vendredi 31 mars 2023

Colosse aux pieds d'argile

On n'imaginait pas la dictature russe aussi fragile. La voilà ébranlée par le dessin d'une jeune fille de 13 ans, un dessin contre la guerre d'Ukraine, qu'elle avait réalisé à l'école. Il montre des missiles ciblant une femme et un enfant avec un drapeau ukrainien. Le régime de Poutine est tellement menacé par ce dessin que la jeune fille a été placée sous tutelle et qu'elle pourrait être « envoyée dans un orphelinat d’ici un mois ».  La voilà donc séparée de son père qui risque d’être définitivement privé de son autorité parentale. Les publication de ce dernier sur Internet ont été fouillées par les autorités qui disent y avoir trouvé des textes critiquant l’opération en Ukraine. Alexeï Moskalev, ce père, a été condamné à deux ans de prison pour avoir « discrédité » les forces armées russes. En fuite, il a été arrêté à Minsk, la capitale biélorusse.
L’ONG Memorial le considère comme un prisonnier politique et a dénoncé « la répression » visant Alexeï Moskalev et sa fille Maria, y voyant « une tentative d’intimider tous les opposants à la guerre ». 
"Signe de l’indignation suscitée par cette affaire, rapporte Le Monde, une pétition a été lancée en ligne, malgré la pression des autorités, pour demander le retour de l’enfant chez son père."
C'est la directrice de l'école qui a transmis le dessin aux autorités. On se demande quel rapport cette femme peut entretenir avec la pédagogie. Que seraient les régimes dictatoriaux sans ces chiens de garde qui aboient au moindre geste qui pourrait déranger leur bon maître ?

(1)  https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/28/guerre-en-ukraine-un-russe-separe-de-sa-fille-de-13-ans-pour-un-dessin-anti-guerre-condamne-et-en-fuite_6167326_3210.html

dimanche 26 mars 2023

Suicide silencieux

La terre va mourir et les jeunes Français manifestent pour leur retraite. Ce monde est fou, non ? L'humanité est plus que jamais menacée, il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas s'en rendre compte. Mais qui s'en inquiète ? Les Français sont avant tout préoccupés par l'âge de leur retraite 
Que la réforme décidée et surtout la manière de l'adopter choquent, on peut le comprendre, mais ce qui est incompréhensible, c'est que cette mesure mobilise à ce point les foules a contrario de l'indifférence que suscite l'état d'une planète qui se meurt.
Qu'ils la prennent à 62 ou 64 ans, à quoi passeront leur retraite ceux qui ont aujourd'hui 20, 30 ou 40 ans ? A lutter contre les incendies ? A chercher de l'eau, de l'air ?

Comme l'écrit Le Monde (1), l’état des lieux dressé par le GIEC dans son dernier rapport, rendu public il y a quelques jours, n’est guère rassurant - c'est un euphémisme : "les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint des niveaux inégalés. Ces rejets sont à l’origine d’extrêmes climatiques dont la fréquence ne cesse de s’accélérer, avec à la clé des canicules, des sécheresses, des pluies diluviennes et une élévation du niveau des mers". 
Selon Le Monde, "nous sommes au bord du précipice. Les activités humaines bouleversent le climat à un rythme et avec une ampleur sans précédent depuis des millénaires, voire des centaines de milliers d’années, entraînant des impacts toujours plus ravageurs, généralisés et désormais souvent irréversibles. Alors que les vies de milliards de personnes sont déjà affectées, la poursuite des émissions de gaz à effet de serre va renforcer les menaces sur la production alimentaire, l’approvisionnement en eau, la santé humaine, les économies nationales et la survie d’une grande partie du monde naturel."

Les solutions existent, explique le GIEC.  A commencer par la réduction de manière « substantielle » de l’utilisation globale des combustibles fossiles, avec un « usage minimal » des charbon, pétrole et gaz lorsqu’ils ne sont pas assortis de technologies de captage et stockage du CO2 (CCS). Il y a donc urgence à  fermer des centrales « plus tôt que prévu » et à accélérer le déploiement des énergies bas carbone, notamment le solaire et l’éolien, très abordables.
Il faut aussi, écrit encore Le Monde, "repenser les villes, gérer les cultures de manière durable, modifier les régimes alimentaires ou développer les voitures électriques (avec une électricité bas carbone). Dans tous les domaines, la réduction de la demande et la sobriété sont essentielles. Protéger de manière « efficace et équitable » entre 30 % et 50 % des terres, des eaux douces et des océans de la planète contribuera aussi à garantir une planète saine. Une mise en œuvre rapide de ces solutions réduira les impacts, les pertes et les dommages, et entraînera de « nombreux cobénéfices », notamment pour la santé et l’économie. Le rapport montre l’importance d’augmenter la finance climat, hautement insuffisante, notamment à destination des pays en développement, et de mener des politiques justes et équitables."

