mercredi 28 novembre 2018

Le temps des autruches

Quelques mesurettes ici, quelques autres là-bas, le réchauffement climatique n'a pas de souci à se faire. Il va pouvoir sévir pleinement et ses conséquences, incalculables, se faire sentir à travers la planète entière. Et après nous les mouches. S'il en reste.
A part quelques rares pays, telle la Suède, les gouvernements ne prennent aucune mesure sérieuse  pour changer notre mode de vie et de consommation et nous permettre d'entrevoir un avenir moins noir. Et seul un faible pourcentage de la population est prêt à changer de mode de vie pour éviter la catastrophe. 
De plus en plus de pays sont gouvernés par le Club des Brutes épaisses qui rient des catastrophes climatiques annoncées, ne se soucient que de faire des affaires ou la guerre économique ou militaire. Parfois le tout ensemble. 

Le gouvernement français veut mettre fin au "tout bagnole" et annonce un réinvestissement dans le rail. 15,4 milliards d'euros seront investis dans les infrastructures et le fonctionnement du chemin de fer, avec une priorité aux lignes de proximité. Et la SNCF consacrera chaque année 3,6 milliards d'euros à l'amélioration de son réseau. On ne peut qu'applaudir. Sauf quand on constate que la même SNCF, dans le même temps, supprime des arrêts de train (et peut-être bientôt les gares elles-mêmes) à Argenton-sur-Creuse, à Loches, à Chinon, à Saint-Maixent et dans tant d'autres villes considérées comme secondaires. Pour donner priorité aux trains des lignes secondaires, aucune nouvelle ligne TGV ne sera créée, bravo! Mais bien quelques nouvelles liaisons autoroutières: les axes Rouen-Orléans et Toulouse-Castres, la route Centre-Europe-Atlantique, les contournements d'Arles et de Rouen, la désaturation de l'A31 en Lorraine. La vignette poids lourds est, une fois de plus, abandonnée, de même que le péage urbain. Mais qu'on se rassure: l'autopartage sera favorisé tout autant que celui des trottinettes (1).
Pendant ce temps, des Gilets jaunes occultent des radars et réclament la suppression de la limitation à 80 km/h. Il s'agit là, apparemment, d'une liberté non négociable: celle de rouler à la vitesse qui nous plaît. Qu'importent la sécurité routière et le climat? Heureusement, dans ce mouvement hétéroclite, d'autres réclament l'interdiction du glyphosate.
N'empêche, les contradictions sont partout. Tout le monde dit et fait n'importe quoi. Le match est (totalement) nul: 0-0.

La Belgique, elle, est menacée par la montée des eaux. On dit la Belgique, mais il s'agit plus précisément de la Flandre. La Vlaamse kust pourrait avoir totalement disparu en 2100. Mais les leaders nationalistes flamands ont d'autres priorités: l'indépendance d'un pays dont une part importante sera demain sous eau. La densité de population dans cette Flandre réduite à la portion congrue risque de dépasser celle de Hong Kong. De Wever et ses troupes se trompent totalement de combat. Au rythme où progresse le réchauffement climatique et où monte le niveau de la mer, 1,8 million de Flamands devront déménager d'ici la fin du siècle. De De Panne à Knokke, toutes les villes côtières seront des cités fantômes englouties par la mer. Même Antwerpen sera sous eau (2). Les nationalistes ont intérêt à prévoir de très hauts mâts pour leurs drapeaux.

