mardi 28 février 2023

Du plomb dans la tête

Des nouvelles de Willy le sanglier. On se demandait ce que devenait le président des chasseurs français. Il était accaparé par ses chasses. La saison se termine aujourd'hui. Il va enfin trouver le temps de réfléchir à cette question : comment éviter le saturnisme ? Le Parlement européen a voté en novembre 2020 l’interdiction de l’utilisation de munitions au plomb dans toutes les zones humides d’Europe. (Pourquoi pas partout ?) Le texte a été publié en janvier 2021 pour un début d’application en février 2023.
Willy demande du temps : "près de 80% des armes ne sont pas compatibles avec autre chose que du plomb. (...) On parle de transition écologique, mais nous sommes pris à la gorge. Nous aurions besoin de huit à dix ans pour tout changer." (1) Le roi de l'écologie vient de découvrir qu'il pollue depuis toujours. Personne ne le lui avait dit. Il n'en dort plus. On notera qu'il a déjà perdu plus de deux ans, il aurait pu commencer à réfléchir depuis novembre 2020. Voire depuis toujours. Mais Willy le saturniste a autre chose à faire que réfléchir.
Une suggestion pour l'aider à retrouver le sommeil : cesser la chasse pendant cette période de dix ans. Qu'il prenne tout le temps dont il a besoin pour tout changer.

(1) Paris-Match, 9.2.2023, in Charlie Hebdo, 15.2.2023.

dimanche 26 février 2023

Les affreux et leur dieu

Plusieurs femmes iraniennes ont été libérées ces derniers temps par le régime chiite (1).
Yasaman Aryani a été libérée le 16 février dernier. Le 8 mars 2019, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, elle avait eu le culot de distribuer des fleurs blanches dans le métro de Téhéran à plusieurs Iraniennes. Et elle l'avait fait en ôtant son voile. Un acte insupportable pour les barbus iraniens et qui l'a conduite en prison. « Propagande contre le régime », selon eux, mais aussi « incitation à la corruption et la prostitution ». Elle aura donc passé près de quatre ans en prison pour un  acte qui serait considéré comme sympathique dans toute société normale mais qui est vu inadmissible par les fous furieux de Dieu qui font régner la terreur en Iran.
La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, détenue depuis juin 2019 dans la prison d’Evin à Téhéran, pour « atteinte à la sécurité nationale », a également été libérée. De même que Armita Abbasi, 21 ans, qui aura passé plus de 100 jours en Iran, accusée notamment d’avoir été « leadeure des manifestations ». Dans cette même prison, était détenu un groupe de prisonnières politiques iraniennes : Saba Kordafshari, militante contre les lois sur le port du voile obligatoire, et Fariba Asadi, Aliyeh Motallebzadeh, Parastoo Moini et sa mère Zahra Safaei, Gelareh Abbasi ainsi que Shohreh Hosseini. Les sept femmes ont été libérées en même temps, le 8 février.
"Ces bonnes nouvelles, écrit Amnesty International, surviennent dans un contexte où la répression se poursuit en Iran. De nombreuses personnes continuent d’être emprisonnées et risquent la peine de mort pour avoir participé au soulèvement qui secoue le pays depuis septembre 2022. Nous sommes aux côtés de la population iranienne et saluons à nouveau leur courage. Nous continuerons de porter haut et fort leur message : « Femme, vie, liberté ». "

Restent en prison des centaines d'opposants condamnés pour les motifs les plus délirants. Et quelques hommes ont été exécutés pour s'être opposés au pouvoir.
Restent aussi en prison des otages étrangers, tous accusés des pires actes. Parmi eux Oliver Vandecasteele, travailleur humanitaire belge, condamné à 40 ans de prison et 74 coups de fouet pour "espionnage". Il  survit comme il peut, de moins en moins, amaigri, affaibli, méconnaissable après une année passée dans les geôles iraniennes. Plusieurs rassemblements ont lieu aujourd'hui en Belgique et en France pour réclamer sa libération immédiate. (2)

Cette répression brutale et sanguinaire est menée par des affreux qui ne savent pas ce que signifie le mot humanitaire et qui se réclament de Dieu. Que fait-il ce dieu ? Comment laissent-ils faire ses soi-disants représentants ? Est-ce qu'il n'aime pas les femmes lui aussi ? Est-ce qu'il déteste l'humanité ? Est-ce qu'il exècre la liberté ? Qui peut encore croire en lui ? Il a toutes les apparences du diable.

