samedi 30 janvier 2021

Incroyable mais vrai

Le rationalisme et la science sont dépassés. Pour être de son temps, il faut non pas connaître et comprendre, mais croire. Surtout ce que les autres ne croient pas. C'est à cela qu'on sait appartient aux esprits supérieurs, ceux à qui on ne la fait pas, ceux qui ont tout compris quand les gogos suivent encore grégairement les informations de cette presse aux ordres de son gouvernement.

Aujourd'hui, quantité de théories du complot se répandent aussi facilement qu'un vulgaire coronavirus. Au point qu'a été créé en France un Observatoire du conspirationnisme. Il y a quelques mois, un pseudo documentaire intitulé Hold Up a fait sur Internet ce qu'on appelle maintenant un buzz. Il entend démontrer que la Covid-19 est une invention, une manipulation des médias et des politiques. Il donne "une grille de lecture simple, pour ne pas dire simpliste, de la situation complexe et difficile que nous traversons", estime Tristan Mendès France, membre de cet Observatoire (1). D'habitude, ce genre de délire reste cantonné aux marges d'Internet, explique-t-il: "réseaux complotistes, extrême droite, une partie des Gilets jaunes", mais celui-ci atteint aujourd'hui plusieurs millions de vues. "Il utilise plusieurs champs narratifs et contradictoires, où chacun peut se projeter et trouver ce qu'il cherche à entendre." Hold Up met en doute la gravité du coronavirus tout en affirmant qu'il a été inventé pour exterminer des millions de personnes. Comprenne qui pourra, pourrait-on dire. Mais ici, il ne s'agit pas de comprendre, il s'agit juste de croire. De croire ce à quoi on a envie de croire, justement parce que ce n'est pas crédible. 

On n'est plus dans le champ de la raison, mais dans celui de l'émotion où le moindre détail est interprété comme un signe qui vient renforcer la croyance. Les réseaux (anti)sociaux sont les grands vecteurs de ces théories délirantes, qu'elles touchent à la réalité et à la dangerosité de la Covid-19, à l'appartenance des Démocrates américains à un vaste réseau de pédophilie, aux commanditaires des attentats du 11 septembre 2001 ou à tant d'autres fables. Dès le premier confinement, affirme Tristan Mendès France, la propagation des théories du complot a bondi. Beaucoup de personnes, délaissant les médias traditionnels qu'ils ne consultent plus jamais, ont cherché sur Internet des réponses à leurs questions. Et à leurs questions légitimes - la situation est inédite - ils ont préféré les réponses les plus éloignées de la réalité. Plutôt faire confiance aux amateurs qu'aux professionnels de l'information. Et surtout aux gens qu'ils connaissent ou ont appris à connaître parce qu'ils pensent comme eux. "C'est ce qu'on appelle le dark social, l'un des vecteurs de propagation les plus dangereux et préoccupants. La majorité de la population américaine s'informe aujourd'hui sur les réseaux sociaux, et 40 % en France."

Pas simple de lutter contre ces fumisteries. Plus la presse s'échine à démonter les théories du complot, plus les complotistes y voient la preuve que celles-ci sont une réalité qui fait peur au système. Des couples, des familles se déchirent parce que certains de leurs membres ne sont plus raisonnables, persuadés d'être du côté de la Vérité, d'être les seuls à être clairvoyants, et tentent de convaincre à toute force leurs proches que ce sont ces derniers qui sont dans l'erreur. 

Les enseignants, eux, sont de plus en plus confrontés à des élèves qui remettent en question les théories scientifiques pour les remplacer par des explications religieuses. Les histoires plutôt que l'Histoire, le créationnisme plutôt que le darwinisme, l'obscurantisme plutôt que les Lumières, la croyance plutôt que le savoir. Chacun entend choisir sa vérité. C'est à ne pas croire.

