dimanche 31 décembre 2023

Résister aux sinistres (et à la sinistrose)

On voudrait aller de l'avant, vers des temps sobres et intelligents, respectueux de la vie. Mais les nuisibles nous poussent vers l'arrière. Poutine revient au stalinisme, le Hamas à la barbarie. Ici, là et dans tant de coins de la planète, à Gaza, en Ukraine, au Yemen, au Soudan, en Syrie, en Libye, au Tigré, au Kivu, les guerres ont cessé de compter leurs morts et ceux qui les mènent ne cherchent plus à se justifier. D'autres menacent d'en commencer. Maduro bande ses muscles, Kim Yong-Un aussi. 
Les producteurs de gaz et de pétrole ont de grandes ambitions pour leurs actionnaires, quoi qu'il en coûte à la planète, quoi qu'anonnent les COP successives.
Les religions reviennent en force, le respect de leurs délires doit primer sur les sciences, et les femmes doivent rester à leur place, silencieusement. Les populistes bombent le torse, même s'ils n'ont aucun souffle, se contentant d'annoncer que demain on rasera gratis parce qu'on fermera les frontières. C'est le temps des imbéciles heureux accrochés à leur drapeau. L'Union européenne, cette lente construction de la paix et de la solidarité, commence à vaciller.
On n'arrive plus à se souhaiter le meilleur. On ose espérer le moins pire. On arrive cependant encore à croire en l'humanité. Parce qu'on n'a pas le choix.



mardi 26 décembre 2023

Humour extrême

On était sans nouvelles d'Alexeï Navalny. On en a enfin. Il est loin, dans l'Arctique. Détenu dans « l’une des colonies les plus septentrionales et les plus éloignées » de Russie, où les conditions de vie sont « difficiles ». Il y est pour purger sa peine (une de plus) de dix-neuf ans de prison, condamné pour "extrémisme". Lutter contre la corruption en Russie est une attitude extrême. Il est vrai qu'on comprend mal comment on peut s'opposer à Vladimir Poutine, cet humaniste qui force le respect, l'incarnation de la retenue, de la modération et de la probité. L'idée même d'extrémisme lui est totalement étrangère.
On voit par là que l'humour russe est particulier. 

dimanche 24 décembre 2023

Aux hommes de bonne volonté...

Lire ou relire Apeirogon de Colum McCann (1) permet d'apercevoir un peu de lumière dans le drame qui se joue entre Israéliens et Palestiniens. 
Rami Elhanan est israélien, Bassam Aramin palestinien. Tous deux ne sont pas des personnages de fiction. On pouvait, il y a quelques jours encore, les voir et entendre témoigner dans un reportage télévisé. Tous deux ont perdu, il y a de nombreuses années, une fille. L'une avait dix ans, l'autre treize. Elles ont été tuées par le conflit fratricide qui oppose leurs deux communautés. 
Les deux hommes avaient tout pour se haïr. Ils sont devenus amis. « Nous ne parlons pas de la paix, nous la faisons », affirment-ils lors de rencontres dans des salles de classe.
C'est un livre exceptionnel (à tous points de vue, dans sa forme comme dans ses dimensions multiples) qui raconte une histoire qui ne devrait pas l'être. Un récit qui nous laisse imaginer, dans le chaos actuel où le désespoir domine et où chacun est sommé de choisir son camp contre l'autre, que la paix est possible si on est capable de se parler, de se comprendre, d'échanger, d'imaginer un futur lavé de la peur et de la haine.
Ne laissez pas le rameau d'olivier tomber de ma main.

(1) éd. Belfond, 2020.


jeudi 21 décembre 2023

Indignations sélectives

L'ONU Femmes (UN Women) dénonce à raison les violences sexuelles dont les femmes sont victimes dans les conflits. Ce fut le cas le 25 novembre encore, lors de la Journée internationale pour l'élimination de la violence faite aux femmes. Ces dernières années, le mouvement #MeToo appelait à croire les femmes sur parole quand elles se disent victimes de violences sexuelles et à mettre fin au "silence complice". Et voilà que tant de femmes elles-mêmes se taisent face à l'horreur. 

