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lundi 12 octobre 2015

Représentants du peuple

Malgré la loi, ils cumulent les postes de ministre et de bourgmestre, mais croyez les sur parole: ils n'aiment pas cela. Ils n'en peuvent rien: c'est plus fort qu'eux, ils aiment se rendre utiles partout où on a besoin d'eux et ils aiment tellement leur commune qu'ils ne pourraient la laisser dirigée par un autre.  Et surtout, ils ont une vraie et grande vision stratégique pour leur ville.
Ils sont quelques-uns dans ce cas en Wallonie, Demotte, Magnette, Di Antonio, Prévot, Furlan, de cette génération qui allait renouveler les mœurs politiques et améliorer la gouvernance. En fait de renouvellement, on les a parfois vus revenir en arrière. Ainsi, dans ce qu'il faut désormais appeler la Wallonie picarde, le Parti socialiste a corrigé ses règles internes, n'interdisant plus à ses élus de choisir entre un mandat de parlementaire et celui de membre d'un collège communal dans une ville de plus de cinquante mille habitants. La règle freinait les appétits de certains.
Ceux-ci ont beau être ministres, ils entendent rester bourgmestres, bien que la loi le leur interdise. Ils ont inventé l'appellation de "bourgmestre en titre" pour remplacer celle de "bourgmestre empêché". On les voit partout dans leur ville, empêchés de rien et pêcheurs de voix, ils inaugurent le moindre pot de fleurs, la moindre fête de quartier, reçoivent les personnalités étrangères, interviennent dans les débats publics, ont un avis sur tout, laissant les basses besognes au bourgmestre faisant fonction, qu'ils ont parfois rebaptisé "échevin délégué à la fonction maïorale", histoire de bien faire comprendre qu'il n'y a qu'un seul chef et que la fonction ne se partage pas. Elle ne doit effectivement pas être partagée et tout ministre est formellement prié de s'effacer de la "fonction maïorale" le temps de son mandat. Mais les règles sont-elles vraiment claires?, demandent certains de ces insatiables élus qui affirment qu'on peut être au four et au moulin.
Le chef de groupe socialiste au Parlement wallon, Christophe Collignon, a appelé les ministres à se concentrer exclusivement sur cette fonction (1), mais les ministres-bourgmestres se défendent: la population locale, leur population, les a élus, ils ne peuvent décevoir leurs chers électeurs. Récemment, c'est le ministre socialiste Jean-Claude Marcourt qui déplorait "un déficit de transparence" à ce sujet, estimant que "un jour, il faudra se pencher là-dessus" (2). Son ministre-président, Paul Magnette, également "bourgmestre empêché" de Charleroi, estime que les règles ne sont pas toujours très claires et aimerait qu'elles précisent qu'il peut continuer à présider le conseil comunal, porter les insignes de la fonction, participer aux cérémonies officielles de sa commune. Le député Ecolo Stéphane Hazée dénonce là "une volonté de légaliser les arrangements pris avec la législation". L'interdiction pour un ministre d'être bourgmestre est déjà très claire, il rappelle que l'objectif du décret est d'éviter les conflits d'intérêt et d'amener les ministres à se consacrer à 100% à leur fonction.

Si le Parlement wallon se penche à nouveau sur les interdictions de cumuls, peut-être pourrait-il en profiter pour réfléchir à la limitation dans le temps de l'exercice de mandats politiques.
"J'ai été ministre à trente-deux ans, il y a seize ans, déclarait récemment (3) l'ancien Président du Conseil italien Enrico Letta. Seize ans, ça use les gens. J'ai dit stop, parce que je pense que c'est terminé les longues carrières politiques de quarante ans dans laquelle vous laissez le poste de premier ministre pour devenir ministre des Affaires étrangères, etc. Je me suis dit que la seule façon de parler aux gens, c'est l'authenticité. Et un politicien qui n'a pas de travail, pas de métier, c'est quelqu'un qui ne connaît pas la vie réelle. (...) Si vous n'êtes pas sur le terrain, les gens ne vous écouteront plus." Combien de mandataires ont le courage d'avoir une telle réflexion, et surtout de l'appliquer?
Ils sont nombreux dans nos pays celles et ceux qui n'ont jamais eu d'autre activité que des fonctions politiques, qui sont entrés en politique dès leur sortie de l'université et tremblent à l'idée de perdre leurs mandats et de devoir chercher un travail comme un citoyen lambda. 
Ils sont nombreux en Belgique, exemples parmi d'autres: une Onkelinx qui est parlementaire depuis belle lurette: vingt-sept ans exactement et qui a été ministre durant dix-neuf ans sans interruption; un Demotte qui est parlementaire depuis vingt ans et ministre non stop depuis seize ans; un Reynders qui est parlementaire depuis 1992 et ministre depuis 1999. Quel lien ont encore ces représentants du peuple avec celui-ci? Quelle activité professionelle et/ou associative et bénévole ont-ils ou ont-ils jamais eues? Quelle crédibilité ont-ils encore quand ils se retrouvent dans l'opposition?
Ils ont réponse à tout, ils vous répondent que c'est précisément le fait d'être en même temps parlementaire ou ministre et bourgmestre qui leur permet de connaître la vraie vie des vraies gens. L'unique moyen pour eux de connaître les gens, c'est de les représenter.