(1) Richard Sénéjoux, "Le virus du complot", Télérama, 2.12.2020.


jeudi 21 janvier 2021

Le grand purificateur

Est-ce une machine ou un homme? C'est une kalashnikov vocale. Geoffroy de Lagasnerie, sociologue et philosophe, était fin septembre 2020 l'invité de la matinale de France Inter. (1) On a du mal à le suivre, tant il parle à une vitesse excessive, nous écrasant de sa logorrhée et de ses petits rires satisfaits. On a du mal à le suivre tant il est dans le mépris de ceux qui ne pensent pas comme lui, qui ne sont pas, comme lui, du côté de ce qui est juste et de ce qui est pur. Mais veut-il être écouté, lui qui dit refuser le débat? Il semble vouloir juste imposer sa vérité. Sait-il que les gens méprisants sont méprisables?

"Le respect de la loi n'est pas une catégorie pertinente pour moi", répond-il à Léa Salamé qui lui demande quelle société nous aurions si chacun définissait lui-même la loi. "La question, c'est la justice et la pureté", affirme-t-il. On frémit, l'Histoire nous a montré que derrière la notion de pureté, il y a celle d'épuration. Il faut produire des actions qui lèvent les systèmes de persécution, dit-il, vous produisez alors une action qui est juste et qui est pure. "Si vous prenez des mesures qui renforcent l'exposition des corps à la persécution, alors vous êtes impur et vous êtes injuste.", affirme-t-il péremptoire . "Mais qui décide ce qui est juste et injuste?", lui demande la journaliste. "C'est objectif, tout le monde le sait", répond le gardien de la pureté et de l'objectivité. Ce qui est objectif, c'est ce qu'il pense, lui. "Il faut tenter d'influencer les cerveaux de celles et ceux qui dans quelques années accèderont aux positions de pouvoir", écrit cet enseignant dans un ouvrage que les éditions Fayard ont trouvé bon - allez savoir pourquoi - de publier. Croyant sans doute au destin et à l'inéluctable (il n'est pas à une contradiction près), il pense que "les gens qui sont de droite à vingt ans sont perdus". Il vise ceux qui ont "des cerveaux malléables". Mais n'allez pas croire qu'il veuille les manipuler, il veut juste "les démanipuler". Ses étudiants savent-ils qu'ils suivent les cours d'un manipulateur qui ne s'assume pas?

S'il a la bonté de venir partager sur France Inter ses théories fumeuses et inquiétantes, c'est parce qu'une conférence qu'il devait donner le soir même dans une université de Rennes a été annulée à cause du coronavirus, mais il le fait dit-il, "de façon cynique" parce que de toute façon "les médias ne sont pas un lieu de transformation sociale". Il défend la violence: "moi, je me bats contre la catégorie de non-violence, il n'existe pas de non-violence dans un monde d'antagonismes". Lui-même assume son intolérance que dénonce un auditeur: "le but de la gauche, c'est de produire des fractures et des gens intolérables et des débats intolérables dans le monde social. Je suis contre le paradigme du débat et de la discussion. Il faut reproduire un certain nombre de censures dans l'espace public pour produire un espace où les opinions justes prennent le pouvoir sur les opinions injustes". Il estime que la gauche doit "mépriser les opinions de droite". Il faut renvoyer les gens de droite et d'extrême droite à leur insignifiance, dit-il. "Je parle à mon public". On entend résonner la voix de Trump. Il dit souvent "tout le monde sait que..." tant il semble convaincu que tout le monde pense comme lui. Quand Léa Salamé lui demande de préciser qui est ce on auquel il se réfère sans cesse, il répond que "c'est un on auto-référentiel. C'est très très facile: tous les gens qui sont de mon côté vont tout de suite le sentir."

C'est ce même Lagasnerie qu'a épinglé l'hebdomadaire Marianne dans deux articles différents dans un numéro de mi-octobre 2020. D’abord dans un dossier sur « ces autres séparatismes qui nous mènent à la guerre civile ». « A quand les camps de rééducation? », demande le journaliste effrayé par ses propos sur la justice et la pureté. Ensuite dans un billet de Guy Konopnicki titré « L’effroi de l’ânerie ». « L’ouvrage est proprement confondant, écrit-il, tant il accumule les âneries les plus éculées sur l’art de donner un débouché politique aux mouvements contradictoires, dont le seul point commun est de s’opposer à quelque chose. » (…) « N’ayant guère d’idées nouvelles à imposer, il soutient tout ce qui interdit l’expression des anciennes. » (…) « Peu importe ce que l’on conteste, l’essentiel étant d’en interdire l’expression. Mais il faut croire que c’est une vieillerie que de vouloir donner un but à la politique, d’imaginer un projet de société, de concevoir des programmes. Le grand objectif révolutionnaire est d’acquérir la puissance politique en noyant la raison dans un lac d’âneries. »