Ce rapport du GIEC, à la fois signal d'alarme et boîte à outils, est un cri dans le désert. Le monde va mourir et tout le monde s'en fout. C'est l'humanité tout entière qui se prépare à une retraite anticipée.
"Dans la fameuse équation de Drake, qui permet de calculer le nombre de civilisations intelligentes potentiellement détectables dans l'univers, il existe une variable essentielle, la variable L. L est une estimation de la durée de vie de ce type de civilisations  avant qu'elles ne se suicident technologiquement en détruisant leur environnement. Quelle sera cette variable pour notre espèce ?" (Bill Diamond, directeur du Seti, Search for Extraterrestrial Intelligence) (2)

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/21/climat-nous-avons-encore-les-moyens-d-agir_6166373_3232.html
(2) Olivier Pascal- Moussellard, "En quête d'autres vies dans notre galaxie", Télérama, 15.2.2023.


jeudi 23 mars 2023

De qui faut-il avoir peur ?

Ils le disent haut et fort, ils le crient, ils le crachent : les migrants sont dangereux. Si un centre d'accueil de réfugiés devait s'ouvrir dans leur commune, ils ne laisseraient plus sortir leurs enfants, n'oseraient plus aller courir dans la campagne, ajouteraient trois verrous à leur porte pour se protéger des hordes de délinquants qui les menacent. Pour dire à quel point ils ont peur, ils ont incendié la maison du maire de Saint-Brévin-les-Pins, commune de Loire-Atlantique qui porte un projet de CADA (Centre d'accueil de demandeurs d'asile). Ces gens effrayants ont peur des migrants, mais pas de leur propre haine.

https://www.huffingtonpost.fr/france/article/a-saint-brevin-la-maison-du-maire-incendiee-apres-des-menaces-contre-un-projet-de-centre-de-migrants_215609.html

mercredi 22 mars 2023

L'homme cauchemar

Vladimir Poutine s'est rendu, il y a quelques jours, en visite à Marioupol, dans le sud-est de l'Ukraine, ville occupée par son armée. Comme pour faire un pied de nez à la Cour pénale internationale qui, la veille, avait délivré un mandat d'arrêt international contre lui. Il a effectué cette visite de nuit, au volant d'un véhicule banalisé. Comme un voleur. Comme le voleur qu'il est. Qu'a-t-il vu ? Quelques habitants qu'il a salués de loin et quelques responsables politiques. L'obscurité lui a sans doute évité de voir trop de ruines. Quelle fierté pourrait-il tirer de les voir ? Est-il heureux de régner sur des zones dévastées ?
Le grand homme vit sous haute protection constante, même chez lui ; il évite tout contact rapproché et est désormais un homme recherché. Comme un criminel. Comme le criminel qu'il est.
Il conserve des soutiens, le plus souvent prudents, notamment celui du président chinois qui l'a appelé hier son "cher ami", mais pour de nombreux pays dans le monde il est devenu un paria, un criminel de guerre qui doit être traduit en justice.
Comment vit Vladimir Poutine ? Est-il fier de lui quand il se voit dans la glace en se rasant ? Comment dort-il ? Fait-il des rêves agités ? Des cauchemars chaque nuit ? A-t-il peur de lui-même dans ses cauchemars ?

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/19/vladimir-poutine-s-est-rendu-a-marioupol-occupee-par-les-forces-russes-affirme-l-agence-tass_6166112_3210.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/20/vladimir-poutine-officiellement-infrequentable_6166228_3232.html

