samedi 15 septembre 2018

Nous voulons des coquelicots

Qu'on en veuille ou non, ils sont partout, les pesticides: dans l'air, dans le sol, dans l'eau, dans nos cheveux, dans nos organismes. Sûrement aussi dans les légumes bio que nous mangeons.
Quinze membres de l'équipe de Charlie Hebdo ont accepté de faire analyser quelques-uns de leurs cheveux. Et le résultat est des plus inquiétants: on y retrouve, selon les personnes, entre 34 et 50 pesticides distincts, sur les 150 recherchés. La moyenne est de 40. Certains proviennent même du DDT pourtant interdit depuis 1972. Les concentrations varient de 27 pg/mg à 1572. 
"Ces pesticides, explique le journaliste Fabrice Nicolino (1), à l'origine de l'étude et de l'action qui en suit, sont d'origines diverses: agricole pour beaucoup, mais aussi employés en médecine vétérinaire (fipronil) ou dans des bombes insecticides ménagères (perméthrine). (...) Parmi les molécules retrouvées au moins une fois, plus de 30 sont suspectées d'être cancérogènes, et plus de 40 d'être des perturbateurs endocriniens."
Les autorités de contrôle se veulent rassurantes: un pesticide ne doit pas dépasser dans l'eau la norme de 0,1 microgramme/litre. "Mais, fait remarquer Fabrice Nicolino, personne - personne - ne prend en compte les effets combinés des pesticides entre eux. Or la combinaison, l'explosion, la rencontre, l'affinité sont au cœur de la grande aventure de la chimie." Interrogé sur les risques de ces cocktails, un responsable de l'Anses, agence publique délivrant les autorisations de mise sur le marché des pesticides, reconnaît qu'on n'en sait strictement rien: "on en saura peut-être plus dans une ou deux générations". On ne peut même plus dire: "après nous les mouches". Les insectes sont décimés.
Et chaque jour, des agriculteurs, des ouvriers d'usines de fabrication de pesticides tombent malades, certains en meurent. Et ils ne sont pas les seuls. "Le vrai coût des pesticides, écrit Jacques Littauer, outre les atteintes parfois irréversibles à l'environnement, ce sont les maladies provoquées: Parkinson, cancer de la prostate, mais aussi plus généralement le développement de l'enfant durant la période prénatale ainsi que la petite enfance, rien que ça." Ce qui fait que ce secteur, le troisième secteur industriel en France - dont la consommation explose - a un rendement économique négatif: les pesticides coûtent plus cher qu'ils ne rapportent. "On arrive donc, constate Littauer, à ce résultat renversant: on utilise au nom des rendements accrus, de l'efficacité, des produits qui nous tuent et qui, au final, se révèlent inefficaces."

Pour tenter de sortir de cette spirale effrayante (+ 12% de consommation en deux ans en France malgré le plan Ecophyto), Fabrice Nicolino et une série de militants lancent un mouvement, "Nous voulons des coquelicots" (https://nousvoulonsdescoquelicots.org), qui s'appuie sur un appel à signer et sur des rendez-vous réguliers. "L'objectif, cinglé, est de réunir au moins 5 millions de soutiens en deux ans d'une mobilisation intense."

NOUS VOULONS DES COQUELICOTS

Appel des 100 pour l’interdiction de tous les pesticides*

Les pesticides sont des poisons qui détruisent tout ce qui est vivant. Ils sont dans l’eau de pluie, dans la rosée du matin, dans le nectar des fleurs et l’estomac des abeilles, dans le cordon ombilical des nouveau-nés, dans le nid des oiseaux, dans le lait des mères, dans les pommes et les cerises. Les pesticides sont une tragédie pour la santé. Ils provoquent des cancers, des maladies de Parkinson, des troubles psychomoteurs chez les enfants, des infertilités, des malformations à la naissance. L’exposition aux pesticides est sous-estimée par un système devenu fou, qui a choisi la fuite en avant. Quand un pesticide est interdit, dix autres prennent sa place. Il y en a des milliers.
Nous ne reconnaissons plus notre pays. La nature y est défigurée. Le tiers des oiseaux ont disparu en quinze ans; la moitié des papillons en vingt ans; les abeilles et les pollinisateurs meurent par milliards; les grenouilles et les sauterelles semblent comme évanouies ; les fleurs sauvages deviennent rares. Ce monde qui s’efface est le nôtre et chaque couleur qui succombe, chaque lumière qui s’éteint est une douleur définitive. Rendez-nous nos coquelicots ! Rendez-nous la beauté du monde !
Non, nous ne voulons plus. À aucun prix. Nous exigeons protection. 
Nous exigeons de nos gouvernants l’interdiction de tous les pesticides* en France. Assez de discours, des actes.
*de synthèse

Le premier vendredi de chaque mois, durant deux ans, les signataires de l'appel se réuniront sur la place de leur ville ou de leur village, arborant un coquelicot à leur boutonnière en tentant de rallier autour d'eux de plus en plus de citoyens et en organisant des actions et des évènements "façon téléthon antipesticides". 
Premier rendez-vous: vendredi 5 octobre à 18h30. A chacun d'inviter voisins, amis, famille, connaissances, passants... Parce que nous ne voulons pas crever la gueule ouverte.

Rendez-nous la lumière
Rendez-nous la beauté
Le monde était si beau 
Et nous l'avons gâché
Dominique A

(1) Charlie Hebdo, 12.9.2018
http://fabrice-nicolino.com

A lire: le numéro de Charlie Hebdo de cette semaine, spécial pesticides - n° 1364, 12.9.2018
et l'interview de Fabrice Nicolino dans Télérama: https://www.telerama.fr/monde/nous-voulons-des-coquelicots-contre-les-pesticides,-fabrice-nicolino-lance-une-mobilisation,n5807287.php
A écouter: l'émission de France Inter "Affaires sensibles" du 13.9.2018 sur le combat d'un agriculteur contre les pesticides: https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles

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