On se le demande: pourquoi France Inter a-t-elle invité ce personnage qui crache sur les médias?  Pourquoi les éditions Fayard ont-elles édité ce petit-fils de Pol Pot et de Milosevic? Et pourquoi aujourd'hui Etopia, centre de recherches en écologie politique, lié au parti Ecolo, invite-t-il à ses rencontres prospectives celui qui préfère la censure et la pureté au débat et à la loi? 

(1) https://www.youtube.com/watch?v=5VVCrFhJ9vk

mardi 19 janvier 2021

Djemila Benhabib et les islamistes

A l'occasion d'échanges épisto(mé)laires avec un ami à propos de l'islamisme, j'ai retrouvé ma transcription d'extraits du livre de la journaliste Djemila Benhabib, "Ma vie à contre-Coran - une femme témoigne sur les islamistes," publié en 2009. Je l'avais gardée en brouillon. 
Djemila Benhabib et sa famille ont fui l'Algérie dans les années '90, quand elle était mise à feu et à sang par les islamistes. La famille a été accueillie au Québec.
A l'heure où le terrorisme islamiste s'est à nouveau manifesté par chez nous, sans avoir jamais cessé de le faire en Afrique et en Asie, ce point de vue de quelqu'un qui l'a vécu de près et qui en parle avec fermeté, garde tout son intérêt, même douze ans plus tard.  

"Une des conditions de sa mise en échec (de l'islamisme) se trouve dans la marginalisation du système communautaire, vivier de l'intégrisme, et l'adhésion à un système citoyen qui met en avant l'intérêt général et le bien commun." (p. 60)

"Qu'ils prient chez eux! Pourquoi nous demandent-ils de transformer le monde en salle de prière à ciel ouvert pour esclaves aliénés? Au Québec, ils ont même transformé une cabane à sucre, lieu de fête par excellence, en sordide kermesse de névrosés." (p. 124)

"Le contrat a été rompu, comme le sont tous les contrats avec les islamistes. Il n'y a pas d'entente possible entre les fous d'Allah et nous." (p. 125)

"Pourquoi Allah a-t-il besoin que les hommes s'agenouillent et s'aplatissent le front contre le sol? Quel est cet Allah du règne de la servitude? Quel est cet Allah de la contrainte, de la colère, de la jalousie et de la dictature? Quel est cet Allah assoiffé de sang et de sacrifices? Quel est cet Allah qui enferme les enfants dans un système sclérosé et infâme? Quel est cet Allah qui donne aux uns le droit de commander aux autres? Cet Allah ne m'est guère sympathique." (p. 125)

"Le Coran reconnaissait la prééminence des hommes sur les femmes et leur autorité sur elles. Il proclamait que le témoignage de deux femmes équivalait à celui d'un homme, préconisait deux parts d'héritage pour l'homme contre une part pour la femme. Le Coran permettait à l'homme de corriger sa femme et cette dernière lui devait obéissance. On nous parlait de justice et de leur statut exceptionnel, je ne voyais autour de moi que des injustices et des violences. Je ne voulais rien savoir de cet Allah qui n'affichait que mépris et arrogance à l'égard des femmes." (p. 143)

"Il faut qu'on arrête de dire qu'ils (les islamistes) sont des exclus ou des victimes du système. Quand bien même le seraient-ils, est-ce que cela justifie leur barbarie? Ce sont les fossoyeurs de l'Algérie. Les assassins de l'humanité. Ils ne seront jamais les plus forts. Jamais les vainqueurs. En Algérie, les islamistes ne se sont pas contentés de tuer. Ils ont torturé bestialement: arraché des orteils, des dents, des ongles, crevé des yeux, fracassé des côtes, asséné des coups de poignard, violé, égorgé, décapité." (p. 175)