dimanche 19 mars 2023

Ces braves gens abjects

On a déjà évoqué ici (1) ces braves gens qui ne voient pas de différence entre les régimes ukrainien et russe et renvoient les deux dos-à-dos, tout en laissant entendre que l'Ukraine ou même l'OTAN serait responsable de la guerre.
Un candidat à la succession de Martinez à la tête de la CGT, Olivier Mateu, est de ceux-là. "On n'a pas à choisir entre un capitalisme ou un autre, affirme-t-il visiblement sans rire. On a deux capitalismes qui s'affrontent, et en réalité dans ces pays-là, ce sont les travailleurs qui en paient les conséquences. Nous, on ne choisit pas entre Zelensky ou Poutine. Parce que la réalité, c'est que derrière Zelensky, c'est l'OTAN, Biden et l'ensemble du lobby de l'armement qui se gave, et ils sont en train d'écraser les peuples de Russie et d'Ukraine sous les bombes." (2) Mateu ne veut pas choisir, mais a choisi quand même : ce ne sont pas Poutine et ses sbires qui écrasent les Ukrainiens sous les bombes, mais c'est l'Occident exécré. La culture soviétique vit toujours en terre cégétiste. 
L'hebdomadaire Franc-Tireur relève (3) qu'en 2019 l'Union départementale des Bouches-du-Rhône de la CGT, dirigée par Mateu, a voté sa réaffiliation à la Fédération syndicale mondiale (FSM", "véritable club des dictatures" qui regroupe des syndicats de Corée du nord, de Syrie, du Venezuela, de Cuba. En février 2022, au lendemain de l'invasion de l'Ukraine, le secrétaire général de la FSM dénonçait "les pratiques fascistes du gouvernement ukrainien, marionnette des Etats-Unis et de l'OTAN". De qui Mateu est-il la marionnette ?

En Belgique, la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD) organisait fin février une manifestation pour la paix en Ukraine. Parmi les manifestants, des organisations pro-russes et anti-OTAN. Ce qui a amené une des organisations de jeunesse membre de cette Coordination à s'en retirer, quand d'autres demandent à la CNAPD de clarifier sa position (4). Les pro-russes affichaient par exemple sur leurs calicots : "Stop à l'aide militaire belge à l'Ukraine",  "9 ans de guerre au Donbass, ça suffit ! Stop OTAN". Etrange lecture de ce conflit qui voit, à cause de Poutine, agresseur et piètre stratège, le rôle de l'OTAN se renforcer à la demande des pays qui se sentent menacés. Parmi les organisations pro-russes, un certain Comité de Surveillance Otan, dont l'anti-américanisme empêche visiblement toute compassion avec les souffrances du peuple ukrainien et la privation de liberté du peuple russe. Que viennent faire dans une coordination qui prône la démocratie les soutiens d'un régime dictatorial ?

Post-scriptum : Poutine salue la volonté de la Chine de jouer un rôle constructif en Ukraine. L'information, c'est que ce démolisseur en tous genres qu'est Poutine connaît l'adjectif constructif...

(2) sur BFM-TV, 10.3.2023, in Charlie Hebdo, 15.3.2023.
(3) Yann Barte, "La CGT se radicalise", Franc-Tireur, 15.3.2023.
(4) https://www.lalibre.be/belgique/societe/2023/03/17/il-faut-que-les-degoutants-partent-plusieurs-organisations-membres-de-la-cnapd-appellent-a-lexclusion-de-groupes-complaisants-avec-la-russie-DLRZI6QG2VHWZK3OJ4JXXN4LFQ/

mardi 14 mars 2023

Ce prochain si lointain

Drôles de cocos, ces cathos qui ne veulent pas des réfugiés.
Parmi les opposants aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) en France, on trouve de nombreux catholiques.
Parmi eux, Eric Viaud, maire de la Bussière (Vienne) et son association des "Maires pour le bien commun". Cette association, (1) qui a son siège à la mairie de la Bussière, annonce clairement la couleur avec son logo : une croix flanquée d'un coq. Elle est inquiète : "nous constatons hélas un véritable délitement de la civilisation française. Un mondialisme croissant délocalise nos emplois, accentue la désertification rurale, économique et sociale, tout en imposant à nos communes une immigration massive, en quantité inassimilable". Mais elle est sereine aussi : "nous connaissons le remède : 1500 ans de civilisation française et des siècles d’organisation communale nous tracent la voie ! Le retour au véritable bien commun est seul capable de procurer la paix et la prospérité : en effet, le bien commun politique n’est autre que cet ordre où tous s’entraident pour la recherche d’un bonheur pleinement humain (connaissance de la vérité, soutien des plus faibles, développement de la culture)."
On le voit, pour cette association, l'entraide a ses limites, les réfugiés ne sont pas concernés par le bien commun et ne font pas partie des "plus faibles" qui doivent être soutenus. Le bien commun pour elle consisterait plutôt, comme l'indique son programme, à soutenir les chrétiens d'Orient, à "mettre en scène les racines chrétiennes de la France", à "restaurer les églises, les croix et les calvaires".
Eric Viaud et son association (dont il est peut-être le seul membre - elle n'en signale en tout cas pas d'autre) vitupèrent contre les réfugiés et participe activement aux campagne contre les centres d'accueil.

