vendredi 19 avril 2024

C'est normal

Le Front du Rassemblement national s'est normalisé.  Il faut donc s'inquiéter de ce qui est devenu la norme.
Le 7 avril dernier, dans le cadre du carnaval de Besançon, des militantes d'un collectif d’extrême droite ont brandi des pancartes associant les termes “immigrés” et “violeurs” » (1). Habituellement, la notion de carnaval est associée à celle de fête. Mais pas pour l'extrême droite qui profite de cette occasion pour exprimer sa haine normale. « Ces propos essentialisants, qui constituent des incitations à la haine envers les étrangers, m’ont conduit à déposer plainte le même jour pour incitation à la haine raciale », a déclaré la maire écologiste de Besançon. Elle a reçu en retour des menaces de viol, des centaines d’injures et de propos haineux ou dégradants. Normal. Elle a à nouveau déposé plainte. Quelques jours plus tard, des élus du Rassemblement national ont brandi des pancartes identiques en pleine séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, pour soutenir les deux femmes poursuivies pour leurs propos haineux. Normal. Cette fois, c'est la présidente du Conseil régional qui a déposé plainte. Elle a également dénoncé l’usage par un des élus du RN du mot Untermensch (« sous-homme » en allemand) au sein de l’hémicycle, une expression empruntée au vocabulaire nazi. Normal. 
Jordan Bardella, président du parti d'extrême droite, affirme catégoriquement qu'il n'y a pas de racistes dans son parti normal.

Le quotidien Le Monde a analysé (2) les positions prises par le parti normal d'extrême droite au Parlement européen concernant les relations internationales. "Soutien à des régimes autoritaires, refus de dénoncer l’application de la peine de mort ou d’autres sévices contre des opposants politiques, ignorance des cas de violations des libertés fondamentales : les centaines de décisions prises par les eurodéputés du RN à Bruxelles et à Strasbourg, analysées par Le Monde, offrent un panorama des relations internationales telles que le mouvement d’extrême droite les envisage." Soutien constant au Kremlin, refus de condamner la loi russe sur les « agents de l’étranger » (2019), rejet de la résolution consécutive à l’empoisonnement d'Alexeï Navalny (2020), rejet du soutien apporté à la société civile réprimée et notamment à l’organisation de défense des droits de l’homme Memorial, abstention sur la plupart des textes pris en soutien à l'Ukraine, etc. "Cela ne nous regarde pas",  affirment les élus RN qui ne veulent pas avoir l'air de toucher à la souveraineté d'un pays. Comme si la souveraineté ukrainienne était pleinement respectée. De toute façon, l'analyse du Monde démontre combien les députés frontistes appliquent ce principe de non-immixtion, de manière très variable selon les régimes concernés. Et défendent systématiquement les régimes autoritaires ou illibéraux. Normal.

Jordan Bardella est tête de liste de son parti pour les élections européennes. "La coquille vide d'idées mais remplie d'orgueil du RN", comme le qualifie l'hebdomadaire Franc-Tireur, est en campagne mais refuse les débats avec ses adversaires. Il envoie des seconds couteaux, préférant serrer des mains et débiter des âneries. Son adversaire du parti présidentiel, Valérie Hayer, affirme que Bardella "aborde cette campagne de la même manière qu'il a abordé son mandat au Parlement européen : sans aucun respect pour les Français". Normal ?

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/04/12/la-maire-de-besancon-harcelee-en-ligne-apres-sa-plainte-contre-des-pancartes-antimigrants_6227481_823448.html
(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/04/17/au-parlement-europeen-le-rn-soutien-constant-des-regimes-autoritaires_6228263_823448.html

