mercredi 18 juin 2025

Religions suicidaires

Certaines personnes restent convaincues que les religions vont sauver le monde. Elles le mettent à feu et à sang. La guerre des religions bat son plein actuellement. Entre le Hamas et le gouvernement israélien et entre ce dernier et le gouvernement iranien.
"Les sionistes religieux sont persuadés qu'Israël est entré dans une période eschatologique (1), affirme le journaliste Charles Enderlin, ancien chef de bureau de France 2 à Jérusalem. Pour eux, tous les évènements auxquels on assiste ont été décidés par Dieu. Le Messie va arriver." (2) Charles Enderlin préfère parler de messianiques plutôt que de suprémacistes. "En miroir, les djihadistes sont tout autant dans l'eschatologie. Le cheikh Ahmed Yacine, le fondateur du Hamas, avait établi une théologie fondée sur la sourate 17 du Coran et conclu qu'Israël disparaîtrait d'ici à 2027. C'est sur la base de cette vision que les chefs du Hamas ont commis l'attaque terroriste du 7 octobre. Les fondamentalistes musulmans et juifs ont bel et bien lancé une guerre de religion."
Des deux côtés, le grand rêve, c'est l'anéantissement de l'autre et la création d'un Etat théocratique. "L'actuel gouvernement (israélien) transforme le pays en un Etat quasi théocratique, discriminant les non-Juifs", constate Charles Enderlin. "Benyamin Netanyahou suit l'idéologie de son père, l'historien Benzion Netanyahou, qui était opposé à tout accord avec les Arabes et à toute concession aux Palestiniens. Il était l'ennemi juré de Ben Gourion et des socialistes juifs. Ce sont les raisons pour lesquelles son fils a fait alliance avec les sionistes religieux messianiques, le mouvement raciste dirigé par Itamar Ben Gvir et les ultraorthodoxes opposés à la laïcité. Et oui, selon moi, ce gouvernement représente un danger existentiel pour Israël." Par sa violence excessive, ce gouvernement est en train de se faire mettre au ban de la société mondiale, ce que cherchait visiblement le Hamas avec les réactions attendues à son attaque barbare du 7 octobre et ce qu'il cherche toujours en refusant tout cessez-le-feu et la libération des otages.
Le Hamas et le gouvernement théocratique iranien ne sont animés que par leur haine des Juifs et d'Israël. Le sort des Palestiniens n'est pas leur souci, seul compte leur objectif de jeter à la mer tous les Israéliens.
Finalement, ces obsessions aveuglantes mènent les uns et les autres à une attitude suicidaire.

(1) Le Larousse définit l'eschatologie comme les "doctrines et croyances relatives aux fins dernières de l'homme et de l'Univers".
(2) "Les fondamentalismes musulmans et juifs ont bel et bien lancé une guerre de religion", Charlie Hebdo, 14.5.2025.

lundi 9 juin 2025

Des suicides assassins

Le gouvernement israélien n'a visiblement plus aucune limite. La vengeance compréhensible des attaques barbares du 7 octobre semble inextinguible et ne prendra fin que quand les habitants de Gaza seront tous morts ou exilés. De son côté, le Hamas n'exprime aucune envie de voir cesser le massacre des siens, pas plus que de libérer les otages israéliens. Tout cela doit s'arrêter immédiatement, comme l'affirment de nombreuses personnalités françaises qui appellent l'Union européenne à agir et exhortent le président français à l'organisation d'un congrès mondial pour la paix, ouvert à la société civile, dont les objectifs seraient les suivants (1).