Le viol, rappelle Inna Shevchenko (1), est défini par la Cour pénale internationale comme un crime de guerre à part entière. "Et pourtant, tout ce que nous avons pu entendre d'ONU Femmes jusqu'à présent, ce sont deux déclarations sur la situation humanitaire à Gaza, laissant les femmes victimes du Hamas dans l'oubli. Cette douloureuse décadence est confirmée par le silence quasi absolu de la plupart des mouvements féministes de premier plan, partout dans le monde." Pour Feminist, un compte Instagram suivi par six millions de personnes, l'attaque du Hamas n'est que "une riposte à l'occupation israélienne" (message supprimé ensuite). Et pour beaucoup de soutiens à la cause palestinienne, ce que les Israéliennes et les Israéliens ont vécu le 7 octobre n'est que normal, attendu, inévitable. Comme si une femme violée, dépecée, massacrée n'existait pas si elle est juive.  "Jamais auparavant, écrit encore Inna Shevchenko,  nous n'avions vu des féministes contextualiser des crimes de viol. Aussi juste que soit la défense des Palestiniens, victimes des bombardements impitoyables d'Israël et du pouvoir du Hamas, elle est devenue une justification pour négliger les femmes victimes du 7 octobre."
Les Juifs, écrit-elle encore, sont "devenus le vieil homme blanc du féminisme occidental. Donc, circulez, il n'y a rien à voir que des actes tragiques sans doute mais logiques. "La convergence des luttes n'a abouti qu'à une divergence croissante entre les femmes. L'occupation est une raison suffisante pour beaucoup de se détourner des femmes victimes israéliennes ; le soutien impérialiste des Etats-Unis en a conduit autant à négliger les filles et les femmes ukrainiennes violées et torturées ; et bien sûr l'islamophobie des manifestations contre le hijab justifie l'abandon des femmes iraniennes violées dans les prisons et tuées par le régime islamique. Et pourtant, il s'agit toujours de nous, les femmes, et non de nous, la gauche, les woke, les anti-impérialistes, les anti-Israël... Nous les femmes, où sommes-nous aujourd'hui ?"

Hala Abou Hassira, ambassadrice en France de l'Autorité palestinienne, est, semble-t-il, aveugle et sourde : "je n'ai pas entendu les témoignages et je n'ai pas vu les images", a-t-elle déclaré, interrogée sur ce qu'elle pensait "comme femme" des viols commis par le Hamas (2). 
Cette cécité et cette surdité volontaires poussent au négationnisme. Ces indignations sélectives démontrent les limites des combats dits intersectionnels, elles desservent la cause féministe et indiquent que les woke ne sont pas toujours aussi éveillés qu'ils ou elles veulent le (faire) croire. Femmes juives, femmes iraniennes, femmes ukrainiennes, femmes afghanes, vos existences et vos combats dérangent les analyses binaires. Donc, vous n'existez pas. 

Les victimes d'agressions sexuelles ne semblent pas exister non plus aux yeux du président de la République française. En tout cas si elles sont victimes d'un grand comédien. Hier soir, il s'est dit "grand admirateur de Gérard Depardieu (...), un immense acteur" qui "a fait connaître la France, nos grands auteurs, nos grands personnages dans le monde entier" et qui "rend fier la France". Pas de chasse à l'homme, a-t-il dit. Ou plutôt pas de chasse au chasseur ? 
Au pays des aveugles, les violeurs sont rois.