Explications du climatologue Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC: "Cette chaleur supplémentaire que nous créons par nos émissions de gaz à effet de serre reste seulement pour 1% dans l'atmosphère. Plus de 90% vont dans l'océan. Le véritable test du réchauffement climatique, c'est l'océan.
"Il y a une telle inertie dans l'énorme machine océanique qu'une fois la montée des eaux engagée, on ne pourra plus l'arrêter. Elle sera le résultat de la dilatation thermique - l'eau chaude occupe plus de place que l'eau froide - et de la fonte des glaces. Si nos émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter, on se dirige vers près de 1 mètre supplémentaire à la fin de ce siècle, 2 ou 3 mètres à la fin du siècle prochain et, à échéance millénaire, la fonte totale du Groenland. De grandes villes côtières, Tokyo, Shangai, Bangkok, Dacca, mais aussi Miami, New York ou Lagos sont très vulnérables. Même si l'on maintient, par une réduction de nos émissions, le réchauffement à 2 degrés, les océans auront monté de 50 centimètres à la fin du siècle. Et surtout, l'élévation va se poursuivre pendant des siècles, voire des millénaires."

Il reste possible, selon le climatologue, de limiter les dégâts. Mais cela exige des mesures fortes: "abandonner le pétrole, le gaz et le charbon d'ici à 2050, c'est justement ce qui permettrait de tenir l'objectif de 1,5 degré. Cela signifie que l'on diminue par deux nos émissions dans les dix prochaines années, et qu'on poursuive l'effort dans les vingt ans qui suivent! C'est drastique. Pour cela, il faut que chaque citoyen réfléchisse à chacun de ses comportements, et surtout que tous les secteurs d'activité, logement, transport, agriculture, énergie..., s'y mettent. Cela suppose des investissements majeurs".

Les politiques devraient écouter les scientifiques. Mais ils regardent ailleurs semblent sourds. Ils préfèrent préserver leurs chances de réélection en prenant des mesurettes qui ne les rendront pas (trop) impopulaires. L'humanité sera-t-elle réélue? 

J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond
Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font.
Molière, "Le Misanthrope"

(1) Denis Daumin, "Comment la France va mieux bouger", La Nouvelle République - Indre, 27.11.2018.
(2) https://reporterre.net/La-Belgique-a-la-merci-de-la-montee-des-eaux
(3) Télérama, 24.11.2018.
A lire à ce sujet: https://reporterre.net/6-questions-6-reponses-sur-le-changement-climatique-ses-effets-et-les

lundi 26 novembre 2018

Ce surréaliste les un an. Mais pas que.

Il y a des mots et des expressions qui, pour être à la mode et utilisés à tort et à travers, en sont devenus insupportables. Surtout depuis qu'ils sont passés dans le langage quotidien de tant de journalistes.
Exemples parmi d'autres:
- Surréaliste: l'adjectif est maintenant utilisé comme synonyme d'étonnant, de surprenant, d'exceptionnel, d'étrange. On le met à toutes sauces. Sur le site du journal L'Avenir (1): "Scène surréaliste dans un magasin frontalier: les clients confinés!". Que vient faire le surréalisme dans cette situation (2)?
- Mais pas que: remplace désormais pas uniquement ou pas seulement. On sent bien qu'il manque un ou des mot(s) après mais pas que. Pas que quoi? Le terme que, nous dit le Larousse, "sert de corrélatif aux mots". On comprend par là qu'il ne peut terminer une phrase.
- Les un an: on célèbre les un an de tel évènement. Rappelons que les est un article pluriel et qu'il n'y a pas plus singulier que un. Les deux ne s'accordent pas, l'article les précède obligatoirement un pluriel. Les un an peuvent (peut?) aisément - et plus pertinemment - être remplacés par le premier anniversaire.
- Voire même: un pléonasme surutilisé depuis longtemps. Voire signifie et même
- Carrément: oui est plus bref et serait plus correctement utilisé.

(1) 25.11.2018.
(2) "Le surréalisme, selon le Larousse, est un mouvement littéraire et artistique (...) qui se dresse, au nom de la liberté, du désir et de la révolution, contre les conventions sociales, morales et logiques, et leur oppose les valeurs de l'imagination, du rêve et de l'écriture automatique, qui révèlent le fonctionnement réel de la pensée."