"1. Les Israéliens et les Palestiniens ont le droit les uns et les autres à un Etat souverain, constitué selon les normes démocratiques, respectueux de l’Etat de droit et dont la sécurité est garantie. Ils doivent l’accepter les uns et les autres et se reconnaître mutuellement.
2. Tous les otages vivants et les dépouilles de ceux qui sont morts doivent être rendus. L’intervention militaire d’Israël à Gaza doit s’arrêter immédiatement. Le Hamas doit rendre les armes. Gaza doit être administrée par une autorité palestinienne ou arabe à laquelle l’organisation terroriste ne participe pas. Ce sont les concours financiers des pays arabes qui assureront sa reconstruction. De nouvelles élections doivent être organisées en Israël.
3. Les négociations doivent s’engager entre Israéliens et Palestiniens sur la base, entre autres, des « paramètres Clinton » de 2000, de l’initiative arabe de 2002, de l’initiative de Genève de 2003, des propositions Nasser al-Qidwa/Ehoud Olmert de 2024 qui, les unes après les autres, ont permis de préciser les contours possibles des solutions à apporter aux différents problèmes épineux que sont le tracé des frontières, le sort des colonies israéliennes dans une Cisjordanie qui doit évidemment faire partie de l’Etat palestinien, le statut de Jérusalem, la question du droit au retour… Il devra sans doute être envisagée une démilitarisation provisoire de l’Etat palestinien avec des garanties internationales pour sa sécurité.
4. Les pays démocratiques doivent lutter de toutes leurs forces pour combattre chez eux l’antisémitisme et la haine contre les musulmans. Etre sioniste n’est pas un crime, être pro-palestiniens non plus. L’un et l’autre points de vue doivent pouvoir s’exprimer librement dès lors qu’ils ne recourent pas à un discours de haine, ne nient pas le droit à l’existence de l’autre ni ne le déshumanisent. Les Palestiniens ne sont pas des nazis et les Israéliens non plus. Les musulmans ne sont pas comptables des crimes du Hamas ni les juifs responsables de l’extrême droite israélienne. Les juifs et les musulmans ont droit à une existence normale et sûre dans les pays où ils vivent quoi qu’il arrive au Proche-Orient. (...)
5. Les forces politiques qui instrumentalisent le conflit, exacerbent les tensions entre les juifs et les musulmans, jettent de l’huile sur le feu par des propos excessifs et des anathèmes inutiles doivent être combattues et mises au ban du débat public."

Ces objectifs semblent tomber sous le sens, mais la raison et la guerre ne font jamais bon ménage. La haine réciproque que se vouent le Hamas et l'actuel gouvernement israélien les entraîne dans une forme de suicide qui emporte tant de vies innocentes. 

 (1) https://www.nouvelobs.com/monde/20250603.OBS104551/israel-palestine-l-appel-de-152-personnalites-pour-un-congres-mondial-pour-la-paix.html

jeudi 5 juin 2025

Un progrès réactionnaire

Décidément, l'islamisme ne semble pas inquiéter une part importante de la gauche belge. La Région de Bruxelles est sans gouvernement depuis quasiment un an et voilà qu'on nous annonce, sans rire, qu'une majorité présentée comme progressiste pourrait gouverner Bruxelles en intégrant en son sein la Team Fouad Ahidar. En quoi celui-ci serait-il progressiste, lui qui est l'incarnation de la réaction ? Lui qui a déclaré : « Pour certains, les cultes doivent rester à la maison, pour moi c’est le contraire ».

Comme l'écrit le mouvement Les Universalistes, "la Team Fouad Ahidar, qui n’a rien d’humaniste, s’inscrit dans une démarche de fracture sociale et sociétale, entretenant de l'animosité entre les uns et les autres, et faisant appel à des réflexes archaïques pour appréhender les problématiques de société. Cette formation politique développe un projet fondé sur le repli religieux, identitaire et le communautarisme qui est l’exacte négation d’une vision humaniste de la société."

