C'est un conflit sur lequel tant de gens se posent en experts et ont un avis arrêté. Les jugements émis aux comptoirs des bistros ou sur les réseaux prétendument sociaux (c'est parfois la même chose) sont définitifs et font loi. Il y a les méchants Israéliens qui commettent un génocide (1) et les gentils Palestiniens qui sont d'éternelles victimes. Et tant pis si la situation est pourtant d'une complexité inouïe et le cynisme partagé. La compassion et l'indignation ne font pas la vérité et bien malin qui la connaît.
"Le drame de Gaza, écrit Caroline Fourest dans Franc-Tireur (3), c’est la définition de l’enfer. Celui de civils gazaouis piégés par le Hamas, qui s’en sert comme boucliers humains, et par l’armée israélienne, qui les traite comme des dommages collatéraux. Le drame de Gaza, ce n’est pas un génocide (1), mais une très sale guerre née d’un pogrom, menée par une armée puissante décidée à éliminer un voisin ayant juré sa mort, quoi qu’il en coûte. Un coût inhumain."
Dans Charlie Hebdo (4), son rédacteur en chef Gérard Biard dénonce les tirs de l'armée israélienne sur des foules qui cherchent juste à se nourrir et ne constituent aucune menace. "Si le mépris qu'ont Netanyahou et d'autres responsables et élus israéliens pour la vie des Palestiniens - et par la même occasion pour la vie des otages israéliens toujours détenus à Gaza - est patent, le Hamas a lui aussi prouvé qu'il faisait peu de cas du sort de sa population, qu'il considère avant tout comme un bouclier humain et une chair sacrificielle pour la cause. Plus les Gazaouis souffrent et meurent, de faim, de soif ou sous les balles, plus il est facile de faire d'Israël le monstre absolu - et force est de reconnaître que c'est de plus en plus facile... (5) La famine est une arme de guerre. Mais il ne faut pas oublier que cette guerre-là est aussi une guerre de communication. Qu'Israël a déjà perdue."
Peut-on entrevoir malgré tout une lueur d'espoir ? "S’il existe un chemin, c’est celui ouvert par la Conférence de l’ONU sur la solution à deux Etats, estime Guillaume Auda. Où pour la première fois des pays comme l’Égypte, le Qatar, la Turquie et même la Ligue arabe en tant qu’organisation appuient la liquidation militaire du mouvement islamiste et l’émergence d’une alternative palestinienne crédible en échange d’une reconnaissance mutuelle Israël - Palestine. Un horizon politique donc, c’est le seul moyen d’obtenir un cessez-le-feu durable, de mettre fin au calvaire des otages et à cette guerre à Gaza où deux millions de Palestiniens n’ont plus aucun recours ni contre la férocité de l’armée israélienne, ni contre le Hamas et son cynisme mortifère."
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/08/03/david-grossman-celebre-ecrivain-israelien-qualifie-de-genocide-les-actions-d-israel-dans-la-bande-de-gaza_6626397_3210.html
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-lundi-04-aout-2025-4694066
(3) Caroline Fourest, "Le Drame de Gaza", Franc-Tireur, 30.7.2025.
(4) "Gérard Biard, "L'info à l'os", Charlie Hebdo, 30.7.2025.
(5) "La population gazaouie paie le prix d’une stratégie calculée. Yahya Sinwar, chef du bureau politique du Hamas et l’un des architectes de l’attaque du 7-Octobre, abattu le 16 octobre 2024 à Rafah, l’écrivait déjà dans un message adressé aux dirigeants du Hamas réfugiés au Qatar : « L’effusion de sang profitera au Hamas. » Et il n’avait pas tort.", Joël Kotek, op. cit.
