jeudi 6 novembre 2025

Ces guerres qui nous indiffèrent

    Il y a les guerres à la mode contre lesquelles les mobilisations sont nombreuses. Et il y a celles qui nous indiffèrent. Telles celle du Soudan ou celle qui ravage l'est du Congo. Ces guerres n'intéressent personne ou presque. Parce qu'elles sont trop lointaines ? Parce qu'elles ne nous parlent pas ? Parce qu'elles sont trop compliquées à comprendre ? Parce qu'on ne sait quel camp choisir ? 

    "La République démocratique du Congo (RDC), rappelle l'organisation Panzi (1), a connu l'un des conflits les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale, avec plus de 6 millions de morts et des millions de personnes déplacées. Souvent motivé par la lutte pour ses vastes richesses minières, le conflit en cours a causé des souffrances indicibles, en particulier pour les femmes et les enfants. La violence sexuelle a été une arme de guerre, avec des atrocités massives commises par des groupes rebelles et des milices soutenues par l'étranger."
Depuis l'afflux de réfugiés suite au génocide rwandais en 1994, les cycles de violence se succèdent dans l'est de la RDC. "Des groupes armés comme le M23 continuent de déstabiliser la région. Malgré plusieurs accords de paix, les causes sous-jacentes (pauvreté, exploitation des ressources et faible gouvernance) n'ont pas encore été résolues, laissant l'est du Congo dans un état d'insécurité chronique."

    Les conséquences, constate Oxfam, sont catastrophiques pour les populations locales.
"5,2 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays pour fuir les affrontements militaires dans la région. C’est colossal.
28 millions de personnes souffrent de la faim. Soit un quart de la population.
1 viol toutes les 4 minutes. Le viol est largement utilisé comme arme de guerre avec plus de 123 000 cas recensés par l'ONU.
Les camps de réfugiés débordent, les conditions sanitaires sont désastreuses. Les populations survivent sans accès à l'eau potable, à la nourriture ou aux soins essentiels. C’est d'ailleurs une cible stratégique des attaques. 
Epidémie de choléra qui se propage dans toute la région à cause du manque d'eau potable, aggravant une situation sanitaire déjà précaire."

    Le 27 juin 2025 à Washington, un accord a été signé entre le Rwanda et la RDC. Il affirme l’intégrité territoriale de la RDC, prévoit le retrait des troupes rwandaises sous conditions, la fin du soutien du Rwanda et de la RDC aux milices, la mise en place d’un mécanisme conjoint de sécurité et un cadre d’intégration économique régionale. "Mais cet accord, signé en grande pompe devant les caméras, n’a pas changé la réalité du terrain", estime Lydia Mutyebele Ngoi (2). Les derniers rapports soulignent même une accélération du nombre de morts." Selon la députée fédérale belge (PS), "cet accord est en l’état un malheureux symbole du désintérêt de l’Occident pour une crise et une région dans lesquelles il est plus impliqué qu’il aimerait l’admettre." Un désintérêt dont profite le Rwanda. "Le président rwandais Paul Kagame mène sa guerre, conscient d’être protégé par la passivité internationale. Il agit à l’instar de nombreux leaders qui ferment les yeux sur les violations du droit et privilégient leurs intérêts, dans un monde qui sombre dans le cynisme le plus profond, aussi profondément que le mutisme dans lequel le droit international a coulé."
Lydia Mutyebele Ngoi appelle à "appliquer des sanctions ciblées contre Paul Kagame, les responsables militaires rwandais et les chefs du M23, ainsi que contre les entreprises profitant illégalement des minerais congolais. Une traçabilité stricte des ressources est indispensable pour tarir le financement de la guerre. Nous appelons à la création d’un mécanisme international de justice chargé de juger les crimes de guerre, à un financement massif de l’aide humanitaire et à une politique étrangère belge et européenne fondée sur le droit international, rejetant la diplomatie transactionnelle."

    A l'initiative du Togo et de la France, une conférence a réuni à Paris le 30 octobre une soixantaine de pays et d’organisations qui ont "mobilisé plus de 1 milliard et demi d’euros d’assistance pour les populations les plus vulnérables", s'est réjoui le président français. Son collègue togolais, Faure Gnassingbé, a noté, souligne Le Monde (3) que l’urgence ne devait pas faire oublier « une autre vérité » : « On ne peut pas répondre indéfiniment au long terme avec des outils de court terme », a-t-il déclaré, appelant l’Afrique à participer à son propre effort humanitaire, « non pas seulement par devoir moral, mais parce que c’est une question de dignité et d’efficacité ». Il a aussi exhorté à faire toute la transparence sur l’aide humanitaire, qui dans un contexte de guerre « a tendance elle-même à devenir un enjeu de pouvoir »."
« Il faut, a-t-il déclaré, que l’aide soulage sans nourrir la dépendance, qu’elle stabilise sans figer les rapports de force. C’est pourquoi, pour protéger les bienfaits de l’aide et ceux qui la portent, il faut un contrôle africain renforcé ». Il a aussi plaidé pour que chaque ressource soit traçable.

    Si les populations de l'est de la RDC peuvent enfin être tirées du bourbier mortel duquel elles sont prisonnières, ce le sera aussi par la mobilisation de la communauté internationale. Si ce mot a un sens.

(1) https://panzifoundation.org/fr/war-in-congo/#
(2) https://www.levif.be/international/afrique/rdc-une-paix-trahie-les-congolais-abandonnes/
(3) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/10/30/emmanuel-macron-annonce-une-aide-internationale-de-plus-1-5-milliard-d-euros-pour-la-region-des-grands-lacs_6650333_3212.html?search-type=classic&ise_click_rank=2

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