En octobre dernier, Le Monde décrivait ainsi Fouad Ahidar (1) : "Musulman pratiquant, ancien conseiller d’un ministre nationaliste flamand, passé au Parti socialiste flamand avant d’être exclu, en 2022, pour son refus de condamner l’abattage rituel des animaux, l’élu parfaitement bilingue traîne, il est vrai, une réputation sulfureuse alimentée par son discours décrit comme communautariste par ses adversaires, ses contacts avec un prêcheur radical de Molenbeek, son plaidoyer pour le port du voile, y compris pour les détentrices d’une fonction d’autorité, ou les propos qu’il a tenus en octobre 2023 sur les attaques terroristes du Hamas. Une « petite réponse » à la politique « génocidaire » menée depuis soixante-quinze ans par Israël à l’égard des Palestiniens, a-t-il dit, avant de s’excuser quelques jours plus tard et d’indiquer que « toute mort est une mort de trop ». Pour des représentants de la communauté juive, il n’est, en tout cas qu’« un antisémite forcené et un islamiste profondément ancré » ".

On s'interroge : où serait le progrès d'un gouvernement bruxellois qui s'allierait à ce personnage qui donne priorité à la religion par rapport à la politique ? "A l’inverse, écrivent encore Les Universalistes, le « progrès » consiste à affirmer la neutralité de l’État, à défendre inconditionnellement l’égalité entre les hommes et les femmes et à ne pas tolérer que la loi civile soit influencée par des considérations religieuses."

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/05/en-belgique-fouad-ahidar-un-elu-marginal-devenu-un-acteur-cle-dans-la-region-de-bruxelles_6344329_3210.html


mercredi 4 juin 2025

Belgique aveugle

Les Belges sont gentils, c'est ce qu'on dit, et tolérants. Peut-être un peu niais ? En tout cas trop laxistes. La Belgique apparaît, aux yeux de nombreux analystes, comme une terre d'accueil de l'islamisme le plus radical. Avec l'aide d'une partie de la gauche et de l'extrême gauche de plus en plus cul-bénit. 
Un récent rapport du Ministère français de l'Intérieur confirme ce que savent et disent depuis longtemps celles et ceux qui s'en inquiètent : il existe, en France, en Europe, et en Belgique particulièrement, une mouvance islamiste qui avance de plus en plus clairement avec l'objectif d'imposer dans la société ses croyances et ses modes de vie, pour, comme l'écrit Riss (1), "modifier le système politique actuel, basé sur la démocratie, pour le tirer vers un autre, théocratique, fondé sur la religion musulmane". Une bonne partie de la presse française dénonçait le danger que représentent les Frères musulmans et soulignait combien la Belgique apparaît comme permissive à l'entrisme islamiste. Un livre récent, rédigé par deux journalistes, témoigne des dérives dont est victime l'enseignement en Belgique francophone et de la solitude des profs abandonnés face à la montée de l'islamisme (2).

Il y a peu, la Cour de cassation de Belgique a donné raison à un prédicateur marocain que l'Etat belge avait pourtant chassé de son territoire en octobre 2021. En 2009, cet inquiétant personnage avait appelé à ce que "un feu ardent brûle les sionistes". Il avait aussi rejeté la fixation de l'âge du mariage à 18 ans pour les Marocaines, estimant que 9 ans suffisent (3). Ce pédophile islamiste va donc pouvoir revenir à Molenbeek encourager ses ouailles à des pratiques qu'on croyait révolues depuis longtemps. Lors de son procès, il a dû être aidé d'un interprète. Comment comprendre que des étrangers maitrisant bien le français et parfaitement intégrés soient expulsés alors que de tels individus soient réintégrés et obtiennent la nationalité belge ?  
Toutes celles et tous ceux qui hurlent à l'islamophobie quand des rapports et des témoignages de terrain s'inquiètent de la progression de moins en moins rampante de l'islamisme, tous ceux-là s'avèrent en fin de compte racistes, abandonnant les enfants, les femmes, tous les citoyens dits de culture musulmane à des règles dont eux-mêmes n'accepteraient pas un centième pour eux et leurs proches. 

