samedi 5 janvier 2008

Les roquets d'Internet

S’il y a bien un truc qui m’énerve sur le net et les blogs, ce sont les pseudos, les « courageux anonymes », ces gens qui ont un avis sur tout et sur rien, mais n’ont pas le courage de signer de leur nom. Ils ont toujours tout compris mieux et plus vite que les autres et ça les rend agressifs qu’on ne pense pas comme eux. Ils voyagent sur les blogs qui leur passent sous le clavier pour le faire savoir. Ils sont capables de s’exprimer trois fois, dix fois sur le même sujet. On a parfois l’impression d’entendre des chiens japper ou des corbeaux croasser.
Quand le Soir a annoncé sur son site l’assassinat de Bénazir Bhutto, il s’est tout de suite trouvé un courageux anonyme pour reprocher au Soir d’annoncer l’info une heure après Libé. Et un autre pour dire que Mme Bhutto l’avait bien cherché et qu’il n’y avait pas de quoi en faire toute une histoire.
L’annulation du Paris-Dakar provoque, toujours sur le site du Soir (mais j’imagine que c’est pareil sur bien d’autres), un tsunami de bêtises édifiantes. C’est sidérant ! Quel est l’intérêt de ces espaces de parole ? C’est pire que le dernier des cafés du Commerce avant la fermeture au milieu de la nuit. Tous ces gens sont-ils saoûls pour tenir de tels propos? Saoûls d'eux-mêmes sans doute...
La démocratie du web est un leurre. Aujourd’hui, le premier imbécile venu prend la plume pour (tenter de) faire entendre ses opinions, en fait, en général, ce qui lui passe par la tête à l'instant même. Le problème, bien souvent, c’est qu’il ne s’agit pas ici de communication. Le courageux anonyme vomit ce qu’il a à dire, dans son jargon mal torché, sans se soucier de savoir s’il est compris. Et le plus souvent, effectivement, il ne l'est pas. Quantité de textes sont écrits dans un français très approximatif, sans souci de l'orthographe ni de la ponctuation. Je ne commnique pas, j'éructe!
Jean-Louis Murat a une réputation de misanthrope. Voilà sans doute pourquoi je l'apprécie. Cette réputation est justifiée et expliquée :
« Je déteste la démocratie d’Internet. Je faisais une émission de radio en France, il y avait un message d’insulte qui arrivait toutes les trois secondes, signé Jojo, signé Bébert… A chaque fois, ça me fait penser à 1942, ils envoient des messages comme ils envoyaient des messages de dénonciation à la Kommandantur. Il y a une goinfrerie d’internautes hypercapitaliste qui fait fondre les glaces au Pôle Nord. Je ne supporte pas cette goinfrerie des internautes qui, au nom de la liberté, se goinfrent. Et la goinfrerie, c’est ce qui nous tue. Je déteste l’autosatisfaction de l’homme libre occidental qui me paraît être une salope égoïste. Dans ce sens-là, je suis bien Baudelairien : pour lui, le progrès c’était le paganisme des imbéciles. » (Jean-Louis Murat, Rif-Raf, novembre 2007)
Comme en écho, Sean Penn dit: "J'aime l'humanité, mais j'ai un problème avec l'humain." (Le Vif/L'Express, 04.01.2008).
Ceci dit, Internet reste un outil extraodinaire d'ouverture sur le monde, de mise en lien, de dialogue, d'échanges. Mais, pour cela, il faut avoir l'envie de se parler...
Vous l'avez compris, vos réactions et réflexions sont les bienvenues, signées de votre nom…

(A propos, ne passez pas à côté du dernier Jean-Louis Murat, remarquable: "Charles et Léo - Les fleurs du mal" (textes de Baudelaire, musiques de Ferré, arrangements et interprétation de Murat)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je recrute des cadres de haut niveau. Le première chose que je fais, CV en main, c'est une recherche sur Internet, avec Google, pour voir les traces qu'ils ont pu laisser, volontairement ou non. J'en ai trouvé un, l'autre jour, qui a laissé son nom sur des articles qu'il a écrits, commentés ou corrigés : histoire de l'ultra gauche et pornographie pour l'essentiel. Pas bien malin de sa part. Pas très compatible avec sa vie de maintenant. Tant pis pour lui. Mes clients n'aimeraient pas que je leur recommande un type comme ça.
Internet a une mémoire absolue. Dans 20 ans un recruteur saura ce que mon fils de 15 ans raconte aujourd'hui avec ses copains. Sauf s'il brouille ses traces. Je lui explique comment faire, ne jamais laisser son nom, changer de pseudonyme souvent, en avoir des différents dans des espaces différents pour ne pas connecter accidentellement des espaces qui ne le devraient pas, etc.
Essayez d'utiliser des réseaux sociaux, qui ont l'air tout à fait innocents, et ensuite essayez de retirer vos informations personnelles qui se sont diffusées chez vos centaines d' "amis". La musique que vous écoutez, les films que vous allez voir, les livres que vous lisez (peut-être), vos centres d'intérêt... Vous croyez que ça ne va intéresser tout au long d'une vie que vos "amis" - forcément bienveillants - (et quelques commerçants) ?
Dans votre texte il y a deux choses : la question de l'anonymat et celle du contenu. C'est votre position sur l'anonymat qui me pose un problème. Pour le contenu, oui, bien sûr. Moi aussi je suis beaudelairien, et même un tantinet nietszchéen. C'est d'ailleurs pour ça que je signe aujourd'hui Frédéric.