mardi 16 avril 2024

Déréglés

C'est une étrange mode. Il est de bon ton de faire la guerre. Vladimir Poutine n'a jamais vécu que pour cela. Chef de guerre, c'est son destin. Depuis vingt-cinq ans qu'il est au pouvoir, il provoque des conflits armés. S'il devait parvenir à conquérir l'Ukraine, ce sont d'autres territoires voisins qui craignent pour leur indépendance : la Moldavie, les Etats baltes, la Pologne...
Les Iraniens, eux, ne menaient la guerre que par milices interposées : le Hezbollah, le Hamas, les Houthis. Voilà qu'en attaquant Israël ils renouent directement avec une pratique qu'ils avaient abandonnée depuis 1988 et la fin de la guerre qui les opposaient à leurs voisins irakiens. Le Hamas est en guerre contre Israël et réciproquement. Après la Syrie, c'est le Yemen qui depuis des années se déchire, tout comme le Soudan où la guerre des généraux - qui a débuté il y a exactement un an - a déjà provoqué 15.000 morts et déplacé 8,4 millions de personnes. Dans l'indifférence du reste du monde. Il y a des guerres qui révoltent et mobilisent l'opinion publique et il y a celles qu'on préfère ignorer.
Et puis, c'est la Chine qui menace Taïwan, la Corée du nord celle du sud, le Venezuela  qui aimerait faire main basse sur l'Essequibo au Guyana voisin, les guerres qui se poursuivent, dans la même indifférence mondiale, dans l'est de la République démocratique du Congo.
Partout les budgets militaires sont revus à la hausse. C'est qu'il faut se préparer si pas à une attaque, du moins à une défense éventuelle. Tous les moyens devraient être mobilisés pour lutter contre le dérèglement climatique, mais certains préfèrent les consacrer à dérégler les rapports humains. On pensait que le sens de l'Homme était de devenir plus intelligent de siècle en siècle. On se trompe.  
Sur les réseaux prétendument sociaux, tant de gens mènent leur guerre, verbale cette fois, vouent aux gémonies qui ne pense pas comme eux et pousse chacun à choisir son camp contre l'autre. La nuance et le doute n'ont pas plus de place que l'analyse dans leurs vies si sûres d'elles. La guerre et la haine avancent de concert. Avec la bêtise.

mercredi 10 avril 2024

Souverainement égoïstes

Les êtres souverains, on vient de les découvrir à l'occasion d'une video ahurissante (1) et on ne sait comment les qualifier. Celles et ceux qui se présentent comme tels affirment ne rien avoir affaire avec la société. Ils ne reconnaissent pas l'autorité de la police ou de la justice, refusent de payer impôts ou amendes, ne "contractent" pas avec les autorités publiques et leurs lois. A leurs yeux, les Etats sont illégitimes, juste des sociétés privées "enregistrées à Washington". Dans la video de ce couple de Drômois contrôlés par la police à Dunkerque, on les entend refuser de donner leurs papiers aux gendarmes qui les contrôlent. Ils leur donnent oralement un nom - "Pierre de la famille Legrand par ouï-dire" -, à écrire "en minuscule s’il vous plaît, car nous ne sommes pas des entreprises".
"Je n'appartiens plus à l'entreprise République française Présidence. C'est une société depuis 1947. Et vous, vous êtes aussi enregistrés à la secte Washington DC sous un numéro, ce qui fait de vous des mercenaires sur le sol français." Voilà ce qu'affirme, péremptoire, le conducteur, avant de voir la vitre de sa voiture éclatée par le gendarme qui ne trouve pas d'autre moyen de le faire sortir de son véhicule. Sa femme, qui ne cessait de répéter "on ne contracte pas", hurle : "vous n'avez pas le droit !". Les non contractés ne sont pas décontractés.

Quand on tape "êtres souverains" sur un moteur de recherche, on effectue une plongée vertigineuse dans un monde halluciné : celui de gens, de personnes, d'êtres humains - on ne sait plus comment les qualifier selon leurs règles (l'un se présente comme "homme naturel vivant" !)  - centrés sur eux-mêmes, qui relèvent visiblement de la psychiatrie. "C'est ma personne, mais ce n'est pas moi", déclare l'un d'eux à un policier qui vient lui déposer une citation à comparaître au tribunal (2).  Il nage en pleine schizophrénie.
Etre souverains et refuser d'appartenir à leur Etat ne les dispense pas visiblement pas de rouler sur des routes, de circuler dans des espaces publics aménagés, entretenus et éclairés par les pouvoirs publics. Ils devraient les éviter s'ils allaient jusqu'au bout de leur logique, ne pas utiliser de transports publics, ne pas fréquenter les hôpitaux publics, ne pas accepter la moindre pension ou aide publique, ne pas faire appel à la police ou aux services de secours en cas de problème. Que font-ils si leur maison brûle ? 