(1) http://www.lalibre.be/actu/belgique/quand-quelqu-un-est-ministre-ca-doit-etre-sa-seule-activite-estime-collignon-5579c7b935709a87ac8f73b6
(2) "La guerre des cumuls relancée", L'Avenir, 19 août 2015.
(3) Emission "28 minutes", Arte, 23 septembre 2015.

A (re)lire sur ce blog:
- "Nouvel aristo", 2 mai 2014;
- "Bourgmestres même pas empêchs de titre", 17 janvier 2013;
- "Abonnés à Cumul+", 28 àctobre 2011;
- et de nombreux autres billets à ce sujet.


vendredi 2 mai 2014

Nouvel aristo

C'est l'histoire d'un homme, jeune alors, qui fut un espoir pour de nombreux militants du Ps wallon. Il incarnait le changement, il allait rénover ce vieux parti gangréné par des affaires à répétition.
Vingt ans plus tard, c'est devenu un cumulard qui a fait reculer les règles de son parti pour pouvoir être partout. Le Ps du Hainaut occidental interdisait à un mandataire de ses rangs d'être à la fois parlementaire et bourgmestre ou échevin d'une ville de plus de cinquante mille habitants. L'imperator de Wallonie picarde a fait sauter la règle. C'était nécessaire car il est indispensable. Qui d'autre que lui pourrait à la fois présider le gouvernement wallon et celui de la Communauté française, tout en étant bourgmestre de Tournai (où il s'est auto-parachuté) et grand chef de la Wapi?
Rudy Demotte méprise les règles de l'institution qu'il préside. Il refuse d'être "bourgmestre empêché",  se dit "bourgmestre en titre", et donc, en dépit des décrets dont il est censé être le garant, bourgmestre de facto de Tournai, une ville avec laquelle il "communie" (sic - et on est prié de ne pas rire).
Aujourd'hui, ce bourgmestre qui ne peut l'être mais l'est quand même annonce qu'il rempilerait volontiers à la double fonction de ministre-président (1).
On voit par là que l'ambition personnelle est toute puissante et nuit à la démocratie. Et qu'il faudrait changer les règles: un seul mandat à la fois et deux ou trois au grand maximum, et puis céder la place. Passer de gouvernant à gouverné quand d'autres feront, pour un temps aussi limité, le chemin inverse. Il faut mettre fin au professionnalisme politique, à l'aristocratie élue (selon les terme de David Van Reybrouck) (2) dont le petit marquis de Wapi est l'illustration.

(1) www.lesoir.be/533791/article/actualite/belgique/elections-2014/2014-05-01/rudy-demotte-candidat-sa-propre-succession
(2) David Van Reybrouck: "Contre les élections", Babel - Actes Sud, 2014.

(re)lire aussi sur ce blog, notamment (il y en a beaucoup d'autres sur le même monarque):
- "Un homme providentiel", 18.02.2014.
- "Premiers communiants", 04.12.2012.
- "Pêcheurs empêchés", 13.10.2012.
- "Shizophrénie", 25.11.2011.