Autre organisation chrétienne qui n'aime pas les étrangers : Civitas - Pour une cité catholique. Ici encore (1), le logo est fait d'une croix mais surgie d'un cœur cette fois. Ce cœur, on le comprend vite, n'est pas celui de l'amour universel. Civitas, organisation chrétienne intégriste, s'oppose à toute manifestation œcuménique et  réclame une "France catholique, ni islamique, ni laïque". 
"En juin 2016, selon Wikipedia, Civitas devient un parti politique qui se définit comme un « mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l’Église catholique », qui veut « rechristianiser la France » et se présente comme un « lobby catholique traditionaliste » (...) Le programme emprunte à différentes sources selon Le Figaro qui le voit comme « poujadiste, anti-mondialiste, anti-immigrés et identitaire »".
Sur son site, consulté ce jour, le chapitre immigration de Civitas est "en construction", ce qui n'empêche pas ce parti d'adhérer à la Coordination Partout Callac qui veut à toute force empêcher tout centre d'accueil de réfugiés (2).

La paroisse du Blanc, proche de Bélâbre qui porte un projet de CADA, refuse de prendre position (3). Le curé du village, heureusement, lui apporte son soutien.
Qu'ont donc de chrétien ces gens qui s'opposent à l'accueil de personnes qui ont fui la violence ? A qui et à quoi croient-ils ? Leur enfant dieu est né dans une étable parce tout le monde a refusé d'accorder l'asile à ses parents. N'ont-ils pas compris le message ? Le mot d’ordre fondamental que leur a adressé plus tard ce fils de dieu, c’est « aime ton prochain comme toi-même ».  Ces gens-là ne doivent pas s’aimer beaucoup !



samedi 11 mars 2023

Face à face à Bélâbre

Le village de Bélâbre est fermé à la circulation automobile ce samedi matin, manifestations obligent. Nos visages doivent parler pour nous, les gendarmes ne nous posent pas de question. Des amis croisés un peu plus tard et arrivés par l'autre côté du village nous expliqueront qu'ils leur ont demandé s'ils étaient "pour ou contre", guidant les manifestants vers le groupe de leur choix. Il y a du monde, beaucoup de monde devant la mairie, des gens de toutes générations, femmes, hommes, quelques enfants. On y retrouve des amies et amis, des connaissances. On s'embrasse (moins qu'avant depuis le Covid), se salue, se réjouit de se revoir, d'être aussi nombreux. Sous une pluie fine qui ne cessera pas, le groupe se met en marche, descend la seule rue commerçante du village et se positionne dans le haut de la place, à hauteur du bar-restaurant. Une jeune femme craint de découvrir face à elle des connaissances. On connaîtra maintenant le vrai visage des gens, dit-elle. C'est la question que nous nous posons : qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Mais surtout où sont-ils ? Face à nous, quelques poignées de manifestants épars. Ceux qui sont venus, parfois de loin pense-t-on, dire non à un centre d'accueil de réfugiés, n'ont pas le sens du groupe. Ils ne se connaissent visiblement pas, restent distants les uns des autres. Ce sont surtout des hommes, les femmes sont peu nombreuses. Au fur et à mesure de la matinée, ils seront cependant plus nombreux. Devant eux, se pavane un  tout jeune maire du coin, soutien de Zemmour le haineux, Spike Groen (1), long loden vert, grand chapeau, bottines en cuir et moustaches bien cirées. Il semble vouloir défendre ses manifestants. Régulièrement, il sort sa tablette et photographie celles et ceux qui lui font face. 

Les gendarmes, à l'affût, restent sur les côtés, visiblement prêts à intervenir en cas de heurts ou même de provocation entre les deux groupes.
Du nôtre, les cris fusent, repris en chœur : "Oui au CADA, non à la haine", "Bélâbre, solidarité", "Pas de Zemmour, plus d'amour", "Liberté, égalité, fraternité". Eux réclament "des commerçants, pas des migrants". On a les valeurs qu'on peut. Des jeunes anti-CADA déploient une banderole Reconquête 41. Les rires fusent : "vous vous trompez", "rentrez chez vous", "vous êtes dans le 36". Les anti se rendent-ils compte qu'ils sont récupérés par les zemmouriens ? Ils prennent en otage l'église, du parvis de laquelle ils tiennent leurs discours perturbés par les cris et les sifflets que nous leur adressons. 
Dans notre dos fusent des applaudissements. Le maire et son équipe viennent nous retrouver. Ils sont longuement et chaleureusement applaudis. Merci, tenez bon, bravo, leur crie-t-on. Le maire est ému face à cette foule nombreuse et bienveillante. Il assure qu'il tiendra malgré les menaces, réconforté par ce soutien.
La journée pourrait se poursuivre longtemps ainsi, avec deux groupes qui s'invectivent. Le nôtre remonte vers la mairie, soutenir une dernière fois (avant la prochaine ?) l'équipe municipale, heureux d'avoir été en nombre du côté de la vie et de la lumière. De cette solidarité qui fait tant de bien. Comment leur expliquer, à eux qui ont décidé de voir l'avenir en noir ?

