jeudi 31 décembre 2020

Une année à virus

Nous voilà enfin au bout de cette année 2020, espérant que la suivante sera moins prodigue en virus. On en a eu son compte. 

Il y a ce satané coronavirus qui nous oblige à nous tenir à distance les uns des autres et à limiter notre non verbal aux regards, qui nous empêche de passer du temps à plusieurs, de nous embrasser, de nous toucher, de nous serrer dans les bras et dans les bars. Ce même virus a fermé les lieux de culture, nous laissant sur notre faim, un peu plus frustrés encore.

Il y a ce virus djihadiste qu'on croyait assoupi et qui est revenu en force cette année, massacrant à tort et à travers, ici et ailleurs, des enseignants et des étudiants, des civils et des militaires, des femmes, des hommes et des enfants.

Il y a le virus de la pureté, du repli sur soi et de l'hystérie identitaire qui s'installe dans les têtes de certains et se répand en gazouillis rageurs comme un poison, faisant la chasse à qui ne pense pas comme il faudrait, interdisant des spectacles, des expos ou des conférences, imposant une vision du monde en noir et blanc.

Il y a ce virus qu'on appelle dérèglement climatique qui mène le monde à sa perte mais semble être aujourd'hui un moindre souci.

A quelque chose malheur étant bon, le coronavirus a créé de la solidarité entre voisins, a (un peu) diminué la production de CO2, a fait revenir la nature dans les agglomérations urbaines, a poussé plus de consommateurs encore vers le bio et les producteurs locaux et nous a obligés à être créatifs. 

N'empêche, qui regrettera 2020? Même pas Ubu Trump. 

A lire: https://www.lemonde.fr/m-le-mag/visuel/2020/12/31/ces-expressions-de-l-annee-2020-qu-on-aimerait-ne-plus-voir-en-2021_6064893_4500055.html


jeudi 24 décembre 2020

Propriété privée

Les accusations d'appropriation culturelle sont à la mode (1). Des mots, des noms, des pratiques culturelles, des coiffures, des musiques, des préparations culinaires sont désormais propriétés de tel ou tel groupe (parfois peu clairement déterminé) qui s'en proclame seul détenteur.  L'heure n'est plus au métissage ou au partage, mais à la chasse gardée. Des associations de défense amérindiennes manifestaient depuis plus de vingt ans contre l'équipe de base-ball de Cleveland nommée The Indians dont le logo représente une tête d'Indien avec une plume sur la tête.  "Nous ne sommes pas votre mascotte", s'indignent les Amérindiens qui y voient un signe de "racisme latent". L'équipe a abandonné le logo et annoncé qu'elle changera de nom en 2022. L'équipe de football américain The Washington Red Skins avait déjà décidé de changer de nom, sous pression des sponsors qui menaçaient de retirer leurs billes, ne voulant pas être accusés de soutenir des équipes qui donnent dans l'appropriation culturelle (2). Dans ces équipes jouent de très nombreux noirs (ou Afro-Américains ou Africains-Américains). On voit par là que contrairement à ce qu'affirment les décoloniaux ni l'appropriation culturelle, ni le racisme (ou supposé tel) ne sont uniquement le fait des Blancs. On peut toujours être (vu comme) le colon d'un autre. Doit-on s'attendre maintenant à ce que les Indiens (les vrais, d'Inde) manifestent contre les Amérindiens pour appropriation culturelle? Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté.

(1) (Re)lire sur ce blog "Mais tissons, métissons", 15.11.2020 et "Police de la langue", 8.12.2020.

(2) Emission "28 minutes" - Arte - 15.12.2020. 

samedi 19 décembre 2020

La culture contre la culture

Qui sont donc ces médiateurs culturels qui encouragent l'entre-soi, soutiennent de facto les censeurs et découragent le débat ? On les entend, on les lit, sans bien comprendre le gloubi-boulga dans lequel ils formulent leurs points de vue brumeux. 

Voilà qu'on découvre que Point Culture, ex-Médiathèque de la Communauté française de Belgique, soutient des ateliers "en non mixité choisie". Récemment, l'un d'eux, très critiqué,  organisé par l'association Imazi-Reine, était  réservé aux "femmes et personnes queers racisées". Sujet de l'atelier: « Pour une convergence des luttes non consensuelle. Entre antiracisme et misogynie, qu’en est-il de nos hommes ? ». On s'interroge - de l'extérieur, forcément: qu'est-ce qu'une convergence non consensuelle? Sans doute s'agit-il de se rapprocher sans vouloir être d’accord sur tout. Mais poser d’emblée qu’on ne veut pas de consensus apparaît pour le moins curieux. La dernière phrase de la présentation de cet atelier est remarquable: « Parce que l’inclusivité est vide de sens, elle est radicalement inclusive ». On a beau la relire tant et plus, on n'arrive pas à la comprendre. On regrette d'autant plus de n'avoir pu participer à l'atelier pour avoir une explication de texte. Mais on se le demande: cette phrase veut-elle vraiment dire quelque chose ou atteint-on là un sommet du pédantisme (ou de l'exclusivité)? Si on lit bien, l’inclusivité est inclusive et vide de sens. On est soit dans "1984", soit dans "Les Précieuses ridicules". Même si on sait qu'on tend là le bâton pour se faire traiter de blanc macho, on se demande s'il faut rire ou s'alarmer.