vendredi 29 juin 2012

Discussions sur le bout de gras

La Cour constitutionnelle a rendu son avis: elle rejette les recours contre le décret qui interdit le cumul de mandats de député wallon et de membre d'un collège communal (1). Drôle de décret issu d'un compromis à la wallonne. A partir de 2018 (le temps pour certains de voir venir et de s'organiser...), il ne sera plus possible pour les députés wallons d'être en même temps bourgmestre ou échevin ou président de CPAS. Il faudra choisir, pour éviter les conflits d'intérêt. Mais la règle ne s'appliquera pas à tous les députés, un tiers d'entre eux (soit vingt-cinq) pourront cumuler: celles et ceux qui auront fait les meilleurs taux de pénétration. Ainsi l'ont voulu les députés Ps et CDH. Bref, les vedettes pourront cumuler. Et ainsi renforcer leur statut de vedette. Une aberration: "plus l'élu est connu, plus il peut cumuler!", s'indigne Jean-Paul Wahl, député MR et bourgmestre de Jodoigne (2). S'il fallait (j'ai bien dit "si") maintenir la porte ouverte à certains cumuls, il eût été plus pertinent de le faire pour des élus de petites communes, qui réclament moins de travail et de présence sur place.
Maxime Prévot, qui est à la fois député wallon CDH et bourgmestre de Namur, estime que "il est plus facile et plus populaire, plus simple, voire particulièrement simpliste, de prôner la suppression du cumul des mandats plutôt que de batailler pour convaincre mutuellement l'opinion publique que 95% des parlementaires travaillent ardemment et efficacement" (2). Maxime Prévot défend ses bouts de gras. L'opinion publique serait sans doute convaincue si les parlementaires avaient le don d'ubiquité. Durant le mandat parlementaire que j'ai exercé, je me souviens que régulièrement il fallait attendre que le quorum soit atteint pour qu'une réunion de commission puisse se tenir. Les députés Ecolo, qui ne cumulent pas, étaient présents. Les rangs des autres partis étaient souvent clairsemés. Les conseillers des groupes politiques téléphonaient à leurs parlementaires pour qu'ils viennent, au moins, assurer ce quorum. C'est qu'il est difficile d'être à la fois au four communal et au moulin parlementaire. "Quand on a un mandat, on exerce une responsabilité réelle. On ne peut pas être partout", estime John Joos, de la liste montoise "Mons citoyen 2012" (2).
Je me souviens également qu'il était quasi impossible de programmer une réunion parlementaire un vendredi, "jour réservé à la présence sur le terrain communal".
Le Vif (2) écrit: "pas d'hypocrisie: pour une commune, c'est bien d'avoir un député, et encore mieux un ministre". C'est qu'on constate rapidement qu'une commune représentée au parlement ou au gouvernement bénéficie de certains avantages. Et même d'avantages certains. Par souci d'équité et de justice, il faudrait alors 292 députés wallons, soit un par commune.
Ceci dit, alors que les institutions françaises planchent elles aussi sur un projet de décumul des mandats, il faut reconnaître, comme le rappelait hier le journaliste Pierre Savary (3), que les citoyens sont opposés au cumul, mais adorent voter pour des vedettes, qui le sont grâce à leurs cumuls.

(1) LLB, 29 juin 2012.
(2) Le Vif, 8 juin 2012.
(3) Matin Première, RTBF, 28 juin 2012.

Lire aussi sur ce blog
"Les gens indispensables", 8 mars 2012;
"Abonnés à Cumul+", 28 octobre 2011;
"Synergétiques cumuls", 23 octobre 2010
et d'autres billets encore.

jeudi 8 mars 2012

Les gens indispensables

Il y a des gens dont il est absolument impossible de se passer. Sans eux, le monde s'arrêterait de tourner. Ils sont au four et au moulin.
Prenons, par exemple, notre premier ministre. Allez savoir pourquoi, on imagine Elio Di Rupo assez occupé. Mais il briguera à nouveau, en octobre, le poste de bourgmestre de la Ville de Mons. Il ne pourra véritablement, et surtout officiellement, exercer la fonction, en plus de celle de premier ministre. Mais qu'on se rassure, nous dit sa porte-parole, il se consacrera à 100% à sa ville. On suppose qu'il en donnera au moins tout autant au Gouvernement fédéral. C'est Monsieur 200%. Il fait mieux que le footballeur entendu vendredi dernier (sur la Première) qui affirmait: "je suis 100%".
D'autres que lui seront dans le même cas. Un exemple (au hasard): Rudy Demotte. Le double ministre-président du Gouvernement wallon et de celui de la Communauté française (1), on le sait, joue les parachutistes et brigue le maïorat tournaisien. Il veut redonner tout son lustre à cette ville qu'il aime tant. Pour pouvoir être candidat, il a fait changer les règles internes au Ps de Wallonie picarde (un modèle du genre, nous dit-on) qui interdisait le cumul de mandats. Mais dans le même temps, le Parlement wallon agit en sens contraire et interdit ces mêmes cumuls. Pas totalement cependant. Il y aura des privilégiés: les gros scoreurs (politique et football ont décidément bien des traits communs) pourront s'abonner à Cumul +. Un quart des députés wallons pourront en même temps être bourgmestre, échevin ou président de CPAS. Les heureux élus seront ceux qui auront obtenu le meilleur taux de pénétration, entendez par là le plus grand nombre de voix obtenues par rapport au nombre d'électeurs (2). Bref, les champions seront avantagés.
Une fois élus, ces gens indispensables ne pourront cependant pas être à la fois membre d'un exécutif communal et d'un gouvernement. Qu'à cela ne tienne, ils désigneront un bourgmestre faisant fonction qui fera ce qu'on lui dit de faire et tiendra la place au chaud pour son bourgmestre hélas empêché.
Des communes comme Mons et Tournai l'auraient-elles pas besoin d'un vrai bourgmestre à temps plein, légitimement élu à ce poste?
S'ils veulent voir Rudy Demotte occuper réellement le siège de bourgmestre, les Tournaisiens, non militants socialistes, savent ce qui leur reste à faire: ne pas voter pour Demotte. Vu sa popularité, il sera bien sûr élu au Conseil communal, et largement, par les militants socialistes. Mais si son taux de pénétration est plus faible, il devra choisir entre deux sièges. Et on peut parier qu'il choisira d'être bourgmestre. Sa nouvelle ville lui tient tellement à cœur.