Aujourd'hui, les partis populistes ont le vent en poupe. Ils se présentent le plus souvent comme souverainistes, veulent prendre leurs distances avec l'Union européenne, avec l'OTAN, avec toutes les instances internationales. Leur Etat doit se gérer seul. Ils n'ont pas plus peur de leurs contradictions que les êtres souverains. Ce sont souvent les mêmes partis qui se disent souverainistes et se montrent très tolérants à l'égard de la Russie qui fait la guerre à l'Ukraine pour la conquérir et ainsi mettre fin à sa souveraineté. Que feront-ils ces souverainistes si demain la souveraineté de leur Etat est attaquée alors qu'ils se seront retirés d'instances internationales basées sur la solidarité entre leurs membres ?
La présidente du Conseil italien, la souverainiste Giorgia Meloni, a dû faire machine arrière sur ses principes, comprenant à quel point son pays a besoin de l'Union européenne pour faire face aux vagues migratoires.
A ce propos, que pensent les êtres souverains de l'immigration ? Si personne n'appartient un Etat, tout le monde a le droit de s'installer où il l'entend. Allez savoir pourquoi, on n'est pas sûr qu'ils soient d'accord avec cette logique. Avec leur logique, si ce mot a un sens pour eux.

(1) https://www.youtube.com/watch?v=0Le5LJtW7RU
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/04/07/je-ne-contracte-pas-les-etres-souverains-ces-complotistes-qui-nient-l-autorite-des-etats_6226391_4355770.html
(2) https://www.youtube.com/watch?v=mYrgI1-vZuM



dimanche 7 avril 2024

Hypocrisie éternelle

On a parfois du mal à comprendre les décisions politiques. Ou on les comprend trop bien.
On se félicite évidemment que les députés français aient adopté à l'unanimité une proposition de loi restreignant la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, ces substances per- et polyfluoroalkylés, qu'on appelle aussi « polluants éternels » à cause de leur interminable cycle de vie et de leur impact négatif sur la santé. "Le texte, indique Le Monde (1), propose de réduire l’exposition de la population à ces molécules en interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits qui en contiennent."

On retrouve des PFAS entre autres dans les emballages alimentaires, les textiles et les automobiles. Et aussi dans les poêles en téflon. Mais celles-ci ne sont pas concernées par l'interdiction. Le lobbying des salariés de l'entreprise Seb - qui prétendaient que leurs emplois étaient en jeu - a été payant.
"Le camp présidentiel avait rapidement sorti du périmètre du texte les ustensiles de cuisine, explique Le Monde. La majorité avait d’abord proposé de repousser l’interdiction concernant les ustensiles de cuisine de 2026 à 2030, un compromis rejeté par les écologistes, qui ne voulaient pas aller au-delà de 2027. Le camp présidentiel a répliqué en supprimant purement et simplement l’alinéa concernant ces produits. « Encore une fois », la majorité alliée aux Républicains et au Rassemblement national aura « cédé aux lobbyings [du fabricant] Seb, au détriment de la santé des Français. C’est une honte », ont réagi les députés écologistes."

On repense à l'interdiction de la publicité pour le tabac en Belgique il y a quelque vingt-cinq ans. Les organisateurs d'évènements sponsorisés par une marque de tabac avaient eu un délai de plusieurs années pour se trouver d'autres soutiens. Mais la fédération internationale automobile n'avait rien voulu savoir et menaçait de retirer le grand prix de Spa-Francorchamps de son calendrier des courses de Formule 1. Tous les partis politiques, une partie de la presse et d'innombrables citoyens s'en étaient pris aux écolos accusés de vouloir la mort de la Wallonie, pas moins. L'emploi (direct dans le cas de Seb, indirect dans celui de la F1) et l'électoralisme pèsent plus que la santé et l'environnement. Les élus (des élus) sont faibles. Et hypocrites.

Ceci dit, l'interdiction des PFAS dans les autres produits est naturellement une bonne décision. D'autant qu'elle s'accompagne d'autres mesures : l’application du principe pollueur-payeur, avec une taxe visant les industriels qui rejettent des substances per- et polyfluoroalkylées, l’obligation de contrôler la présence de PFAS dans l’eau potable sur tout le territoire et la fin des rejets aqueux de PFAS dans les cinq ans.