Post-scriptum :
- La Nouvelle République nous apprend (2) que "les opposants au CADA se sont fait couper le sifflet". Un câble de leur sonorisation a été sectionné. La faute à pas de chance sûrement.
- Dans le reportage que France 3 Centre Val de Loire a consacré à ce sujet, on entend un homme déclarer "On est bien chez nous. On n'a pas envie d'avoir ici les étrangers qui vont promener dans la rue, qui sont agressifs, qui sont shootés, qui sont tout simplement dangereux". Est-ce du second degré ? Cet homme s'exprimait avec un fort accent étranger. Il est agressif, c'est vrai, vis-à-vis des autres étrangers. Est-il shooté ? Dangereux ?

vendredi 10 mars 2023

L'arc-en-ciel face à la nuit noire

Comme toute pièce, tout dossier a deux faces. Celui du projet de centre d'accueil de demandeurs d'asile à Bélâbre (1) a une face sombre et une face lumineuse.

Du côté obscur, on découvre l'alliance des nuisibles. Le Parti de la France, la Ligue du Midi, les chrétiens intégristes de Civitas, Riposte laïque et des militants du parti zemmourien se sont regroupés pour créer la Coordination Partout Callac. Callac est une commune des Côtes d'Armor qui soutenait un projet associatif d'accueil d'une quinzaine de familles de réfugiés, histoire de revitaliser la ville. Mais ceux qui n'aiment pas les autres, à force d'éructations et de menaces, ont eu la peau du projet. Triste victoire dont ils ont décidé de faire leur emblème. Partout Callac signifie donc pour eux Accueil nulle part. Ils se sont fixé pour objectif d'empêcher tout projet et entendent être présents à Saint-Brévin-les-Pins,  à Beyssenac, à Bélâbre, partout où apparaîtra un projet d'accueil de réfugiés, pour clamer leur peur et leur haine.
On note deux nouveautés, écrit le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite (2) : "D'abord, l'extrême droite, Reconquête ! en tête, ne met plus la pression en demandant une législation restrictive, mais en descendant dans la rue. Ensuite, l'objectif n'est plus zéro réfugié, mais zéro demandeur."
Pour s'opposer, tous les moyens leur sont bons. "Les manifestations qui se sont déroulées à Callac ont donné lieu à des heurts, rappelle Jean-Yves Camus, un journal local de gauche a été menacé, et Riposte laïque (...) joue comme d'habitude les boutefeux en titrant un de ses articles Le Grand Remplacement ne peut finir que dans le sang. Ce type de langage est irresponsable."
Les haineux n'hésitent pas à mentir pour empêcher les projets d'accueil, se disant que "plus c'est gros, plus ça fait peur, mieux ça passe". Suite à un article sur le projet de Bélâbre, MagCentre a reçu le commentaire suivant (courageusement signé Leroidavid) :
« A Montluçon (Allier), Viltaïs a installé un CADA. Depuis, des demandeurs d’asile de ce CADA ont agressé et blessé plusieurs personnes dans la zone commerciale de Carrefour-Athanor, et un vieux monsieur a été assassiné par un de ces demandeurs d’asile de Viltaïs. C’est donc un mensonge absolu que de prétendre que les CADAs n’entraînent pas une explosion de la criminalité dans les villes où des organisations extrémistes comme Viltaïs les installent. Cette façon qu’ont les extrémistes gauchistes d’ironiser sur la sécurité (donc la vie) des Français est scandaleuse. »
"Devant la gravité des accusations, écrit le journaliste de MagCentre, nous avons sollicité notre lecteur-commentateur pour qu’il nous précise ses sources et les dates des faits cités, n’en trouvant pas trace nous-mêmes sur Internet. Notre demande restant finalement sans réponse, nous avons interrogé la presse locale pour confirmer notre recherche. Il y a eu effectivement en 2017 une série de crimes à Montluçon qui avaient fait les gros titres. Trois personnes âgées avaient été tuées en deux agressions différentes. Les auteurs des crimes étaient deux mineurs français qui ne pouvaient, à ce titre, en aucun cas être hébergés dans un Centre d’Accueil de demandeurs d’asile : un amalgame donc pour le moins mensonger avec le projet de CADA de Bélâbre. Ajoutons que nos recherches n’ont évidemment donné aucun résultat quant à une augmentation de la criminalité dans les villes où se sont implantés des CADA." Tout fait farine au moulin de la haine. 