(1) Il ne sera pas ici question de Fédération Wallonie-Bruxelles, xième nom, déjà contesté au sein même de son propre Gouvernement, de la Communauté française, cette appellation-ci étant celle qu'indique la Constitution belge (art.2).
(2) lire "La Wallonie choie les gros cumulards", in Le Vif, 3 février 2012

mardi 10 janvier 2012

Souliers d'or

Les ministres sont trop bien payés. C'est un scandale. C'est ce qu'on entend dire au Café du Commerce. Ceux qui crient haro sur les baudets sont parfois les mêmes qui se réjouissent de dépenser une petite fortune pour s'offrir une place dans un stade ou une salle de concert pour assister à la prestation d'une star qui gagne cinq, dix, cent ou trois cents fois plus qu'un ministre. Sans exercer d'autre responsabilité que celle de respecter son public. Ce qui n'est d'ailleurs pas toujours le cas.
Le footballeur Lionel Messi vient d'être, à nouveau, consacré meilleur joueur du monde. On apprend à cette occasion qu'il gagne 33 millions d'euros par an. Soit 250 fois plus que ce que gagne un ministre à 11.000 € par mois. En prestant publiquement 1h30 à 3 heures par semaine.
David Beckham, s'il avait rejoint le PSG, aurait touché, nous dit-on, 800.000 euros par mois. Soit, grosso modo, 80 fois plus qu'un ministre.
Il est des ministres qui gagnent moins que des administrateurs généraux de sociétés parapubliques, bien moins que de nombreux PDG du privé. Mais les ministres et l'ensemble de la classe politique seront toujours trop bien payés, aux yeux de certains.
"A rebours de nombreux clichés, écrit Paul Piret (1), le nouveau point effectué sur les rétributions de nos politiques confirme que les ministres et élus ne sont pas abusivement payés au regard de fonctions aux responsabilités comparables, y compris dans la nébuleuse parapublique dont les dirigeants gagnent régulièrement plus que leurs ministres de tutelle."
On connaît des parlementaires qui n'ont durant leur mandat exercé que cette seule fonction, durant 60 à 70 heures par semaine, qui ont calculé que, ce faisant, en défalquant les impôts payés sur ces revenus et les rétrocessions à leur parti, ils gagnaient quelque 10 euros de l'heure. Ce qui n'est pas cher payé. D'autant qu'à la fin de leur mandat, ayant abandonné leurs précédentes fonctions professionnelles, ils se retrouvaient gros-jean comme devant. Ce qui, on en convient aussi aisément, n'est pas une situation souhaitable. Sans droit au chômage.
Ce qui n'empêche pas, comme le suggère Paul Piret, qu'il faille mettre de l'ordre dans les avantages injustifiés dont bénéficient les présidents d'assemblées et de commissions. Ou encore les députés provinciaux ou les administrateurs d'intercommunales. On ajoutera qu'il serait temps de mettre fin aux cumuls de mandats. Et aux recasages amicaux d'anciens élus.
Résumons-nous: il serait heureux que les salaires soient justes.

(1) "Mieux payer les politiques", LLB, 29 décembre 2011
Voir aussi "Abonnés à Cumul+", billet du 28.10.2011