"La plupart des pays européens, et la France en particulier, interprétaient la Convention de Genève de telle sorte que ce sont les islamistes qui obtenaient l'asile politique. Seuls les demandeurs persécutés par un Etat ont été reconnus en tant que réfugiés. La réponse de l'Etat algérien au terrorisme islamiste était considéré comme une persécution. L'Occident a lâché les démocrates algériens, les abandonnant à leur terrible sort, et a permis à bien des islamistes de se réfugier sur son territoire. (...)
Qu'espéraient ces pays occidentaux? Prendre le FIS par la main et le conduire au pouvoir? Que voulaient-ils faire de l'Algérie? Un pays de barbares? L'expérience iranienne ne suffisait-elle pas à les convaincre du cataclysme que serait un Etat islamique? Fallait-il encore plus de victimes, plus de morts, plus de sang, plus de destructions? Fallait-il que l'islamisme leur éclate en pleine face pour qu'enfin ils réagissent?" (pp. 202-203)

"Ce que nous avions fui nous rattrapait-il (en France)? Ce que nous redoutions le plus était-il en train de s'orchestrer à nouveau sous nos yeux pour embrigader les populations maghrébines dans le communautarisme et l'intégrisme? Etions-nous en train de vivre dare-dare l'expérience algérienne sous un angle différent mais non moins terrifiant?" (p. 205)

"L'islamisation passe par le contrôle des filles, sous surveillance du frère, du père, du cousin ou du voisin. La cité devient une extension  du village natal des parents ou pire encore. Le tribunal communautaire s'est élargi. A la difficulté compréhensible pour les filles de se plaindre contre leur famille s'ajoute la volonté de sauver leur peau. Car les filles sont victimes de violences régulières de la part de leurs frères auxquelles assistent, impuissantes, leurs mères." (...)
"Ces femmes islamistes, il ne faut pas les prendre pour des enfants de chœur. Moi, je le dis de manière peut-être très brutale: comme je ne suis pas pote avec les Marine le Pen, je ne suis pas pote avec les femmes islamistes. Je suis contre tous les foulards, qu'ils soient portés à Téhéran, Kaboul, Alger, La Courneuve, Lille ou Marseille, qu'ils recouvrent une partie du corps ou totalement, car les foulards du monde entier expriment une même chose: la soumission forcée des femmes à un programme d'oppression." (p. 214)

"Cet apprentissage du foulard se fait sous la pression de l'entourage, pour amener la fillette à revendiquer son foulard vers 14 ans, en affrontant ses professeurs et en clamant c'est mon choix. Cette recherche ethnico-identitaire des adolescentes se fait sur le dos des femmes et il se trouve de ses défenseurs pour crier au racisme." (p. 215)

"Rima Elkouri, dans La Presse, a rapporté les propos diffusés sur le site Internet d'une association islamiste qui a pignon sur rue: Mets un voile, sinon tu pourrais être violée. C'est ce que l'on recevait comme message tout récemment sur le site Internet du Centre communautaire musulman de Montréal, sous une rubrique visant à informer l'internaute non voilée des supposés dangers liés à sa condition. Ne pas porter le hijab peut entraîner des cas de divorce, d'adultère, de viols et d'enfants illégitimes", disait l'avertissement pour le moins ahurissant. On y disait aussi que celle qui enlève son voile voit sa "foi détruite", adopte un "comportement indécent" et sera punie "en enfer". On y traitait aussi la femme occidentale de "prostituée non payée"." (p. 238)

"Un reportage de la CBC diffusé en mars 2007 et intitulé Who Speaks for Islam? montrait l'intimidation dont sont victimes des musulmans canadiens qui essaient de parler au nom d'un islam modéré, pluraliste et séculier. Des gens qui ont quitté des pays où la liberté d'expression n'était qu'une chimère font l'objet de pressions éhontées au Canada au sein de leur communauté. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est l'impunité dont jouissent les radicaux qui revendiquent la liberté d'expression pour justifier leurs campagnes d'intimidation." (p. 240)