(Re)lire sur ce blog: "En français dans le texte", 31.10.2016.

samedi 24 novembre 2018

La fin de l'insouciance

De quoi les Gilets jaunes sont-ils le signe?

D'une grogne, voire d'une colère, c'est sûr, de citoyens qui sont ou ont l'impression d'être abandonnés par celles et ceux qui les représentent. Grogne contre les taxes (sans qu'on sache très bien lesquelles: la CSG est citée, mais personne ne relève que la taxe d'habitation a été supprimée - ce qui est d'ailleurs une erreur pour les finances communales). Grogne contre le train de vie des élus, contre le coût de la vie, contre la limitation à 80 km/h, contre les contrôles de vitesse, contre un président qui favorise les riches et les puissants et a supprimé l'impôt sur les grandes fortunes. Grogne, d'abord et avant tout, contre le prix d'un carburant vu comme indispensable aux déplacements quotidiens alors que les avions ou les bateaux de croisière ne sont pas taxés. 
On peut comprendre la colère des petits, des obscurs, des sans-grade à l'heure où on apprend qu'un grand patron qui gagne 16 millions d'euros par an fraude le fisc. Et quand on sait que les plus riches produisent une quantité de gaz à effet de serre inversement proportionnelle à leur nombre. Mais c'est une grogne informe qui semble l'emporter: un Gilet jaune affirme se battre pour l'avenir de ses enfants. Et de critiquer en vrac "les assurances, les mutuelles, le contrôle technique défavorable aux anciennes voitures". On s'interroge: comment voit-il l'avenir de ses enfants? Le voit-il sécurisant avec des véhicules dangereux et polluants? Un autre affirme: "on n'est pas des pollueurs, enfin pas plus que les autres" (1). Et c'est bien là le problème: on est tous responsables, donc personne ne l'est. Surtout ne changeons rien tant que rien ne change.

Les Gilets jaunes sont le signe d'une défiance exacerbée entre électeurs et élus, d'une remise en question de la démocratie représentative élective. Mais combien de citoyens seraient prêts à prendre leurs responsabilités, à siéger dans des assemblées, à lire des rapports, à écouter les autres, à aller sur le terrain, à négocier, à prendre des décisions qui ne feront jamais l'(impossible) unanimité? On repense à cette maire d'un petit village, vilipendée par un de ses concitoyens: "vous êtes tous pareils, vous ne pensez qu'à vous en mettre plein les poches!". Elle lui avait répondu que si c'était le cas, elle aurait choisi une autre occupation que la fonction de maire et avait invité cet électeur à se présenter aux prochaines élections pour la remplacer. Il avait refusé en riant: "Si c'est pour avoir toutes les emmerdes que vous avez!".

Ils sont le signe de la fin d'une époque. Celle où on consommait joyeusement, où on se déplaçait quand et comme on le voulait. C'est-à-dire tout le temps et en voiture individuelle. La première crise pétrolière, il y a quarante-cinq ans, nous avait alertés en son temps. Mais la vie a repris son cours. Nous avons à tout prix (c'est le cas de le dire) voulu qu'elle soit insouciante et légère. Et voilà que la fin annoncée et indispensable de la société carbonée la plombe, nous obligeant à imaginer que nous devrions changer nos modes de vie. Le prix à payer devient trop lourd, mais nous ne pouvons l'accepter (2).

Le signe aussi d'une époque qui a perdu le sens de la nuance, celle de l'analyse, du respect, de l'assertivité. C'est celle d'Internet. Une époque où tous les excès sont permis, où chacun, sur ces réseaux dits sociaux, flingue ceux qui ne pensent pas comme lui, sur la Toile comme aujourd'hui dans la rue. Où chacun est convaincu d'avoir raison, défendant d'abord ses intérêts propres bien avant ceux du collectif. Les bloquages de routes ont révélé l'humain sous toutes ses facettes: solidarité parfois, mais aussi, trop souvent, agressions racistes et homophobes ou encore délations vis-à-vis de migrants.
C'est l'époque de chaînes de télévision bas de gamme qui ont érigé l'affrontement, le simplisme, la dichotomie et la vulgarité au rang de valeurs. Mais aussi celle où des leaders politiques appellent à "pourrir la vie" de journalistes. Avec pour conséquence des tentatives de lynchage de certains d'entre eux. C'est une époque qui sent l'égout.