(1) Inna Shevchenko, "Viols du Hamas - L'insoutenable silence des féministes", Charlie Hebdo, 22.11.2023.
(2) Raphaël Enthoven, "La cécité volontaire", Franc-Tireur, 13.12.2023.

mardi 19 décembre 2023

Une vieille affaire

On n'entend plus parler de dégagisme.
Vladimir Poutine vient d'annoncer qu'il sera l'an prochain candidat à sa propre succession à la tête de l'empire russe. Le tsar est au pouvoir - à la tête du pays ou du gouvernement - depuis 1999, vingt-quatre ans donc, et il a annoncé il y a quelques années qu'il entendait y rester jusqu'en 2036. On s'interroge : est-ce un signe de faiblesse ? On est déçu. On aurait aimé qu'il y reste jusqu'en 2052, l'année où il fêtera ses cent ans. Il est immortel, si puissant si viril. Les années n'ont pas prise sur lui. Et il a tant de guerres à mener encore. Voilà qu'il montre ses muscles à présent face à la Finlande qui rejoint l'OTAN. En attendant, il sera donc candidat à la présidence russe l'an prochain. Il aura alors 72 ans. Visiblement, il est dans la force de l'âge. De l'âge politique si l'on en croit ce qu'on lit un peu partout.
Dans un an, les Etats-Unis éliront un nouveau président. Il aura 78 ans (Trump) ou 82 ans (Biden).
A 69 ans, Abdel Fattah Al-Sissi vient d'être réélu ce dimanche à un troisième mandat présidentiel à la tête de l'Egypte. Paul Bya a 90 ans. Dans un mois, il fêtera ses quarante ans à la présidence du Cameroun.
A 88 ans, Mahmoud Abbas préside encore et toujours l'Autorité palestinienne. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a 78 ans, le même âge que son collègue brésilien Luiz Inácio Lula da Silva. Xi Jinping en a 70, Denis Sassou-Nguesso, président du Congo Brazzaville, a 80 ans. Ali Hossaini Khamenei préside l'Iran depuis 34 ans, il en a 84. Benyamin Netanyahou a 74 ans.
En Belgique aussi, on est convaincu que l'expérience seule peut faire un bon élu et que plus on en a, plus on est indispensable. 
Elio Di Rupo a occupé depuis 1987 toutes les fonctions parlementaires et ministérielles imaginables. Il sera tête de liste du PS aux élections européennes de 2024. Il aura alors 73 ans.
Richard Miller, ancien parlementaire, ancien ministre, sera peut-être candidat aux régionales de juin, il le sera en tout cas aux élections communales d'Anderlecht sur la liste MR à l'automne prochain. Il aura alors 70 ans.
Didier Reynders, lui, est un jeunot. Après la fin de son mandat de commissaire européen, l'an prochain, il se verrait bien reprendre la présidence de son parti, le MR. Il n'aura que 66 ans.
En France, de nombreux observateurs pensent que Jean-Luc Mélenchon ne pourra s'empêcher de se porter candidat à l'élection présidentielle de 2027. Il sera alors âgé de près de 76 ans. 
Les jeunes croient de moins en moins en la politique, nous dit-on. Etonnant, non ?

Post-scriptum (20.12) : Le conseil d'administration de l'Institut du Monde arabe à Paris a décidé que son président, Jack Lang, effectuerait un nouveau mandat à sa tête : le quatrième. Le président de la République doit encore se prononcer. L'ancien ministre de la Culture, âgé de 84 ans, attend la décision "avec un mélange de flegme et d'inquiétude", écrit Le Figaro. «Être renouvelé pour trois ans, ce n'est pas grand-chose et permettrait d'achever ce que j'ai à faire.» L'argument de tous les politiques accros au pouvoir, incapables de décrocher. 