On le comprend, on se trouve ici dans la mouvance décoloniale, à la mode aujourd'hui, qui divise le monde en deux: les blancs et les non blancs. Etant entendu que les blancs sont les dominateurs, les non blancs les dominés. Que les uns sont racistes et les autres racisés. Que les blancs portent et porteront à jamais la marque infamante de l'esclavagisme dont ont été et restent victimes les autres, tous les autres. Ces antiracistes réinventent la notion de race, pour mieux la combattre, disent-ils. Les racisés sont tous les non blancs, ils souffrent tous, à des degrés divers, de racisme. Racisme qui est le fait des blancs et uniquement des blancs. Et tout blanc qui s'en défend prouve ainsi qu'il l'est. Il y a les bons et les méchants. Fin du débat. Le racisme est dans les gènes de tout Etat occidental qui s'avère, de plus, machiste, patriarcal, islamophobe et homophobe. L'Occident est coupable de tous les maux et les Occidentaux, qu'ils en soient conscients ou non, sont tous coupables d'être les héritiers d'esclavagistes et devront expier leur faute jusqu'à la fin des temps. De leur temps, du moins.

Cette absence de débat et ce manichéisme suscitent des réactions outrées. Auxquelles Point Culture a répondu par un communiqué dans lequel il se dit désolé. Désolé du ton des réactions et désolé d'avoir manqué de pédagogie. Car, bien sûr, l'ex-Médiathèque défend ces "réunions en non mixité choisie (ou safe space ou espace positif ) (qui) ont toujours été un outil d’émancipation important dans les diverses luttes pour les droits des minorités. Elles permettent par exemple aux participant·es de partir d’une expérience commune de la discrimination, sans être constamment obligées d’en rappeler les contours ou même d’en justifier la réalité. Elles ouvrent un espace où la parole et le vécu se partagent plus aisément qu’en présence de personnes assimilées, même inconsciemment, à la domination." Dans sa conclusion, Point Culture affirme que notre société a un besoin criant "de rencontres et de débats (...) et non de polémiques sur les réseaux sociaux". Si on comprend bien les explications, les personnes racisées, en se retrouvant entre elles, n’ont pas à justifier la réalité de leur vécu. Pas de débat donc. Elles sont dominées. La preuve, c'est qu'elles le disent. Et dans ces safe space, elles peuvent se conforter les unes les autres dans leur statut de victimes et se retrouver dans l’entre-soi parce que notre société a besoin de rencontres et d’échanges. Donc de débat. On voit par là que les contradictions ne manquent pas.

Ce qui est inquiétant, c'est de voir des institutions culturelles soutenir le mouvement décolonial au nom duquel nombre de racisés entendent régenter le monde culturel en décidant qui peut traiter de tel ou tel sujet et comment, empêchent physiquement des débats de se tenir (on a en a cité quelques exemples ici), censurent des expos et des spectacles (voir ici encore plusieurs billets), dénoncent ce qu'ils appellent islamophobie (idem). Les islamophobes étant en fait ceux qui ont l'outrecuidance de critiquer l'ingérence de l'islam dans les règles de la société. Les contempteurs de l'islamophobie soutiennent le voile et les dérives d’une religion très largement dominée par une culture machiste qui rabaisse sans cesse la femme. Mais accusent l'Occident d'être patriarcal. 