Cette loi - qui doit encore être adoptée par le Sénat - a été votée par 213 députés parmi les 577 que compte l'Assemblée nationale française : 56 de LFI (19 étaient absents), 8 de la Gauche démocrate et républicaine (14 absents), 14 du PS (17 absents), 20 des Verts (1 absent), 56 de Renaissance, le parti macronien, (113 absents), etc. Les 4 LR présents (sur 61) et les 22 RN (sur 88) se sont abstenus (voir tableau dans l'article du Monde). On voit par là que les problèmes de santé publique ne passionnent pas les parlementaires et que ceux de droite et d'extrême droite n'ont pas d'opinion sur cette question sensible. 

(1) https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/04/04/pfas-les-deputes-adoptent-une-proposition-de-loi-visant-a-reduire-l-exposition-aux-polluants-eternels-sans-interdire-les-ustensiles-de-cuisine-qui-en-contiennent_6225927_3245.html


lundi 1 avril 2024

Make Pope Great Again

Plus rien n'arrête Donald Trump. Ses ambitions sont aussi infinies que sa suffisance. Le vendeur de Bible (voir billet précédent) a annoncé ce lundi de Pâques qu'il espérait bien être élu pape. François n'a pu, vu son état de santé lié à son grand âge, participer au chemin de croix vendredi soir. Donald Trump table donc sur un remplacement prochain du pape et rêve d'être le premier pape président d'un pays autre que le Vatican. Il estime être le mieux placé pour occuper la fonction : personne au monde ne met mieux que lui en application le précepte du Christ "Tu aimeras ton prochain comme toi-même".  "Quand on sait combien je m'aime, on peut imaginer combien j'aime les autres", a-t-il déclaré. Il se voit donc déjà à la fois président des Etats-Unis, pape et chef d'Etat du Vatican. Il compte régner sous le nom de Maquereau Ier.

Post-scriptum du lendemain :
la date de publication de ce billet a toute son importance. Il s'agissait d'un poisson, en l'occurrence ici d'un maquereau, d'avril. Il est vrai qu'il est difficile de plaisanter à propos de Trump tant l'invraisemblable est toujours possible avec lui.
A ce propos, sait-il ce qu'est plaisanter ? Et n'est-ce pas une caractéristique des autocrates que d'être imperméable à l'humour ? Quelqu'un a-t-il déjà vu rire Poutine ? 

samedi 30 mars 2024

La Bible trumpisée

On savait depuis longtemps que cet homme avait vendu son âme au Diable. Voilà qu'il la vend à Dieu aussi. Ou plutôt qu'il vend la parole divine. Donald Ubu Trump est maintenant représentant en Bible. Il vend son "livre préféré".  Du moins la version "Bible God Bless the USA", soit une Bible spéciale Trump, "la version du roi Jacques", explique-t-il, qui comprend également "les documents de nos pères fondateurs", à savoir "la Constitution pour laquelle je me bats chaque jour très durement", mais aussi les paroles de la chanson "God Bless the USA" d'un chanteur conservateur.  Suffisant Ier explique qu'on trouve dans sa foutraque version biblique notamment le Serment d'allégeance, celui-là même qu'il a rompu en appelant à prendre par la force le Capitole suite à sa défaite de 2020.
Ce Témoin de Jehovah inattendu a donc mis son nom sur un texte sacré qu'il vend soixante dollars l'unité. "Vous devez l'avoir pour votre cœur et votre âme." Et surtout pour son portefeuille. C'est qu'il doit payer une caution de 175 millions de dollars à la suite d’une de ses innombrables affaires de fraude. Il faut se la procurer pour Pâques, clame-t-il. Il y a urgence. Le site Internet où on peut la commander propose également des casquettes "Make America Pray Again". Avec un tel couvre-chef sur la tête, la Bible s'éclaire sûrement d'un jour nouveau.
On voit par là qu'Ubu Trump est prêt à tout pour gagner des voix et de l'argent. Plus infatué que jamais. Pathétique aussi en démarcheur à domicile qui veut faire croire qu'il doit faire son chiffre quotidien pour ne pas se retrouver à la rue.