Le signe que ceux qui veulent devenir califes à la place du calife sont prêts à tout pour ce faire: ainsi Marine Sainte-Nitouche et Jean-Luc MélenChe qui passent l'essentiel de leur temps à jeter de l'huile sur un feu qui n'en a pas besoin. Sans apporter de réponse aux questions que pose la grogne. Parce que cette époque est aussi celle d'un manque de politiques visionnaires, d'un manque de la part de tous les gouvernements qui se sont succédé en France d'un vrai projet de transition énergétique et de mobilité. Comment croire qu'elle puisse exister quand on voit, exemples parmi tant d'autres, des gares fermer leurs portes, des arrêts de train supprimés et de nouveaux projets autoroutiers?

Le signe d'une résistance au changement en cette époque de grands bouleversements. Ce n'est que le début des grands changements qu'induit déjà le dérèglement climatique. Sécheresse, inondations, incendies, modification des productions alimentaires vont se multiplier. Notre mode de vie est suicidaire, mais rien ne change - ou si peu - dans nos pratiques socio-économico-politiques.
Il y a quelques jours, dans L'Emission politique (France 2), un gilet jaune a demandé à Nicolas Hulot de "revenir à la réalité". Mais la réalité est là: celle d'une terre qui meurt.
Et pourtant, tout le monde (ou presque) veut continuer à prendre sa voiture, les entreprises à occuper des terres agricoles, les agriculteurs à utiliser des pesticides, les gouvernements à fermer des gares et des services publics de proximité, à relancer la croissance et à choyer les multinationales qui évitent l'impôt.

Les Gilets jaunes devraient être le signe du début d'une nouvelle ère. Le réchauffement climatique, ses conséquences innombrables et souvent traumatisantes et ses perspectives angoissantes nous emmènent vers une société nouvelle qui implique l'abandon de ce confort aussi sécurisant pour nous que destructeur pour les générations qui nous suivent. Il est temps de (ré)concilier, comme le dit Nicolas Hulot, écologie et social, de repenser la démocratie, de mettre fin à la notion de classe politique, d'amener chaque citoyen à prendre ses responsabilités dans la réflexion et ensuite la décision et la construction. Et pas seulement dans une grogne destructrice, dans une insurrection populaire ou populiste. Il est temps de penser loin, il est temps d'agir maintenant.

(1) Personnellement, je n'ai pas l'habitude, quand je suis fâché, de brûler des pneus ou de mettre le feu à une cabane de chantier
(2) Tels ces motards venus ce samedi faire hurler leurs moteurs en Limousin ou dans le Vaucluse pour protester contre le prix des carburants. Comprenne qui peut.

mardi 20 novembre 2018

Le désert gagne

La France rurale se désertifie. Entendez par là que les jeunes s'en vont là où ça brille, là où il y a de la lumière, des commerces, des écoles, un bon réseau téléphonique et peut-être du travail. Suite logique de cet exode, les maternités tournent au ralenti. Ce qui arrange visiblement assez bien les responsables publics de la santé qui s'empressent de fermer des institutions considérées comme non rentables. Que les mères aillent accoucher ailleurs. Plus loin. Et qu'elles possèdent une bonne voiture pour aller jusque là. Des associations de citoyens à raison fâchés se constituent au Blanc, à Vierzon, dans différentes villes qui voient fermer leur maternité. Elles dénoncent la spirale: sans maternité à proximité, les jeunes couples risquent de se rapprocher des villes, plus sécurisantes à certains égards. Les écoles rurales fermeront, faute d'enfants en nombre suffisant. Les commerces feront de même. Les gares aussi.