vendredi 28 octobre 2011

Abonnés à Cumul+

Etre bourgmestre, parlementaire ou ministre? Le choix est difficile. On ne voudrait pas être à la place de ces malheureux qui doivent choisir. D'ailleurs, certains n'y arrivent pas. Toutes ces fonctions sont passionnantes. Nombreux sont les candidats, d'ailleurs déjà en fonction, qui se refusent à ce choix. Ainsi Paul Magnette vient de se faire plébisciter comme tête de liste du Ps à Charleroi aux élections communales d'octobre 2012. Mais, nous dit LLB (1), il "a laissé planer l'ambiguïté quant à son avenir politique et au choix qu'il ferait, entre le poste de bourgmestre de Charleroi en cas de victoire socialiste (2), ou les fonctions de ministre qu'il continuerait à exercer". J'irai là où je serai le plus utile, a-t-il déclaré. Ce que visiblement il est incapable de savoir aujourd'hui. Il faut croire qu'il sera le plus utile partout. C'est pourquoi c'est là qu'il est candidat: partout. Mais que ses électeurs se rassurent (s'il le fallait): il ne les trompera pas. Une déclaration qu'on a un peu de mal à comprendre. On n'est pas électeur potentiel du camarade Magnette, mais comment pourrait-il ne pas tromper ses électeurs, si, candidat à la fonction maïorale, il ne devait en définitive pas l'exercer? A Tournai, Rudy Demotte est dans la même position. Mais lui ne choisira de toute façon pas: il a déjà placé dans l'ombre un homme de paille qui oriente les décisions du Collège communal. Il ne trompera pas l'électeur et sera partout, au(x) gouvernement(x) et à l'exécutif communal tournaisien. Mais après tout, quand on est le maillot jaune de la Wallonie (qui gagne) (3), pourquoi devrait-on choisir? Laissons ces choix triviaux aux porteurs d'eau.

D'autres sautent en parachute sur une commune. Si la voie vers le poste de bourgmestre de leur commune leur est bouchée, ils s'installent dans une autre. On a ainsi vu tout récemment l'inoxydable Michel Daerden pré-annoncer son accession au maïorat de Saint-Nicolas, commune voisine de la sienne, où ses propres co-religionnaires l'ont exclu à jamais de l'exécutif. Ces candidats coucous posent - aussi - des questions relatives au respect de la démocratie. Et de l'éthique. "Les personnes ordinaires, oserait-on dire normales, celles qui n'appartiennent pas à la nomenclature politique, ne se présentent pas aux élections dans une ville ou un village où elles viennent d'emménager, et encore moins s'il s'agit d'une domiciliation formelle ou temporaire", écrit Paul Vaute dans LLB (4). Dans certains partis, et pour de nombreux électeurs visiblement, il semble normal qu'un parachuté, peu au fait des réalités locales, déboule en tête de liste, comme pour prendre - de force - une ville. Et Paul Vaute de rappeler les cas de Frédéric Daerden (fils de Michel) passant d'Ans à Herstal, d'Alain Mathot (fils de Guy) de Flémalle à Seraing, de Christophe Collignon (fils de Robert) d'Amay à Huy (où il est aussitôt bombardé président du CPAS). Rudy maillot jaune Demotte (qui au moins n'est pas fils de - ou alors d'Eddy peut-être?) était trop à l'étroit dans sa petite commune de Flobecq, ce qui l'a obligé à sauter sur Tournai.

Mais que le bon peuple wallon se rassure: l'éthique politique est de plus en plus respectée.

(1) 24 octobre 2011
(2) qui peut avoir des doutes, malgré les casseroles du Ps dans cette ville transformée en quincaillerie?
(3) voir http://rudydemotte.info/b/?p=2347
(4) Parachutes rosés, LLB, 22 octobre 2011