(1) Riss, "Contre-révolution 2.0", Charlie Hebdo, 28.5.2025.
(2) Laurence D'Hondt et Jean-Pierre Martin, "Allah n'a rien à faire dans ma classe - Enquête sur la solitude des profs face à la montée de l'islamisme", Racine, 2024.
(3) J.-Y. C. "Créolisation", Charlie Hebdo, 28.5.2025.

mercredi 21 mai 2025

mardi 13 mai 2025

Le silence du Rambo russe

Comme tous les dictateurs, Vladimir Poutine a un sens de l'humour qui lui est propre. Il s'était dit prêt à un cessez-le-feu si les livraisons d'armes à l'Ukraine cessaient. Ainsi sont les tyrans, prêts à se montrer magnanimes avec ceux qu'ils ont mis à genoux et qui ne peuvent même plus se défendre.
Aujourd'hui, il déclare qu'il veut négocier directement avec l'Ukraine. Volodymyr Zelensky le prend au mot et lui propose de venir discuter directement avec lui en Turquie ce jeudi. Mais le chef mafieux se tait. On ne l'entend pas dans le bruit et la fureur qu'il continue à faire tomber sur l'Ukraine. Zelensky dénonce un "silence bien étrange". Il a déploré que "malheureusement, le monde n’a toujours pas reçu de réponse claire de la Russie aux nombreuses propositions de cessez-le-feu". Poutine, dit-on, malgré ses airs bravaches et ses roulements de mécaniques, a une peur panique qu'on attente à sa vie.  Le tueur en série aura-t-il le cran d'aller jusqu'en Turquie et de discuter avec son homologue ukrainien ?
Son porte-parole, lui, a rejeté toute idée de cessez-le-feu inconditionnel de trente jours : " ce langage d’ultimatums est inacceptable pour la Russie, il ne convient pas. On ne peut pas s’adresser à la Russie avec un tel langage", a déclaré Dmitri Peskov. Pour s'adresser à l'Ukraine, la Russie ne connaît que le langage des bombes. 
La Russie, championne de l'hypocrisie, s'est enfermée dans une fuite en avant : elle ne veut que la paix et ne fait que la guerre.

A voir ce soir à 21h sur Arte : "Zelensky", documentaire d'Yves Jeuland, Ariane, Chemin et Lisa Vapné.


mercredi 7 mai 2025

What a wonderful world

On sentait bien qu'il y avait un manque. Poutine et sa clique de tueurs qui veulent avaler le territoire ukrainien quel que soit le prix du sang et qui terrorisent leur propre population ; Nétanyahou et son gouvernement d'extrême droite qui veulent raser Gaza et faire fuir ses habitants qu'ils n'auront pas tués ; le Hamas qui préfère voir mourir les Palestiniens que de relâcher les otages israéliens ; le Soudan qui se déchire, tout comme le Yemen ; la guerre entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo ; l'Iran et l'Afghanistan qui enferment les femmes qui ont le grand tort de ne pas se contenter de vivre dans leur cuisine ; la Chine qui menace Taïwan ; l'Algérie et la Tunisie qui emprisonnent leurs intellectuels ; le régime turc qui enferme ses opposants ; la Birmanie, la Corée du nord, la Biélorussie et tant d'autres pays qui empêchent toute liberté à leurs habitants ; la Chine et la Russie qui colonisent l'Afrique ; les extrémistes de droite et les populistes qui s'installent au pouvoir ou s'en approchent ; l'antisémitisme qui revient au grand galop avec l'aide, notamment, de l'extrême gauche ; les demandeurs d'asile qui sont considérés comme des pestiférés ; le réchauffement climatique qui s'accélère tandis que les voyages en avion n'ont jamais été aussi nombreux ; le Père Ubu qui a pris la tête des Etats-Unis et s'amuse à tout casser ; tout cela ne suffisait pas. Voilà que l'Inde et le Pakistan se font la guerre. 