Je vends des robes
Des pulls et des manteaux, des bas, des gants
Des jupes, des pantalons
Des sacs, des ceinturons
Des slips et des manchons
De toute espèce, qui me font tourner en bourrique
Nino Ferrer, "Je vends des robes".

https://www.lexpress.fr/monde/amerique/trump-et-la-bible-pour-paques-le-nouveau-commerce-juteux-de-lex-president-4EUVKOUCL5DQ3EEM3IO4T7EH5Q/
https://video.lefigaro.fr/figaro/video/vous-devez-lavoir-donald-trump-vend-des-bibles-avant-paques/

jeudi 28 mars 2024

Le diable s'habille en raciste

Le Front du Rassemblement national s'est-il dédiabolisé ou le diable s'est-il banalisé ? Le parti d'extrême droite caracole en tête dans les sondages, malgré ses liens troubles avec la Russie de Poutine et malgré la bêtise avérée de ses dirigeants. On a vu, lors du débat du second tour de l'élection présidentielle en 2017, combien la fille à papa Le Pen était incompétente en quasiment toutes matières. Son successeur à la tête du parti ne vaut guère mieux, lui qui se prend les pieds dans le tapis en toutes occasions. Un jour, au contraire de la position de son parti, Jordan Bardella défend les prix planchers pour les agriculteurs, avant de s'y opposer le lendemain comme si de rien n'était ou comme s'il souffrait d'Alzheimer. Auditionné par la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, il propose d'instaurer un délai de trois ans pour les entreprises qui passent le cap des cinquante salariés, histoire de leur laisser un temps d'adaptation aux nouvelles règles qu'elles auront alors à respecter. Il ignorait que ce délai existe déjà et qu'il est de cinq ans. Un de ses anciens coachs affirme que Bardella "ne travaille pas, ne lit pas et ne s'informe pas". Il n'arriverait pas à enregistrer ce que lui transmet son nouveau coach qui a "trop de fond pour Bardella". (1) Mais qu'importe ce qu'il sait et ce qu'il dit ? L'important est qu'il soit rassurant et souriant. Mais qui peut donc être rassuré par un homme qui démontre une telle faiblesse intellectuelle? 

Qui peut faire un confiance à un parti qui ne s'est aucunement dédiabolisé et qui reste coincé dans son vieux racisme ? Ce matin, l’Assemblée nationale a voté un texte qui demande au gouvernement d’instaurer une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à Paris. Ce jour-là, une manifestation pacifique de 30.000 Algériens avait été violemment réprimée par la police sous les ordres de Maurice Papon. Le bilan officiel n'était que de trois morts et une soixantaine de blessés. Les historiens, eux, évoquent « au moins plusieurs dizaines » de morts, entre une trentaine et deux cents. Soixante-sept députés ont voté pour le texte et onze contre, tous membres du Rassemblement national. Le diable réside toujours au RN où les ratonnades sont ignorées. A moins qu'elles ne paraissent normales ? 

(1) "Le costume craque", Franc-Tireur, 27.3.2024.


mardi 26 mars 2024

Abject Ier

Il a fini par l'admettre du bout des lèvres : l'ignoble attentat qui a tué au Crocus City Hall à Moscou 144 personnes et en a blessé 285 (des chiffres sans doute encore provisoires) est le fait d' « islamistes radicaux ». Mais le criminel de guerre Vladimir Poutine veut voir derrière cette attaque meurtrière la main de Kiev : " Nous savons qui a commis cette atrocité contre la Russie et son peuple. Ce qui nous intéresse, c’est le commanditaire. " (...) " Il est important de répondre à la question de savoir pourquoi les terroristes, après leur crime, ont essayé de partir en Ukraine. Qui les attendait là-bas ? " 
Poutine ne se remettra évidemment jamais en question. Ses services de sécurité ont été défaillants, plus occupés à surveiller les citoyens qui fleurissent la tombe d'Alexeï Navalny qu'à protéger leurs concitoyens d'une attaque pourtant annoncée. "Trois jours avant le drame, écrit Le Monde (1), le chef de l’Etat balayait les multiples avertissements américains, publics mais aussi transmis de services à services, comme l’a confirmé la partie russe, quant à l’imminence d’une attaque : « Des provocations et un chantage évident, destiné à déstabiliser et effrayer notre société », disait Poutine le 19 mars devant ses anciens collègues du FSB (service fédéral de sécurité), préférant mettre l’accent sur les vrais ennemis menaçant le pays – les traîtres. "
Personne ne peut mettre en garde le tsar qui maîtrise tout ce qui se passe sur son territoire et même au-delà. Les citoyens russes ne demanderont pas - n'oseront pas, ne pourront pas demander - de compte à cet homme tout-puissant qui a démontré son impuissance mais se défausse toujours sur les autres. Cette attaque islamiste met à mal sa fable de ce pseudo sud global qui serait à ses côtés pour lutter contre l'Occident décadent. Le voilà agressé par le sud comme un vulgaire occidental.
"Cet attentat, écrit encore Le Monde, qui rappelle combien la menace djihadiste reste présente, y compris sur le sol européen, prend à revers le grand récit développé depuis des années par le maître du Kremlin. Ce récit fait de l’affrontement avec un Occident fantasmé, à la fois décadent et agressif, le seul enjeu existentiel auquel la Russie serait confrontée. Cet aveuglement est particulièrement contre-productif. Il suffit de porter le regard sur les régions du monde où le djihadisme continue de semer la mort après l’éradication de son sanctuaire moyen-oriental, comme en Afrique sahélienne, pour constater combien la mise en avant obsessionnelle de l’opposition entre Moscou et Washington, ou Paris, sert cette organisation terroriste."

