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dimanche 21 janvier 2024

L'école des fan(atique)s

Voilà plus de vingt ans qu'en Communauté française de Belgique on réfléchit, dans l'enseignement officiel, à la création de cours de philosophie et de citoyenneté en lieu et place des cours de religion qui séparent les élèves selon leurs convictions. Ici, celles et ceux qui suivent les cours de religion catholique, là les élèves de religion protestante, là encore de religion musulmane ou juive, et puis des cours dits de morale pour ceux qui n'ont pas de religion ou en tout cas n'en veulent pas au programme de leurs cours. Chacun s'y trouve conforté dans ce qu'il croit ou plutôt dans ce que croient ses parents. Des cours qui divisent ou éloignent plutôt que des cours qui amènent les uns et les autres à se poser des questions sur ce qui fonde l'humanité et devrait aider au vivre-ensemble. Visiblement, le dossier n'avance pas (1). 

Ce qui avance au contraire avec ses gros sabots, c'est la religion, en particulier musulmane dans nos pays, mais aussi évangélique aux Etats-Unis et en Afrique, qui impose de plus en plus ouvertement ses signes et ses codes à l'école.  Il y a quinze ou vingt ans, une de mes connaissances me reprochait d'être critique par rapport au voile. Ce n'était selon lui qu'une mode passagère. Depuis, la mode s'est solidement installée et le foulard est apparu comme le cheval de Troie de la religion musulmane qui entend définir non seulement comment s'habiller mais aussi ce qui peut ou doit être enseigné et ce qui doit être interdit. 
Dans Charlie Hebdo (2), un prof de français du 93 dit avoir vu la moitié de ses élèves de cinquième baisser la tête pendant la diffusion d'un documentaire sur les dieux et les héros de l'Antiquité. La nudité de certains d'entre eux leur était insupportable. Les sorties dans les musées deviennent problématiques, dit-il. Pendant le ramadan, certains se bouchent les oreilles dans les cours de musique. Et il est difficile et délicat d'aborder la liberté de la presse et l'éducation à la caricature. L'orthopraxie conquiert de plus en plus d'écoles.
Il y a pire : en Allemagne, dans une école secondaire proche de Düsseldorf, quatre élèves ont tenté - et en partie réussi, semble-t-il - de faire appliquer la charia à leurs camarades. Ils auraient, selon La Libre (3), "fait pression sur le corps enseignant pour que les règles strictes de l’Islam soient appliquées, devenant une vraie “police de la charia” auprès des élèves". Les garçons étaient assis à l'avant de la classe et les filles, très couvertes, évidemment reléguées au fond. Elles évitaient du regard leurs enseignants masculins. Les jeunes flics de la charia souhaitaient que les cours se terminent plus tôt le vendredi pour permettre aux élèves musulmans d'aller prier.

Le journaliste et poète Omar Youssef Souleimane, réfugié syrien qui a acquis la nationalité française, anime des ateliers d'écriture dans des écoles secondaires. Dans "Etre Français" (4), il parle de ces jeunes, troisième génération d'enfants d'immigrés, qui s'enferment dans l'islam comme dans une identité qu'ils ont du mal à trouver. "Le plus étonnant, c'est que la majorité de ces jeunes ne connaît de l'islam que le mot halal, le voile, l'interdiction de boire de l'alcool et le ramadan. (...) Ils répondent inconsciemment à l'injonction de n'être que des Arabes, des musulmans, uniquement pour ne pas être Français, pour ne pas appartenir à ce pays qui nous a occupés." La religion, leur religion, pour ces jeunes, a tous les droits et ne peut être critiquée ou remise en question. Ou simplement remise à sa place qu'elle déborde de plus en plus largement en niant le rôle fondamental de l'école. Qui est de les éclairer et de leur éviter l'obscurantisme.

(2) "Pudibonderie et bondieuseries", Charlie Hebdo, 17.1.2024
(3) https://www.lalibre.be/international/europe/2024/01/19/priere-separation-entre-les-filles-et-les-garcons-tenues-religieuses-des-eleves-dune-ecole-allemande-essayent-de-mettre-en-place-la-charia-PLQESGGT2RDLNJOZIKEY46FYWA/
(4) Omar Youssef Souleimane, "Etre Français", Flammarion, 2023.