Les mêmes racisés qui reprochent aux blancs leur euro-centrisme ignorent sciemment ce qu'il se passe et s'est passé ailleurs sur la planète. Ils ne savent rien de la traite négrière islamo-musulmane, ne veulent pas voir le racisme qui sévit au Japon ou en Inde, ont déjà oublié les génocides rwandais et khmer, n'entendent pas les militants saharouis qui dénoncent "la colonisation du Sahara occidental par le Maroc", pas plus qu'ils n'entendent les footballeurs noirs qui se plaignent du racisme dont ils sont victimes en Chine. Ils ne voient pas la répression menée par l'Etat chinois contre les Ouïghours, population musulmane, "depuis la colonisation de la région par la Chine". C'est la présidente de l'Institut ouïghour d'Europe qui en parlait récemment (1), dénonçant "le caractère racial du travail forcé" et "l'esclavagisme" auxquels sont soumis les Ouïghours, et parlant de "la grande puissance impérialiste qu'est la Chine". Mais, encore une fois, pour les racisés et les décoloniaux, seuls les blancs sont coupables de racisme et d'esclavagisme. Ce qui explique les réactions assassines des djihadistes. Les décoloniaux ne veulent pas savoir que 90% des victimes du djihadisme sont musulmanes et vivent essentiellement en Afrique, au Moyen-Orient en Asie. Ces victimes n'existent pas. Ils ne voient pas que les Etats ouvertement homophobes sont aussi ceux où l'islam est le plus prégnant (voir la carte sur la législation sur les droits sexuels - 2). Il n'est point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Un élément encore: Point Culture justifie sa position en affirmant que les termes blancs et racisés "sont de plus en plus adoptés par nombre de militant·es, professionnel·les et universitaires tout à fait respectables". Le postulat posé, on ne pourrait donc pas les critiquer? Il suffit de lire Pierre-André Taguieff pour comprendre combien on a affaire à une imposture (3) et que nombreux sont les universitaires à critiquer ces théories nébuleuses. On y reviendra plus longuement.

Post-scriptum: à lire aussi: https://www.marianne.net/monde/ameriques/se-soumettre-ou-etre-detruit-le-temoignage-dun-chercheur-americain-victime-du-mouvement-woke-a-luniversite-devergreen

(Re)lire sur ce blog "Un monde en noir et blanc" 28.11.2017 et "Je ne suis pas tout blanc", 9.7.2020.

(1) Arte, "28 minutes", 17.12.2020.

(2)  https://ilga.org/downloads/03_ILGA_WorldMap_ENGLISH_Overview_May2016.pdf

(3) P.-A. Taguieff, "L'Imposture décoloniale - Science imaginaire et pseudo-antiracisme", éditions de l'Observatoire, 2020. 

mercredi 16 décembre 2020

Et les hyènes?

Quels que soient les verdicts du procès des attentats de janvier 2015 - attendus ce jour - resteront les commentaires remarquables - et remarqués - de Yannick Haenel, qui a suivi quotidiennement le procès pour Charlie Hebdo et a partagé ses réflexions profondément empreintes d'humanisme sur le site de l'hebdomadaire. Tous ceux qui insultent Charlie feraient bien de les lire et de le découvrir. Ils comprendraient que ce journal n'est pas la caricature qu'ils se plaisent à en faire. Qu'il est profondément antiraciste, féministe, écologiste, intelligent, sarcastique et humaniste. Et laïc, ce qui dérange visiblement beaucoup de ses détracteurs. Il manquait dans le box des accusés les boutefeux, tous ceux qui ont participé à la haine contre l'hebdomadaire, des rappeurs, des journalistes, des élus politiques, des imams, qui ont fait de Charlie Hebdo ce qu'il n'a jamais été et incité - d'une manière ou d'une autre - les affreux à massacrer une partie importante de l'équipe. Ceux-là ont ma haine à perpétuité.

(Re)lire sur ce blog "La question des limites", 9.1.2015.

mardi 15 décembre 2020

Incapable

En quatre ans de mandat, il n'a pas été capable de construire quoi que ce soit. A part une portion importante de mur à la frontière américano-mexicaine. Incapable d'assumer dignement sa fonction de président. Incapable de mener des projets positifs. Incapable d'unir le peuple américain. Incapable de gérer la crise du coronavirus. Incapable d'admettre des erreurs. Hier, les grands électeurs américains ont confirmé la victoire du tandem Biden-Harris, mais Donald Trump ne l'admet toujours pas. Il n'est même pas capable de perdre. 

dimanche 13 décembre 2020

Les intermittences de la culture

Honnêtement, il faut reconnaître que la fonction de premier ministre ou de chef d'Etat est particulièrement inconfortable en ce moment. Qui pourrait assurer qu'il prendrait de meilleures décisions pour sa population qui veut à la fois pouvoir vivre librement et être protégé de ce foutu coronavirus? Mais quand même... On s'interroge: pourquoi laisser fermées les salles de théâtre, de concert et de cinéma et laisser voler les avions et circuler les chalands au coude-à-coude dans les centres commerciaux? On a tous vu ces images de ces foules pressées dans les supermarchés ou les halls d'aéroports. Les chaînes de télé ne cessent de diffuser des publicités nous invitant à aller passer Noël dans les Antilles et le J.T. nous confirme qu'elles atteignent leur but: les agences de voyage se frottent les mains, s'attendant à être bientôt débordées de réservations pour la Martinique et la Guadeloupe. C'est que là-bas les règles sanitaires sont moins strictes et que les bars et restaurants sont ouverts. Jusqu'après les fêtes sans doute, quand les touristes auront à nouveau fait circuler le virus. Et pendant que le tourisme et le commerce de masse revivent as usual ou presque, le secteur culturel se meurt de ne pouvoir jouer, les artistes de ne pouvoir rencontrer leur public, les programmateurs de ne plus savoir comment s'organiser. Assis, masqués, à distance, les uns à côté et derrière les autres, silencieux et attentifs, les spectateurs risquent pourtant moins de se contaminer que tant de touristes et de clients.