(1) https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/iran-bonne-nouvelle-plusieurs-femmes-liberees-de-prison?utm_source=newshebdo&utm_medium=email
(2) A lire : https://www.pierreguilbert.be/was-wo/ - https://www.pierreguilbert.be/les-photos/

mercredi 22 février 2023

Vlad le petit

Quelle déception ! On croyait avoir affaire à un homme, un vrai, et voilà qu'on découvre que Vladimir Poutine n'est qu'un petit garçon qui ne sait pas assumer ses actes. C'est pas moi, dit-il, c'est pas moi qui ai voulu cette guerre. C'est les autres qui ont commencé et qui m'ont attaqué, m'sieur. I veulent me prendre mon pays et c'est qu'une bande de pédés. Son discours d'hier (1) était interminable, mais, si on le comprend bien, il se résume à cela. On rirait de ces propos à la fois violents et ridicules si la situation n'était pas aussi dramatique. Toujours les mêmes arguments qui ne convainquent que ceux qui ont envie d'y croire. Les Occidentaux sont méchants, alors que nous, on est gentils. Ils sont "hypocrites", "corrompus", "russophobes", alors que nous, on est des modèles d'honnêteté, que la corruption, on ne sait même pas à quoi ça peut ressembler et qu'on déborde d'amour pour les autres. 
Pour Poutine, les pays occidentaux sont en pleine « dégénérescence ». La preuve, c'est que "même la pédophilie (y) est devenue normale". Pour le père La Pudeur, il n'y a rien de pire que le mariage homosexuel. Le massacre d'enfants ne le dégoûte pas, deux hommes qui s'embrassent, oui. "Les textes sacrés sont remis en question, s'indigne-t-il. La famille est l’union d’un homme et d’une femme ». Les textes sacrés disent "tu ne tueras point", mais Poutine le marchand de mort exclut de ce précepte toutes celles et tous ceux qui contreviennent à sa morale et à ses ambitions dévorantes. Son respect des textes sacrés est à géométrie variable. La seule vie qui soit sacrée est la sienne.

Son discours était diffusé en direct dans tout le pays, notamment sur de nombreux écrans géants disposés dans l'espace public. On pense aux télécrans de 1984 qui diffusent en permanence la pensée du Parti. On pense aux slogans de la novlangue : « La guerre, c'est la paix »,  « La liberté, c'est l’esclavage », « L'ignorance, c'est la force ». Pour Poutine, cette "intervention militaire spéciale" en Ukraine est une entreprise de libération, l'assujettissement qu'il veut imposer aux Ukrainiens les rendra plus libres et les mensonges qu'il distille quotidiennement aux Russes les rendent plus forts. Pour lui, le mensonge, c'est la vérité ; la démocratie, c'est le nazisme et les erreurs sont de la justesse.

— Berezovsky fit une pause puis reprit. "Il ne s'arrêtera jamais, n'est-ce pas ? Les gens comme lui ne le peuvent pas. C'est la première règle. Persévérer. Ne pas corriger ce qui a déjà fonctionné, mais surtout ne jamais admettre les erreurs. (...)
— Peut-être, Boris, mais ce n'est pas de la barbarie : ce sont les règles du jeu. La première règle du pouvoir est de persévérer dans les erreurs, de ne pas montrer la plus petite fissure dans le mur de l'autorité."
Giuliano Da Empoli, "Le Mage du Kremlin", Gallimard, 2022.

Note : On ne sera pas surpris d'apprendre que Poutine a résilié son abonnement à Charlie Hebdo après avoir découvert la une de ce jour.

lundi 20 février 2023

Toujours pas de pluie

Nous sommes le 20 février. Voilà 31 jours qu'il n'a pas plu en ce mois qui fut longtemps très pluvieux en nos pays, sinon quelques gouttes trop rares pour espérer atteindre la nappe phréatique. Les nappes sont basses à la fin d'un hiver trop sec. Les prévisionnistes nous annoncent un été catastrophique, de sécheresse, d'incendies multiples sans doute, de morts d'arbres, d'effondrement de la biodiversité.
Si nous étions logiques, si nous étions responsables, nous attendrions de nos élus à tous les niveaux de pouvoir qu'ils prennent des mesures fortes pour s'attaquer maintenant, tout de suite, immédiatement, au réchauffement climatique. Pas à l'horizon 2030 ou 2050, mais maintenant. Et nous les accepterions. Mais on n'entend rien, on ne voit rien. La réforme des retraites a pris toute la place. Au rythme où se dégrade la situation, qui sera encore là en 2030 ou 2050 pour toucher sa pension de retraite ?
Nous ne voulons pas comprendre ce qu'il se passe, nous ne voulons pas voir que nous sommes incapables de quitter notre confort dégradant. Nous voulons vivre comme toujours, surtout ne rien changer à nos mauvaises vieilles habitudes. Il faudrait éliminer le mot toujours de notre vocabulaire.
Et que les présentatrices et présentateurs météo cessent de présenter comme belle une journée ensoleillée et triste une journée de pluie. Il n'y a pas plus beau qu'une journée de pluie.