mardi 10 mai 2022

Talibans et bonnes âmes

De bonnes âmes occidentales voulaient se (et nous) persuader qu'ils avaient changé. Que les talibans nouveaux étaient arrivés, que ceux de 2021 n'étaient pas ceux de 1996. Mais les talibans restent ancrés dans un passé qui n'a sans doute jamais existé, dans une époque où l'homme avait tellement peur de la femme qu'il l'obligeait à se cacher pour qu'elle disparaisse de sa vue, une époque où l'homme se voyait comme un animal soumis à ses pulsions sexuelles. En 2022, ils se voient toujours de même : de pauvres êtres qui ne peuvent se maîtriser. Aussi, les talibans, après avoir interdit aux Afghanes de prendre l’avion sans parent masculin et fermé les collèges et lycées aux filles, viennent-ils d'obliger ces mêmes femmes à porter un voile intégral dans l’espace public, de préférence la burqa. "Car c’est traditionnel et respectueux". Respectueux de qui ou de quoi ? Certainement pas des femmes réduites à l'état de fantômes.
« Les femmes qui ne sont ni trop jeunes ni trop vieilles devraient voiler leur visage, à l’exception de leurs yeux, selon les recommandations de la charia, afin d’éviter toute provocation quand elles rencontrent un homme » qui n’est pas un proche membre de leur famille, précise le décret qu'ils ont adopté. Et si elles n’ont pas d’importante tâche à effectuer à l’extérieur, il est « mieux pour elles de rester à la maison ». C'est la patriarcat le plus abject érigé en loi.
« L’islam n’a jamais recommandé le tchadri, a réagi une militante des droits des femmes restée en Afghanistan, sous le couvert de l’anonymat. Les talibans, au lieu d’être progressistes, retournent en arrière. Ils se comportent comme lors de leur premier régime, ce sont les mêmes qu’il y a vingt ans. » (1)

Pendant ce temps dans nos pays, les mêmes bonnes âmes occidentales défendent le port du voile et s'attaquent violemment à qui ose le critiquer et même à celles qui se plaignent  d'être injuriées.
Il y a quelques jours, lors d'une réunion organisée par le Café laïque à Bruxelles, une habitante de Molenbeek, Nathalie, a témoigné de son vécu : pour aller au marché, elle - qui n'est pas musulmane - se voilait. Elle profitait ainsi de meilleurs prix, mais surtout elle évitait de se faire insulter, voire de se faire cracher dessus. Elle a témoigné de cette expérience sur Internet. Mal lui en a pris, puisqu'elle a été licenciée par son employeur pour faute grave : propos racistes. Et son syndicat l'a radiée, refusant de défendre "une raciste". Il faut donc taire le sexisme et les insultes. Les subir en silence. Et laisser une religion imposer sa loi scandaleuse dans la rue.

Il en va de même ailleurs. A Grigny, en région parisienne, par exemple. "Nous ne sommes que du bétail, dénonce Naïma : on nous demande en mariage quand nous passons entre les étals des marchés – lorsque nous sommes célibataires sans enfants et considérées comme vierges bien sûr. Aujourd’hui, ils mettent le voile aux petites-filles même lorsqu’elles sont encore bébé, pour les « habituer », « leur apprendre la pudeur ». Leur vie est déjà tracée du berceau jusqu’au cercueil : elles devront se taire, être soumises, et toujours dépendre d’un homme comme au bled." (...)
"Quand vous n’êtes pas voilée et que vous marchez sans mahram (tuteur de la femme en islam) dans la rue, vous êtes « la reine des putes ». Les femmes voilées essayent d’ailleurs de ramener les autres dans le « droit chemin », un chemin de silence et de souffrance.
Ne pas porter le voile, c’est se faire injurier pour un oui ou pour un non. Que l’on travaille, que l’on fasse des études, peu importe : si vous n’êtes pas voilée, vous n’êtes pas une femme bien. De ce fait, les hommes s’autorisent à vous faire des propositions indécentes et vous agressent sexuellement. Si vous n’êtes pas voilée, vous méritez d’être violée et de recevoir des coups. C’est cela la charia.
À Grigny, c’est le KGB islamique qui fait la loi. Même lorsque je fais mes courses, ils surveillent ce que j’achète : si c’est du vin ou du porc. Et si je n’achète que de la viande halal, ils se permettent encore de me reprendre sur mon « absence de pudeur » : « Maintenant, habille-toi correctement ! » Ils vont même jusqu’à surveiller ce qu’il y a dans le fond de nos culottes, c’est-à-dire si nous avons des amants, si nous sommes mariées, avec qui et pourquoi."
Naïma dénonce la "police religieuse" qui surveille les achats des musulmanes, ce qu'elles mangent, ce qu'elles boivent. Et, bien pire encore, les viols, la prostitution, les mariages forcés. 
"Ma mère a quitté le bled pour que je puisse échapper à l’islamisme, en France. Mais c’est l’enfer pour une femme de vivre à Grigny. Impossible d’avoir des activités normales et des plaisirs simples comme s’installer à la terrasse d’un café, ou porter une robe, sans être considérée comme une traînée, avec toutes les conséquences que cela implique. Je ne cède pas, même si c’est très dur car je suis isolée. Mais je ne survivrai pas encore longtemps dans cette jungle islamiste et communiste."