C'est cinq jours avant la date prévue de leur réouverture, sans concertation, que les lieux culturels ont appris qu'ils devraient restés fermés. " La décision peut surprendre, estime Samuel Piquet dans Marianne (1), car les professionnels ont mis en place un protocole sanitaire strict et les transports, eux, continuent à fonctionner tandis que les lieux de culte sont ouverts. C'est que le Covid est un dandy. Il déteste prendre le métro dans des rames bondées et ne se mêle jamais à la foule des fidèles ; mais il ne se passe pas un jour sans qu'il s'immisce incognito dans un cinéma d'art et d'essai ou dans un musée spécialisé dans la peinture des impressionnistes et postimpressionnistes. Une fois qu'il aura fait le tour de toutes les salles, l'activité pourra reprendre. " C'est sans doute aussi que la culture reste considérée comme une activité non essentielle, juste un hobby dont on peut faire l'effort de se passer. Contrairement au tourisme, tellement indispensable à notre équilibre. Que deviendrions-nous sans soleil et sans mer bleue à Noël? On n'ose l'imaginer.

https://www.marianne.net/deconfinement-la-culture-premiere-activite-jugee-non-essentielle

samedi 12 décembre 2020

Désintégration

Comme beaucoup d'autres, je n'avais pas compris ce que voulait dire la critique littéraire Tiphaine Samoyault quand elle affirmait que "la traduction est outil d'oppression" et qu'il faut repenser "cette opération par essence ambiguë et complexe non comme un simple outil de communication, mais comme un acte empreint de violence" (1). On la comprend mieux quand on découvre qu'une interprète franco-marocaine, lors de journées d’information sur la France et ses valeurs, organisées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), truffait ses traductions de commentaires très personnels et surtout très agressifs vis-à-vis de la France. C'est un journaliste syrien, Waleed Barkasiyeh, qui a participé à ces journées, qui fait part de sa consternation devant ces propos (2): "cet affreux bavardage de l’interprète consistait par exemple à dire que les droits de l’homme et la démocratie n’étaient que mensonges. Elle affirmait également que la France avait répandu l’esclavagisme et qu’elle continuait à faire la même chose aujourd’hui sous d’autres formes. Qu’elle feignait d’aider les réfugiés, alors qu’en réalité l’exode des populations était causé par la politique guerrière qu’elle menait au Moyen-Orient. Tout cela ressemblait au genre de discours qu’on peut entendre au journal télévisé en Syrie. Évidemment, elle n’assumait pas ce discours devant les responsables, mais le faisait passer pour des conversations amicales et anodines."

L'interprète franco-arabe de ces stages d'intégration des réfugiés plaidait ainsi la non-intégration,  encourageant ces derniers à préserver leur religion ("elle-même musulmane, elle partait évidemment du principe que tous les réfugiés présents l’étaient également"), leurs valeurs familiales, leurs spécificités culturelles. Pas question pour elle d'admettre la séparation entre la religion et l'Etat, ni l'égalité hommes-femme, ni les droits des homosexuels. "Ses conseils paraissent d’autant plus consternants qu’ils tombaient au moment des polémiques sur le séparatisme, puis des attentats terroristes, avec notamment l’assassinat du professeur Samuel Paty." Le journaliste syrien se rend compte que la plupart des réfugiés la suivent et trouvent "légitime que les réfugiés arabes profitent de leur présence en France pour voler, puisque la France avait pillé les ressources arabes pendant des siècles". Il entend plusieurs d'entre eux estimer que la démocratie est un mensonge. "Des groupes de réfugiés en France sur les réseaux sociaux répètent les mêmes discours de victimisation historique. Ils oublient que les causes de leurs malheurs sont les régimes totalitaires du Moyen-Orient, et non pas les pays qui les accueillent."

Les nuisibles sont partout, celles et ceux qui cherchent à monter les uns contre les autres, les manipulateurs qui profitent de leur fonction pour diffuser insidieusement leur venin, les toxiques qui crachent dans la soupe. On savait déjà qu'il fallait contrôler certains imams qui se sont transformés en prêcheurs de haine. Voilà qu'on découvre qu'il faut surveiller les interprètes. Traduttore, traditore.

(1) (Re)lire sur ce blog "Mais tissons, métissons", 15.11.2020.

(2) https://www.courrierinternational.com/article/integration-en-france-des-refugies-qui-suivent-un-stage-ou-le-pays-daccueil-est-denigre?utm_medium=Social&utm_source=Twitter&Echobox=1607327275

jeudi 10 décembre 2020

Noir, c'est noir (ou pas)

L'époque donne envie de rester muet. Tant est âpre en ce moment le combat lexical. Il faut tourner sa langue (au moins) sept fois dans sa bouche avant de parler, si on ne veut pas être accusé de racisme, de colonialisme ou de suprémacisme.

