lundi 18 mars 2024

Tsar system

Pour une surprise, c'est une surprise : le chef mafieux Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la Russie pour un cinquième mandat de six ans. Ne dites plus score nord-coréen, dites score russe et même stalinien. Le tueur en série a obtenu plus de 87% des voix. Il est vrai que le choix était restreint : les électeurs avaient le choix entre Poutine. Ce qui ressemble à une mauvaise, très mauvaise blague. Il y avait bien trois candidats fantoches qui étaient censés donner une apparence de démocratie à cette élection, mais personne n'est dupe. D'autant que tous les candidats d'opposition ont été écartés, soit interdits d'élection, soit tués, soit obligés de fuir, soit emprisonnés.

Poutine a reçu un nouveau mandat de chef de guerre, écrit Benoît Vitkine dans Le Monde (1). Avec des médias sous son contrôle absolu, il est aisé pour la clique du Kremlin de faire croire ce qu'elle veut, que la Russie est agressée, menacée et qu'il faut faire confiance au guide suprême, seul capable de sauver l'empire d'on ne sait quel péril et de lui rendre sa gloire. "Ce climat de tensions exacerbées a probablement renforcé le réel soutien dont bénéficie M. Poutine auprès d’une partie importante de la population. C’est même là le génie des propagandistes du Kremlin : avoir réussi à transformer l’invasion de l’Ukraine en une agression occidentale, et une guerre de conquête en un combat existentiel pour les « valeurs traditionnelles » ou la « souveraineté » de la Russie."
Cependant quel crédit faut-il apporter aux résultats ?, s'interroge Benoît Vitkine. "Ces dernières années, le pouvoir russe a multiplié les innovations permettant de rendre moins visibles, voire moins nécessaires, les falsifications les plus grossières : vote électronique ; vote sur trois jours ; réduction drastique des possibilités offertes aux citoyens qui le souhaitent d’observer le scrutin… Résultat : on a peu vu les dizaines de vidéos de bourrages d’urnes ou de votes multiples, qui font le folklore des élections russes depuis que des caméras ont été installées dans les bureaux, en 2012. Depuis 2021, l’accès à ces caméras a par ailleurs été restreint. A l’inverse, et de manière nouvelle, des entorses au secret du vote ont été constatées. Le Monde a pu voir des isoloirs sans rideaux et des urnes surveillées de près par des policiers. Plusieurs arrestations ont été signalées pour des messages inscrits sur des bulletins (qui ne sont en Russie pas fermés dans une enveloppe)."
On en rirait si la situation n'était aussi dramatique : à Stary Oskol, ville de 230 000 habitants, les 136 bureaux de vote de la ville affichaient tous, vendredi soir, à l’issue du premier jour de vote, un chiffre de participation identique de 47 %. On pense à Tintin chez les soviets

Quoi qu'il en soit, le dictateur sort renforcé de cette élection cadenassée. Ne reste plus à espérer qu'un cancer fulgurant emporte Poutine. Mais cet homme est en lui-même un cancer. Avec des métastases.