dimanche 19 février 2023

Nucléaire et sécurité

Quelle nouvelle lubie a saisi le gouvernement français ? Voilà qu'il veut supprimer l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pour « fluidifier » les processus et mettre en place un « pôle unique et indépendant de sûreté ».
Beaucoup d'élus et d'experts s'interrogent sur l'opportunité d'une telle décision en ce moment précisément.
"Outre le dossier des nouveaux réacteurs, rappelle Le Monde (1), dont le gouvernement souhaite lancer la construction, le gendarme du nucléaire aura à se prononcer prochainement sur un grand nombre de sujets : la prolongation du parc actuel au-delà de 50 et même 60 ans, l’autorisation de création du centre d’enfouissement des déchets radioactifs Cigéo ou encore le projet de petit réacteur modulaire « Nuward » d’EDF." 
En fait, le gouvernement veut que les compétences techniques de l’IRSN soient « réunies » à celles de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Principaux dangers pointés du doigt : le rapprochement entre l’expertise technique et la décision politique.
"Jean-Claude Delalonde, le président de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli), écrit encore Le Monde, s’est également inquiété d’une possible disparition de l’ouverture de l’expertise sur la société civile, qui était portée par l’IRSN. La loi prévoit notamment que tous ses avis soient rendus publics." Or on sait combien le secteur nucléaire fonctionne de manière centralisée et trop souvent secrète.

En Belgique, des partis politiques et des acteurs du secteur font pression pour que soient prolongée la vie de certaines centrales. Mais la question de la sécurité n'est pas évoquée, s'indignait récemment (2) le journaliste Marc Molitor, auteur de "Tchernobyl, déni passé, menace future ?" (3).
On a vu avec la guerre d'Ukraine rappelle-t-il, les énormes risques que pose une centrale nucléaire au cœur d'un conflit armé. "Mais pas un mot dans le débat, aucun rapport n'est fait avec un risque ici, probablement parce qu'on n'imagine pas que cela puisse arriver ici."
Le coût - l'ensemble des dégâts économiques et sociaux - des deux catastrophes nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima est estimé, de manière très minimale, à 700 milliards d'euros, soit en gros la valeur de cent réacteurs nucléaires de type EPR2 et plus s'il s'agit du modèle classique PWR. L'IRSN français évalue à 450 milliards d'euros le coût d'un accident majeur en France.
Si on faisait le bilan de la valeur des centrales nucléaires et des coûts des accidents imaginables, "bref, si on considérait le parc nucléaire mondial comme l'actif d'une seule entreprise - le secteur nucléaire - elle serait sans doute en faillite". Elle ne l'est pas, parce que les coûts générés par les accidents sont "quasi entièrement socialisés" : c'est la société dans son ensemble, et donc les contribuables, qui les supporte et non le secteur lui-même qui les a provoqués.
"Dans ce passif à notre charge, on pourrait encore inclure les subsides publics historiquement très abondants pour le développement des réacteurs, de même que ceux destinés à l'arlésienne de la fusion nucléaire (...). Et, dans le futur, ajoutons aussi la part du coût du démantèlement et de la gestion des déchets qui sera supportée par le citoyen."
Tout ceci amène Marc Molitor à considérer que "l'idée de prolonger tout le parc et même de relancer massivement le nucléaire (...) paraît déraisonnable - sinon insensée - en termes de coût mais aussi de sécurité".
Le journaliste rappelle "la plus forte densité (mondiale !) de population autour des centrales de Doel, la zone Seveso qui l'entoure, le nœud de communication qu'est le port d'Anvers, la quasi-impossibilité d'évacuer sa population en cas de problème... tous problèmes connus mais glissés sous le tapis".
En 2011, lors d'un débat à la sortie de son livre, le président de la Société française d'énergie nucléaire déclarait : "il y aura encore des accidents nucléaires, mais nous y ferons face !". Le président de l'IRSN tenait le même discours.
Quelle nouvelle lubie a donc saisi le gouvernement français (et peut-être demain le gouvernement belge) ? 