dimanche 17 décembre 2023

Fuite en avant

La population de Gaza est doublement victime : du Hamas et de l'armée israélienne. Cette dernière, après avoir fait fuir les Gazaouis vers le sud, bombarde cette zone, provoquant quantité de morts civils. Sa volonté de détruire totalement le Hamas se mue en destruction de Gaza et de sa population. Quel est finalement l'objectif du gouvernement Netanyhaou ?, demande Jean-Pierre Filiu, professeur des universités à Sciences Po (1). 
Comme d'autres, il constate que "Nétanyahou s’est précipité, tête baissée, dans le piège que lui tendait le Hamas à Gaza, avec les carnages terroristes du 7 octobre 2023" et que soixante-dix jours après le début de cette guerre qui vise à éradiquer le Hamas, Israël n’est parvenu à éliminer qu’un seul responsable islamiste d’importance : Ahmed Al-Ghandour, commandant militaire pour le nord de Gaza.  Et pour cela, "la ville de Gaza est à moitié détruite (et) le rouleau compresseur israélien continue de semer la destruction et la mort dans le centre et le sud de l’enclave palestinienne". (...) "Ce sont aujourd’hui près de deux millions des 2,3 millions d’habitants du territoire palestinien qui ont été contraints par une violence extrême à abandonner leur foyer, parfois à plusieurs reprises."
Jean-Pierre Filiu estime que "la pensée militaire est restée figée en Israël dans un déni de la réalité humaine" du territoire de Gaza. "Non seulement les frappes sont bien plus meurtrières à l’encontre de la population que lors des offensives précédentes, mais Israël accepte par avance de tuer des dizaines de civils en vue d’éliminer un seul responsable du Hamas, même de rang intermédiaire."
Il constate aussi que "le recours systématique à l’intelligence artificielle amplifie cet effroyable bilan humain, puisqu’il suffit que la présence de telle ou telle « cible » soit signalée, sans même être vérifiée, pour qu’un bâtiment, voire un quartier, soit bombardé sans merci. La propagande israélienne a beau marteler la légitimité de telles frappes, elles ne s’appuient que sur des sources de renseignement, par définition invérifiables, alors même que le renseignement israélien n’a pas été capable d’anticiper, sans même parler d’empêcher, les massacres perpétrés le 7 octobre 2023 par le Hamas."
Quel est le véritable objectif du gouvernement Netanyahou ? Eliminer à tout prix les principaux chefs du Hamas et ses structures ou la bande de Gaza en tant que telle ? "Benyamin Nétanyahou se borne pour l’heure à envisager une « réduction de la densité » de la bande de Gaza, qui serait amputée de vastes « zones tampons »." Ce qui passerait par le déplacement forcé de Gazaouis, et donc plus encore de réfugiés palestiniens, en Egypte et en Jordanie notamment. Ce qui susciterait dans ces pays "des risques d’escalade régionale sans aucun précédent. Il n’est peut-être pas trop tard pour enrayer un tel scénario du pire."
Répond-on à la barbarie par une violence de plus en plus aveugle ?

(1) https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2023/12/17/detruire-le-hamas-ou-detruire-gaza_6206279_6116995.html

jeudi 14 décembre 2023

Tous dans le même sac

"Les Françaises et les Français veulent plus de fermeté". C'est ce qu'affirmait tout récemment (1) le député de droite Nicolas Forissier qui fut l'un des rares élus LR à avoir rejeté la motion qui refusait de débattre du projet de loi sur l'immigration proposé par le ministre de l'Intérieur.
Ce qui est important ici, c'est l'article défini : les. Pour Forissier, toutes les Françaises et tous les Français pensent comme lui : il faut être ferme en matière d'immigration. Comme beaucoup d'élus, il sait ce que pensent tous les Français et il est convaincu que ces derniers n'ont qu'une seule et même opinion : la sienne.
On les entend régulièrement ces élus, de tous bords politiques, qui déclarent que "les Français veulent" ceci ou cela, pensent ainsi ou comme cela, comme s'ils étaient soixante-sept millions à vouloir exactement la même chose ou à penser de la même manière. 
Au niveau local aussi, on les entend ces maires, ces conseillers qui rejettent les idées un tant soit peu novatrices, sous prétexte que "les gens" n'en voudront pas.
Il faut se méfier de ces élus qui vous embarquent avec eux, balancent des généralités et n'ont aucun sens de la nuance. Il nous donnent l'impression que nous ne pouvons pas penser différemment, qu'ils nous volent nos opinions.
Personnellement, je me permets de signaler à Monsieur Forissier que je fais partie de ceux qui ne veulent pas plus de fermeté en matière d'immigration. Plutôt plus d'humanité. 