Reste que la fermeture de maternités est aussi (d'abord?) due à un manque de médecins. Ils font comme les jeunes, vont là où ça brille. Dans les grands centres hospitaliers ou dans le midi. Mieux vaut ne pas être malade en Moselle, dans le Finistère ou dans l'Indre. Certains médecins sont attirés en France depuis la Roumanie. Au détriment de la population roumaine. On lutte contre la désertification médicale en en créant une autre. Alors que jamais autant de médecins n'ont été diplômés en France.
Les enseignants et tant de fonctionnaires travaillent là où leur autorité de tutelle les désigne. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les médecins? Leurs longues et coûteuses études sont en bonne partie payées par la collectivité. Il ne serait que logique que les médecins, durant une période au moins égale à celle de leur formation, paie une part de leur dette à la société en se rendant utiles là où ils sont attendus.

Les gilets jaunes grognent et tempêtent contre le prix des carburants. Nous n'avons pas d'autre alternative que la voiture individuelle pour aller travailler, disent-ils. Ce qui est parfois vrai, parfois pas. Le confort qu'offre notre sacro-sainte bagnole nous a donné de mauvaises habitudes, polluantes à bien des égards. Le co-voiturage reste trop peu pratiqué. Des bus circulent parfois vides ou presque. Et le télétravail n'est pas assez développé. Il éviterait des déplacements que les moyens informatiques actuels rendent parfois inutiles.
Qu'on le veuille ou non, il va bien falloir admettre que pour des raisons tant écologiques qu'économiques le temps de l'usage immodéré de la voiture individuelle est terminé.

Il est urgent de monter de vrais projets de territoire, à partir d'une réflexion globale liant lutte contre la désertification, production alimentaire locale, mobilité, travail à la campagne (notamment via le télétravail dans des espaces de co-working), santé, formation, valorisation et préservation des ressources locales. Il est urgent de penser autrement. De vivre autrement.
Vivre et travailler au pays, réclamait-on en 1977. Quarante ans après, c'est le seul choix que nous pouvons faire. 


samedi 10 novembre 2018

Du caractère citoyen du coquelicot

Elle a participé vendredi dernier à un rassemblement "Nous voulons des coquelicots" à Reims. Sur les marches en béton brut de la mairie en chantier, elle a eu l'outrecuidance de peindre à la peinture à l'eau quelques coquelicots. Bilan: 15 heures de garde à vue et une convocation au tribunal où elle risque 500 € d'amende et un stage de citoyenneté (1). L'ensemble de ces poursuites est scandaleux et grotesque. Mais un stage de citoyenneté parce qu'on demande l'interdiction des pesticides! Cette infirmière a agi en citoyenne responsable et de tristes sires voudraient lui apprendre ce qu'est la citoyenneté!? 