Du côté lumineux du projet de Bélâbre, celui de l'arc-en-ciel de Joséphine Baker, on trouve d'abord une équipe municipale qui manifeste son ouverture et sa volonté d'accueil. "Je tends la main", dit son maire. Et puis il y a ces citoyens et citoyennes de la commune et des environs qui se sont levés, indignés par les arguments agressifs du groupement des opposants. Ils ont créé un collectif (un terme qui prend ici tout son sens) qui rappelle que "tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République". Ces citoyens considèrent que "c'est une opportunité et une chance d'accueillir de jeunes personnes qui pourront - si nous leur en donnons l'envie - s'intégrer parmi nous. (...) Il y a du travail à pourvoir au sein de Bélâbre et de ses alentours. Ouvrez vos yeux et vos oreilles : les entreprises, les associations et les artisans locaux sont en manque de personnel. (...) Aux anti qui ne veulent pas d'étrangers chez eux, ces citoyens ouverts répondent : "l'avenir de Bélâbre est devant lui, de manière fraternelle, et vous n'en êtes que le passé".
Hier, une première rencontre rassemblait une soixantaine de citoyens écœurés par le rejet dont sont, par principe, victimes le projet de centre et surtout celles et ceux qui devraient y être accueillis (4). 
Demain, nous serons beaucoup plus nombreux encore pour manifester pacifiquement notre volonté d'accueil face aux haineux qui viendront crier qu'ils sont chez eux. 

Le rendez-vous est fixé ce samedi 11 mars à 10h30 place de Bélâbre (du côté du café-restaurant Le Petit Berry).

(1) Sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2023/03/la-peur.html
(2) Jean-Yves Camus, "Droit d'asile - L'extrême droite veut prendre la rue", Charlie Hebdo, 8.3.2023.
(3) https://www.magcentre.fr/254647-belabre-du-fantasme-au-mensonge/
(4) https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/a-belabre-les-pro-cada-s-organisent-et-font-signer-une-petition-en-faveur-du-projet-municipal?queryId%5Bquery1%5D=57cd2206459a452f008b4594&queryId%5Bquery2%5D=57c95b34479a452f008b459d&page=1&pageId=57da5ce5459a4552008b469a




mercredi 8 mars 2023

Cette sainte haine des femmes

Les islamistes exècrent les mécréants (qui ne pense pas exactement comme eux est mécréant), mais plus que tout ils détestent les femmes. Surtout quand elles ont le culot de se révolter ou de vouloir se former. 
Depuis octobre, c'est par centaines que des écolières et des lycéennes ont été gravement intoxiquées dans leurs écoles en Iran. Fin février, au moins une trentaine (certains parlent d'une centaine) d'établissements scolaires ont été touchées par de mystérieuses attaques. Des objets s'apparentant à de petites bombes sont jetés dans l'enceinte des écoles, dégageant de la fumée et des odeurs extrêmement désagréables. Les jeunes filles étouffent, n'arrivent plus à respirer, souffrent de nausées, de maux de tête, d'engourdissements, de palpitations. Fin février, on dénombrait au moins 830 victimes, dont un grand nombre a été hospitalisé. Seules les écoles de filles sont visées, pas celles qui accueillent les garçons.
Les autorités minimisent. C'est "la nature faible" de ces jeunes filles qui explique leurs malaises. En réalité, tout laisse croire que c'est l'affaiblissement du régime des mollahs, secoué par une virulente contestation, qui est en cause. Il veut prouver sa force en s'attaquant aux filles. Dans un reportage, on entendait une mère jurer que plus jamais elle ne mettrait ses filles à l'école. C'est vraisemblablement le but visé.
"Au sein de la société iranienne, écrit Le Monde (1), de plus en plus de voix commencent à accuser le régime d’être derrière ces événements dans le but de revenir sur certaines libertés obtenues ces derniers mois par les contestataires. De fait, les femmes sont de plus en plus nombreuses à décider de ne plus couvrir leurs cheveux, en dépit de la loi iranienne qui l’impose. « L’empoisonnement dans les écoles de filles, dont le caractère intentionnel a été confirmé, n’est ni arbitraire ni accidentel. Toucher à la liberté vestimentaire acquise grâce à la contestation nécessite de répandre la peur », avertit sur Twitter le célèbre instituteur Mohammad Habibi, de Téhéran. Pour ce syndicaliste tout juste sorti de prison, le seul moyen d’arrêter cette mystérieuse série d’empoisonnements passe par une importante mobilisation du monde de l’éducation."