Poutine se contentera d'allumer une bougie à la mémoire de ces centaines de victimes d'un crime que sa prétention l'a empêché d'éviter. 
Cet attentat, il en fait un argument de plus pour justifier sa guerre contre l'Ukraine. Les assaillants, prétend-il, fuyaient vers l'Ukraine qui a, c'est ce qu'il laisse entendre, commandité l'attentat. Ces terroristes présumés ont pourtant, selon certaines sources, été arrêtés plus près de la frontière biélorusse que de celle de l'Ukraine. Et comment auraient-ils franchi cette dernière alors qu'ils auraient dû traverser les lignes russes ? Mais le régime russe n'essaie pas d'être crédible, il a depuis longtemps abandonné tout souci de cohérence. Son président dit la vérité et celui qui oserait le contredire est un nazi et un traitre.
On doute cependant que Poutine ait été jusqu'à remercier l'Etat islamique au Khorassan. Il ne remercie personne. Il ne doit rien rien à personne. 

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/25/attentat-de-moscou-des-failles-au-sommet-un-bouc-emissaire-a-l-exterieur_6224044_3210.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/25/attentat-de-moscou-vladimir-poutine-rappele-a-la-realite_6224059_3232.html

vendredi 22 mars 2024

Sainte haine des femmes

"Préserver les principes religieux et sauvegarder les normes et les valeurs culturelles”, voilà comment un député gambien a défendu un projet de loi visant à lever l’interdiction des mutilations génitales féminines (MGF) en vigueur dans le pays depuis 2015. Et très peu respectée. L’interdiction de l’excision est, selon ce député, une violation directe du droit des citoyens à pratiquer leur culture et leur religion. Exciser les femmes serait donc un droit. Imposé par une religion patriarcale. 

Le parlement gambien compte cinquante-huit députés et quarante-deux parmi ceux qui étaient présents ont voté en faveur de ce texte préhistorique. Seuls quatre députés ont voté contre. Le projet de loi est renvoyé devant une commission parlementaire qui doit effectuer un dernier examen avant un vote final dans trois mois. Selon la BBC, "les militants et défenseurs des droits de l’Homme dénoncent un “dangereux précédent” pour les droits des femmes en Gambie, pays à majorité musulmane et appellent à une mobilisation générale aussi bien à Banjul qu’à l’étranger". A contrario, "plusieurs militants pro-MGF se sont fortement mobilisés dans la capitale pour apporter leur soutien à ce texte". Ainsi donc, on peut militer pour pouvoir mutiler les femmes. Ce genre de rassemblement n’est pas une première en Gambie "où une personne qui est le parent d’un enfant mineur et qui s’oppose à ce que celui-ci subisse une MGF peut faire face à de la discrimination sociétale et à de l’ostracisme parce qu’il va à l’encontre des traditions culturelles ou familiales”, écrivait en 2016 le Home Office du Royaume-Uni. Si cet infâme projet de loi devait aboutir, la Gambie deviendrait le premier pays au monde à supprimer les protections contre les mutilations génitales féminines.