90% des milliers de prélèvements officiels effectués dans les rivières révèlent la présence de pesticides sous la forme de nombreuses molécules différentes, et 60% dans les nappes souterraines.
Les responsables politiques sont bien conscients des dégâts qu'occasionnent les pesticides de synthèse. Même le président Sarkozy (celui qui trouve que "l'environnement, ça commence à bien faire") entendait s'y attaquer. En septembre 2007, sous son impulsion, un groupe de travail prévoyait un plan de réduction de 50% en dix ans, plan aussitôt contesté par l'industrie chimique et le monde agricole. En est sorti un texte qui annonçait une volonté forte mais sans engagement clair et ferme. D'ailleurs, la FNSEA s'est alors dit satisfaite de ce plan de réduction de l'utilisation des pesticides "sans calendrier".
De 2007 à 2017, la consommation de pesticides n'aura pas baissé de 50%, mais augmenté de 20%.
De 2008 à 2010, les traitements par pulvérisation ont augmenté de 2,6% et de 7% pour les enrobages de semences (chiffres du Ministère de l'Agriculture).
En 2012, l'UIPP (l'industrie produtrice de pesticides) était fière d'annoncer que les épandages de pesticides avaient augmenté de 1,3% et son chiffre d'affaires de 5%.
En juin 2013, l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) publiait une expertise qui relie exposition aux pesticides et cancers de la prostate, lymphones non hodgkiniens, myélomes multiples, maladie de Parkinson.
En 2013, la consommation de pesticides augmentait de 9,2%.
En 2014, un médecin généraliste de Limoges, Pierre-Michel Périnaud, lançait un appel signé par 1200 de ses confrères au sujet des pesticides: "Médecins de terrain, nous avons constaté l'augmentation des maladies chroniques chez nos patients (cancers, troubles de la fertilité, mais aussi maladies neurologiques, diabètes, allergies...). Nous avons aussi constaté que les preuves de la responsabilité de substances chimiques très largement répandues dans notre environnement s'accumulaient."
En 2014, la consommation de pesticides augmentait de 9,4%. Et ce surtout pour les substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques dont on annonçait la fin en 2008.
Le nombre de doses par unité (NODU) a augmenté de 22% entre 2009 et 2015.

Selon des enquêtes officielles, les pommes vendues par la grande distribution continuent d'être pesticidées en moyenne 34 fois de suite. Les tomates plus de 12 fois, plus de 19 pour les vignes de Champagne, plus de 18 pour les pommes de terre.
Récemment, dans un supermarché, j'ai vu des citrons présentés "sans traitement". En plus petit en-dessous, il était indiqué: "après cueillette" (2).

Ne faudrait-il pas imposer des stages de citoyenneté à tous les paysans qui sont en train de transformer des prairies en champs dans lesquels ils cultiveront, avant de le vendre à l'autre bout de la planète, du maïs ou du tournesol qu'ils arroseront copieusement de pesticides? Ne faudrait-il pas imposer des stages de citoyenneté à tous ceux qui roulent à tombeau ouvert avec des voitures qui polluent cent mille fois plus que de la peinture à l'eau? Ne faudrait-il pas imposer des stages de citoyenneté à tous ces élus qui refusent de taxer le kérosène des avions et le carburant des monstres de croisière? A tous ceux qui refusent d'interdire les pesticides qui empoisonnent l'environnement et nos vies? A tous ceux qui cyniquement ne voient que leur intérêt plutôt que l'intérêt général?

Si ce n'est fait, signez et faites signer l'appel
"Nous voulons des coquelicots": https://nousvoulonsdescoquelicots.org

(2) Toutes les informations et les chiffres ci-dessus sont extraits de "Nous voulons des coquelicots", Fabrice Nicolino et François Veillerette, éd. Les Liens qui libèrent, 2018.



mardi 6 novembre 2018

Vieux con

Sa différence avec le Front national? "Le F.N. n'a jamais proposé de sortir de l'Union européenne", dit-il. Lui, le Frexit, c'est son credo. C'est toute sa vie. François Asselineau est président (sans doute à vie) d'un parti confidentiel qu'il a créé: l'Union populaire républicaine. Si populaire que son parti revendiquait l'an dernier une quarantaine de membres dans l'Indre et que pour la campagne présidentielle de 2017, Asselineau a recueilli 0,84% des suffrages. Ce qui lui permet de prendre les autres élus de haut et en premier lieu le président de la République qu'il appelle "Micron". Et qu'il traite de "dictateur", de "crétin politique" ou de "petit con". Visiblement, la notion d'assertivité lui est aussi étrangère que les pays voisins. On a parfaitement le droit de critiquer quelqu'un d'autre, de ne pas être d'accord avec lui, mais on peut en parler dans une certaine forme de respect, en gardant sa propre dignité, à tout le moins sans abreuver l'adversaire d'insultes. Mais Asselineau ne semble exister (comme tant de gens aujourd'hui sur les réseaux dits sociaux) que dans l'injure et la certitude qu'il comprend tout mieux que les autres (les autres étant de toute façon des cons). 
A Chateauroux où il a fait son show récemment durant trois heures, ils étaient, à voir la photo, une centaine à l'écouter, l'applaudir, le féliciter. De quoi? On ne sait. De sa grossièreté? De son agressivité? De ses velléités de casseur? De ses analyses simplistes? Sait-il, lui aussi, que les gens méprisants sont méprisables? Voilà pourquoi on se permet de le considérer comme un vieux con. Il nous en donne le droit.