Totalement d'accord avec l'essentiel de ton billet, Michel, notamment sur les sources d'information et sur le Hamas, bien évidemment. Il convient cependant d'ajouter (tu l'as sans doute lu) que deux ONG israëliennes, B’Tselem et Physicians for Human Rights, parlent également de Génocide : "Lundi 28 juillet, ces deux ONG ont rendu publics deux rapports consacrés à la guerre lancée à Gaza en réaction à l’attaque terroriste du 7-Octobre. L’un et l’autre concluent qu’« Israël mène des actions coordonnées pour intentionnellement détruire la société palestinienne à Gaza. En d’autres mots, qu’Israël commet un génocide ». (source Le Monde, avec leur interview). Il y a notamment cette déclaration de Yuli Novak, directrice de B’Tselem : " Nous avons collecté toutes les informations disponibles sur les actions de l’armée à Gaza. Cela nous a amenés à la conclusion qu’Israël mène de façon coordonnée et intentionnelle une politique destinée à détruire la société palestinienne dans la bande de Gaza. Tout ce dont les êtres humains ont besoin pour vivre est ciblé, tout ce sur quoi repose la société, en commençant par les habitations, les infrastructures, etc. Un génocide, ce n’est pas seulement des tueries de masse. Ce qui s’observe à Gaza s’inscrit dans un processus de destructions, coordonné et cohérent." Au-delà de la qualification juridique, que Joël Kotek a certainement bien déplié, la menace de famine, la destruction généralisée de Gaza et le nettoyage ethnique ne fait aucun doute. Il est revendiqué par des poids lourds du gouvernement israëlien. Et la Cisjordanie est aussi dépecée volontairement, comme chacun sait. C'est une horreur sans fond, sinon celle des images générées par l'IA sur la "riviera gazouïe". Le cynisme infâme s'ajoute à la destruction totale.
RépondreSupprimerA nouveau d'accord avec toi. A 100%.
RépondreSupprimerEt ce que je constate c'est que sur cette question, il y a trois camps : celui, nettement majoritaire chez nous, des manifestants en keffieh et drapeaux palestiniens qui scandent en rythme le mot génocide sans se soucier de ce qui se passe en Ukraine, au Congo, au Yémen ou dans de si nombreux coins du monde ; celui qui défend bec et ongle Netanyahou (perso, je n'en connais pas) ; et entre les deux, le camp des ni-ni, qui s'émeuvent face à l'horreur qui règne à Gaza mais qui, avant tout, voue le Hamas, le Hezbollah et l'Iran aux gémonies. Je fais nettement partie de ce troisième camp.
Eh bien, ce que je constate que c'est de plus en plus difficile de parler avec nos amis du premier camp, sans se faire traiter de salauds, de génocidaires, de sionistes.
La démocratie, c'est le débat. Comment croire qu'une démocratie digne de ce nom puisse exister au Moyen-Orient au point d'y faire régner durablement la paix et l'harmonie si, ici, chez nous, pays démocratiques, on ne peut plus tenir le débat qu'avec celles et ceux avec qui on est d'accord ?...
La situation, oui oui, est bien grave.
Sans abuser des commentaires, Michel, s'il n'y a effectivement pas de liberté d'investigation pour les journalistes à Gaza, il y a les témoignages terrifiants de médecins, notamment celui publié aujourd'hui dans Le Monde. Et celui du livre de Filiu dont j'ai lu un extrait dans le même journal. L'horreur de Gaza, c'est aussi le règne de la terreur du Hamas vis-à-vis de la population palestinienne, la lutte des clans entre eux pour le contrôle de la nourriture. Filiu, si je me souviens bien, dit que la majorité des blessés par balles sont des tirs dans les rotules fait par le Hamas ou d'autres islamistes. Il ne m'étonnerait pas qu'un jour on découvre qu'il y a eu du cannibalisme à Gaza (il me semble que certains en ont déjà témoigné) comme lors de la famine de 1933 en Ukraine. Pour la question du débat, c'est extrêmement préoccupant. C'est d'ailleurs une des raisons invoquées pour la fin de la revue Le Débat (Piere Nora et Marcel Gauchet). Il m'est arrivé ici à Bruxelles de dire à des amis écolos que j'aimais l'émission Répliques de Finkielkraut, pour la manière dont Finkie gère les débats en invitant des personnes qui ne sont pas d'accord entre elles (et avec lui, bien évidemment). Tout en disant que "je n'étais pas toujours d'accord avec Finkie, etc." Cela a créé un incident diplomatique...
RépondreSupprimerSur la question du génocide, il y a aussi une prise de position de David Grossman (voir dans les références de mon billet) qui utilise désormais le terme. Effectivement, le débat devient impossible. J'en ai moi aussi fait les frais il y a quelques jours : pour avoir voulu aborder le rôle néfaste et pervers du Hamas, je me suis fait traiter de suppôt d'Israël. Vous essayez de prendre un peu de recul ? On vous claque la porte au nez !
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