(1) Journal, France 3 CVDL, 12.12.2023, 19h15.



mercredi 6 décembre 2023

L'ayatollah du bonheur

L'humoriste Willy Schraen vient de lancer son nouveau spectacle : Willy Bonheur. L'histoire est drôle : celle du grand chef des chasseurs français qui s'est mis à rêver de devenir député européen. Il a créé son parti : Alliance rurale (1). Ce sera celui du bonheur, dit-il. Son projet : rester heureux à la campagne. Et pour y arriver, il a un sacré programme : la chasse et la pêche, « la pétanque et le barbecue, l’apéro et les cochonnailles ». Il faut croire qu'il vise donc les inactifs, pas les travailleurs.
Lui qui vit dans un des pays européens les plus laxistes en matière de chasse et dont la fédération de chasseurs a touché des montagnes de subventions pour parfois n'en faire rien ou n'importe quoi (2) se plaint. Il tempête même. 
Ce grand écologiste qui déteste les« ayatollahs de l’écologie » dénonce les « élites déconnectées de la vraie vie ». Parce que la vraie vie, lui la connaît bien sûr , celle où on fait des barbecues, on boit des coups, on tire sur ce qu'on veut et on injurie qui n'est pas d'accord avec nous.
Il espère être élu au Parlement européen pour s'opposer à l'Union européenne, ce « mastodonte administratif » qui produit des « normes qui nous étouffent » et « entrave les libertés individuelles ». Il est très inquiet. Il dort mal. Tout ce qu'il demande, c'est « qu’on lui foute la paix ». Il se pose de graves questions sur l'évolution de la planète. "Si on laisse les choses se faire, est-ce qu'on pourra encore transpercer un ver de terre au bout d'un hameçon ? Est-ce qu'on pourra encore griller une côte de bœuf à cause des particules fines ? Est-ce qu'on pourra encore monter à cheval, chasser ou faire un feu de cheminée ? J'en suis pas sûr. Nous, on est la liste du bonheur." (3) La liste du bonheur qu'il faut pas faire chier. Ce qu'il pourra en tout cas encore faire, c'est sûr, c'est continuer à parler comme un âne (ce qui est  injurieux pour les ânes, convenons-en) (4). Il se dit apolitique. Quelqu'un pourrait-il lui dire qu'au Parlement européen on ne fait que discuter politique et qu'il ferait mieux de se présenter au Café du Commerce où il sera élu par acclamation ? Et il l'annonce : "je ne ferai aucun compromis" (3). On n'est pas surpris. Seuls les démocrates sont capables de faire des compromis.
Résumons-nous : la politique française est fascinante.

(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/secrets-d-info/secrets-d-info-du-samedi-25-novembre-2023-2016580
(3) Le Point, 30.11.2023 (cité dans Charlie Hebdo, 6.12.2023). 
(4) (Re)lire sur ce blog : 
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2022/09/lange-de-la-route.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2022/06/lavis-de-lexpert.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2022/05/les-proprietaires-de-la-nature.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2021/11/lapin-chasseur.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2021/11/un-chasseur-sachant.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2021/09/chasse-punitive.html

lundi 4 décembre 2023

Eternels parias sans homme d'Etat

Réflexions intéressantes d'un lecteur (Christian E.) de Charlie Hebdo (édition du 15.11) sur l'abandon des Palestiniens par leurs voisins.  
On dénonce, remarque-t-il, l'occupation que subissent les Palestiniens depuis soixante-quinze ans. Or, jusqu'en 1967, Israël n'occupait ni Gaza ni la Cisjordanie, ces territoires avaient été annexés après la guerre de 1948 par l'Egypte et la Jordanie. Ces derniers avaient promis aux Palestiniens de les leur rendre une fois qu'ils auraient rejeté les Juifs à la mer. "En définitive, depuis soixante-quinze ans, tout le monde se fout des Palestiniens, et les pays arabes les premiers. Parce que, après avoir abandonné leurs prérogatives sur les territoires occupés, la création d'un Etat palestinien laïque, et peut-être socialiste, était vraiment la dernière chose dont avaient besoin les monarchies rétrogrades et les dictatures militaires de la région. Un très mauvais exemple pour leurs peuples. Les Palestiniens, on les aime opprimés, misérables, mais on ne lèvera pas le petit doigt pour les aider et, au besoin, on les enfoncera un peu plus."