dimanche 17 mars 2024

Ces pacifistes qui aiment la guerre

Ils sont admirables, ces pacifistes. Ceux qui osent dire non à la guerre d'Ukraine. Il ne peut être question d'envisager de se retrouver dans une situation de guerre avec la Russie. "Le meilleur moyen d'affaiblir Poutine, c'est d'arrêter cette guerre", a clamé Mathilde Panot, chef de groupe à l'Assemblée nationale de la France soumise à la Paix à tout prix. Comment arrêter cette guerre ? En laissant à Poutine les territoires ukrainiens qu'il a envahis, ce qui revient à lui reconnaître la victoire et l'inviter à aller au-delà. Et tant pis si Poutine a affirmé clairement qu'il ne négocierait jamais, qu'il veut détruire l'Ukraine pour l'annexer définitivement à la Russie.
Que font les gentils pacifistes pour que cesse cette guerre ? Rien. Ils laissent faire et regardent ailleurs. Ils se contentent de dire "non à la guerre". Ils font penser à ces braves gens qui, il y a une trentaine d'années, avaient apposé à l'arrière de leur voiture un autocollant disant "non à la drogue". Comme si les toxicomanes allaient abandonner leur assuétude en les voyant. 
Les conditions de la paix, selon Poutine (il l'a répété le 14 décembre dernier) : "dénazification, démilitarisation et un statut de neutralité pour l’Ukraine".  Gérard Grunberg, politologue, directeur de recherche émérite au CNRS, constate (1) qu'il n'existe, pour Poutine, ni Ukraine ni nation ukrainienne. Ce pays fait partie de l’Empire russe : « La Russie est le seul garant de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. » (...) « S’ils veulent négocier, qu’ils le fassent. Mais nous ne le ferons que sur la base de nos intérêts. » 
"Chacun ou presque, écrit encore Gérard Grunberg, a désormais compris que le dessein du despote russe est de liquider purement et simplement l’Ukraine comme nation, comme pays, comme culture. Ses voisins, baltes, polonais, moldaves, géorgiens, finlandais, norvégiens sont profondément inquiets et la Finlande et la Suède, vieux pays neutres, ont fini par adhérer à l’OTAN face à l’envahisseur russe."

La position claire et ferme du dictateur russe n'empêche pas Manuel Bompard, coordinateur de cette France dite Insoumise, de plaider, malgré tout, pour une négociation avec lui. Pourquoi ? Hypothèse de Grunberg : "Lui et son parti ne considèrent pas l’enjeu ukrainien comme très important. Que le peuple ukrainien soit réintégré de force à la Russie – et on peut imaginer facilement ce que cela signifie – ne représenterait pas pour eux une catastrophe géo-politico-stratégique. Deux arguments peuvent soutenir cette hypothèse. Le premier est que Jean-Luc Mélenchon a appelé depuis longtemps la France à quitter l’OTAN et que, jusqu’à une date récente, il défendait l’idée d’un partenariat stratégique avec Moscou, estimant que notre pays serait mieux protégé par la Russie que par les États-Unis. Le second est que LFI s’oppose depuis l’invasion Russe à la fourniture d’armes offensives à l’Ukraine alors qu’elle ne peut ignorer que, dans la phase actuelle de la guerre, sans ces armes l’Ukraine risque fort d’être à terme détruite par la Russie. Ces positions laissent ainsi penser que les Insoumis ne sont pas disposés à empêcher à tout prix la défaite de l’Ukraine, préférant même une Ukraine dans le giron russe que dans l’Alliance atlantique. (...) Le pacifisme est toujours naturellement populaire. Il cache parfois cependant de plus sombres desseins."

De l'autre côté de l'échiquier politique, le Front du Rassemblement national, qui apparaît depuis longtemps comme un porte-voix du Kremlin, s'est abstenu récemment lors d'un vote à l'Assemblée nationale sur le soutien à l'Ukraine. Etrange attitude de la part d'un parti souverainiste qui est très critique par rapport à l'Union européenne qui empêcherait les nations de décider de leur sort et qui soutient de facto la Russie qui entend s'approprier par la guerre un pays voisin. Pour l'extrême droite comme pour l'extrême gauche, le sort de l'Ukraine et de ses habitants est sans valeur. Circulez, il n'y a rien à faire.

On voit par là que les pacifistes sont parfois d'hypocrites va-t-en-guerre.