(1) https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/02/16/surete-nucleaire-vives-inquietudes-et-appel-a-la-greve-apres-l-annonce-d-une-reforme-majeure_6162148_3244.html
(2) "Sécurité nucléaire ? Une assourdissante absence...", La Libre Belgique - Débats, 17.1.2023.
(3) éditions Racine.

vendredi 17 février 2023

Fête du bruit

Il fut un temps où les Belges étaient fascinés par les capacités oratoires des élus français. Les débats, qui pouvaient être vifs, semblaient voler haut et les mots et les formules qui les portaient apparaissaient ciselés. Où sont les neiges d'antan ? Ces derniers jours, à l'Assemblée nationale française, les députés de LFI ont des talents de supporteurs de foot. D'ultras même. Leur objectif ne semble pas être que leur équipe gagne, mais d'envoyer un maximum d'injures et que leur adversaire perde.
Voilà trois jours, ils poussaient des cris de joie et entonnaient dans l'enceinte de l'assemblée une chanson pour avoir réussi, avec la droite et l'extrême droite, à empêcher un index des seniors dans les entreprises (1). Une mesure pourtant soutenue par les syndicats. Mais les députés LFI s'en moquent, leur seul objectif est de faire barrage au gouvernement. Qui gagne, qui perd à ce jeu idiot ? Tout le monde. On entendra demain les mêmes élus, pas gênés, pointer du doigt les entreprises qui n'embauchent pas de seniors. Comment s'étonner que les syndicats prennent leurs distances avec l'attitude de nombreux élus incapables d'être dans le débat, seulement dans le combat ? Un combat qui semble n'avoir plus de règles. On a vu un député LFI poser en photo le pied sur un ballon figurant la tête coupée du ministre du travail. Un autre traiter le même ministre d'assassin et les membres du gouvernement de monstres. On assiste, comme le disait un intervenant hier dans l'émission 28 minutes,  à une brutalisation du débat dans une ambiance populiste. Un élu communiste a invité ses collègues à opposer des arguments, pas à lancer des insultes. Les injures et les attitudes grossières avaient jusqu'à présent, constatent les historiens, plutôt été le fait d'élus d'extrême droite. Mais la culture  (ou l'inculture) des réseaux dits sociaux et de l'émission d'Hanouna le cuistre semblent avoir déteint sur de nombreux élus de la Nupes. Le bruit médiatique et les formules à l'emporte-pièce censées faire le buzz l'emporte sur l'échange d'arguments.

La réforme des retraite - que le déséquilibre démographique et le déficit public considérablement augmenté par la crise de la Covid et la guerre d'Ukraine rendent indispensable sous une forme ou une autre - méritent des débats d'une autre tenue.
"Dans la conjoncture actuelle, écrit Le Monde (2), le mauvais spectacle donné par LFI est contre-productif à tous égards. Il alimente la défiance vis-à-vis des institutions au moment où le Parlement, longtemps marginalisé, cherche, au contraire, à redorer son blason. Il renforce, par contraste, la notabilisation des 88 élus du Rassemblement national (RN) qui jouent, derrière Marine Le Pen, les députés modèles. Il contrarie la stratégie de l’intersyndicale qui mène, depuis le 19 janvier, dans la rue, une action de contestation puissante et pacifique. Il donne enfin des arguments au gouvernement qui, en accusant LFI d’actionner « le chaos et la violence », cherche à se débarrasser de l’accusation originelle d’avoir voulu brider le débat, ce qui est au demeurant contesté."
Mais visiblement le gourou MelenChe persiste et signe. Le bruit, la fureur et la "bordélisation" appartiennent à sa stratégie (3). On a connu plus visionnaire.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/02/15/reforme-des-retraites-le-gouvernement-subit-son-premier-revers-a-l-assemblee-nationale-qui-rejette-l-index-seniors-dans-les-entreprises_6161840_823448.html
(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/02/15/reforme-des-retraites-le-jeu-dangereux-de-lfi_6161885_3232.html
(3) https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/02/15/au-fil-des-debats-sur-la-reforme-des-retraites-la-france-insoumise-au-defi-de-depasser-sa-culture-de-l-outrance_6161855_823448.html


mercredi 15 février 2023

Soutenir Paul François

Voir mon billet "Les pesticides tuent", du 11 février.

Un appel à l'aide financière sur la plateforme de la chouette Ulule :

Collecte Solidaire & Citoyenne. En avril 2004, l'agriculteur Paul François a subi une intoxication au Lasso, un herbicide fabriqué par l'entreprise Monsanto. Après de longues années de bataille judiciaire, il a finalement obtenu gain de cause en novembre dernier. 

Cependant, la compensation financière proposée par la justice est trop faible pour couvrir l'intégralité des préjudices subis par Paul. Il a besoin de votre soutien pour continuer sereinement son activité, transmettre son exploitation (en s'assurant qu'elle demeure biologique) et poursuivre la procédure judiciaire si besoin. 