Il suffit de (re)lire le billet précédent de ce blog. Et voilà qu'en Chine on s'offusque: dans le film Monster Hunter, un personnage, joué par un acteur américain d'origine chinoise, dit à un autre: "Look at my knees" (Regarde mes genoux). "Quel type de genoux?", lui demande son interlocuteur. "Chi-knees", lui répond-il (on entend chi-nese) (1). Un jeu de mots simplet, comme on en entend tous les jours, qui normalement ferait juste sourire, mais qui ici fait hurler. Il est raciste, ont estimé de nombreux internautes chinois qui ont exigé et obtenu la déprogrammation du film. La compagnie allemande co-productrice du film avec une entreprise chinoise a présenté ses excuses. L'époque est aux excuses.

Un grand moment d'antiracisme a été vécu il y a deux jours, applaudit l'ensemble de la presse (2), quand deux équipes de football sont rentrées aux vestiaires, refusant de poursuivre le match parce qu'un arbitre, désignant un entraîneur adjoint, l'a appelé "noir". Le mot a été considéré comme une insulte raciste. On s'étonne, on est dans la confusion: on avait entendu les décoloniaux et les racisés réduire l'analyse sociale à la dichotomie Blancs/Noirs ou Blancs/non-blancs. On les a lus réinventer la notion de race, affirmer leur fierté de ne pas être blancs - et c'est bien leur droit - d'être noirs ou arabes, racisés, non-blancs. Et on lit (sur son site) que le CRAN, le Conseil représentatif des associations noires, "a pour but de lutter contre les discriminations que subissent les populations noires en France. (...) Grâce à son travail, le CRAN a permis de briser un double tabou : le tabou du nom (jusqu’alors, apparemment, on n’avait pas pas le droit de se dire noir en France) ; le tabou du nombre (jusqu’alors, apparemment, on n’avait pas le droit de compter les populations noires de France, ce qui permettrait pourtant de mieux lutter contre les discriminations)" (3). Si on comprend bien, les noirs doivent pouvoir se dire noirs mais ne peuvent être appelés ainsi. L'arbitre roumain, arbitrairement traité de raciste, doit être dans la même confusion que nous.

Les insultes proférées par tant de supporters sont inadmissibles et insupportables, les cris de singe, les bananes lancées vers des joueurs noirs témoignent de l'affligeante bêtise et du vrai racisme des auteurs de ces gestes et de ces cris. Ils doivent être sanctionnés et tant de matchs auraient dû - devraient - être arrêtés au moindre d'entre eux. Mais ici, le point de départ fut l'utilisation par l'arbitre du mot negru, noir en roumain, mal compris par certains. Puis la situation est partie en vrille. On comprend parfaitement que des joueurs qui ont déjà entendu quantité d'insultes prennent une  position forte pour que cessent fin ces pratiques. Mais on a du mal à comprendre qu'il s'agisse ici d'une insulte. Ne peut-on plus désigner quelqu'un par une particularité physique objective? Peut-on encore qualifier quelqu'un de blanc, de petit, de chauve, de roux, de barbu, sans être soupçonné de pilosophobie, de rossophobie, de calvitophobie? On a envie de se taire tant on se fait vite traiter de raciste. Le racisme reste, hélas, un fléau qui traverse la planète entière et contre lequel il ne faut cesser de lutter. Sans hystérie. Toute la presse, vertueuse, a comme un seul homme parlé ici de propos racistes. Entendus comme racistes eût été plus correct. Mais l'époque n'est pas à la nuance.

A propos de nuance, cette citation de l'écrivain américain James Baldwin (que Télérama présente comme noir, homosexuel, francophile et rieur) : « Chacun de nous, inéluctablement et à jamais, contient l’autre — il y a de l’homme dans la femme, de la femme dans l’homme, du Blanc dans le Noir, et du Noir dans le Blanc. Nous sommes une partie de chacun. Beaucoup de mes compatriotes semblent trouver cela très malcommode et même injuste. Mais personne n’y peut rien. »

(1) https://www.lalibre.be/culture/cinema/le-film-monster-hunter-retire-des-salles-en-chine-a-cause-d-un-court-dialogue-qui-suscite-le-tolle-5fcf76bd7b50a652f76b33b7

(2) https://www.lemonde.fr/sport/article/2020/12/09/apres-l-interruption-du-match-psg-basaksehire-le-monde-du-sport-espere-un-tournant-dans-le-combat-du-racisme-dans-les-stades_6062759_3242.html