Post-scriptum : Sophia Aram ce lundi 18 sur le même sujet, avec le talent et la verve qu'on lui connaît :
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-18-mars-2024-5510991

(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/12/debat-sur-l-ukraine-au-parlement-jordan-bardella-annonce-que-le-rn-s-abstiendra-ses-opposants-denoncent-son-ambiguite_6221559_823448.html

samedi 9 mars 2024

"Un vent contraire si violemment inhumain"

Marceline Loridan-Ivens est morte en 2018. Elle n'aura pas assisté à la vague actuelle d'antisémitisme.
A 16 ans, elle avait été internée à Auschwitz-Birkenau. Elle en est revenue vivante, contrairement à son père. Son frère et sa sœur se sont suicidés plus tard, incapables de vivre avec ce passé si lourd. 
Marceline Loridan disait en 2005 "avoir perdu toute illusion sur ce monde où l'obscurantisme gagne et l'antisémitisme renaît". Aujourd'hui, il est à la mode. L'antisémitisme est même devenu un argument électoral, en Grande-Bretagne comme en France visiblement.
Les barbares du Hamas ont allumé le 7 octobre 2023 un incendie que le gouvernement d'extrême droite de Netanyahou ne cesse d'alimenter. Deux haines se répondent et s'alimentent. 

"À l’heure où les images de Gaza nous parviennent dans toute leur violence, où les morts se comptent par milliers, à l’heure où la colonisation de la Cisjordanie se poursuit, que des volontés inhumaines issues du pire de l’extrême droite ont droit de parole dans un gouvernement israélien ouvertement raciste et pour qui la brutalité militaire est la seule réponse possible, à l’heure où des forces d’une obscurité folle travaillent des deux côtés pour empêcher le moindre espoir, où les empathies vont vers les civils palestiniens mais où la mémoire des victimes israéliennes du 7 octobre est en train de se diluer et que les otages ne sont plus, pour l’opinion publique, qu’un détail secondaire, il est vital de voir le piège dans lequel nous jette le Hamas en nourrissant et abreuvant la plante de la détestation faisant fleurir partout l’antisémitisme." C'est le dramaturge Wajdi Mouawad qui s'exprime ainsi (1).
"Je dois, écrit-il encore, à la lecture de l’actualité de chaque jour, ériger en moi des digues de plus en plus hautes pour empêcher le débordement du marécage. Or c’est précisément là que se trouve le piège tendu depuis le 7 octobre par l’esprit destructeur du Hamas : faire en sorte que l’après soit avant tout antisémite. Que l’après soit un tombeau pour tout Juif où qu’il se trouve. Que l’après soit un temps où chaque Juif vive dans l’effroi, terrorisé, viscéralement méfiant envers le monde. Que l’après soit une autre forme de diaspora. Que l’après soit synonyme d’exil pour tout Juif. C’est contre ce piège que nous devons lutter, chacun." Il faut, dit-il, "par tous les moyens assécher la plante de la détestation". 

Une réflexion de David Grossman : "alors que la peur de devenir des réfugiés est fondamentale et originelle pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, aucun des deux camps ne semble capable d’envisager la tragédie de l’autre avec une once de compréhension – sans même parler de compassion" (2).
Delphine Horvilleur, rabbin, veut croire à un nouveau messianisme, "celui qui dit (...) qu'il existe un avenir pour ceux qui pensent à l'autre, pour ceux qui dialoguent, les uns avec les autres et avec l'Humanité en eux" (2).
Il faut panser l'après, affirme Wajdi Mouawad. "Panser  l’après, c’est se préparer à accueillir quelque chose dont nous ignorons encore tout, c’est tenter de soigner un temps pas encore arrivé, pour que, défait de ses pulsions de meurtres, il puisse être un réel après".
D'où viendra, se demande David Grossman, une "résolution éthique, raisonnable et humaine" ? "Ce qui est tragique, c’est que cette solution naîtra (si tant est qu’elle voit le jour) non pas de l’espoir et de l’engouement, mais du désespoir et de l’épuisement. Car c’est hélas souvent cet état d’esprit qui conduit des ennemis à faire la paix, et c’est tout ce qu’il nous reste aujourd’hui à espérer. Nous nous en contenterons donc. Comme s’il fallait traverser les enfers pour arriver à l’endroit d’où l’on peut apercevoir, par une journée exceptionnellement claire, l’orée lointaine du paradis."   
 