"L'islamisme politique prend racine partout où il peut, y compris au Canada, pour imposer ses diktats aux communautés musulmanes et faire fléchir l'Etat. C'est à travers des revendications aussi saugrenues que farfelues que les fous d'Allah islamisent les sociétés. Que n'ai-je entendu depuis quelques années dans ce pays? Des tribunaux islamiques au port du voile, à la séparation des sexes, des salles de prière dans les universités et les établissements scolaires à la dispense de certains cours, du port du voile pendant les compétitions sportives au refus de certaines femmes de se faire examiner par un médecin de sexe masculin alors que nous manquons horriblement de médecins, en passant par les cours prénataux réservés aux femmes et les cantines scolaires qui deviennent la cible de parents fous et excessifs." (p. 243)

"La politique de la main tendue aux islamistes est la pire des politiques. A vrai dire, le compromis ne les satisfait jamais et c'est là le véritable danger. Je connais trop bien les manœuvres des islamistes. Je sais quelles sont leurs motivations. L'objectif ultime des islamistes, c'est l'islamisation de la société et la prise de pouvoir." (p. 250)

"On se rend bien compte que cette approche (les accommodements raisonnables) ne marche pas. Si l'on observe, par exemple au Québec, le cheminement des juifs hassidiques, leur cas est fort révélateur. Bien que cette communauté ait bénéficié de plusieurs accommodements, depuis des dizaines d'années, elle continue à vivre en marge de la société. Cela montre bien que la politique des accommodements, lorsqu'elle sert des fondamentalistes, ne favorise pas l'intégration. Bien au contraire, elle renforce les communautarismes. Dans le cas des hassidiques, qu'a-t-on obtenu jusqu'ici? Rien de vraiment encourageant. On fabrique au cœur même de notre société des individus communautarisés qui ne mangent que la nourriture de leur clan, qui ne se marient que dans leur clan et qui n'étudient que ce que leur clan leur permet d'étudier. Le pire, c'est la reproduction de ce système de génération en génération. Jusqu'à quand? L'apprentissage de la vie en collectivité passe justement par l'acceptation de l'idée que les citoyens, quelles que soient leurs origines, doivent interagir pour créer des ponts et les consolider. Lorsque les croyances religieuses deviennent des barrières au vivre-ensemble, doit-on s'en accommoder?" (p. 251)

Les islamistes réclament ces accommodements au nom de la liberté individuelle.
"S'ils étaient les champions des libertés individuelles, ils n'auraient aucun mal à reconnaître la liberté de conscience, la liberté de pensée, la liberté d'expression, la liberté d'opinion et la liberté de la presse. Or, ils cherchent à imposer leur vision du monde aux artistes, aux écrivains, aux cinéastes, aux dramaturges, aux caricaturistes et aux journalistes." (p. 252)

Hassan Butt, ancien djihadiste: "en faisant porter au gouvernement la responsabilité de nos actes, ceux qui défendaient la théorie des bombes de Blair se chargeaient de notre propagande à notre place. Surtout, ils empêchaient toute analyse critique du véritable moteur de notre violence: la théologie islamique." (p. 254)

"Des politiciens entretiennent des relations ambiguës, sinon louches, avec des prédicateurs islamistes, qui se sont autoproclamés leaders, imams, représentants, médiateurs ou porte-parole musulmans. En les considérant comme des interlocuteurs valables, ces politiciens leur offrent une légitimité qu'ils n'ont pas et ces derniers finissent par se poser en acteurs incontournables dans leurs propres communautés." (p. 266)
"Si nos politiciens connaissaient réellement la grande richesse et la diversité des citoyens de foi et de culture musulmanes, ils seraient surpris de l'impopularité de ces imposteurs communautaires. Ce ne sont que des escrocs, des charlatans, des menteurs, des manipulateurs, des hypocrites. Rien d'autre." (p. 267)

Djemila Benhabib, "Ma vie à contre-Coran - une femme témoigne sur les islamistes," vlb éditeur, Québec, 2009.