Jean-Sébastien Le Berre, "Le one-man-show de François Asselineau", La Nouvelle République-Indre, 6.11.2018.

dimanche 4 novembre 2018

De l'avantage de l'herbivore

En Argentine, près de la Cordillère des Andes, des paléontologues viennent de découvrir une  nouvelle espèce de dinosaure qu'ils ont baptisée lavocatisaurus agrioensis. Ce grand gaillard tranquille de douze mètres de long était herbivore (1).
Au Pakistan, on redécouvre une vieille espèce d'homme: l'islamiste vociférant, avide de sang. L'espèce est carnivore et appelle à la mort pour un prétendu blasphème (2). Voici huit ans, Asia Bibi, chrétienne, avait été dénoncée par des voisines pour blasphème: elle aurait bu un verre d'eau tirée d'un puits réservé aux musulmans. On voit que la faute est grave, elle méritait la mort, avait alors décidé un tribunal. Il y a quelques jours, la Cour suprême du Pakistan avait décidé de l'acquitter. Huit ans de prison pour un verre d'eau, voilà qui semblait être une sentence suffisante. Mais les islamistes, aussi fous que furieux, ont manifesté durant trois jours en bloquant le pays, réclamant sa pendaison. Le gouvernement a cédé: il ne s'opposera pas à une demande de révision de la décision de la Cour suprême et a interdit à Asia Bibi de quitter le pays. Son avocat, lui, a fui, menacé de mort par les fous de Dieu (3).
Dans l'Indre, on vient de découvrir une autre espèce humaine. Tellement vorace qu'elle n'attend pas que l'animal soit mort pour le découper en morceaux. L'association L214 a rendu publiques des images de vidéosurveillance enregistrées dans l'abattoir communal du Boischaut. On y voit des animaux dépecés alors qu'ils sont encore conscients. Conscients que l'homme est un barbare (4). 
On ne regrettera pas la disparition de certaines espèces de carnivores si peu humaines. Se savent-ils sauvages, tous ces hommes qu'on a hâte de voir fossilisés?

(1) https://www.huffingtonpost.fr/2018/11/03/une-espece-de-dinosaure-herbivore-geant-decouverte-en-argentine_a_23579549/?utm_hp_ref=fr-homepage
(2) A une voisine qui estimait qu'Asia Bibi, parce qu'elle est chrétienne, avait souillé l'eau du puits en y en prélèvant de l'eau, cette dernière avait répondu: "ton prophète, c'est Mahomet. Le mien, c'est Jésus". Blasphème!, avaient hurlé les voisins. Ce qui démontre que toute religion est en elle-même blasphématoire par rapport aux autres. Affirmer qu'on croit en tel dieu, c'est blasphémer par rapport à une autre qui croit en un autre dieu. Le blasphème est la notion la plus absurde qui soit.
(3) https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/11/02/acquittement-d-asia-bibi-les-islamistes-trouvent-un-accord-avec-le-gouvernement_5378272_3216.html
(4) https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/11/03/maltraitance-animale-le-ministre-de-l-agriculture-fait-fermer-provisoirement-un-abattoir-de-l-indre_5378501_3244.html