Même situation dans l'Afghanistan des talibans, ces soi-disants étudiants. Dans les années '90, 40% des médecins étaient des femmes, 70% des professeurs des écoles, 60% des professeurs d'universités, près de 50% des étudiants. Aujourd'hui, seules 14% des femmes savent lire (2).
La plupart des emplois sont interdits aux femmes, elles doivent se couvrir non seulement la tête mais aussi le visage, ne peuvent sortir qu'accompagnées d'un homme, ne peuvent accéder à l'université, pas plus qu'aux parcs publics. Les talibans autant que les mollahs iraniens haïssent les femmes, elles n'ont selon eux pour fonction que de tenir un ménage et faire des enfants. 
Faizan Mustafa rappelle (2) que Mahomet a dit : "Tout musulman homme ou femme doit rechercher la connaissance" et aussi "A qui prend le chemin de la recherche de la connaissance, Allah fera prendre l'un des chemins du paradis". Ce spécialiste en droit constitutionnel relève que Aïcha, la femme du Prophète, était une érudite, que le Coran ou les hadiths n'évoquent aucune interdiction pour les femmes d'acquérir des connaissances et que c'est une femme, Fatima Bint Muhammad Al-Fihriya, qui a créé une des premières universités modernes du monde, celle de Fès : l'université Al-Quaraouiyine. "Ce que les talibans font aux femmes est anti-islamique", dit-il.
Ce n'est pas une question de culture ou de religion, affirme Rina Amiri, envoyée spéciale américaine pour les droits des femmes et des filles. "La communauté mondiale, disait-elle en début d'année (3), doit s'élever contre ces pratiques extrémistes, ou les talibans se sentiront plus forts et inspireront d'autres atteintes aux droits des femmes, des filles et des populations vulnérables ailleurs dans le monde". Visiblement, c'est le cas en Iran à présent. 
"Etre une fille est aujourd'hui un crime haïssable, et ce soir je maudis le Créateur de m'avoir faite pour mener une existence si misérable et humiliante", écrivait récemment une étudiante afghane.

En Iran, les femmes emprisonnées parce qu'elles s'opposent au régime islamique sont violées. "Est-ce que c'est dans le Coran ?", demande l'avocate Shirin Ebadi, Prix Nobel de la Paix 2003 (4). "C'était un des slogans des manifestants : Est-ce que le viol, c'est écrit dans le Coran ? Avec ce simple slogan, le peuple leur a dit : vous n'êtes pas des religieux. Au fond, le peuple iranien a toujours été très laïque. Et a fortiori maintenant. Les Iraniens ont vu ce qu'était une religion qui gouverne. Ils sont devenus laïques."

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/01/en-iran-des-dizaines-d-ecolieres-victimes-d-intoxications-malveillantes_6163710_3210.html
A lire aussi : https://www.lalibre.be/international/moyen-orient/2023/03/05/en-iran-les-cas-dintoxication-continuent-lenquete-se-poursuit-des-echantillons-suspects-retrouves-43DW2BQJ4FCP7EIKXRHGF37UHE/
https://www.huffingtonpost.fr/international/article/collegiennes-empoisonnees-en-iran-l-enquete-n-avance-pas_214841.html
(2) Faizan Mustafa, "Interdire l'université aux femmes est anti-islamique", The Indian Express  (Bombay), 28.12.2022 in Le Courrier international, 12.1.2023.
(3) Zahar Joya, "Etre une fille est un crime", Rukhshana Media (Kaboul), 5.1.2023, in Le Courrier international, 12.1.2023. 
(4) Rencontre avec Shirin Ebadi, Prix Nobel de la Paix 2003, Charlie Hebdo, 18.1.2023.
Sur le même sujet, (re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2023/01/dieu-orphelin-de-naissance.html

lundi 6 mars 2023

Des nouvelles de la France profonde

C'est une information importante qui nous est donnée par La Nouvelle République - Indre. Je la reproduis telle qu'elle a été publiée dans son édition du samedi 4 mars dans sa page consacrée au Salon de l'Agriculture.
"INFIRMERIE - Pas de concours pour Perche des touches du Perche
Coup dur pour la clumber spaniel d'Adélaïde et Jérôme Leseigneur, qui devait concourir, hier matin, dans le groupe 8, dédié aux broussailleurs et aux retrievers. Victime d'un accident jeudi, leur chienne a dû déclarer forfait pour le concours général agricole."
Ce journal mériterait d'être traduit. A moins qu'il ne s'agisse d'un message codé ? A destination des Russes ? Des Chinois ? On s'interroge.