Participer à la collecte

 

mardi 14 février 2023

Une question de temps

Une nouvelle autoroute va être construite. Elle va relier Castres à Toulouse, soit une distance de 62 kilomètres. Elle permettra aux 7.000 automobilistes qui empruntent actuellement la nationale (que l'autoroute longera) de gagner une vingtaine de minutes. Et à la terre de perdre combien de siècles ?
Comment peut-on aujourd'hui construire encore le moindre kilomètre de route ou d'autoroute ?
Pour Cécile Argentin, présidente de France Nature Environnement Midi-Pyrénées, c'est "la sidération qui s'impose à la lecture de ce projet, certains n'ont-ils toujours pas compris que les temps ont changé ? Que les autoroutes ne sont plus une fin en soi, a fortiori pour déverser des hordes de véhicules vers la ZFE de Toulouse (zone de faible émission) qui fait tout pour ne plus en avoir dans son périmètre. 62 kilomètres de 2x2 voies n'est pas l'avenir d'un territoire, c'est au contraire le diviser irrémédiablement, émietter ses terres agricoles, en détruire ses atouts, ses continuités écologiques et sa richesse biologique". (1)
La transition écologique attendra que les bétonneurs aient fini leur grand œuvre.
Depuis plusieurs jours, la qualité de l'air est mauvaise à cause de ce temps beaucoup trop ensoleillé, trop sec et sans vent que nous connaissons. Les cartes météo sont au rouge. La vitesse sur autoroute est limitée à 110 km/h pour cause de pollution. La plupart des automobilistes s'en moquent. Ils n'ont pas de temps à perdre. 

Post-scriptum : Michel Sardou fait partie de ces automobilistes qui ont autre chose à faire que de se traîner sur les autoroutes. "Rouler à 130 sur autoroute franchement, ça m'emmerde. (...) Je me suis fait gauler à 166. J'étais en train de doubler un mec qui était à 110, faut pas charrier. (...) Quand on a une voiture comme la mienne, elle va beaucoup plus vite, j'ai une Porsche Carrera 911S, ça veut dire qu'elle fait des courses. C'est 600 chevaux." (2) On comprend mieux pourquoi " (il) fonce comme une bête /Sur le premier sens interdit / Aucun feu rouge ne (l)'arrête/ (Il se) sent bien dans (sa) folie/ (Il a) envie de violer des femmes / De les forcer à (l)'admirer /Envie de boire toutes leurs larmes/ Et de disparaître en fumée". (3)
Bonne idée, ça, disparaître en fumée.

(1) https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/tarn/castres/autoroute-a69-castres-toulouse-la-polemique-sur-l-enquete-publique-en-cours-continue-2680260.html
(2) BFMTV, 18.1.2023, cité par Charlie Hebdo, 25.1.2023.
(3) extrait de "Dans les villes de grande solitude".

samedi 11 février 2023

Les pesticides tuent

Paul François, céréalier charentais, a failli mourir deux fois.
Une première fois en avril 2004 après avoir inhalé une puissante bouffée de pesticide. Conséquences : d'énormes problèmes de santé et de fréquents séjours à l'hôpital. Il a déposé plainte contre Monsanto et gagné son procès (1). Entretemps, il a créé l'association Phyto-Victimes qui vient en aide aux paysans victimes de pesticides.
Deuxième risque de mort pour Paul François le 30 janvier dernier : trois brutes cagoulées l'ont agressé violemment à son domicile. «Il a été frappé et ligoté par trois personnes dans son garage à Bernac, au nord d'Angoulême», a déclaré son avocat Me François Lafforgue. "Si ce dernier, écrit Le Figaro (2), ne se prononce pas à ce stade sur les raisons de cette attaque, il précise cependant ce que les agresseurs ont dit à son client : «On en a marre de t'entendre et de voir ta gueule à la télé». Des propos entendus par la sœur de l'agriculteur qui était au téléphone avec lui." Ses agresseurs l'ont attaqué avec un objet tranchant et ont tenté de lui administrer un produit.
L'association Phyto-Victimes parle d'une tentative d'assassinat (3). "Même si on ne sait rien des agresseurs, on ne peut pas s'empêcher de faire le lien avec le combat que Paul François a mené contre Monsanto", affirme Antoine Lambert, qui a succédé à Paul François à la présidence de Phyto-victimes.