samedi 23 octobre 2010

Synergétiques cumuls

Jacques Gobert joue bien son rôle de lobbyiste. Il faut le reconnaître. Jacques Gobert est bourgmestre Ps de La Louvière, il est aussi président de l’Union des villes et communes de Wallonie. C'est à ce dernier titre que, dans le courrier des lecteurs de LLB de ce vendredi, il regrette le récent décret wallon interdisant le cumul de mandats. Il plaide pour les synergies, regrette qu’elles ne puissent désormais plus être mises en œuvre si on interdit à un bourgmestre ou un échevin d’être en même temps député wallon. Ne dites donc pas "cumuls", utilisez le terme politiquement correct de "synergies".
Jacques Gobert estime que l’argument selon lequel les députés utiliseraient leur position pour favoriser leur commune ne tient pas la route : « qu’on nous cite un exemple de décret qui favoriserait une ville ou une commune », dit-il. Les députés wallons ne sont pas assez bêtes, il le sait, pour tomber dans ce piège. Là où certains députés abusent de leur position, c’est en entretenant avec les ministres et les membres de leur cabinet des relations privilégiées qui permettent de faire avancer leurs dossiers locaux. Un député-bourgmestre et un bourgmestre ne sont pas sur pied d’égalité. Jacques Gobert le sait. Ou alors, il est sourd et aveugle. Ou naïf, ce qu'on a du mal à croire. Maurice Dehu, qui est du même parti que Jacques Gobert, est moins sourd, aveugle ou naïf que lui, en tout cas plus sincère: « je peux vous donner une liste de vingt hommes politiques qui ont financé la rénovation de leur ville lorsqu’ils étaient ministres. C’est humain… » (LLB, 01.01.04)
Jacques Gobert réfute également l’argument selon lequel les députés « ne sont jamais au Parlement puisqu’ils sont trop sollicités localement » : « je connais, dit le président de l’Union des villes et communes de Wallonie, beaucoup de députés-bourgmestres, et je les vois assidus et engagés, tant dans les fonctions parlementaires que maïorales. Ils sont dévoués à leurs tâches locales tout en s’investissant pour le bien de tous au niveau régional. » On voit par là que Jacques Gobert est un bon lobbyiste. Mais qu’il méconnaît (ou nie) la réalité. Pour le nouvel élu que je fus, en 1999, aux parlements régional et communautaire, la première surprise fut l’absentéisme. C’est que les députés-bourgmestres ont parfois divers chats à fouetter… Combien de fois n'avons-nous pas dû attendre des collègues (du parti de Jacques Gobert en particulier) qui n'avaient pas cru bon de venir en réunion de commission, accaparés qu'ils étaient par leur commune? Le quorum n'était pas atteint, la réunion ne pouvait se tenir. Les assistants de groupe, gênés, téléphonaient à l'un ou l'autre de leurs députés, pourtant si dévoués, pour les convaincre de venir en quatrième vitesse. Zoé Genot, ma collègue d'alors, au Parlement fédéral, disait la même chose en 2003: « les cumulards : ces députés-bourgmestres-échevins-etc. cumulent les fonctions et n’ont pas le temps de venir aux commissions parlementaires. Or, lorsque nous travaillons sur des projets ou propositions, nous devons avoir le quorum. Lorsque nous ne l’avons pas, nous reportons la commission pour deux heures. C’est de cette manière que nous avons perdu des centaines d’heures durant la législature précédente. (…) Tous les parlementaires sont payés à plein temps, donc la moindre des choses, c’est de bosser à plein temps ! » (JDM, 21.10.2003)
Je me souviens d'un collègue du Parlement wallon, membre du parti de Jacques Gobert, aujourd'hui député européen et toujours fils de son "papa", qui s'étonnait du temps plus que plein que nous disions consacrer, nous, députés écologistes, à notre mandat: "allez, ne me dites pas que le Parlement wallon vous prend plus de quinze heures par semaine", disait-il avec son accent liégeois.

Pour A. Destexhe, A. Eraly et E. Gillet, « le cumul des mandats constitue un lourd handicap pour la démocratie. Il provoque des conflits d’agenda. Il conduit à une augmentation de l’absentéisme parlementaire. Il détourne le député de l’intérêt général qu’il est censé défendre, au profit d’intérêts trop particuliers. Il crée la confusion dans l’esprit des électeurs. Il accorde au « cumulard » un avantage sur le député qui n’exerce qu’un seul mandat et qui se prive ainsi d’une occasion de se constituer un « capital de voix » dans son fief. Il contribue à renforcer les baronnies locales… » (LLB, 01.01.2004). Zoé Genot fait écho: « Je constate qu’à quelques exceptions près les parlementaires qui exercent également un mandat local sont moins actifs que les autres. Cela vaut d’ailleurs aussi pour le députés qui continuent à exercer leur métier dans le privé. (…) Si les députés bourgmestres faisaient vraiment entendre leurs voix au Parlement fédéral, la réforme des polices ne serait pas passée comme elle l’a fait. (…) Certains ministres se comportent comme s’ils étaient toujours bourgmestre de leur commune.» (LLB, 01.01.2004)

En attendant, le décret diminuant la possibilité de cumul de mandats est passé. Avec ses limites et ses incohérences, d'accord, mais il est passé. Malgré les combats d'une arrière-garde synergétique.

lire "Les abonnés à Cumul + (sur ce blog, billet du 11 juin 2009)