L'animateur et comédien Hervé Pauchon a traversé la France à pied en demandant aux gens croisés sur sa route ce qui les rend heureux (1). Le plus souvent, c'est leur lien avec la nature qu'ils citent. On voit par là que la nature est bien plus rassurante que l'humanité. 

https://www.youtube.com/watch?v=VqhCQZaH4Vs

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/carnets-de-campagne/carnets-de-campagne-du-mercredi-07-mai-2025-6502218

vendredi 2 mai 2025

Derrière l'écrivain, un peuple réduit au silence

Dans deux semaines, il y aura six mois que Boualem Sansal est emprisonné à Alger. Coupable d'être critique envers le régime algérien. Comme l'écrit Le Monde (1), "le silence s’installe autour de sa cause. Il menace d’aggraver le sort d’un homme qui paie de sa liberté le choix d’avoir voulu rester dans son pays tout en cinglant le pouvoir de ses critiques".   
Lisa Romain vient de publier un essai : "Boualem Sansal à l’épreuve du réel" (2). "L’autrice, écrit Le Monde, montre (...) avec talent que l’œuvre de (Sansal) consiste en un effort de retrouvailles avec le réel. Car l’accès au réel s’est trouvé obturé par la propagande islamiste comme par celle du régime algérien, que Boualem Sansal a l’une et l’autre combattues en démocrate, en laïc et en partisan des identités plurielles dont son pays est fait (arabe, kabyle, juive, européenne, etc.). Aux yeux de Sansal, les médias algériens aux ordres et les consciences occidentales au jugement altéré par la culpabilité postcoloniale contribuent à brouiller la réalité de l’Algérie contemporaine. Tout comme la tendance au « quituquisme » (qui tue qui ?). On désigne par là une mentalité frisant le complotisme, qui empêche d’attribuer les massacres islamistes à leurs véritables auteurs, soit qu’on cherche à ceux-ci des circonstances atténuantes en en faisant de modernes « damnés de la terre », soit qu’on voie dans leurs exactions la main des militaires algériens (les puissants d’Alger n’étant par ailleurs nullement exonérés par Sansal de leurs propres méfaits)."

En Belgique francophone, à l'initiative du Pen Belgique francophone, une quarantaine d'auteurs ont publié en commun des textes de soutien à leur prestigieux confrère algéro-français, réunis sous le titre "Amorces de récits - En soutien à Boualem Sansal" (3).
L'un de ces auteurs, Christophe Roche-Ford, revient sur l'accusation principale adressée par le pouvoir à l'écrivain : avoir osé enfreindre un tabou. Dans une interview, il a questionné "la légitimité historique du tracé de la frontière héritée de la colonisation entre l'Algérie et le Maroc". La Guerre des Sables avait eu lieu en 1963 à son sujet. C'est l'Organisation de l'Unité africaine qui y avait mis fin, "reconnaissant l'intangibilité des frontières coloniales, essentielle à la stabilité du continent africain". Pour avoir questionné ce tracé, Sansal est aujourd'hui poursuivi notamment pour "acte terroriste ou subversif" et la presse algérienne parle de lui comme d'un "traitre" et d'un "pantin révisionniste anti-algérien". 
Voilà l'Algérie, qui s'est enfermée dans son passé de lutte anti-colonialiste, qui défend la frontière tracée par les colons.

"En invoquant l'histoire pour interroger les frontières, il (Boualem Sansal) a fait sortir de sa contenance un pouvoir intransigeant sur le contenu du pays", écrit Jean-Marc Rigaux, avocat et écrivain. "La ligne artificielle dessinée par l'ancien colonisateur pour séparer le royaume chérifien du Maroc de l'Algérie encore inexistante devient paradoxalement une ligne de défense du caractère intangible du pays. Tout ce qu'a fait ou non la France a été et reste néfaste. Sauf cela. La limite. Ici. Chez nous. Là. Chez eux."

"En attendant, écrit encore Christophe Roche-Ford, "ce passé qui se met en travers du présent verrouille la situation politique et est une pièce maîtresse de la névrose du pouvoir algérien, se réclamant de la guerre de libération du peuple algérien tout en confisquant sa liberté, et qui a conduit à l'arrestation arbitraire de Boualem Sansal." L'emprisonnement d'un écrivain questionne la liberté de tout un peuple. "La nuit de Boualem Sansal en sa prison est aussi la très longue nuit du peuple algérien." 