Qu'est-ce qui justifie, chez les bonne âmes occidentales, ce mélange de racisme et de sexisme, qui les amène à se ranger du côté des mâles en rut, à participer à l'asservissement et au mépris des femmes ? Que diront-elles quand les talibans de chez nous iront plus loin encore et imposeront la burqa et l'excision ? Pourquoi, selon elles, les hommes sont-ils libres d'aller et venir comme ils l'entendent, de s'habiller comme ils veulent et même de se promener torse nu quand les femmes doivent se voiler la tête si pas l'entièreté du corps ?
"Au fond, dit Sophia Aram (3), il n’y a que deux hypothèses, soit ils sont totalement obsédés, soit comme tous les fondamentalistes, ils n’ont qu’une seule vraie passion, qu’un seul objectif dans la vie : pourrir la vie des femmes. A moins que ce soit les deux !!!
Rien que cette semaine si tu cherches le point commun entre les talibans, les évangélistes texans et les juges catholiques de la cour suprême - en dehors de leur goût immodéré pour les armes automatiques et la croyance en l'existence d'un ami imaginaire : c'est qu'ils ne perdront jamais une occasion de pourrir la vie des femmes.
Convaincus comme le disait Saint Paul que “Dieu est le chef de l'homme et que l'homme est le chef de la femme“, ils sauteront sur chaque occasion de rappeler que le corps des femmes leur appartient."

Les bonnes âmes occidentales ont beau se croire de gauche, elles ont choisi leur camp : celui des talibans, des évangélistes texans et des juges catholiques de la cour suprême. Et elles font le lit de l'extrême droite.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/07/en-afghanistan-les-talibans-ordonnent-aux-femmes-de-porter-la-burqa-en-public_6125140_3210.html
(2) Publié dans la Tribune 28.1.2022.
(3) https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-09-mai-2022

vendredi 20 août 2021

Le taliban nouveau est arrivé

Vingt ans après, les voilà de retour. Les talibans ont, à grande vitesse, repris le pouvoir dans quasiment l'ensemble de l'Afghanistan. Ils jurent qu'ils ont changé. On peine à les croire: on voit les mêmes hommes, avec leurs tenues traditionnelles et leurs longues barbes islamistes. Les mêmes qu'il y a vingt ans. Les mêmes qu'il y a deux cents ans, sans doute. Mais leurs armes sont plus modernes. Ils n'ont eu qu'à se servir parmi les milliers d'armes et d'engins américains que l'armée afghane, en pleine débandade, leur a abandonnés. Ils ont changé et n'ont qu'un souhait: que leur pays vive dans l'harmonie. Bien sûr, ils font la chasse à tous ceux qui ont collaboré avec l'ancien gouvernement afghan et avec les Américains et ils recherchent même (témoignage entendu ce matin sur France Inter) ceux qui ont travaillé à la défense du patrimoine avec l'Unesco. C'est que ce patrimoine-là, bouddhiste, n'a rien d'islamique et seul ce dernier peut exister. Ils ont changé et semblent aujourd'hui "plus puissants, plus dangereux et plus riches que jamais", écrit Catherine Philips dans The Times (1). Discrètement soutenus par le Pakistan et bénéficiant de "ressources étrangères", notamment des fortunes du Golfe, ils se sont aussi enrichis grâce au trafic de drogue et à des rançons obtenues suite à des enlèvements. Ils ont changé et contrôlent leur communication: ils ont détruit les médias indépendants pour pouvoir développer leur propre récit, diffusant des images de populations qui les accueillent comme des libérateurs, sans parvenir toutefois à empêcher la diffusion d'exécutions de militaires afghans et de meurtres de civils. "Vingt ans après, écrit The Times, si les talibans 2.0 sont bien plus doués pour se vendre, rien n'a changé en revanche en ce qui concerne leur mission d'instaurer leur vision déformée de la charia. Toute leur légitimité, aussi piètre soit-elle, repose sur leur promesse de réinstaurer leur version de la loi islamique." 