vendredi 27 août 2010

Cumulet par monts et par vaux

Egaré durant quelques semaines en pleine nature au coeur de la France, je récupère mon retard en matière d'information belge. Je découvre des nouvelles un peu vieillies. Mais d'un intérêt indéniable. Et notamment celle-ci qui indique que la fédération du PS de Wallonie picarde a modifié ses statuts. Ceux du PS du Hainaut occidental interdisaient à un élu de cumuler un poste de parlementaire avec celui de bourgmestre ou d'échevin (même "empêché) d'une commune de plus de 50.00 habitants. De telles communes, Tournai et Mouscron en l'occurrence, requéraient un bourgmestre à plein temps. Requéraient. Car l'interdiction vient d'être levée au sein du PS de Wallonie picarde. Et les journalistes aussitôt de se gausser. "Le PS retourne sa veste", titre la Libre du 10 juillet. Et le Vif du 16 juillet parle d' "éthique en toc au PS picard". On sait comment sont les journalistes, critiques, voire sarcastiques. En l'espèce, ils n'ont pas compris. On sait que la règle a été modifiée pour permettre à Rudy Demotte de devenir bourgmestre de Tournai en 2013. C'est une évidence. Mais il ne s'agit pas pour lui de cumuler. Le mot est horrible. Non, le double ministre-président s'ennuie. Il a du temps à revendre. Récemment, il a été obligé de quitter Flobecq et ses collines. Il n'est pas homme d'altitude. Il est descendu dans la vallée de l'Escaut et s'est installé à Tournai. Et s'est dit qu'il pourrait utilement mettre son temps libre à la disposition des habitants de la capitale de sa chère Wallonie picarde. Tournai ne représente après tout qu'un petit crochet entre Namur où il ministre-préside la Région wallonne et Bruxelles où il ministre-préside la Communauté française. L'homme sait donner de son temps. C'est un dévoué. Et les journalistes, persifleurs, ne le comprennent pas. On voit par là que l'homme a de la ressource. Il peut s'inscrire dans l'avenir. Même à reculons.

lundi 22 juin 2009

La bonne gouvernance, ça commence quand?

Armand De Decker était tête de liste MR au Parlement bruxellois et il a été élu le 7 juin. Mais il ne prêtera pas serment. C'est que, comme il sait à présent qu'il a peu de chances de devenir ministre-président à Bruxelles, il préfère garder le perchoir du Sénat. Je crois que je serai plus utile au pays en restant président du Sénat, dit-il (sans rire). Il aurait pu rester président de la haute assemblée, en étant sénateur de communauté, mais, dans ce cas, il ne pourrait conserver sa fonction de bourgmestre d'Uccle... Et celle-là aussi, il y tient. Bref, il aura été candidat pour rien. Et hop, c'est son suppléant qui deviendra député bruxellois! (voir LLB de ce jour)
Ils sont nombreux en ce moment à chanter "les pommes faisaient rouli-roula" (un pas en avant, deux pas en arrière, trois pas su' l'côté, trois pas d'l'aut' côté). Outre les cas déjà évoqués ici (voir "Génération zappeurs", dans "Quelques considérations post-électorales, 8 juin), on peut noter les suivants.
Elio Di Rupo avait été élu député fédéral voici deux ans. Et hop, changez! Le voilà à nouveau député wallon. Idem pour Sophie Pécriaux, Pierre-Yves Jeholet, Florence Reuter, Véronique Salvi et Maxime Prévot. André Flahaut, lui, avait voulu à toute force être tête de liste en Brabant wallon. Mais finalement, il reste au fédéral. Et son suppléant doit lui dire merci.
Joëlle Milquet a aussi été élue au parlement bruxellois, mais reste au fédéral, tout comme Melchior Wathelet et Francis Delpérée.
Le plus beau cas de figure est sans doute celui de Jean-Marie Dedecker: le judoka, poujadiste qui clame haut et fort sa haine des combines politiques, a été élu à la fois à l'assemblée flamande et au parlement européen. Mais, tous comptes faits, il reste à la Chambre!
C'est vrai, on sent bien que la bonne gouvernance est en marche et que ce sera bien difficile de l'arrêter!
On prend les paris, combien d'entre eux seront encore têtes de liste aux élections fédérales de 2011? Avec toujours pour priorité une vision à long terme! C'est une évidence.
Mais oui, on vous aime, on ne vous l'a pas assez dit ?

jeudi 11 juin 2009

Les abonnés à Cumul+

Le décumul des mandats, y arriverait-on enfin? Il est au centre des discussions actuelles entre les partis, amené sur la table par Ecolo.
Voici un texte sur la question, que j'avais rédigé en 2005, après mon mandat parlementaire.


Pour A. Destexhe, A. Eraly et E. Gillet, « le cumul des mandats constitue un lourd handicap pour la démocratie. Il provoque des conflits d’agenda. Il conduit à une augmentation de l’absentéisme parlementaire. Il détourne le député de l’intérêt général qu’il est censé défendre, au profit d’intérêts trop particuliers. Il crée la confusion dans l’esprit des électeurs. Il accorde au cumulard un avantage sur le député qui n’exerce qu’un seul mandat et qui se prive ainsi d’une occasion de se constituer un capital de voix dans son fief. Il contribue à renforcer les baronnies locales… » (LLB, 01.01.04)
La Libre Belgique du même jour rappelait d'ailleurs les nouvelles règles fixées par le Parlement en 2001 : interdiction de cumuler un mandat de parlementaire avec plus d’un autre mandat exécutif rémunéré, limitation des rémunérations à une fois et demie l’indemnité des parlementaires.