jeudi 29 février 2024

Anti-Français

Ils ne désarment pas. Les fachos restent fâchés. A Bélâbre, dans le sud de l'Indre, ils ne supportent toujours pas le projet soutenu par la mairie de transformer le bâtiment d'une usine fermée depuis quarante ans en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Trente-huit personnes, essentiellement en famille, vont y être hébergées. Ce projet est issu, selon les opposants, d'une "idéologie personnelle et dangereuse » contre laquelle ils veulent lutter. Quelle est-elle donc ? Le sens de l’accueil ? La solidarité ? La fraternité ? Voilà donc des notions dangereuses qui remettent en question des gens qui sortent le drapeau français pour manifester qu'ils sont chez eux. Qui leur rappellera que derrière ce drapeau s'exprime une idéologie dangereuse, que derrière ce drapeau il y a une devise épouvantable : liberté, égalité, fraternité ? Quelle conception étroite ont-ils de la fraternité ? La même qu'ils ont de la démocratie sans doute. Ils s'estiment trompés par le conseil municipal qui n'aurait pas respecté la démocratie en décidant ce projet. Et ces grognons nuisibles s'étonnent, s'indignent que les soutiens du projet contre-manifestent chaque fois que eux manifestent. Ils veulent manifester seuls sans être contredits. On voit par là combien leur idéologie est dangereuse.
Résumons-nous : les mauvais coucheurs sont brouillés avec leur propre pays.


mardi 27 février 2024

Influenceur toi-même

C'est un métier nouveau, nous dit-on : influenceuse ou influenceur. Ces personnes ont des goûts personnels qu'elles étalent sur Internet et qui sont copiés par celles et ceux qui les suivent. Elles vivent de cet étalage, payées pour en parler. On pourrait donc les appeler vendeurs ou vendeuses. Mais ce serait sans doute trop trivialement dit. Et pourtant leurs followers ne font que suivre leurs conseils : ils s'habillent comme eux, achètent les mêmes produits qu'eux, vont aux mêmes endroits en vacances, font les mêmes photos. 

Ne sommes-nous pas tous influenceurs ? Ce que nous disons, ce que nous pensons, ce que nous faisons a forcément un impact, positif ou négatif, sur notre entourage. Nous sommes tous influencés les uns par les autre. Sans en faire tout un plat ou une profession. Sauf que qui dit influenceur dit pognon. Influenceur, une nouvelle profession du système consumériste. 


lundi 26 février 2024

Héroïsme et indécence

Il y a quelques jours, quatre-vingt ans exactement après son exécution par les nazis, la dépouille de Missak Manouchian entrait au Panthéon en compagnie de celle de sa femme Mélinée. Ils n'étaient pas seuls. Manouchian représentait ses vingt-et-deux compagnons de résistance. Ils étaient Arméniens, Italiens, Espagnols, Juifs polonais ou hongrois, tous étrangers, communistes, membres des FTP-MOI, les Francs-Tireurs Partisans - Main d'œuvre immigrée. Tous arrêtés par la police française, puis exécutés par des soldats allemands.
Par deux fois, Missak Manouchian avait demandé la nationalité française. Par deux fois, elle lui avait été refusée. Un refus qui ne l'avait pas empêché de risquer sa vie en entrant en résistance pour tenter de libérer de l'oppression nazie le pays qui l'avait accueilli.

Pour l'extrême droite, dans ses positionnements simplistes, tout étranger est par nature suspect de vouloir profiter des largesses sociales de la France qui ne peut dès lors que lui fermer ses frontières. Cette extrême droite, durant la guerre, on la trouvait dans les rangs des collaborateurs, du côté des soutiens au régime nazi. Pas dans la résistance. Lors de son procès d’opérette, Manouchian a dit à ses bourreaux : "Vous avez hérité de la nationalité française, nous, nous l’avons méritée". L'extrême droite est beaucoup moins française que ces étrangers héroïques.
Le président Macron avait estimé que, par "esprit de décence", "les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes (à la cérémonie de panthéonisation) compte tenu de la nature du combat de Manouchian ". Marine Le Pen a trouvé ces propos outrageants, relevant d'une "faute politique grave et (d')une faute morale qui ne l’est pas moins". Elle a tenu à être présente, ajoutant une faute morale et politique à son actif, "feignant d’ignorer, écrit Le Monde, que Missak Manouchian incarnait ce contre quoi s’est toujours battu son mouvement : le communisme, l’internationalisme et l’étranger en France." L'extrême droite est étrangère à la décence.