A (re)lire sur ce blog à propos de D. Benhabib:
"Le Club international des sangliers", 25.1.2016;
 "La Danse des 7 voiles", 22.4.2016;
" Rien à voir", 25.9.2016;
"Mauvaise foi", 28.5.2018;
"Cette gauche qui n'aime pas les femmes", 3.8.2018.

samedi 16 janvier 2021

Etouffement volontaire

Les (derniers) négationnistes du réchauffement climatique tiennent un nouvel argument: la neige tombée en abondance à Madrid leur donne raison. La capitale espagnole n'avait pas connu un tel épisode depuis cinquante ans.
Sauf que l'année 2020 a été l'une des plus chaudes qu'ait connues la planète, au coude-à-coude avec 2016 et 2019, d'après un bilan définitif de l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Et l'épisode 2020 de la Nina, qui a provoqué un refroidissement du Pacifique équatorial, diminué la température globale de la planète et limité la chaleur en fin d’année, n'a pas réussi à inverser la tendance. Pas plus que le ralentissement économique dû au coronavirus n'a pu freiner l'augmentation de la concentration de CO2. "Depuis les années 1980, chaque décennie a été plus chaude que la précédente, affirme le secrétaire général de l'OMM, Petteri Taalas. Les gaz à effet de serre qui piègent la chaleur dans l’atmosphère restent à des niveaux record et la longue durée de vie du dioxyde de carbone, le gaz le plus important, engage la planète dans un réchauffement futur." Les dix dernières années sont aussi les dix plus chaudes enregistrées dans les océans, qui absorbent 93 % de l’énergie excédentaire attribuable au réchauffement planétaire. 

2020 a été largement l'année la plus chaude en Europe, avec 0,4 °C au-dessus de 2019, et plus de 2,2 °C au-dessus de la période préindustrielle (1850-1900). Elle a également marqué un record de températures en France depuis le début des mesures en 1900, indique Le Monde. A l’échelle mondiale, la température moyenne en 2020 était d’environ 14,9 °C, soit 1,2 °C de plus que le niveau préindustriel. En Arctique, les températures ont été supérieures de plus de 5 °C à la moyenne. D'où une saison d'incendies inédite et la disparition accélérée de la banquise arctique. Elle a atteint en septembre sa deuxième superficie la plus basse jamais enregistrée. A cette hausse mondiale des températures, s'ajoutent une accélération de l’élévation du niveau des mers, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, de graves inondations en l’Afrique de l’Est, au Sahel, en Asie du Sud, en Chine et au Vietnam, d'importantes sécheresses en Amérique du Sud, des incendies aux Etats-Unis, au Brésil et en Sibérie et une saison cyclonique record dans l’Atlantique Nord. 

On voit par là que la planète souffre et qu'elle va devenir peu à peu - ou rapidement - inhabitable. "L’humanité est au bord du précipice climatique s'alarme, une fois encore, le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Cette crise aura des conséquences pour l’humanité et pour les écosystèmes bien plus graves que celles du Covid-19. On se demande ce qu'il faut pour que la situation soit enfin traitée avec l’urgence qu’elle mérite." Les habitants des vallées du Gange et de l'Indus, sont parmi d'autres, durement touchés par ces bouleversements extrêmement rapides et personne, nulle part, ne sera à l'abri. "A la fin du siècle, dans un scénario d’inaction contre le dérèglement climatique, près des deux tiers de la population européenne pourraient être affectés chaque année par des événements climatiques extrêmes, contre 5 % sur la période de référence 1981-2010. Le nombre moyen de décès annuels dus à des extrêmes climatiques en Europe pourrait passer de 3.000 aujourd’hui à environ 100.000 au milieu du siècle et 150.000 vers 2100, principalement à cause des vagues de chaleur." Les solutions, selon lui, à mettre en œuvre en urgence: sortir complètement des énergies fossiles, réduire notre consommation d’énergie, développer massivement les énergies renouvelables, stopper la déforestation, replanter sans affecter la biodiversité, réduire fortement les émissions des autres gaz à effet de serre, réorienter les flux financiers. Tout en sachant que, "si on arrêtait brutalement toutes les émissions d’origine humaine, il faudrait attendre la  fin du siècle pour commencer à observer une température inférieure à celle d’aujourd’hui, à cause de l’inertie du système climatique et de l’effet des émissions passées".

Peut-on être optimiste par rapport à notre avenir? On peut craindre le pire. L'Homme semble trop frileux pour prendre des mesures qui lui éviteront de mourir de chaleur.