L'accord de Doha, signé en 2020 entre Washington (époque Trump) et les talibans, est "une monumentale abdication devant la barbarie", écrivait Jean-Yves Camus il y a un mois (2). "Les étudiants en religion resteront ce qu'ils ont toujours été, c'est-à-dire des fanatiques arriérés dont la doctrine n'a pas varié d'un pouce" et qui ont pour constitution la charia. Ils jurent leur grand dieu qu'ils veulent juste créer un émirat islamique indépendant de toute puissance étrangère (même si, on l'a vu, ils sont largement subventionnés par des puissances étrangères à l'Afghanistan) et que les droits des femmes, des jeune filles, des minorités seront respectés. "Mais comment le croire, demande Jean-Yves camus, alors que la charia ne le permet pas? Alors que les liens avec al-Qaida subsistent et laissent ouverte la possibilité qu'un nouveau sanctuaire afghan serve de refuge et de camp d'entraînement au djihadisme international?" La population afghane n'est pas plus rassurée par le taliban nouveau que par l'ancien. Les femmes en particulier savent ce que c'en est fini de l'indépendance qu'elle avait acquise. Elles fuient et se cachent. Telle cette jeune journaliste qui n'a eu d'autre choix que de quitter sa vie et sa maison et, pour l'instant, de vivre cachée, loin de tout (3): "je ne suis pas en sécurité, parce que je suis une jeune femme de 22 ans, et que je sais que les talibans obligent les familles à livrer leurs filles pour qu'elles soient mariées à leurs combattants. Et parce que je suis journaliste, et que je sais que les talibans viendront  nous chercher, moi et tous mes confrères".

Résumons-nous: aujourd'hui comme hier, un taliban reste un taliban et la barbarie même moderne reste de la barbarie.

Post-scriptum: https://www.lalibre.be/international/asie/2021/08/20/les-talibans-massacrent-des-hommes-hazaras-cela-donne-un-effroyable-apercu-de-ce-qui-risque-de-se-produire-ZZX3MCIIOVCYHGXGE4JK624AB4/

https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/indre-le-buzanceen-pascal-maitre-temoin-du-drame-en-afghanistan?queryId%5Bquery1%5D=57cd2206459a452f008b4594&queryId%5Bquery2%5D=57c95b34479a452f008b459d&page=1&pageId=57da5ce5459a4552008b469a

(1) Catherine Philips, "Les nouveaux maîtres de Kaboul", The Times, 15.8.2021, in Le Courrier international, 19.8.2021.

(2) Jean-Yves Camus, "C'est reparti pour la charia", Charlie Hebdo, 21.7.2021.

(3) "Ma vie toute entière est anéantie", témoignage anonyme, The Guardian, 10.8.2021, in Le Courrier international, 19.8.2021.


lundi 24 octobre 2016

Cachez cette femme que je ne saurais voir

On relit l'article deux fois plutôt qu'une, pas sûr d'avoir bien compris ce qu'écrit Ali Al-Saqa dans Al-Modon (Beyrouth) (1). Et pourtant, oui, c'est bien ce qui se passe: dans la campagne  pour les élections municipales palestiniennes (finalement reportées),  "on a vu des affiches (de candidates) avec des bouquets de fleurs à la place des visages, et avec de simples initiales assortis d'un épouse d'untel, fille d'untel ou sœur d'untel, à la place de leurs noms". C'est que montrer le visage d'une femme serait aussi "impudique" qu'afficher publiquement son nom. Les électeurs pourraient donc choisir des candidates réduites à l'état de fantômes. La démocratie des mâles. Heureusement, des femmes palestiniennes se sont mobilisées sur les réseaux sociaux "pour s'insurger contre le fait qu'on puisse dire que les noms des femmes sont quelque chose de honteux qu'il convient de cacher." L'une d'elles, ironiquement, propose une solution: créer des villes séparées pour les hommes et pour les femmes, ce qui éviterait les problèmes de mixité. Les Territoires palestiniens ne détiennent pas le monopole du sexisme: "la même chose existe en Egypte, où beaucoup d'hommes jettent eux aussi un voile pudique sur le nom de leur mère, de leurs sœurs et de leur épouse".

Nous voilà donc au-delà du burkini, de la burqa et du voile, de "ces vêtements politiques" (comme le dit Abnousse Shalmani) qui disent la honte que constitue, dans l'idéologie islamique, le corps féminin qui doit impérativement être caché. C'est la femme en son essence même qui est niée.
"Ce qui distingue essentiellement et avant tout les pays occidentaux d'un pays musulman, sans même qu'il y ait un régime islamo-fasciste, c'est la place du corps féminin à l'intérieur de la structure familiale et dans la société, affirme l'écrivaine d'origine iranienne Chahdortt Djavann (2). Que représente-t-il, ce corps? A qui, à quoi sert-il? Que symbolise-t-il?
Le corps féminin, celui de la mère, de la sœur, de l'épouse, de la fille, est le garant de l'honneur de la famille, de la communauté. Car ce corps appartient à tous, sauf à la femme qui l'habite. Le corps de la femme n'est pas à elle, alors même qu'elle est réduite à ce corps inférieur et infériorisé. Un objet sous tutelle masculine: telle est la place du corps féminin dans l'islam en 2016."