Voilà des nouvelles de la France profonde. Mais comment appelle-t-on l'autre France? La France légère, la France de surface, la France superficielle?

vendredi 3 mars 2023

La peur de l'autre

C'est une petite commune comme il en existe tant, dans une région de France qui se désertifie comme il en existe tant. En 1851, elle comptait 2346 habitants. Depuis, comme tant d'autres communes rurales, Bélâbre a connu un déclin progressif pour ne regrouper aujourd'hui que 934 habitants (1). La vallée dans son ensemble a perdu 16,4% de sa population de 1968 à 1999.  La cause principale : l'émigration due à la mutation du monde agricole, à la sous-industrialisation, au départ des jeunes lié à la hausse du niveau d’instruction. D'où un vieillissement bien visible de la population (2). 
Sollicités par une association qui accueille des demandeurs d'asile, le maire et son équipe ont décidé de vendre une usine à l'abandon qui sera réhabilitée en un centre d'hébergement pour 38 personnes. De quoi apporter non seulement un toit et un accompagnement à ces personnes qui ont fui la guerre, la violence, la misère, mais aussi du sang neuf à la commune. Un peu d'immigration pour lutter contre beaucoup d'émigration. 
Mais des opposants se sont vite manifestés. Ils étaient une bonne centaine à exprimer leur peur et leur rejet des autres. Un de leurs calicots associe brutalement CADA (centre d'accueil de demandeurs d'asile), délinquance et invasion. Les choses sont simples pour eux : celui qui vient d'ailleurs est forcément un délinquant et un envahisseur.  Ça s'appelle racisme. "La scolarisation et l’instruction de nos enfants sont menacées par un tel projet", indique la pétition des opposants. On ne sait en quoi. On se dit qu'au contraire l'arrivée d'enfants devrait permettre à l'école de mieux vivre, que des liens se créeront vite et que l'intégration se fera ainsi aisément. On l'espère en tout cas, mais les opposants ont décidé de ne voir l'avenir qu'en noir. Ils affirment ainsi que le projet aura "des conséquences sur la vie de la commune, la valeur de l’immobilier, la fréquentation du plan d’eau et des terrains de loisirs". Une mère va déjà interdire à ses enfants de sortir : ils seront en danger en allant au jardin public.
"On est chez nous !", clament les opposants, reprenant le cri de guerre de l'extrême droite. C'est où chez eux ? Leur village leur appartient donc ? Qui peut y venir ou non et qui en décide ? On a vu parmi les manifestants des gens de Bélâbre et des environs, mais aussi d'autres venus de l'autre bout de la France clamer leur haine et dire qu'ils sont chez eux. Ils viennent d'ailleurs s'opposer à la venue de personnes venues d'ailleurs... 
Savent-ils, ces gens qui sont chez eux, que leurs ancêtres viennent d'ailleurs, que nous sommes tous des descendants de migrants, que l'humanité trouve sa source en Afrique ?
On ne leur propose pas d'aller si loin à la rencontre de l'autre, mais, s'ils n'ont pas trop peur, qu'ils aillent faire un tour dans le quartier du Merle blanc à Argenton-sur-Creuse, à une trentaine de kilomètres de chez eux. Là vivent, comme les autres, quelques dizaines de réfugiés depuis des années, sans que cela pose problème. Au contraire. Une habitante du quartier relevait qu'ils disent facilement bonjour, eux.

Note : La salle des fêtes de Bélâbre a été rebaptisée récemment Espace Joséphine Baker. La chanteuse, danseuse, actrice et résistante avait adopté douze enfants de toutes origines et avait appelé sa famille la « tribu arc-en-ciel ». La proposition de la mairie de Bélâbre aujourd'hui s'inscrit dans le même esprit.

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9l%C3%A2bre
(2) « Gens du Val d’Anglin » (divers auteurs, Histaval, 2021), pp. 450-451.
(Re)lire sur ce blog : "Le pays de l'accueil", 12.10.2007 
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2007/10/le-pays-de-laccueil.ht