On se dit alors que la série Jeux d'influence n'est pas une fiction. Sa première saison était précisément inspirée de l'histoire de Paul François. La deuxième, récemment diffusée sur Arte (4), démontre la collusion entre le monde agricole dit traditionnel et le politique, mais aussi la violence dont peut faire preuve le secteur des pesticides contre qui ose se mettre en travers de sa route. C'est un euphémisme de dire que les méthodes mafieuses ne le rebutent pas

L'agression dont vient d'être victime Paul François confirme que son combat - qui visiblement dérange les intérêts financiers de gens sans foi ni loi - est juste et nécessaire. 
Le premier qui dit la vérité /
il doit être exécuté...

Post-scriptum 
Les élus écologistes sont-ils les seuls à s'indigner ? (5)
Tous les élus, toutes familles politiques confondues, devraient affirmer haut et fort leur soutien à Paul François et leur condamnation de cette agression ignoble. Et le Ministre de l'Agriculture le premier.

(1) https://moeursethumeurs.blogspot.com/2019/04/nouveau-coup-de-david-goliath.html
(2) https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-paysan-paul-francois-vainqueur-contre-monsanto-agresse-chez-lui-20230210
https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/on-en-a-marre-de-tentendre-paul-francois-le-paysan-contre-monsanto-agresse-a-domicile-20230210_MBP47WIJ6NE4NPA7KAMKWBHBFQ/
(3) https://www.phyto-victimes.fr/tout-notre-soutien-a-paul-francois-ancien-president-de-phyto-victimes/
(4) https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021142/jeux-d-influence/
(5) https://www.huffingtonpost.fr/environnement/article/l-agression-de-paul-francois-l-agriculteur-qui-a-fait-condamner-monsanto-suscite-la-colere-des-ecolos_213924.html
(Re)lire sur ce blog :
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2019/07/le-cynisme-un-nom.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2020/02/une-autre-agriculture.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2023/01/nourrir-la-communaute.html

mercredi 8 février 2023

Tristes artistes

Les débats et les prises de position qu'ont suscités ce qu'on appelle l'affaire Vivès renvoient à la question de la liberté artistique. Un artiste peut tout dire, estiment certains, parce que son rôle est de nous bousculer, de nous amener à nous interroger notamment sur les normes. Parlons-en des normes précisément : à quel moment sort-on de la création ? En quoi les récits autobiographiques de Gabriel Matzneff relatant ses relations sexuelles avec des enfants ou des adolescents (récits en leur temps encensés par une certaine intelligentsia) sont-ils de la création ? Transgresser, est-ce créer ? Hurler sa haine et appeler à la violence, est-ce créatif ? Ou au contraire destructif ?
On repense à ces rappeurs qui dans des chansons avaient, l'un (Nekfeu), appelé à "un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo", l'autre (le bien nommé Disiz la Peste), annoncé aux membres de l'équipe de Charlie Hebdo : "je vous couperai les mains" (1). Quel rôle de tels appels ont-ils pu avoir sur les esprits dérangés des sombres crétins qui ont massacré l'équipe de Charlie ?
Certains ne méritent pas le nom d'artiste.

(1) https://moeursethumeurs.blogspot.com/2015/01/la-question-des-limites.html

dimanche 5 février 2023

Oui-Oui à l'université

Les étudiants sont de petits êtres fragiles et innocents qu'il convient de protéger de la dureté du monde. En tout cas ceux de la Faculté londonienne de Greenwich.  Ils ont reçu de la direction une mise en garde à propos d'un roman de Jane Austen : "L'Abbaye de Northanger", qui est au programme d'un module de littérature gothique.
"Rédigé à la fin du XVIIIe siècle et publié de façon posthume en 1817, explique l'hebdomadaire Marianne (1), le roman satirique a fait l’objet d’un avertissement de l’université en raison de « stéréotypes de genre » présents dans l'œuvre vieille de plus de 200 ans (...). Dans le détail, l’université de Greenwich met en garde sur le « sexisme » et des « relations et amitiés toxiques » contenus selon elle dans l’ouvrage. Des « éléments qui peuvent perturber les étudiants », affirme-t-elle."
L'été dernier, ce sont les étudiants de l'université de Warwick qui avaient reçu un avertissement du même type, au sujet cette fois de « scènes bouleversantes » dans un ouvrage de l’écrivain anglais Thomas Hardy. La liste des romans qui pourraient heurter la sensibilité de ces tendres esprits doit être interminable. On en frémit.
Peut-être ces universités pourraient-elles suggérer à leurs étudiants de consacrer leurs thèses à Oui-Oui ou à Winnie l'ourson. En les mettant en garde toutefois : dans Oui-Oui et le concours de pêche les poissons subissent un sort tragique et Oui-Oui et le Père Noël exploite la crédulité des enfants.