(3) www.le-cran.fr

mardi 8 décembre 2020

Police de la langue

A qui appartiennent les mots? Le concept d'appropriation culturelle s'y applique aussi, affirment certains esprits jaloux de leur propriété. Le secrétaire général d'Europe Ecologie Les Verts vient de se faire tancer. Vertement, oserait-on dire. Le dimanche 29 novembre, sur Twitter, Julien Bayou réagissait aux violences de la manifestation de la veille contre la loi sécurité globale : « Le pays se fissure. Images horribles de lynchage de policiers à Bastille. La violence policière impunie qui abîme la confiance de la population. Le gouvernement nous entraîne dans une spirale qui ne peut que mal finir". Des propos plutôt nuancés et appelant au calme qui lui ont cependant valu une volée de bois vert de la part d'Amandine Gay, réalisatrice, militante afroféministe et "monomaniaque de la couleur de peau", selon Charlie Hebdo (1). Elle dénonce "la banalisation du terme lynchage et son usage par les personnes blanches pour décrire du harcèlement en ligne ou des agressions  dans la vraie vie (qui) conduit non seulement à effacer l’expérience et les souffrances des personnes noires, mais aussi à inverser la réalité". Le terme ne peut être utilisé que pour parler des Noirs lynchés aux Etats-Unis. Selon elle, il concernerait « toujours spécifiquement les Noir.e.s ». 

Etymologiquement le verbe « lyncher » est une déclinaison du nom de Charles Lynch, un planteur et juge de paix  qui a vécu en Virginie. au XVIIIe siècle. Amandine Gay oublie, constate Natacha Devanda (1), que "le lynchage a été abondamment pratiqué aux États-Unis durant la guerre d’indépendance sur les Noirs, mais aussi sur les Loyalistes de la couronne britannique ou des Républicains. Elle pourrait considérer aussi que l'Amérique du Nord n’a pas le monopole du lynchage. Rien qu'en France, des résistants au nazisme, comme des collabos vichystes, ont été lynchés, aucune corde ne faisant le tri entre les bons ou les mauvais". Elle rappelle aussi que, si dans son sens premier, il signifie une exécution par pendaison sans jugement, l’usage du mot a depuis évolué. "Dans le langage courant, il désigne l’action de tomber à plusieurs sur une personne, la tabasser sans relâche et la laisser pour morte sur le bitume. Peu importe que la victime soit un manifestant ou un policier. Peu importe la couleur de sa peau ou son genre. Il est une victime de la violence physique et de la lâcheté." Qu'importe. Pour les policiers de la langue,  il est interdit de parler de lynchage de policier. Verra-t-on bientôt les racisés mettre des cadenas sur certains mots dans le dictionnaire, les entendre demander aux académiciens d'empêcher le langage d'évoluer?

Face à cette interdiction d'utiliser le mot lynchage devenu propriété privée - et accusé en plus de participer au "continuum négrophobe" (sic), Julien Bayou, plutôt que de rappeler le sens du mot, a fait profil bas. Et même plus bas que bas, remerciant "la mère fouettarde du dictionnaire bilingue français/racisé"  (comme l'appelle N. Devanda) de cette "explication de texte argumentée", lui présentant ses excuses et lui proposant un "échange" pour l'aider à parfaire son vocabulaire. Le sentiment de culpabilité judéo-chrétien est bien vivant, entretenu par les grands prêtres et grands prêtresses du politiquement correct qui remettent l'Inquisition à la mode et se posent en appropriateurs de la langue. 

"Comment penser la société française, se demande N. Devanda, avec des schémas de pensée tout droit sortis des campus américains où le communautarisme et l’essentialisme sont de mise et l’universalisme un truc ringard et sans avenir ? Comment, sinon en s’écrasant comme une carpette ? La démonstration que vient de faire Julien Bayou."

(1) https://charliehebdo.fr/2020/12/societe/le-mea-culpa-miteux-de-julien-bayou-sur-twitter/

samedi 5 décembre 2020

Européenne

Valéry Giscard d'Estaing, ancien président français, vient de mourir. Il est salué comme un Européen convaincu, qui comprit que si la France voulait retrouver sa grandeur, c'est par sa participation pleine et entière à la construction de l'Union européenne qu'elle y arriverait. Si on regarde le monde d'aujourd'hui, en tentant d'être un peu objectif, on se dit que cette U.E. est quand même, malgré les critiques qu'on peut lui adresser, un espace rassurant, voire enthousiasmant. Un vaste espace où la solidarité, la démocratie, la liberté d'expression, la protection des citoyens sont des réalités pour près de cinq cents millions d'habitants de vingt-sept pays différents. Où dans le monde peut-on trouver semblable territoire où on puisse se déplacer et s'installer librement? Où trouver une construction politique, relativement récente, aussi réussie? Ni dans les Etats-Désunis d'Amérique, ni en Russie, ni en Chine, ni en Inde, ni au Moyen-Orient, ni au Brésil, au Chili ou au Vénézuela, ni dans la plupart des pays d'Afrique. Les dictateurs, les populistes, les présidents qui tripatouillent les élections ou la constitution pour s'accrocher au pouvoir sont innombrables. "Partout, les peuples ont - plus ou moins - élu des despotes et des incompétents", écrivait il y a peu Vincent Rémy dans Télérama (1).