Pourquoi les assemblées et commissions parlementaires ne se réunissent-elles que du mardi au jeudi? Parce que le lundi est réservé aux réunions des bureaux de parti et que le vendredi, les parlementaires sont dans leur commune... Le temps plein d'un parlementaire représente donc - en tout cas pour la moitié d'entre eux en Wallonie - trois jours par semaine. Et son temps plein de bourgmestre...?
« Je constate qu’à quelques exceptions près les parlementaires qui exercent également un mandat local sont moins actifs que les autres. Cela vaut d’ailleurs aussi pour le députés qui continuent à exercer leur métier dans le privé. (…) Si les députés bourgmestres faisaient vraiment entendre leurs voix au Parlement fédéral, la réforme des polices ne serait pas passée comme elle l’a fait. (…) Certains ministres se comportent comme s’ils étaient toujours bourgmestre de leur commune.» (Zoé Genot, députée fédérale Ecolo) (LLB, 01.01.04).

« Les cumulards : ces députés-bourgmestres-échevins-etc. cumulent les fonctions et n’ont pas le temps de venir aux commissions parlementaires. Or, lorsque nous travaillons sur des projets ou propositions, nous devons avoir le quorum. Lorsque nous ne l’avons pas, nous reportons la commission pour deux heures. C’est de cette manière que nous avons perdu des centaines d’heures durant la législature précédente. (…) Tous les parlementaires sont payés à plein temps, donc la moindre des choses, c’est de bosser à plein temps ! » (Zoé Genot) (JDM, 21.10.03)
J'en ai connu des attentes dans les commissions parlementaires, parce que le quorum n'était pas atteint. Les attachés de groupes devaient battre le rappel de leurs élus qui, dans leurs communes, avaient mieux à faire que de venir sièger - même quand il s'agissait de soutenir leurs ministres.

Mais pour les électeurs, dont de nombreux "progressistes", le cumul entre une fonction exécutive locale et une fonction parlementaire, voire ministérielle, représente un « plus » appréciable en termes de capacité d’intervention dans des dossiers personnels comme en termes de moyens « additionnels » pour leur commune.
Avant les élections communales de 2000 à Tournai, Christian Massy avait été désigné tête de liste par les militants socialistes. Brusquement, Rudy Demotte, domicilié à Flobecq, fit savoir que, si on le lui demandait gentiment, il occuperait volontiers cette place. Massy et ses supporters tinrent bon. Mais on entendit de nombreux progressistes regretter ce choix, sachant très bien que Demotte resterait ministre et ne dirigerait donc pas la ville, mais tablant sur ses possibilités de faire pleuvoir sur la ville des subsides. Le choix d’un premier magistrat n’est donc pas fonction de ses capacités de gestionnaire mais plutôt de celle de continuer à faire fonctionner les vieilles pratiques de favoritisme d’un baron pour sa baronnie.
Et l’avenir leur a donné raison, puisque, quand Rudy Demotte est devenu ministre de la Culture, on a vu la commune de Flobecq (5000 habitants) dont il est bourgmestre "empêché" acquérir de facto le statut de capitale culturelle au moins du Hainaut occidental, tant la manne céleste fut abondante.
« Je peux vous donner une liste de vingt hommes politiques qui ont financé la rénovation de leur ville lorsqu’ils étaient ministres. C’est humain… », déclarait Maurice Dehu, député wallon (PS) (LB, 01.01.04).

L'argument des défenseurs du cumul: il est indispensable de garder le contact avec le terrain. Comme si en étant parlementaire sans être en même temps bourgmestre ou échevin, on perdait tout sens des réalités! La vérité c'est que trop de proximité nuit. De nombreux parlementaires liégeois se sont opposés à tout ce qui peut limiter la production d’armes (Smal, Monfils, les Happart Bros, Marcourt, etc.)
De nombreux citoyens applaudissent certains bourgmestres qui, effectivement, font évoluer favorablement leur commune, rénovent les places publiques, font construire des infrastructures, ouvrent des crèches. Si on examine leur situation, on constate que, bien souvent, ils sont aussi parlementaires dans la majorité, ouvrant ainsi une voie plus directe à d'importants subsides. Les communes ne sont donc pas égales en termes d'accès aux moyens publics, selon que leur bourgmestre ou échevin est ou non parlementaire.

« La démocratie a un prix. On trouve aujourd’hui normal de subventionner les partis, comme d’aider la presse écrite. On trouve normal de bien rémunérer les élus, en tenant compte de l’importance de leur travail et de leurs responsabilités. Ce n’est pas très populaire, mais ce le serait davantage si l’on limitait vraiment le cumul des mandats. On ne peut assumer convenablement une multiplicité de fonctions, et, après tout, si l’on veut accroître la participation citoyenne, autant partager le travail. » (G. Thoveron, La marchandisation de la politique)