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.

Louis Aragon, "L'Affiche rouge"

Superbe interprétation de L'Affiche rouge (Louis Aragon - Léo Ferré) par le groupe Feu ! Chatterton à la cérémonie de panthéonisation du couple Manouchian : 
https://www.youtube.com/watch?v=YaA3R3ghrV4

samedi 24 février 2024

Deux ans et demain ?

Deux ans. Voilà deux ans aujourd'hui que Poutine a entamé sa sale guerre contre un pays qu'il dit frère. L'Ukraine s'appelle Abel et la Russie Caïn. Vladimir le Petit rêve de grandeur en se tournant vers le passé. Ses rêves d'empire sont un cauchemar. La barbarie ne rend pas plus grand. Au contraire. Le voilà plus petit, plus repoussant, plus abject que jamais.
Sa guerre éclair fut un échec. Mais il pourrait remporter une guerre d'usure. L'opinion publique européenne se fatigue, une part de la population pense que les sommes astronomiques dépensées en missiles seraient plus utiles ailleurs (1). Mais c'est notre paix qui est en jeu, c'est l'avenir de l'Europe. Qu'on le veuille ou non, la guerre d'Ukraine est notre guerre.

Ce tueur en série qu'est Poutine n'a aucun sentiment pour les dizaines de milliers de morts qu'il a sur la conscience, qu'ils soient ukrainiens ou russes aujourd'hui. Ou hier syriens ou tchétchènes. Ils ne sont que chair à missiles au service de sa gloire, triste et sordide, bâtie dans le sang. Détourner la tête, en se drapant dans l'hypocrite posture du pacifiste aux mains propres, c'est le laisser pousser plus loin ses conquêtes, c'est jouer les Munichois, sans savoir ou vouloir tenir compte des leçons du passé. Lâcher l'Ukraine, c'est abandonner aussi les pays baltes, la Suède, la Finlande, la Pologne aux appétits de l'ogre. C'est nous préparer au pire sur l'ensemble du continent européen.
Ici, en Europe, nous voilà menacés par les extrêmes de droite comme de gauche, ces marionnettes du tsar mafieux que leur anti-américanisme imbécile rend non seulement stupides mais dangereux. Pour la sécurité européenne, pour la démocratie, pour la paix. "Il y a 15 jours, dit Maxence Lambrecq, éditorialiste de France Inter, Dmitri Medvedev a lui-même reconnu aider « ouvertement et secrètement » les partis antisystèmes à obtenir les meilleurs scores possibles." (1)

Les va-t-en guerre ne sont pas ceux que l'on croit. Pas ceux qui pensent qu'il faut beaucoup plus armer l'Ukraine pour l'aider à se défendre, mais ceux qui hypocritement affirment le contraire (2). Comme si laisser Poutine gagner sa sale guerre injustifiée allait laisser l'Europe en paix. Il faudra craindre les relativistes aux élections européennes de juin.

L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.

(1) "Un sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès indique que, pour la première fois, à peine la moitié des personnes interrogées soutiennent l’envoi de matériels militaires et l’entrée de l’Ukraine dans l’UE. C’est 15 points de moins qu’au début du conflit." (...) Les politiques en parlent moins. Cette année, à l’Assemblée, pas de débat, pas de résolution au Sénat. Et gare à ceux qui appellent à renforcer l’aide... La tête de liste du PS, Raphael Glucksmann, a subi lundi la foudre de la France Insoumise.
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/l-edito-politique-du-vendredi-23-fevrier-2024-875123
(2) https://www.lefigaro.fr/politique/guerre-en-ukraine-raphael-glucksmann-accuse-lfi-d-oeuvrer-a-la-defaite-des-democraties-20240220