L'avocate tunisienne Maya Ksouri pense de même (3): "Lisez les mémoires d'un des plus éminents dirigeants de la Nahda (le parti islamiste tunisien vendu comme le parangon de l'islam modéré), Abdelhamid Jelassi (...) et vous verrez que le voile et ses pendants ne sont pas des vêtements comme les autres. Il le dit clairement. Le voile et la volonté insidieuse de sa généralisation, sous toutes ses formes, dans l'espace public, est aujourd'hui, dans un contexte d'islam politique florissant, un élément de propagande, de démonstration de force et de victoire... Victoire remportée sur le modèle social caractérisé par la libération des femmes arabes et leur émancipation à partir des années 30 sous l'impulsion d'Atatürk, Bourguiba et Nasser."

Récemment, une des ses concitoyennes, l'écrivaine et journaliste tunisienne Fawzia Zouari, dans un "quart d'heure de colère", affirmait qu'il y a des jours où elle regrette d'être née arabe, et fustigeait l'islam, ses pseudo martyrs, ces nababs insensibles à la pauvrété et à la violence, "et ces gourdes qui se voilent et se courbent au lieu de flairer le piège, qui revendiquent le statut de coépouse, de complémentaire, de moins que rien! Et ces niqabées qui, en Europe, prennent un malin plaisir à choquer le bon Gaulois ou le bon Belge comme si c'était une prouesse de sortir en scaphandrier! Comme si c'était une manière de grandir l'islam que de le présenter dans ses atours les plus rétrogrades". (4)

Le burkini a fait beaucoup parler de lui cet été en France. Excessivement sûrement. Mais c'était bien le but recherché par celles qui le portaient et ceux qui les y poussaient. "Le burkini, c'est de l'exhibitionnisme de la plus belle espèce, estime Chahdortt Djavann (5), qui ne doit rien à l'inattention ou à la distraction". (...) "Si le but de ces femmes et de leurs mentors était de préserver leur pudeur , elles seraient allées dans des plages isolées, comme les nudistes. Il faut savoir que la morale islamique interdit tout autant à une femme de montrer son corps et sa chevelure aux hommes que de regarder le corps nu des hommes: les plages mixtes sont interdites en Arabie saoudite ou en Iran, où la charia fait office de loi! Leur souci n'était nullement de protéger leur pudeur, mais bel et bien de proclamer leur rejet des modes vie occidentaux, d'exacerber les tensions et de jouer donc in fine le jeu du Front national."

Ici ou là, aujourd'hui bien plus qu'hier, les forcenés de l'islamisme veulent nier le corps, jusqu'à son image. "Sur le campus de l'Institut indonésien des Arts (ISI) de Yogyakarta, certains mènent des opérations de propagande et cherchent à interdire toute représentation d'êtres vivants", écrivent Prihandoko et Shinta Maharani dans Tempo (Jakarta) (6). Ces censeurs sont membres d'un groupe qui considère la démocratie comme "satanique". Rien de moins. Ils veulent "transformer l'Indonésie en un pays soumis à la charia". Pour eux, l'art doit se limiter à la calligraphie. Ils refusent d'ailleurs d'enseigner l'anatomie plastique des êtres humains et des animaux. Le corps humain doit disparaître. C'est dans le même pays, qu'au nom de cette même charia, treize jeunes, six femmes et sept hommes, ont été récemment châtiés à coups de canne. Leur crime: s'être touchés ou embrassés. (7)
On voit par là que la charia n'a rien à voir avec l'intelligence et la raison. Juste avec la terreur. 

Le corps est la manifestation de la vie. Quel peut bien être l'intérêt d'une religion qui hait à ce point la vie?

Post-scriptum: sur le corps en général, à écouter l'excellente chronique de François Morel sur France Inter ce vendredi 28 octobre à 8h55 - https://www.franceinter.fr

(1) "Des candidates sans nom ni visage", Al-Modon, 29.9.2016, in le Courrier international, 13 octobre 2016.
(2) Chahdortt Djavann, "Intrégrez-vous, immigrés!", Charlie Hebdo, 12 octobre 2016.
(3) http://www.marianne.net/agora-tunisie-burkini-insulte-au-combat-mene-chaque-jour-les-femmes-arabes-100245556.html
(4) dans Jeune Afrique, récemment. Voir le texte ci-dessous.
(5) "Un voile sur la république", Charlie Hebdo, 14 septembre 2016.
(6) "Drôle de fatwa contre les arts", Tempo, 16 septembre 2016, in Le Courrier international, 22 septembre 2016.
(7) http://www.lalibre.be/actu/international/coups-de-canne-infliges-a-des-couples-qui-se-touchaient-ou-s-embrassaient-en-indonesie-58050620cd70cd5761cbd682


Fawzia Zouari, écrivaine et journaliste tunisienne, docteur en littérature française et comparée de la Sorbonne.
A publié dans « Jeune Afrique » cet article:

" Il y a des jours où je regrette d’être née arabe.

