Le monde court à sa perte et le réchauffement de la planète constitue une grave menace pour des populations et des générations entières. Il est urgentissime de modifier nos modes de vie et de production pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre non pas de 7,5 ou 10% mais de 60 à 80 % d’ici 2100.
Voilà, en substance, ce qu’on peut retirer de la lecture des rapports des experts du Giec réunis à Paris, puis à Bruxelles en ce début 2007.
Rejoignant le discours écologiste, les autres partis se montrent bien décidés à affronter le problème. « Il est temps d’être radical, pour notre climat, pour nos familles, pour notre environnement, pour notre mobilité, pour nos travailleurs, pour nos entreprises, pour nous tous…», déclarait en décembre dernier la présidente du CDH. « Le réchauffement de la planète est devenu un défi majeur. Nous devons absolument favoriser les économies d’énergie, à la fois parce que l’énergie coûte de plus en plus cher à nos concitoyens, mais aussi parce que la lutte contre l’effet de serre est une question de survie. », affirmait le PS en janvier.
Tout le monde est donc d’accord : face au plus grand problème auquel ait dû faire face la planète entière, il faut changer radicalement de manière de vivre. Tout le monde ? Non, à Maubray, petit village de l’entité d’Antoing, un promoteur résiste : le prince de Ligne veut, contre vents et marées (!), produire de la neige et de la glace toute l’année. Augmentant ainsi le réchauffement climatique et faisant ainsi un bras d’honneur aux autres citoyens de la planète.
S’il devait se réaliser, le « Centre européen de sports de nature et de glisse » (on notera que le terme de nature a été ajouté tardivement, face aux réactions, et ne figure pas dans le projet remis par le promoteur au Gouvernement wallon) s’étendrait sur 350 ha et un périmètre de 19 km ; il accueillerait 1.500.000 personnes/an. La consommation d'eau est estimée à 500.000 m³/an , puisée par un forage dans la nappe du Calcaire Carbonifère (déjà surexploitée dans le Tournaisis).
Ses besoins énergétiques sont de 54 millions de kWh de gaz/an (l'équivalent de la consommation de 2250 ménages), et 31 millions de kWh d'électricité/an (l'équivalent de la consommation de 8940 ménages)
Le Parc Naturel des Plaines de l’Escaut a calculé que ce projet pharaonique produirait 21.000 tonnes de CO2 par an (sans compter le CO2 produit par les véhicules des clients, attendus dans un rayon de 300 km).
En réaction à ce projet s’est constituée la CIAO (Coordination Internationale des Alpes Occidentales) qui regroupe des écologistes, des naturalistes et des riverains. Face au mutisme du prince qui refuse de communiquer, la CIAO a mis le projet… en ligne: www.c-i-a-o.eu
Si, à l’exception d’Ecolo, les partis politiques soutiennent ce projet, c’est qu’il annonce la création d’emplois: 400 temps pleins, 700 partiels, plus quelques centaines dans l’Horeca et à l’extérieur. Mais aucun élément dans le dossier ne justifie ces chiffres. Pas un mot sur le plan d’entreprise, sur une quelconque étude de marché, ni sur les investisseurs.
Réchauffement climatique ou pas, le Gouvernement wallon croit dans ce projet : dans sa note de présentation du projet (du 27 avril 2006, signée A. Antoine), il se montre enthousiaste pour ce « concept novateur » « de haute qualité environnementale », sans se soucier le moins du monde de son impact en matière d’utilisation d’eau et d’énergie, ou de production de CO2. André Antoine, ministre de l’énergie et de l’aménagement du territoire, vice-président du Gouvernement wallon, était à Tournai récemment. Interpellé par deux membres de la CIAO à la suite d’une intervention au cours de laquelle il a appelé tous les Wallons à économiser l’énergie, il ne s’est pas opposé au projet de centre de sports de glisse, comparant ce projet aux aéroports, eux aussi polluants mais fournisseurs d'emplois… On est loin des appels au changement radical évoqués plus haut !
Le projet est actuellement soumis à une étude d’incidences sur l’environnement.
Egalement interrogé par un membre de la CIAO lors de son passage à Tournai, le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele (Professeur à l’Institut d’Astronomie et de Géophysique G. Lemaître à l’UCL, membre de la Commission fédérale du développement durable, représentant de la Belgique au GIEC) a déclaré : « Nous n’avons pas d’autre choix que de changer radicalement la manière dont l’économie fonctionne. Bien sûr, il faut trouver un équilibre entre l’environnement, l’économie et le social, c’est le défi du développement durable. Mais fabriquer de la neige n’est certainement pas la bonne manière d’économiser l’énergie. Construire des pistes de ski dans un pays qui va devenir chaud touche à l’absurde. »
La CIAO a entamé un vaste travail d’interpellation d’associations et d’organisations, de personnalités scientifiques et médiatiques, des partis politiques à tous les niveaux.
Leurs positions par rapport à ce projet d’un autre âge (celui où « on ne savait pas ») sont et seront publiées sur le site. Jusqu’à présent, seuls parmi douze listes politiques d’Antoing, Brunehaut et Péruwelz Ecolo Brunehaut et Ecolo Péruwelz ont fait part de leur positionnement. Les autres groupes politiques (socialistes, libéraux, listes diverses), courageusement, se taisent.
Le projet de Centre de Glisse constitue, à l’évidence, un beau cas de figure face auquel les partis sont et seront amenés à faire preuve de leur capacité de cohérence et de mise en œuvre de leur volonté de s’attaquer « radicalement » au réchauffement climatique. Au risque de… déraper.
Le dimanche 27 mai en matinée, la CIAO organise une mobilisation, sous forme de balades à pied et à vélo autour du site concerné. Des naturalistes feront découvrir les richesses naturelles de la zone.
(info sur www.c-i-a-o.eu ou au 069 34 42 11)