mercredi 21 février 2024

Un résistant

Ils l'ont tué. Il l'a tué. Le tueur en série Poutine a à nouveau assassiné, comme il aime le faire, froidement, cyniquement.
Alexeï Navalny avait eu le courage, après avoir été empoisonné au Novitchok par le régime stalinopoutinien, de rentrer en Russie. Parce que critiquer le régime en étant réfugié à l'étranger n'avait pas de sens pour lui. Cet homme courageux a été tué par un lâche, par ce mafieux qui fait supprimer par ses hommes de main toutes celles et tous ceux qui ont le culot de lui résister. L'assassin est toujours un homme faible. Comme l'écrit Le Monde (1), "où qu’il fût, en liberté ou emprisonné, hospitalisé ou en bonne santé, chez lui ou à l’étranger, l’existence d’Alexeï Navalny était devenue insupportable pour Vladimir Poutine". Faut-il que le dictateur se sente fragile pour ne pas pouvoir supporter la moindre résistance.
Les proches d'Alexeï Navalny ont appris par la presse la nouvelle de sa mort, ce qui "traduit bien la nature du message que veut transmettre sa disparition, y compris aux dirigeants occidentaux rassemblés au même moment à Munich pour discuter défense et sécurité : Vladimir Poutine est maître chez lui et il entend le rester, quelles que soient les icônes que se donnent ses détracteurs".
Le régime soviétique n'est pas mort, loin s'en faut. "Si Poutine et les siens ont tué Navalny, c’est parce qu’ils n’ont pas pu le briser et obtenir de lui, dans la tradition soviétique, un repentir public", estime Cécile Vaissié, professeure en études russes et soviétiques (2). 

Navalny avait traité Russie unie, le parti de Poutine, de "parti des voyous et des voleurs". Son assassinat lui donne raison. "Les autorités, écrit encore Cécile Vaissié, viennent de réaffirmer leur droit de vie et de mort sur leurs « sujets » et leur détermination à empêcher ceux-ci de bénéficier d’un Etat de droit tourné vers l’Europe."
Navalny est mort, mais ses films sont toujours visibles, qui dénoncent l'immense corruption de ce régime soviético-mafieux. "Refusant de se taire, il a produit, avec ses équipes, des films de plus en plus précis et drôles sur l’enrichissement invraisemblable de Dmitri Medvedev, de la famille du procureur général Iouri Tchaïka, de hauts dirigeants de l’armée russe ou de Vladimir Iakounine, longtemps à la tête des chemins de fer russes et chargé de développer l’influence du Kremlin en France et en Allemagne. Puis Navalny a préparé un film où il montrait le palace construit pour Poutine sur la mer Noire (3), expliquait ce luxe par un système de rétrocommissions et retraçait jusqu’à l’origine des brosses de toilettes dorées à 700 euros l’unité. En quelques jours, ce film a été vu par plus de 110 millions de personnes, pour l’essentiel en Russie."

Poutine est décrit par ceux qui l'ont fréquenté (3) comme un paranoïaque "pathologiquement effrayé pour sa vie", qui vit le plus souvent caché dans ses luxueux bunkers, coupé du monde, dans un "vide informationnel", "enfermé dans une bulle cognitive depuis des années". Alexeï Navalny qui maniait l'humour et l'éloquence savait qu'en revenant il serait emprisonné. Il voulait résister depuis sa cellule. L'exact opposé d'un tyran froid qui n'a jamais compris ce qu'est l'humour et vit enfermé dans sa peur.
Navalny, nous dit-on (4), était peu apprécié des Ukrainiens, notamment à cause de sa position ambiguë sur l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie, en 2014, à cause de sa posture nationaliste grand-russe, de son discours méprisant sur l’Ukraine, de sa participation à des « Marches russes » très nationalistes et de sa violence verbale à l’égard des migrants en général, et des habitants du Caucase en particulier. Depuis, il avait pris ses distances avec ses positions antérieures.
Reste qu'il eut le courage de dénoncer jusqu'au bout, et en sachant qu'il y laisserait sa vie, l'extrême corruption de ce régime mafieux. Il purgeait dans l'extrême nord de la Russie une peine de dix-neuf ans de prison. Le site parodique Le Gorafi (5) annonce que Alexeï Navalny a été "condamné à 20 ans d’emprisonnement supplémentaire pour s’être évadé en décédant", une cour spéciale de justice russe estimant que "l’opposant a volontairement profité de sa mort pour s’évader". Le pire, c'est que cette fausse information tout en humour noir pourrait être vraie tant ce régime et son tsar sanguinaires sont capables du pire cynisme et de la plus totale folie.