Aujourd'hui, on a du mal à prendre au sérieux les larmes de crocodiles que versent les dirigeants des pays arabes sur le sort des Gazaouis.
Deux semaines auparavant, dans le même Charlie Hebdo, Philippe Lançon écrivait (1) : "Les Pals étaient et restent les cocus de l'Histoire : les dépossédés, les perdants. Refaits aussi bien par Israël et les pays occidentaux que par les pays arabes, dotés de régimes criminels et pourris qui les soutenaient comme la corde le pendu". (...) "Des confrères disaient alors (en 1990-1991) en riant que rien ne ressemblait plus à un Juif qu'un Palestinien : le sentiment d'être chez soi nulle part, la culture en diaspora, l'humour, le débat, la critique et l'autocritique, les intellectuels et artistes qui vont avec ; bref, un air minoritaire de liberté comprimée." Philippe Lançon évoque le poète palestinien Mahmoud Darwich - qui fut membre de l'OLP et s'inquiétait de "la violence folle et islamisée qui montait". "En sortant du coma, écrivit Darwich en 2007, nous nous sommes rendu compte qu'un drapeau unicolore (celui du Hamas) avait chassé le drapeau à quatre couleurs (celui de la Palestine)". Réflexion de Philippe Lançon : "Quatre couleurs valent mieux qu'une, qu'il s'agisse d'une existence, d'une œuvre ou d'une nation. (...) "Et nous voilà quinze ans après, dans un monde aux drapeaux unicolores. La couleur qui finit par s'imposer à toutes est généralement celle du sang."

Ce qui fait aujourd'hui défaut aux deux camps, c'est un homme ou une femme d'Etat. Dans Charlie toujours (2), Riss rappelle que Sadat et Rabin ont été capables de quitter leurs positions guerrières pour envisager la paix. On sait ce que ça a leur coûté : la vie. Mais ils ont osé briser leur image de dur pour sortir de l'ornière, ils ont été capables de mettre de côté leur parcours personnel pour servir l'intérêt commun. Qui aujourd'hui a cette capacité ou cette ambition ? "Ce qui est nouveau, c'est qu'aujourd'hui on ne voit pas de figure ayant la stature d'un homme d'Etat, capable de prendre des décisions courageuses, de les imposer à son propre camp, afin de mettre un terme à ce conflit sanglant. Netanyahou est un misérable politicard magouilleur et menteur qui n'a pas hésité à tenter de trafiquer la Constitution de son pays pour échapper à la prison. Mahmoud Abbas n'a de chef de l'Autorité palestinienne que le nom, discrédité par la corruption et les compromissions. Pas l'ombre d'un homme d'Etat à l'horizon, pour deux peuples qui revendiquent pourtant d'être un Etat ou d'en avoir un." Ceux qui mènent le jeu sont les extrémistes. "Que nous reste-t-il sur les bras ? Des milices islamistes comme le Hamas, ou des colons juifs suprémacistes dans les territoires occupés, qui ont pour point commun d'être hors de contrôle". Personne n'est en mesure de les arrêter. D'autant qu'ils sont au pouvoir des deux côtés. L'extrême droite israélienne est représentée - et très active - dans le gouvernement de Netanyahou. Et le Hamas, qui tenait d'une main de fer la bande de Gaza et est à l'origine de cette guerre-ci, semble redevenir un mouvement héroïque aux yeux d'une partie de la population palestinienne. "Ce conflit est depuis longtemps pris en otage par des extrémistes que nul ne semble capable de mettre hors d'état de nuire. Un conflit qui ressemble de moins en moins à une guerre entre un Etat et une Autorité, mais de plus en plus à une guérilla entre factions, entre milices, dirigées par des chefs de guerre qui n'obéissent plus à quiconque." 