Bien sûr, la Hongrie et la Pologne font tache, gouvernées par des populistes qui ont su profiter de la solidarité européenne sans en respecter aujourd'hui les valeurs d'ouverture et de respect des droits humains. Bien sûr, il reste des efforts considérables à fournir pour atteindre les objectifs environnementaux qui permettront de lutter contre le dérèglement climatique. Bien sûr, les lobbies économiques, comme partout, y sont puissants. Bien sûr, l'U.E. échoue toujours à harmoniser les politiques migratoires. Mais l'Union européenne ne peut être le bouc émissaire de tant d'Etats qui continuent, au moindre problème, à tenter de tirer la couverture à eux en actionnant la fibre nationaliste et en rendant Bruxelles coupable de toutes leurs erreurs et difficultés. 

"L'Europe, à l'origine de deux guerres mondiales dévastatrices, et toujours divisée, écrivait encore Vincent Rémy, apparaît soudainement comme un îlot démocratique en plein renouveau." Et l'Allemagne y est pour beaucoup, avec deux femmes: l'inoxydable chancelière Angela Merkel et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Elle "porte et incarne (...) l'idée de la solidarité. En juillet, son plan de relance tourné vers l'environnement et le numérique proposait le principe longtemps rejeté par l'Allemagne que des subventions soient accordées aux pays les plus touchés par la crise, et qu'elles soient remboursées collectivement. Voilà que cette solidarité financière se double aujourd'hui d'une solidarité morale": quand Ursula von der Leyen a annoncé l'abolition du règlement de Dublin. Ce qui implique que les pays d'arrivée des migrants ne portent plus seuls la gestion des flux migratoires. "Jamais depuis Jacques Delors, il y a plus de trente ans, un président de la Commission n'avait incarné la fonction avec autant d'autorité morale." Oui, c'est cette Europe-là qu'on aime, c'est d'elle qu'on se sent plutôt fier d'être citoyen.

En septembre, Ursula von der Leyen a eu ses mots: "Dans notre Union, la dignité du travail doit être sacrée. Mais la vérité est que, pour trop de personnes, le travail ne paie plus. Le dumping salarial détruit la dignité du travail, pénalise l'entrepreneur qui paie des salaires décents, et fausse la concurrence loyale sur le marché unique. Chacun doit avoir accès à un salaire minimum (...)." Ce salaire minimum est récent en Allemagne, il existe à présent dans 21 pays de l'U.E., mais pas en Suède, au Danemark, en Finlande, en Italie, en Autriche, ni à Chypre. "Il serait possible, estime Jacques Littauer (2), de fixer le smic bruxellois en pourcentage du salaire médian national, 60% par exemple. Un seuil atteint par seulement deux pays de l'U.E. aujourd'hui: le Portugal et la France." Mais, ajoute-t-il, lors de la présentation de l'initiative von der Leyen, fin octobre, l'organisation des patrons d'Europe a hurlé et la fixation des salaires reste une prérogative nationale. Dommage parce qu'il relève qu'une étude indique qu'aux Etats-Unis, "dans les Etats où le salaire minimum est élevé, les personnes travaillent moins d'heures, se soignent et s'alimentent mieux, s'occupent davantage de leurs enfants et battent même moins leur femme".

L'U.E. reste une immense machine lente et complexe, qui passe de crise en crise. Normal, estime l'historien néerlandais Geert Mak qui voit en ces crises des maladies infantiles : "un projet historique d'une telle envergure subit nécessairement des revers avant de parvenir à un équilibre au bout de plusieurs dizaines d'années. Les Etats-Unis ont même dû en passer par une guerre civile. Ils ont même eu besoin d'une longue période, depuis la déclaration d'indépendance, en 1776, jusqu'au XXe siècle, pour vraiment se considérer comme une fédération". Il pense d'ailleurs qu'on peut considérer les crises "comme des passages presque prévisibles dans un processus d'unification" et que l'Europe doit "d'urgence accepter le fait d'être une puissance géopolitique. (...) En comparaison avec d'autres régions du monde, elle jouit d'un très bon niveau de vie." Et ce qui le rend confiant en l'avenir de l'U.E., c'est de constater que d'Oslo à Athènes, "les gens parlent désormais des mêmes thèmes, et ils en parlent en tant que citoyens européens". La Grande-Bretagne, qui quittera officiellement l'Union européenne dans trois semaines, va à contresens de l'histoire. Comme tous les souverainistes.