Les jours où je me réveille devant le spectacle de gueules hirsutes prêtes à massacrer au nom d’Allah et où je m’endors avec le bruit des explosions diffusées sur fond de versets coraniques.

Les jours où je regarde les cadavres joncher les rues de Bagdad ou de Beyrouth par la faute des kamikazes; où des cheikhs manchots et aveugles s’arrogent le droit d’émettre des fatwas parce qu’ils sont pleins comme des outres de haine et de sang; où je vois des petites filles, les unes courir protéger de leur corps leur mère qu’on lapide et les autres revêtir la robe de mariée à l’âge de 9 ans.

Et puis ces jours où j’entends des mamans chrétiennes confier en sanglotant que leur progéniture convertie à l’islam refuse de les toucher sous prétexte qu’elles sont impures.

Quand j’entends pleurer ce père musulman parce qu’il ne sait pas pourquoi son garçon est allé se faire tuer en Syrie. À l’heure où celui-ci parade dans les faubourgs d’Alep, kalachnikov en bandoulière, en attendant de se repaître d’une gamine venue de la banlieue de Tunis ou de Londres, à qui l’on a fait croire que le viol est un laissez-passer pour le paradis.

Ces jours où je vois les Bill Gates dépenser leur argent pour les petits Africains et les François Pinault pour les artistes de leur continent, tandis que les cheikhs du Golfe dilapident leur fortune dans les casinos et les maisons de charme et qu’il ne vient pas à l’idée des nababs du Maghreb de penser au chômeur qui crève la faim, au poète qui vit en clandestin, à l’artiste qui n’a pas de quoi s’acheter un pinceau.

Et tous ces croyants qui se prennent pour les inventeurs de la poudre alors qu’ils ne savent pas nouer une cravate, et je ne parle pas de leur incapacité à fabriquer une tablette ou une voiture.

Les mêmes qui dénombrent les miracles de la science dans le Coran et sont dénués du plus petit savoir capable de faire reculer les maladies.

Non ! L’Occident, ces prêcheurs pleins d’arrogance le vomissent, bien qu’ils ne puissent se passer de ses portables, de ses médicaments, de ses progrès en tous genres.

Et la cacophonie de ces « révolutions » qui tombent entre des mains obscurantistes comme le fruit de l’arbre.

Ces islamistes qui parlent de démocratie et n’en croient pas un mot, qui clament le respect des femmes et les traitent en esclaves.

Et ces gourdes qui se voilent et se courbent au lieu de flairer le piège, qui revendiquent le statut de coépouse, de complémentaire, de moins que rien !

Et ces « niqabées » qui, en Europe, prennent un malin plaisir à choquer le bon Gaulois ou le bon Belge comme si c’était une prouesse de sortir en scaphandrier ! Comme si c’était une manière de grandir l’islam que de le présenter dans ses atours les plus rétrogrades.

Ces jours, enfin, où je cherche le salut et ne le trouve nulle part, même pas auprès d’une élite intellectuelle arabe qui sévit sur les antennes et ignore le terrain, qui vitupère le jour et finit dans les bars la nuit, qui parle principes et se vend pour une poignée de dollars, qui fait du bruit et qui ne sert à rien !

Voilà, c’était mon quart d’heure de colère contre les miens... Souhaitons que l'Occident ouvre les yeux.... " Fawzia Zouari


vendredi 6 juin 2014

Perles islamistes

C'est visiblement une erreur d'être femme en milieu islamiste. Les barbus ne les aiment pas.
Ou alors voilées et soumises. Je me souviens avoir reçu d'un imam un opuscule (que j'ai malheureusement égaré...) dans lequel on pouvait lire que le voile était nécessaire pour protéger "cette perle" qu'est la femme. Mais apparemment, les perles n'ont pas grande valeur pour les islamistes.