“Les autorités ne doivent pas se concentrer sur l’obligation religieuse et ignorer le mal et la douleur liés aux MGF”, affirme Jaha Dukureh, fondatrice de Safe Hands for Girls. “Nous refusons d’être réduites au silence. Nous refusons de rester les bras croisés pendant que les corps de nos filles sont mutilés, leurs futurs violés et leurs rêves brisés.” D'autres craignent que la levée de cette interdiction ne soit que la première d'une série d'autres, telle celles qui interdisent le mariage des enfants et les violences domestiques.
"Le corps des filles leur appartient et les mutilations génitales féminines les privent de l'autonomie de leur corps et leur causent des dommages irréversibles", écrit le bureau des droits de l’Homme de l’ONU en Gambie qui a également demandé le retrait du projet de loi.

Les imams qui ont fait pression sur les parlementaires sont en train de gagner. Le premier rôle des religions est visiblement de soumettre les femmes, de les priver de tout plaisir et de les maintenir à la maison sous le contrôle des hommes.
La grande marche arrière à laquelle on assiste un peu partout dans le monde se poursuit en Gambie.
Résumons-nous : les imams haïssent les femmes.

https://fr.africanews.com/2024/03/19/gambie-le-debat-sur-lexcision-renvoyee-devant-une-commission-nationale/

lundi 18 mars 2024

Tsar system

Pour une surprise, c'est une surprise : le chef mafieux Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la Russie pour un cinquième mandat de six ans. Ne dites plus score nord-coréen, dites score russe et même stalinien. Le tueur en série a obtenu plus de 87% des voix. Il est vrai que le choix était restreint : les électeurs avaient le choix entre Poutine. Ce qui ressemble à une mauvaise, très mauvaise blague. Il y avait bien trois candidats fantoches qui étaient censés donner une apparence de démocratie à cette élection, mais personne n'est dupe. D'autant que tous les candidats d'opposition ont été écartés, soit interdits d'élection, soit tués, soit obligés de fuir, soit emprisonnés.

Poutine a reçu un nouveau mandat de chef de guerre, écrit Benoît Vitkine dans Le Monde (1). Avec des médias sous son contrôle absolu, il est aisé pour la clique du Kremlin de faire croire ce qu'elle veut, que la Russie est agressée, menacée et qu'il faut faire confiance au guide suprême, seul capable de sauver l'empire d'on ne sait quel péril et de lui rendre sa gloire. "Ce climat de tensions exacerbées a probablement renforcé le réel soutien dont bénéficie M. Poutine auprès d’une partie importante de la population. C’est même là le génie des propagandistes du Kremlin : avoir réussi à transformer l’invasion de l’Ukraine en une agression occidentale, et une guerre de conquête en un combat existentiel pour les « valeurs traditionnelles » ou la « souveraineté » de la Russie."
Cependant quel crédit faut-il apporter aux résultats ?, s'interroge Benoît Vitkine. "Ces dernières années, le pouvoir russe a multiplié les innovations permettant de rendre moins visibles, voire moins nécessaires, les falsifications les plus grossières : vote électronique ; vote sur trois jours ; réduction drastique des possibilités offertes aux citoyens qui le souhaitent d’observer le scrutin… Résultat : on a peu vu les dizaines de vidéos de bourrages d’urnes ou de votes multiples, qui font le folklore des élections russes depuis que des caméras ont été installées dans les bureaux, en 2012. Depuis 2021, l’accès à ces caméras a par ailleurs été restreint. A l’inverse, et de manière nouvelle, des entorses au secret du vote ont été constatées. Le Monde a pu voir des isoloirs sans rideaux et des urnes surveillées de près par des policiers. Plusieurs arrestations ont été signalées pour des messages inscrits sur des bulletins (qui ne sont en Russie pas fermés dans une enveloppe)."
On en rirait si la situation n'était aussi dramatique : à Stary Oskol, ville de 230 000 habitants, les 136 bureaux de vote de la ville affichaient tous, vendredi soir, à l’issue du premier jour de vote, un chiffre de participation identique de 47 %. On pense à Tintin chez les soviets

Quoi qu'il en soit, le dictateur sort renforcé de cette élection cadenassée. Ne reste plus à espérer qu'un cancer fulgurant emporte Poutine. Mais cet homme est en lui-même un cancer. Avec des métastases.