vendredi 3 février 2023

Savonarole, le retour

Dans quels temps obscurs (et stupides) sommes-nous tombés pour que l'art soit l'objet d'autant d'attaques ? Des activistes pour le climat s'en prennent à des tableaux dans les musées plutôt qu'aux bagnoles, aux avions ou aux pesticides. D'autres, au nom de leur morale, veulent faire interdire des œuvres, empêcher des artistes de s'exprimer, parce qu'ils ne pensent pas comme eux. Comme si ces flics de la pensée, ces censeurs, ces inquisiteurs ne comprenaient pas la différence qui existe entre expression artistique et réalité. Invitons les à regarder le tableau Ceci n'est pas une pipe  de René Magritte. C'est un tableau, une représentation d'une pipe, mais pas une pipe, on ne peut la tenir en main, la bourrer de tabac, l'allumer, ni la fumer.  Représenter, c'est mettre à distance et ainsi permettre de réfléchir.
Une rétrospective de l’artiste américain Philip Guston (1913-1980) a été reportée de 2020 à 2022 par trois musées américains et par la Tate Modern de Londres, explique Le Monde (1), parce que certaines toiles représentant le Ku Klux Klan, quoique dénonçant le suprémacisme blanc, pourraient heurter les Noirs. "Guston est blanc et le public ne fait plus la différence entre montrer, adhérer ou dénoncer. Ces deux années ont surtout permis de « reprofiler » une exposition dont la première étape, à Boston fin 2022, a vu cinq toiles sur le KKK retirées sur les quinze prévues."
Il y a surtout dans cette attitude des musées à la fois une peur des activistes et un mépris pour le public considéré comme incapable de comprendre, de prendre une distance.

Lors de sa séance de vœux récemment, la Ministre française de la Culture, Rima Abdul Malak, a annoncé qu'elle entend « lutter contre les assignations identitaires et la cancel culture ». "Elle redoute, écrit Le Monde (1), de voir la France prendre le chemin américain de la censure de livres, films, tableaux. Par l’extrême gauche dans le champ intellectuel au nom des minorités ; par l’extrême droite politique, au nom de la majorité blanche. Elle est sur la ligne du philosophe Ruwen Ogien, distinguant l’offense du préjudice : un créateur peut offenser mais ne pas nuire. En Amérique du Nord, offenser est devenu blasphème. Les conséquences sont vertigineuses."

Pour certains activistes identitaires, seul un homosexuel devrait pouvoir jouer un rôle d'homo dans un film ou un spectacle, idem pour les non-binaires, les minorisés, les racisés ou tous ceux et toutes celles qui se sentant différents se sentent aussi ostracisés. Ce qui a amené Tom Hanks, oscarisé pour son rôle d’homosexuel atteint du sida dans Philadelphia (en 1993), à déclarer qu'aujourd’hui il refuserait le rôle, parlant de « l’inauthenticité d’un hétéro jouant un gay ». L’acteur français Vincent Dedienne fait justement remarquer que si Tom Hanks n’est pas gay, Denzel Washington, son avocat dans le film, n’est pas avocat dans la vie. Et il ajoute : « Il fait sale temps pour les acteurs. » (1)
En Belgique, au printemps dernier, la journaliste Safia Kessas a dû être mise sous protection policière. Son crime : avoir interviewé Angela Davis alors qu'elle n'est pas noire. Elle est pourtant, rappelle Marianne (2), "une intellectuelle engagée sur les questions coloniales et qui se définit comme intersectionnelle". Le communiqué des plaignants est un salmigondis de reproches ostracisants de la part des ostracisés. Angela Davis a affirmé n’être nullement opposée au choix de Safia Kessas comme interlocutrice, qu'il s'agit là d'une « mauvaise question », que le « focus sur les identités » entraîne des raccourcis et elle a estimé que la « cancel culture » est  « perturbante ».
Faudrait-il donc être femme pour interviewer une femme ? Islamiste pour interviewer un islamiste ? Homme pour jouer un homme ? Pédophile pour jouer un pédophile ? Con pour jouer un con ? La bêtise atteint des sommets et elle est effrayante. Chacun dans sa niche ou pire dans sa cage.  

