’experts » qui devrait essayer de débrouiller le problème (faut-il comprendre que les opérateurs qui se sont entretenus avec nous ne sont qu’ignorants ?). L’expert aura-t-il l’intelligence de nous envoyer un technicien qui viendrait sur place tenter, au moins tenter, de résoudre le problème plutôt que d’accorder une foi aveugle à des machines visiblement incapables d’en gérer d’autres ?