samedi 8 novembre 2025

Le Soudan comme une proie

    Parmi ces guerres qui nous indiffèrent (voir billet précédent), il y a celle du Soudan. L'émission d'Arte Le Dessous des cartes en a donné un excellent résumé ce vendredi (1).
Tandis qu'une guerre interne divise le Soudan du Sud depuis 2013 (deux ans après son indépendance), le Soudan, l'un des pays les plus pauvres de la planète, est tout aussi déchiré par une guerre civile qui fait rage depuis 2023. Elle oppose le général Abdel Fattah al-Burhan, à la tête de l'armée régulière, et son homologue Mohamed Hamdan Dogolo, dit Hemetti, qui commande les Forces de soutien rapide (FSR).

    A l'automne 2021, deux ans après la chute du dictateur Omar al-Bachir, l'armée a viré les civils du pouvoir pour l'occuper seule. Un pouvoir aussitôt contesté par Hemetti, chef d'une milice paramilitaire responsable de massacres au Darfour qui ont fait au moins 300 000 morts entre 2003 et 2020. Les deux camps ont chacun la main sur des parties de territoires qu'ils conquièrent, puis contrôlent en enrôlant de force des civils sur des bases ethniques.

    Les ressources du Soudan - or, pétrole, gomme arabique, produits agricoles - attirent les rapaces voisins qui trouvent aussi des intérêts stratégiques à se positionner dans ce conflit en soutenant l'un des deux camps. Et parfois les deux. L'Egypte et l'Ethiopie s'opposent sur le contrôle du Nil et se mènent une guerre par procuration à travers les acteurs du conflit soudanais : la première soutient l'armée régulière, la seconde les FSR.
L'armée régulière d'al-Burhan est donc soutenue par l'Egypte, mais aussi par l'Iran, la Turquie, le Qatar,  l’Arabie saoudite et l’Erythrée, tandis que l'Ethiopie, les Emirats arabes unis et l'Africa Corps, ex-milice russe Wagner, soutiennent les paramilitaires d'Hemetti qui viennent de commettre de nouveaux massacres en prenant la ville d'El-Fasher (2). Les Russes contrôlent des mines d'or avec le soutien d'Hemetti, mais entendent aussi contrôler Port-Soudan, sur la mer Rouge, avec le soutien d'al-Burhan cette fois. En février 2025, Poutine, le tueur sans frontière, a obtenu d'al-Burhan un accord pour la construction d'une base navale sur la Mer Rouge.

    Résultat - très provisoire - de ce Stratego cynique et sanglant : plus de 150 000 morts, des viols, des crimes contre l'humanité, plus de 13 millions de déplacés, des pillages et des situations de famine qui menacent la moitié des 45 millions de Soudanais. La soif de pouvoir de quelques-uns écrase des populations entières. Dans l'indifférence et le cynisme.

(1) https://www.arte.tv/fr/videos/125533-005-A/le-dessous-des-cartes/
(2) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/11/03/au-soudan-le-jeu-trouble-des-emirats-arabes-unis-et-le-desinteret-coupable-des-occidentaux_6651268_3212.html

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