L’Observatoire français de la liberté de création déplore une « vague inédite de déprogrammations dans tous les champs de l’art et de la culture ». Selon l’Observatoire, on assiste à une confusion des rôles : il revient aux programmateurs de montrer des œuvres et de créer le débat si elles sont problématiques, mais c'est au juge de les interdire ou non au nom de la loi. "Marqué à gauche, indique Le Monde (1), cet observatoire déplore que « d’autres types de censure » voient le jour, encouragés par des groupes antiracistes ou féministes."
Récemment, le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême a déprogrammé une exposition consacrée à Bastien Vivès accusé de faire dans ses livres l'apologie de la pédopornographie. Le dessinateur Enki Bilal condamne (3) "les grosses conneries qu’il (Vivès) a proférées sur les réseaux sociaux quand il était plus jeune", mais défend le droit à la provocation. "Si on veut faire de la provoc, on doit pouvoir le faire. Dans l’art, c’est même souhaitable. Mais il faut rester dans le domaine du fantasme, du décalage du réel. Il faut faire preuve, même dans les plus grands délires, d’une certaine nuance – mot qui semble avoir perdu tout son sens dans le monde binaire d’aujourd’hui. Le déferlement de haine sur les réseaux sociaux le prouve, avec la désagréable impression que le wokisme – ce maccarthysme à l’envers – y prend sa part. Que cette idéologie provienne de la gauche est atterrant."

Avec une quarantaine d'autres personnalités du monde de la culture, Enki Bilal a signé une tribune s'alarmant d’« un climat de peur menaçant la liberté de création » (4). Ils rappellent " qu’interroger ou contester le travail d’un auteur est légitime, mais que le bâillonner ne l’est pas. Comment un artiste pourrait-il encore prendre des risques, interroger sa part d’ombre (et la nôtre), chercher à bousculer, à remuer les passions humaines, à questionner notre condition commune – parfois sombre – en se demandant, à chacune de ses productions, si son prochain habit ne sera pas fait de goudron et de plumes ? Aucun auteur ne peut créer en tremblant." Si ce sont les censeurs qui décident ce qui est publiable ou exposable, "quel sens aura encore l’activité artistique ? Qu’est-ce donc que cela, si ce n’est la réintroduction, par une fraction de la société, d’un délit d’outrage aux bonnes mœurs qui avait valu à Flaubert d’être poursuivi en 1857, car l’art, disait-on, devait poursuivre un but moral et contribuer à  épurer les mœurs".
"Autour de nous, écrivent-ils encore, beaucoup sont tétanisés par le climat ambiant mais peu osent parler, ayant légitimement peur pour leur carrière et leur réputation. Quand une société en arrive là, elle est au bord de l’obscurantisme."

Un des slogans de mai 68 était "Il est interdit d'interdire". C'était il y a 55 ans. Une éternité. Depuis, nous sommes devenus timorés. Il y a treize ans, le livret de Stéphane Hessel Indignez-vous ! connaissait un succès enthousiasmant. Aujourd'hui, certains prennent l'injonction au pied de la lettre, s'enflammant à la moindre contrariété, au moindre propos contraire à leur vision non pas du monde mais d'eux-mêmes ; ils mènent une chasse en meute, sans prendre le temps de s'informer, de débattre, de réfléchir. Haro sur qui ne pense pas comme moi (qui ne pense pas).

Nous vivons une époque de censure dans laquelle bien des gens, particulièrement des jeunes, en sont venus à estimer qu'il faut limiter la liberté d'expression. L'idée selon laquelle heurter les sentiments d'autrui, offenser leur sensibilité, c'est aller trop loin est aujourd'hui largement répandue, et lorsque j'entends de braves gens tenir de tels propos, je me dis que la vision religieuse du monde est en train de renaître dans le monde laïque, que le vieux dispositif religieux de blasphème, d'inquisition, d'anathémisation, et tout le reste, pourrait bien être en train de faire son retour. 
Je peux affirmer, et je le fais volontiers, qu'une société ouverte doit autoriser l'expression d'opinions que certains de ses membres peuvent trouver désagréables, sinon, nous acceptons de censurer les opinions qui dérangent, nous nous retrouvons confrontés à la question de savoir qui doit détenir le pouvoir de censure. 
Quis custodiet ipsos custodes ?, comme on disait en latin. Qui nous protègera de nos gardiens? 
Salman Rushdie, "L'instinct de liberté" (5)

(2) https://www.marianne.net/societe/trop-blanche-pour-interviewer-angela-davis-une-journaliste-belge-sous-protection-policiere
(3) https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/01/26/enki-bilal-dessinateur-c-est-une-dictature-en-marche-je-serai-toujours-du-cote-des-artistes_6159344_3246.html
(4) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/02/01/affaire-bastien-vives-interroger-ou-contester-le-travail-d-un-auteur-est-legitime-le-baillonner-ne-l-est-pas_6160127_3232.html
(5) in "Langages de vérité", Actes Sud, 2022.