(1) "L'Europe qu'on aime", Télérama, 23.9.2020.

(2) "La Commission européenne vire gauchiste", Charlie Hebdo, 4.11.2020.

(3) "Lors des grandes crises, il faut oser faire des pas de géant", Die Zeit, 2.9.2020, in Le Courrier international, 12.11.2020.

mercredi 2 décembre 2020

Accents graves

L’Assemblée nationale française étudie une proposition de loi sur la glottophobie, autrement dit les moqueries vis-à-vis des accents. Objectif: lutter contre la discrimination à l’embauche, mais aussi promouvoir la diversité des accents et des origines de tous les Français.

L'accent, c'est une racine qui se fait entendre. Entend-on son propre accent? Dans le Berry, une commerçante, apprenant qu'elle a affaire à un Belge, me dit: "Ah! Je me demandais d'où venait cet accent. C'est l'accent belge." Elle ajoute, interrogative:" Ici, on n'a pas d'accent, non?". Je ris. "Si les Berrichons n'ont pas d'accent, alors personne n'en a." Elle réfléchit une seconde, puis en convient.

Pour les Français, l'accent belge est celui de Bruxelles une fois. Il arrive que des Français, découvrant que vous êtes belge, s'étonnent: vous n'avez pas l'accent de la Place du jeu de balle et ne dites pas une fois à toutes vos fins de phrase. Les Français qui s'en moquent ne savent pas qu'ils sont quasiment les seuls à utiliser cette expression qui a quasiment disparu (a-t-elle vraiment existé ?) et qu'il n'y a pas un accent belge, mais de très nombreux accents en Belgique. Comme il y en a d'innombrables en France.

Venant de la région de Tournai en Belgique, à deux pas de Lille et de Valenciennes, je passe aisément pour un Français à Bruxelles ou au-delà de Namur. Par contre, des gens du Nord de la France me disent qu'ils ont perçu à mon accent que je suis belge. Je leur réponds que j'ai perçu au leur qu'ils sont du Nord. Ils sont surpris. Nous avons le même patois picard, avec des variantes, et le même accent, avec des variantes également. Dans le centre de la France, présenté comme la région où on parle un français parfait, les journalistes présentatrices de France 3 Centre - Val de Loire ont tendance à fermer excessivement les o. Elles parlent par exemple de prôjet à Rômôrantin.

"En pratique, constate le HuffPost (1), les accents régionaux sont associés à de nombreux préjugés. En France, on associe les accents régionaux à la ruralité et au manque d’éducation, souligne Maria Candea, maître de conférences à la Sorbonne-Nouvelle. Et le sociolinguiste Philippe Blanchet, qui a forgé le concept de glottophobie dans son ouvrage Discriminations: combattre la glottophobie estime que les accents les plus discriminés en France sont ceux de la moitié nord, dans les zones rurales, et les zones suburbaines (les banlieues). C’est-à-dire que si vous avez un accent populaire d’une grande ville de la moitié nord de la France ou un accent rural non méridional, c’est fortement stigmatisé." L'accent pointu ou gouailleur parisien, lui, ne l'est pas. Puisqu'il n'existe tout simplement pas aux oreilles de ses locuteurs. Et que même s'ils s'en rendaient compte, ils le considèreraient comme une absence d'accent et comme la manière la plus parfaite de s'exprimer.

J'ai présenté, durant des années, à la RTBF l'émission Génies en Herbe qui mettait en compétition des équipes de quatre jeunes qui représentaient leur lycée ou athénée. Produite alors dans sept pays francophones, elle réunissait chaque été les vainqueurs de chaque pays. En 1990 (mille neuf cent nonante), nous avons accueilli à Bruxelles la finale internationale et c'était un plaisir d'entendre tous ces jeunes parler une même langue mais avec des accents, des expressions et des mots différents, du Sénégal, de France (Bordeaux), du Bénin, du Québec, du Zaïre, de Belgique (Liège) et de Côte d'Ivoire. Se moquer des accents, c'est se moquer de la diversité.

L'accent de la télé ne signifie rien / Imposé par les infos il déteint / Tous les pebrons prennent le sien / Oublient le leur, est-ce que ça te convient ? / Complètement aliénés soudain / Face au micro alors il n'y a plus rien / Peur de l'accent qui vient d'où tu viens / Et pourtant il t'appartient / Le tien c'est le tien et le mien c'est le mien  -  "L'Accent", Fabulous Trobadors

Il y a les accents c'est bon bon l'accent / c'est tout un pays qui sort d'une bouche / avec ses maisons ses forêts ses sentiers ses usines   -  Julos Beaucarne

(1) https://www.huffingtonpost.fr/entry/ce-qui-se-cache-derriere-les-moqueries-sur-les-accents-la-glottophobie_fr_5fbf749ec5b63d1b7709a6a5