D'après "2020, l'une des trois années les plus chaudes", Audrey Garric, Le Monde, 15.1.2021 et  "Il faut arrêter cette machine infernale du réchauffement", propos recueillis par Audrey Garric, Le Monde, 15.1.2021.


mercredi 13 janvier 2021

Jusqu'au bout

Nuire jusqu'au bout. Ubu Trump s'en est fait une mission. Il est d'usage aux Etats-Unis de ne pas exécuter de condamnés à mort pendant la période de passation de pouvoir. Dès lors, lui se fait un devoir d'en faire tuer un maximum. Deux exécutions sont prévues cette semaine par l'administration fédérale, après les dix qu'on dénombre depuis juillet. C'est du jamais vu depuis cent vingt-deux ans, "sans précédent dans l'histoire de l'Amérique moderne", affirme Robert Dunham, directeur du Centre d'information sur la peine de mort: dix exécutions fédérales en cinq mois alors qu'il y en a eu sept dans l'ensemble des cinquante Etats américains durant toute l'année 2020. Voilà dix-sept ans que l'administration fédérale n'avait plus fait procéder à des exécutions. "C'est la première fois dans l'histoire des Etats-Unis que le gouvernement fédéral a exécuté plus de civils que tous les Etats confondus." Les Etats ont d'ailleurs suspendu toutes les exécutions depuis le début de la pandémie. Au cours d'une exécution fédérale, huit personnes ont été infectées par le coronavirus. Mais peu importe, la machine infernale est en marche et doit tuer un maximum de condamnés avant la prise de fonction de Biden. Car lui veut mettre fin aux exécutions fédérales et même supprimer la peine de mort au niveau fédéral.

Les seuls qui ont droit à la grâce présidentielle sont les amis de Trump condamnés pour malversations ou autres délits. Plus que sept jours.


https://www.arte.tv/fr/videos/100514-008-A/arte-journal/

vendredi 8 janvier 2021

Derrière le masque

Depuis bientôt un an, nous avons pris - même si c'est difficilement - l'habitude de porter un masque en public. Un masque comme un uniforme. Parfois nous ne nous reconnaissons plus les uns les autres. Sommes-nous des acteurs dans un grand jeu qui cherche à nous anonymiser quand dans le même temps nous sommes sous le contrôle de logiciels de reconnaissance faciale? Parfois, nous avons l'impression de nous fondre dans un chœur comme à l'opéra, semblables et différents à la fois, mais distants désormais. Quel rôle jouons-nous dans cette société de l'évitement qu'est devenue la nôtre?

En 2008, Nancy Huston écrivait "L'Espèce fabulatrice".  Nous sommes tous faits de fictions, dit-elle. "L'identité nous vient des histoires, récits, fictions diverses qui nous sont inculqués au cours de notre prime jeunesse. On y croit, on y tient, on s'y cramponne."

On trouve dans cet ouvrage les lignes suivantes qui résonnent autant avec l'aspect physique que nous sommes tenus d'adopter aujourd'hui qu'avec l'enfermement dans une identité unique que revendiquent certains:

"Si les fictions avec personnages sont omniprésentes dans notre espèce, c'est que nous sommes nous-mêmes les personnages de notre vie - et avons besoin, à la différence des chimpanzés, d'apprendre notre rôle."

"Personnage et personne viennent tous deux de persona: mot bien ancien (...) signifiant masque". 

"Un être humain, c'est quelqu'un qui porte un masque."

"Chaque personne est un personnage."

"La spécificité de notre espèce, c'est qu'elle passe sa vie à jouer sa vie."

"Les rôles qu'on nous propose seront plus ou moins divers, plus ou moins figés selon la société dans laquelle nous naissons. On nous montrera comment nous y prendre pour les jouer, on nous apprendra à imiter les modèles et à intégrer les récits les concernant."

"L'identité est construite grâce à l'identification. Le soi est tissé d'autres."

"Oui: nous avons tous besoin (comme le disait Beckett) de compagnie."