Avaaz invite à saluer la mémoire d'Alexeï Navalny :

(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/17/en-tuant-navalny-les-autorites-viennent-de-reaffirmer-leur-droit-de-vie-et-de-mort-sur-leurs-sujets_6217072_3232.html
(3) https://www.youtube.com/watch?v=WBSf2fRhjEU
https://www.youtube.com/watch?v=uFSNk8lQ_u0
(4) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/19/anna-colin-lebedev-politiste-les-ukrainiens-ont-bien-des-choses-a-reprocher-a-navalny_6217339_3232.html
(5)https://www.legorafi.fr/2024/02/16/russie-alexei-navalny-condamne-a-20-ans-demprisonnement-supplementaire-pour-setre-evade-en-decedant/

samedi 10 février 2024

Le temps des monstres

Il fut un temps pas si lointain où on a pu croire si pas à "la fin de l'Histoire", du moins à une humanité apaisée. Même si les dictateurs restaient trop nombreux, on avait vu tomber un mur honteux et avec lui s'effondrer une idéologie qui s'était concrétisée en une société orwellienne, on avait vu disparaître en Afrique australe l'abject apartheid qui voulait nous faire croire qu'on pouvait classer les hommes selon la couleur de leur peau, on avait vu dans la construction lente mais large de l'Union européenne un projet solidaire entre ennemis héréditaires.
Et aujourd'hui, on voit que le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde. Vladimir Poutine rêve de pire et d'empire. Ses vassaux proches, Loukachenko, Alyiev, Kim Jong-un et quelques autres le soutiennent dans ce projet qu'on croyait d'un autre âge. Dans l'indifférence quasi générale, Xi Jinping menace Taïwan, broie les Ouïghours et s'attaque aux musulmans (1) et à tous les peuples qui ont le culot de ne pas entrer dans le moule du grand Etat chinois. En Inde, Mohdi joue la carte du nationalisme hindou en envoyant lui aussi les musulmans dans les cordes sans que ça gêne le moins du monde ses camarades dirigeants de terres d'islam pourtant si prompts à dénoncer la prétendue islamophobie de l'Occident. L'Iran s'est donné le rôle d'Etat terroriste, soumettant son peuple et soutenant activement les barbares du Hamas, le Hezbollah libanais et les rebelles houthis du Yemen. Netanyahou ira jusqu'au bout de sa volonté de dézingage total du Hamas quel qu'en soit le prix pour les Gazouis. Un peu partout, l'extrême droite et le populisme ont pris le pouvoir ou s'apprêtent à le faire. S'il revient au pouvoir, Trump le Haineux pourrait bien provoquer une guerre civile aux Etats-Unis (2). Ce billet serait trop long à énumérer toutes les brutes qui règnent d'une main de fer, les Erdogan, les Milei, les Maduro, les putchistes du Niger, du Mali et du Burkina Faso, les al-Sissi, les el-Assad, les Ben-Salman, les Saïed, les talibans. Et le pire, c'est que tant de gens les admirent. De loin.
Que cherchent ces monstres ? A asseoir leur pouvoir et il n'a pas de prix. La démocratie, le respect de l'Etat de droit, la justice, les droits de l'Homme sont des notions qui leur sont étrangères, voire ennemies.
On aimerait tant qu'un drone destiné aux Ukrainiens, aux Israéliens ou aux Gazaouis dévie de sa cible et tombe sur la tête d'un de ces monstres. 