En cas d'homicide, la loi saoudienne prévoit que l'accusé peut sauver sa tête s'il s'acquitte de la dyia, une compensation financière versée à la famille de la victime en échange du pardon que celle-ci peut accorder. Pour le meurtre prémédité d'un musulman, il en coûte 400.000 riyals (+/- 80.000 euros), mais la moitié si la victime est une musulmane. Les tarifs diminuent ensuite considérablement selon la religion de la victime, sachant qu'un homme vaut toujours le double d'une femme. Avoir tué une bouddhiste, par exemple, ne coûte que 3.333 riyals (soit 666 euros). (1)

En Tunisie, une jeune femme a porté plainte contre deux policiers qui l'ont violée. Ils ont été condamnée à 7 ans de prison, en ont purgé 2 et pourraient être bientôt libérés. Les violeurs de droit commun sont en général condamnés à 25 ans. "Si l'islam condamne sévèrement tout rapport sexuel hors mariage, rappelle Zineb El Rhazoui (2), les islamistes, eux, se font beaucoup plus équivoques lorsqu'il s'agit du viol." Ils parlent alors de rapport non consenti. Le parti islamiste au pouvoir mène une bataille sournoise contre les droits des femmes octroyés aux Tunisiennes par Bourguiba et sanctuarisés sous Ben Ali", écrit-elle.
En Tunisie, porter plainte contre la police est un blasphème. On voit par là que la religion peut être bien utile pour lutter contre les droits de l'homme. Et surtout de la femme.

Même situation en Iran: c'est la femme qui est fautive, d'emblée."Je ne sais pas pourquoi mais c'est ma faute", écrit Abnousse Shalmani. "C'est ma faute si un homme éprouve du désir à mon endroit. Quelle que soit la situation, c'est ma faute. Est-il vraiment nécessaire de rappeler les viols, en Iran ou ailleurs, où c'est la femme violée qui est jugée et condamnée pour incitation au viol?" (3).

Le petit sultanat de Brunei a décidé d'appliquer dorénavant la charia. Progressivement. Ainsi, par exemple, les femmes qui se seront fait avorter seront flagellées. Et les adultérins et les homosexuels lapidés. (4) 

Parlant de la "barbarie" de Boko Haram (l'enlèvement de plus de 200 lycéennes), un journaliste burkinabé (5) estime qu'il faut "combattre la secte sur son propre terrain: la religion. A l'instar d'Al-Azhar en Egypte, la plus haute autorité de l'islam sunnite, les organisations et les Etats musulmans du monde entier, tous les muftis et autres mollahs dont les voix font autorité dans la communauté des fidèles doivent sortir de leur silence pour dénoncer toute forme d'exploitation de la foi à des fins étrangères aux préceptes du Prophète". Et le journaliste de saluer les déclarations de Malala Yousafzai, cette adolescente pakistanaise, rescapée d'une tentative d'assassinat par des talibans, qui a déclaré que "Boko Haram ne comprend pas l'islam et n'a pas étudié le Coran. Il est en train de faire une mauvaise utilisation du mot islam".
On ne dit pas autre chose au Nigéria: "nous comprenons tous très bien que cette secte n'est pas dirigée par de pieux musulmans. Son combat n'a donc rien de religieux. Ceci étant, il est indéniable qu'elle utilise la religion pour recruter et diffuser son idéologie haineuse. (...) L'idéologie du mal doit être contrée par une autre idéologie, et c'est là que nos dirigeants, nos frères et nos sœurs musulmans, doivent faire entendre leur voix en s'insurgeant plus vigoureusement qu'ils ne le font contre le massacre des infidèles. Il faut davantage d'information, davantage de programmes, notamment à l'intention de la jeunesse, dans les mosquées, les écoles et autres groupes sociaux, afin de couper cours à ces discours de haine". (6)

Dans sa série dessinée "La vie secrète des jeunes", Riad Sattouf (7) rapporte cette scène vue et entendue dans une rue du XXe arrondissement de Paris.
Une femme voilée marche. Elle appelle son fils: "Sofiane! Dépêche!". Le gamin, 6 ans, 7 peut-être souffle: "Pfff, mais chuis fatigué". "C'est pas moi qui suis censée marcher devant toi, lui dit sa mère. L'homme doit marcher devant la femme. Allez!". "Mais c'est idiot rétorque l'enfant, interrompu aussitôt par sa mère qui le traite de "mécréant" et l'oblige à marcher devant elle.
L'éducation, oui. L'éducation...

