mardi 31 mai 2016

A côté de la plaque

Comme tant de grands hommes, comme Elvis Presley, comme Michaël Jackson, comme John F. Kennedy, comme John Lennon, Staline n'est pas mort. C'est tout simplement impossible. Il se cache sous la moustache de Philippe Martinez, le leader de la CGT. L'homme le plus interviewé de France depuis deux semaines se sent pousser des ailes. Il veut être partout. Il a voulu imposer aux quotidiens français la publication sur une page entière d'une tribune qu'il avait rédigée. Seule L'Humanité, le journal du PCF, a obéi à ses ordres. En représailles, les autres quotidiens n'ont pu paraître jeudi dernier, suite à un bloquage de la CGT (1) Certains journalistes, indignés de cette atteinte à la liberté de publication, crient au chantage. Ils se trompent: c'est de la répression. Le sens de l'humour de la CGT est particulier, soviétique sans doute: elle dénonce les diktats du gouvernement et pour ce faire use de diktats. Cette interdiction de parution de la presse, c'est son 49-3 à elle. Cherchez l'erreur. Au Journal de 18h de France Inter vendredi dernier, des travailleurs d'une raffinerie se plaignaient: à l'AG de la CGT ce jour-là il n'y eut pas de vote sur le prolongement de la grève. Mais on a déjà voté il y a une semaine, argumentait un responsable syndical, donc il n'y a plus de raison de le faire. Curieuse conception de la démocratie, estimait une travailleuse qui a préféré quitter cette AG jugée inutile.
La CFDT, de son côté, soutient l'accord passé sur la loi Travail (2), qui ne manque pas d'avancées positives pour les travailleurs. Mais les travailleurs le savent-ils?
Dans le Journal de 13h de France Inter vendredi, un étudiant s'interrogeait: doit-il passer son bac vu ce qui se prépare? Il n'explique pas en quoi la loi Travail lui barre tout avenir. On aurait aimé le savoir. Lui aussi sans doute.
Le journaliste allemand Thomas Hanke, du Handelsblatt, pense que "c'est une bonne loi, même si elle reste insuffisante pour régler le problème du chômage. Le vrai problème, c'est que le gouvernement n'a pas assez communiqué sur les points positifs: par exemple, la possibilité de négocier directement en entreprise, ou encore le compte personnel d'activité, que l'OCDE cite en exemple, mais dont personne ne parle en France!" (3)
Mais tous ces protagonistes, gouvernement comme syndicats, n'ont-ils pas une guerre de retard? Plusieurs études annoncent, d'ici vingt à trente ans, une baisse drastique des emplois du fait de la révolution numérique. Tous les utilisateurs et clients d'Amazon, d'Airbnb, d'Uber, tous ceux qui téléchargent gratuitement sur Internet participent à la disparition  de l'emploi. 
Dans « Le monde est clos et le désir infini » (4), l’économiste français Daniel Cohen cite une étude de 2013 indiquant que « 47 % des emplois sont menacés par la numérisation ». D’après cette étude de l’Oxford Martin School, « ce sont les professions intermédiaires qui sont visées : les comptables, les auditeurs, les vendeurs, les agents immobiliers, les secrétaires, les pilotes, les économistes, les personnels médicaux. Les emplois les moins menacés sont : les psychanalystes, les dentistes, les athlètes, les membres du clergé et les écrivains… »  Ce sont, dit encore Daniel Cohen, « les tâches qui requièrent le couple perception et manipulation, ou bien une intelligence créatrice, sociale ou affective, (qui) sont pour l’instant protégées de l’informatisation ».
La notion même d'emploi avec tout ce qu'elle implique se modifie et va se modifier considérablement. Mais qui s'en soucie? Ni les gouvernements, ni les syndicats. 

(1) http://www.marianne.net/apres-echec-son-chantage-cgt-bloque-les-quotidiens-nationaux-100243150.html


(2) http://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/13-mesures-cles-de-la-loi-travail_1791715.html
(3) Le Courrier international, 26 mai 2016.
(4) Albin Michel, 2015.

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