Allez, ouste, les dictateurs, les usurpateurs, les mafieux, les crapulards, l'avenir appartient aux gens de bien. Tiens, je crois que c'est ça la bonne définition de cet objet non identifié qu'est l'humanité, que je cherche depuis des années : l'humanité, ce sont ces gens de bien qui, vaille que vaille, assurent le service de la vie. (Boualem Sansal, "Vivre - Le compte à rebours", Gallimard, nrf, 2024)

(1) Selon Human Rights Watch, après la région du Xinjiang, c'est dans celles du Ningxia et du Gansu que Pékin serait en train de raser les mosquées.
(2) https://www.telos-eu.com/fr/trump-ii-une-farce-non-une-tragedie.html

jeudi 8 février 2024

Et Dieu dans tout ça

Faut-il prendre les écrits divins ou considérés comme tels comme paroles d'évangile ? Ils sont bien utiles, ils permettent de justifier l'injustifiable. C'est un lecteur de Charlie Hebdo qui rapporte cette anecdote (1) : une célèbre animatrice radio aux Etats-Unis s'est appuyée sur la Bible, dans le livre du Lévitique (chapitre 18, verset 22), pour établir que l'homosexualité est une perversion. "Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme : ce serait une abomination. La Bible le dit. Un point, c'est tout", a-t-elle déclaré. Quelques jours plus tard, un auditeur lui a adressé une lettre lui demandant "des conseils quant à d'autres lois bibliques".
"Par exemple, je souhaiterais vendre ma fille comme servante, tel que c'est indiqué dans le livre de l'Exode (ch. 21, v. 7). A votre avis, quel est le meilleur prix ? Le Lévitique aussi (ch. 25, v. 44) enseigne que je peux posséder des esclaves, hommes ou femmes, à condition qu'ils soient achetés dans des nations voisines. Un ami affirme que ceci est applicable aux Mexicains, mais pas aux Canadiens. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas posséder des esclaves canadiens ?" L'auditeur poursuit en relevant que l'Exode (ch. 35, v. 2 ) indique que celui qui travaille un samedi doit être condamné à mort et se demande s'il doit lui-même tuer son voisin qui méprise cette interdiction. Il s'interroge aussi sur le sort à réserver à son oncle qui passe ses journées à médire et à blasphémer et à la femme de celui-ci qui plante deux types de culture différents dans son champ, ce qu'interdit le Lévitique (ch. 19, v. 19). "Est-il vraiment nécessaire d'aller jusqu'au bout de la procédure embarrassante de réunir tous les habitants du village pour lapider mon oncle et ma tante, comme le prescrit le Lévitique (ch. 24, v. 10 à 16) ? Ne pourrait-on pas plutôt les brûler vifs au cours d'une simple réunion familiale privée, comme cela se fait avec ceux qui dorment avec des parents proches, tel qu'il est indiqué dans le Lévitique (ch. 20, v. 14) ?".
On voit par là qu'il est bon (pour tout le monde) de vivre avec son temps.

A contrario, on s'interroge sur les outils de la modernité qu'utilisent tous ceux qui ne jurent que par le passé. Tous ces islamistes qui prennent le Coran au pied de la lettre et veulent vivre comme au VIIe siècle, qui s'appuient sur les écrits et les coutumes de l'époque pour obliger les femmes à se couvrir et à rester à la maison, pour appliquer la charia, couper les mains des voleurs et lapider les femmes adultères, tous ces littéralistes, comment peuvent-ils utiliser des kalashnikovs, des jeeps, des téléphones, des avions ? 
Quelle impudence de croire que leur prophète les y aurait autorisés !

(1) "Texte sacré", dans la rubrique "On a reçu ça", Charlie Hebdo, 10.1.2024.