(1) "La peine de mort a aussi sa cote boursière", Patrick Chesnet, Charlie Hebdo, 14 mai 2014.
(2) Charlie Hebdo, 7 mai 2014.
(3) Abnousse Shalmani: "Khomeiny, Sade et moi", Grasset, 2014.
(5) "Les grandes puissances en ordre de bataille", Alain Saint Robespierre, L'Observateur Paalga (Ouagadougou), 8 mai 2014 (in Le Courrier international, 15 mai 2014).
(6) "L'idéologie de la haine", Busola Jegede, The Puch (Lagos), 21 avril 2014 (in Le Courrier international, 15 mai 2014).
(7) Charlie Hebdo, 7 mai 2014.



mardi 25 octobre 2011

Inquiétudes

Les Islamistes tunisiens sont modérés. C'est ce qu'on nous dit et ce qu'on appelle une antinomie. Qui dit islamisme dit instrumentalisation intégriste de l'Islam. L'intégrisme peut-il être modéré? Il est, tout simplement. Dans son simplisme et son absence de nuance, son application brute d'une doctrine et de ses règles. "L'islamisme, même à dose microscopique, détruit un pays", affirme l'écrivain algérien Boualem Sansal (1) qui sait de quoi il parle. On attend de voir, mais on a un peu de mal à croire qu'un islamisme modéré soit possible. Certains islamistes tunisiens, plusieurs centaines de Salafistes, ont manifesté récemment (2) contre la diffusion par la chaîne de télévision Nesma du dessin animé de Marjane Satrapi, Persepolis. Ils ont entraîné derrière eux quelques centaines de personnes. Ils veulent l'application de la charia, se déclarent opposés aux élections et à la démocratie. Le seul pouvoir qu'ils reconnaissent est celui de Dieu. Le leur, bien sûr. Enfin, Le, puisqu'il ne peut y en avoir d'autres. Mais Dieu étant un être immatériel, qui va exercer le pouvoir? Eh bien eux, bien sûr, auto-proclamés.
Les démocrates tunisiens sont inquiets. "Les récents évènements sanglants d’affrontements interconfessionnels en Egypte (24 morts) qui coïncident avec les « émeutes inquisitoires » en Tunisie, viennent rappeler que cela ne tient qu’à peu de choses que les révolutions arabes ne dérapent en moyenâgeuses guerres de religions", écrit Seif Soudani dans un billet qu'il faut lire (3).
Le parti islamiste Ennahada, avant même la proclamation du résultat des élections, se proclame grand vainqueur avec quelque 40% des voix. Ses dirigeants promettent de garantir "la liberté de croyance et de pensée", de préserver "les acquis de la femme", y compris sa liberté "contre toute imposition d'un style vestimentaire" et son "droit au travail" (4). Mais entre rassurantes déclarations et sombre réalité, il y a un gouffre: des femmes non voilées sont invectivées dans la rue, certaines menacées de mort, des cinémas, des universités sont envahies.
En Libye, le Conseil de transition vient d'annoncer que la charia serait appliquée, que - notamment - la polygamie serait à nouveau autorisée. Le printemps arabe donne froid dans le dos. On pense à l'Iran de 1979. Les oiseaux chantent, mais ce sont des rapaces. On espère entendre le rouge-gorge et le pic-vert.

(1) le Vif, 23 septembre 2011
(2) JT RTBF, 15 octobre 2011
(3) www.prochoix.org/cgi/blog/index.php/
2011/10/11/2338-qui-est-derriere-les-
dernieres-violences-en-tunisie
(mardi 11 octobre 2011)
(4) L'Avenir, 22 octobre 2011

mercredi 14 septembre 2011

Tout ça pour ça?

La charia constituera la base de la nouvelle constitution libyenne. C'est ce qu'a annoncé le président du Comité National de Transition. Les femmes, les laïques, les démocrates apprécieront de se laisser voler leur révolution par les barbus qui les mettront au pas. Mais non, qu'on se rassure, déclare le président: l'islam est ici modéré. Curieuse logique qui en faisant de la loi religieuse le fondement constitutionnel de l'Etat donne une puissance maximale à l'islam. Avec le risque de le voir se radicaliser très rapidement. La révolution libyenne ne sera-t-elle finalement qu'iranienne? Les dictateurs cédant le pas aux ayatollahs?
La révolution parfois ça devient dégueulasse / Ça fait de la doctrine de la théorie et de la merdasse / La révolution cocufiée par les bureaucrates / Mise dans des bouquins écrasée par les appareils / La révolution faut jamais que ça s'arrête / Contre ceux d'hier doivent se lever ceux de demain
François Béranger

Rions un peu sous un ciel morose. Le sinistre Carl Lang entend être le candidat d'extrême droite en France. Marine Le Pen est trop à gauche, dit-il. On se dit qu'il doit voir en Nicolas Sarkozy un nouveau Che Guevara. Ceci dit, deux candidats d'extrême droite plutôt qu'une, c'est toujours bon à prendre. L'idéal étant évidemment qu'il n'y en ait pas.