Jean-Pierre Filiu, professeur des Universités à Sciences Po, évoque une hypothèse "par défaut" (3) : "il s’agirait de la libération de Marwan Barghouti, détenu depuis 2002 en Israël où il est condamné à cinq peines de prison à perpétuité pour terrorisme". En 2011, quand il avait accepté de libérer 1.027 prisonniers palestiniens en échange d'un militaire franco-israélien détenu par le Hamas, Netanyahou avait refusé que Barghouti en soit. Par contre, il avait autorisé la libération de Yahya Sinouar, l’actuel chef du Hamas à Gaza, très impliqué dans les massacres du 7 octobre. Selon Jean-Pierre Filiu, "Barghouti est aujourd’hui la personnalité la plus populaire dans l’opinion palestinienne, où ce sexagénaire incarne, face à l’octogénaire Abbas, une nouvelle génération du Fatah et de l’Organisation de libération de la Palestine". Il rappelle que Barghouti, élu député du Fatah à Ramallah en 1996, s’était mobilisé contre les abus au sein de l’Autorité palestinienne et qu'en 2002, pendant la deuxième Intifada, il avait rappelé son engagement en faveur de la « coexistence pacifique » entre Israël et la Palestine, et avait condamné les attentats contre les civils en Israël. En 2006, il avait, depuis sa cellule, contribué à l’élaboration du « document des prisonniers » sur l’établissement d’un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza, document qu'avaient endossé le Hamas et le Djihad islamique. "La popularité de Barghouti, aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie, représente sans doute le seul barrage à la montée en puissance du Hamas, sur fond d’escalade sans fin de la violence. Sa libération et sa promotion susciteraient à l’évidence de très fortes oppositions en Israël comme au sein de l’AP. Cette hypothèse mérite néanmoins d’être étudiée, ne serait-ce que pour ne pas céder à la fatalité de la guerre et de la mort."

Elie Barnavi, historien et ancien ambassadeur israélien à Paris, est convaincu que la négociation autour d'un État palestinien reste la solution la plus appropriée, mais qu'il faudra qu'elle soit imposée de l'extérieur.  "C'est la seule possibilité de sortir par le haut de cette tragédie. La "beauté" de cette nouvelle situation si j'ose dire, c'est qu'on a moins besoin des interlocuteurs locaux : je plaide depuis des années pour une solution imposée. Peu importe qui négociera pour les deux parties, il faudra qu'ils le fassent parce que ça aura été imposé par la coalition internationale".

(1) Philippe Lançon, "Le supplice des Pals", Charlie Hebdo, 1.11.2023.
(2) Riss, "Cherche homme d'Etat et plus si affinités", Charlie Hebdo, 22.11.2023.
(3) https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2023/11/12/le-jour-d-apres-a-gaza_6199614_6116995.html

dimanche 3 décembre 2023

Inconfortable

Sortir de sa zone de confort, voilà une expression à la mode depuis quelques années. Elle est même souvent injonction. Il faut sortir de sa zone de confort. Pourquoi ? Allez savoir, pour changer ses habitudes, pour faire des choses qu'on n'a jamais faites, pour suivre l'air du temps.