 A écouter, à propos d'Asia Bibi et du blasphème, le billet de Sophia Aram sur France Inter ce lundi 5: https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-05-novembre-2018


vendredi 2 novembre 2018

Si dispensables plastiques

Avons-nous besoin d'une paille (qu'elle soit en plastique ou en papier) pour boire (1)?
Avons-nous besoin de prendre l'avion pour aller passer un week-end à l'autre bout de l'Europe ou deux semaines au soleil des Antilles?
Avons-nous besoin de regarder des films dans un avion (et, en plus, sur des écrans individuels)?
Avons-nous besoin de pansements qui deviennent électroluminescents quand ils détectent des infections dont on peut suivre l'évolution grâce à son smartphone (oui, ça existe)?
Avons-nous besoin de baskets avec des lumières clignotantes?
Avons-nous besoin d'un téléphone individuel?
Avons-nous besoin de deux ou même d'une seule voiture individuelle dans une famille?
Avons-nous besoin de rasoirs, de stylos ou de gobelets jetables?
Avons-nous besoin d'eau en bouteille?
Avons-nous besoin de tant d'emballages pour nos biscuits, nos pizzas, nos salades ou nos fromages?
Avons-nous besoin d'emballages plastiques autour de marchandises posées sur une palette?
Avons-nous besoin de viandes, de vins ou de pommes qui viennent de l'autre bout du monde?
Avons-nous besoin de viande tout court?
Avons-nous besoin de participer, par notre consommation de biens qui ne nous sont pas indispensables mais qu'on nous vend comme tels, à une telle surproduction, à un tel gaspillage et à une telle production de déchets?
La réponse va de soi: non. Evidemment, non. Mais, allez savoir pourquoi, nous achetons quotidiennement tout cela. Parce que tout cela participe à notre confort, même si celui-ci concourt à notre perte.

Dimanche dernier, un représentant du lobby du plastique était l'invité de l'émission Vox Pop sur Arte (2). Interpellé par la journaliste sur les océans qui meurent des déchets plastiques, il ne répond à aucune question. C'est, d'après lui, aux consommateurs de se responsabiliser et aux pouvoirs publics d'assurer un meilleur recyclage. Il doit être assez aisé d'agir de manière plus responsable qu'un producteur de plastique. 

Chaque minute, 80 à 120 tonnes de déchets, en majorité en plastique, partent à la mer. Parfois de très loin. Les rivières ont d'importants pouvoirs de transport. Les petits ruisseaux font les grands gyres. Les gyres sont ces continents flottants faits de déchets. Ils se multiplient. Le plus vaste se situe dans l'Atlantique nord, il est trois fois plus grand que la superficie de la France. Sachant que le plastique a une durée de vie moyenne de 600 ans, calculez quand les océans cesseront de respirer.
Le navigateur Yvan Bourgnon et sa société Sea Cleaners est en train de construire un bateau dévoreur de plastique, le Manta (3), grand comme un terrain de football, qui a pour ambition de ramasser 10.000 tonnes de déchets plastiques par an. Il faudrait mille bateaux de ce type pour rammaser tous les déchets que nous avons envoyés en mer. D'ici 2022, l'équipe espère mettre son premier Manta à l'eau et peut-être dans les vingt ans à venir une trentaine de bateaux qui seront autonomes en énergie. Un quart du financement seulement d'un premier bateau est acquis. Si les producteurs de plastique étaient un tout petit peu responsables, ils sauraient où investir leurs gigantesques bénéfices. 

(1) Les pailles en plastique sont interdites. Un fabricant ingénieux en crée en papier. Mais qui donc a besoin d'une paille pour boire? Les consommateurs de nourriture fast food. On les voit boire à la paille leurs sodas dans des gobelets en carton. Mais qui donc a besoin de gobelets jetables, même en carton? 
(2) Vox Pop, Arte, 28.10.2018: https://www.arte.tv/fr/videos/078527-031-A/vox-pop/
(3) https://www.franceinter.fr/emissions/carnets-de-campagne/carnets-de-campagne-30-octobre-2018