"Notre cerveau, même celui du philosophe rationaliste le plus misanthrope et monacal, grouille littéralement de la présence des autres." 

jeudi 7 janvier 2021

Ego Premier

Le (non-)président Trump est un mélange de Néron, d'Attila et de Père Ubu, un pyromane infatué qui préfère laisser derrière lui un pays en cendres que reconnaître sa défaite. Il n'aura présidé que sa propre ambition. L'homme qui se présente comme le négociateur le plus habile que la Terre ait jamais connu n'aura eu pour seule stratégie que celle du chaos. Lui qui affirme aujourd'hui-même avoir effectué "l'un des meilleurs premiers mandats présidentiels" démontre que les électeurs américains ont eu raison de lui préférer Joe Biden. Enfermé dans son ego, il ne s'informe que par Twitter, Facebook et Fox News de manière à n'entendre aucun avis différent du sien. Suffisant Ier n'a jamais été un président à la hauteur de sa tache, tous les gens un tant soit peu intelligents l'ont lâché petit à petit. Il n'est plus aujourd'hui que le gourou d'une meute d'abrutis, de cour des miracles fascistoïde, de complotistes fanatisés par ses soins. "Je suis le meilleur et après moi les mouches" est le credo d'un homme dont toute personne sensée savait, même avant son mandat, qu'il n'avait pas les dispositions psychiques pour l'aborder. Le parti républicain - et une partie de la presse, fascinée par ce personnage arrogant - porte là une lourde responsabilité, pour l'avoir choisi comme champion il y a plus de quatre ans. En 2016,  même si nombreux furent ceux qui déplorèrent son élection, personne ne l'a contestée. Aujourd'hui, il a sciemment entraîné ses fans à s'opposer physiquement aux résultats, pourtant incontestables, de l'élection de novembre. Voilà où mènent les théories conspirationnistes: au refus de la démocratie. 

"Voilà bien le plus inquiétant, estimait ce matin sur France Inter l'éditorialiste Thomas Legrand : hier nous avons vu, concrètement, un échantillon du résultat d’années de théories de la conspiration. Il ne s’agit donc plus, dans la démocratie américaine, pour l’instant, de débat d’opinion mais une confrontation de réalité, de vérités… c’était une journée presqu’emblématique de la maladie des démocraties représentatives ou libérales à travers le monde. Les démocraties (et la France subit aussi – en partie - ce phénomène) ne se fissurent plus sur des visions de l’avenir ou du monde mais sur la représentation de réalités différentes. Phénomène qui avait permis l’élection de Donald Trump et – dans cette dernière ligne droite - son enfermement dans un mensonge, un monde factuel parallèle. La puissance du mensonge, des théories du complot, aux Etats-Unis n’a plus comme conséquence de maintenir une partie de la population à la marge, en position de victime, Donald Trump leur a donné des raisons et des mots pour réclamer que leur vérité s’impose. Hannah Arendt le disait La liberté d’opinion est une farce si ce sont les faits eux-mêmes qui sont l’objet de débat. La notion de majorité ou de minorité (donc de démocratie) n’a plus de sens quand ce qui se débat ne sont plus les idées mais les faits. Ce poison menace toutes les démocraties représentatives et parlementaires. La pitoyable journée d’hier nous le rappelle tout simplement…" 

Au moment où les Etats-Unis basculent dans ce moment de folie furieuse, on entend le président brésilien Bolsonaro tenir ces propos ahurissants: "Le pays est en faillite, je ne peux rien faire" et reporter sur la presse et les gouverneurs la responsabilité de la propagation d'un coronavirus qu'il nie et d'un marasme économique. Voilà le vrai visage des populistes, leur irresponsabilité n'a d'égal que leur ego.

Père Ubu.- Corne physique, je suis à moitié mort! Mais c'est égal, je pars en guerre et je tuerai tout le monde. Gare à qui ne marchera pas droit! Ji lon mets dans ma poche avec torsion du nez et des dents et extraction de la langue. Alfred Jarry, "Ubu Roi".

Note: en France, la fille à papa Le Pen, au vu du scandale qu'ont provoqué les événements américains de la nuit dernière, s'est empressée de reconnaître avec deux mois de retard la victoire de Biden. Jusqu'alors, elle et son parti s'étaient rangés derrière leur ami populiste Donald Ier, roi des menteurs.