Une enseignante française retraitée avait décidé, dit-elle, de sortir de sa zone de confort en embarquant pour trois ans de croisière sur un monstre des mers. C'est la compagnie turque Miray Cruises qui proposait à ses clients d'embarquer ainsi autour du globe pour  210.000 kilomètres de traversée, 382 escales, près de 140 pays visités, le tout pour 36.000 euros par an. Elle laissait même entendre que les voyageurs pourraient poursuivre l'aventure ad vitam æternam. Comme les autres croisiéristes, l'ex-enseignante a vendu sa maison et tout laissé derrière elle pour aller attendre le bateau dans le port d'Istanbul. Elle attendra longtemps. L'agence de voyage a annulé en dernière minute cette croisière de luxe, faute.. de bateau. Et voilà les croisiéristes sans domicile. Totalement sortis de leur zone de confort. On voit par là qu'il faut se méfier de l'air du temps. Surtout quand il souffle à rebrousse-poil de la raison qui nous encourage plutôt à faire des économies d'énergie tout en restant dans notre zone de confort.

vendredi 1 décembre 2023

Le parti du patriarcat

Les Verts, belges comme français, sont plus verts que jamais. Au vert de la nature ils ont ajouté celui de l'islam. Depuis longtemps (1), on les voyait soutenir les revendications des musulmans les plus conquérants, les plus radicaux. A Anderlecht, en région bruxelloise, ils veulent autoriser le port du voile dans l'administration, au nom de la lutte contre les discriminations (2). Y a-t-il vêtement plus discriminant que ce voile qui est signe de soumission des femmes ? Qu'ils en parlent avec les femmes iraniennes, afghanes, saoudiennes, pakistanaises, avec toutes ces femmes qui sont contraintes de se voiler dès qu'elles sont en public. Et qui risquent la prison, le viol, la torture, la mort, si elles ne se soumettent pas. Le voile est la marque de l'impureté et de la soumission féminines. Qui prétend le contraire (se) ment. Lisez, relisez les témoignages, les livres, les cris et les écrits de toutes ces femmes qui ont fui - si elles l'ont pu - ces pays dominés par l'islam où elles étaient ou sont encore empêchées de vivre : Abnousse Shalmani, Djemila Benhabib, Chadortt Djavann, Naëm Bestandji, Taslima Nasreen, Narges Mohammadi, Nasrin Sotoudeh et tant d'autres, mais aussi des hommes tels que Omar Youssef Souleiman. (3). Défendre le voile, c'est cracher à la mémoire de Mahsa Amini, jeune iranienne assassinée pour un voile mal ajusté. Défendre le voile, c'est obéir aux Frères musulmans dont l'objectif est d'imposer l'islam et ses lois (leurs lois) rigoristes partout où vivent des musulmans. 

Avec de telles positions, Ecolo se range du côté de l'obscurantisme et soutient le patriarcat le plus réactionnaire. Le féminisme fondateur d'Ecolo est piétiné au profit de positions misogynes pour des raisons de clientélisme. Ecolo a perdu la raison (sauf celle-là). La France prétendument insoumise est dans le même cas, soumise aux électeurs qu'elle drague et qu'importe le sort des femmes.
"L’obsession communautariste d’Ecolo détruit méthodiquement notre modèle universaliste de société et crée une autoroute à l’extrême droite et aux islamistes. Il est temps d’arrêter cette folie qui disloque et antagonise les populations de notre pays", vient d'écrire le député Les Engagés Georges Dallemagne. 

J'ai été parlementaire Ecolo il y a vingt ans. Je l'ai été fièrement. Aujourd'hui, je ne voterai pas pour ce parti rétrograde qu'est devenu Ecolo.
Rallumez la lumière !

(1) https://moeursethumeurs.blogspot.com/2019/05/fache-tres.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2021/06/le-voile-en-face.html
(2) https://www.lalibre.be/belgique/2023/11/30/a-anderlecht-alors-que-la-commune-se-dechire-sur-le-port-du-voile-ecolo-propose-un-ultime-compromis-on-na-pas-envie-de-faire-peter-la-majorite-YM2EHXJT3BE7NJYYVSHRCTQMQY/
(3) https://moeursethumeurs.blogspot.com/2018/07/djemila-benhabib.htm
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2022/01/le-soft-power-de-lislamisme.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2021/11/leurope-du-sexisme.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2022/05/talibans-et-bonnes-ames.html