(1) https://www.lemonde.fr/livres/article/2025/04/30/boualem-sansal-a-l-epreuve-du-reel-de-lisa-romain-l-ecrivain-qui-engage-son-lecteur_6602011_3260.html
(2) éditions Cerf.
(3) Asmodée Edern, Pen Belgique francophone. 


lundi 28 avril 2025

Les cahiers au feu et le prof au milieu

La bande de philistins qui tente de diriger les Etats-Unis s'est donné une grande mission : tout casser. A commencer par la science et l'éducation. "Nous devons, honnêtement et agressivement, attaquer les universités dans ce pays." C'est ce qu'avait déclaré en 2021 celui qui est devenu au début cette année vice-président des Etats-Unis, J.D. Vance, qui n'a visiblement jusqu'à présent impressionné personne par la finesse de ses analyses, sa hauteur de vue ou sa sagesse "Nous avons besoin de sagesse, avait-il affirmé, et il y avait de la sagesse dans ce que Richard Nixon a dit il y a quarante, cinquante ans : Les professeurs sont l'ennemi". 
On aurait aimé qu'il explique ce que signifie attaquer honnêtement ou encore en quoi il serait sage de s'attaquer aux enseignants, mais en est-il capable ?
Ces béotiens n'ont pas besoin de se justifier, l'échange, le débat, la discussion leur sont aussi étrangers que l'intérêt collectif. Donc, ils cognent, ils coupent, ils dépècent, ils mentent, ils insultent. Il faut leur reconnaître cela : dans ces domaines, ils ont de grandes compétences.
Ils coupent les vivres aux universités qui ne s'alignent pas sur leurs ukases, ils suppriment des organismes de recherche ou taillent dans leurs subventions, ils dépècent le ministère de l'Education.
Les universités ont été sommées de retirer de leurs programmes toute référence à la recherche sur l'environnement, sur les inégalités ou les discriminations. Quand on a cassé le thermomètre, on ne constate plus de fièvre. Ainsi le veut l'idéologie trumpienne, "improbable cocktail de nationalisme chrétien et de techno-fascisme crétin mixé dans le bureau ovale" (1). "Soyez (et soyons) encore plus stupides", serinent ceux que Giuliano da Empoli appelle "les ingénieurs du chaos". L'irrationnel devient la norme, "le savant est moqué et l'ignorant porté aux nues". L'ignorance n'empêche rien, au contraire : Ubu Trump est devenu président de la première nation mondiale. 

Avant lui, son collègue illibéral Vikor Orban avait déjà agi de la sorte : en 2010, il supprimait le ministère hongrois de l'Education nationale. Il ne cesse de restreindre l'autonomie des enseignants (ceux du public, les écoles catholiques et protestantes étant favorisées), d'augmenter leur charge de travail, d'intervenir dans le contenu des manuels scolaires. Il leur a même interdit la grève. Des milliers d'enseignants ont préféré démissionner. Ceux qui restent se résignent, par peur d'être dénoncés. (2)

Pendant ce temps (3), le tueur en série Poutine transforme les lycées russes en antichambres de l'armée. Plusieurs fois par semaine, les élèves, vêtus d'une tenue militaire, sont conditionnés au nationalisme et à la nécessité de prendre prochainement les armes pour défendre la patrie. 

"L'ignorance, c'est la force", proclame le Parti dirigé par Big Brother dans 1984  de George Orwell. 

(1) Olivier Pascal-Moussellard, "La guerre au savoir est déclarée", Télérama, 26.3.2025.
(2) Marc Belpois, "Orban, touche pas à ma fac !", Télérama, 16.4.2025.
(3) Un reportage dans le Journal d'Arte en témoignait récemment.