jeudi 13 septembre 2018

La saison des Tartarin

Face à cet été caniculaire qui n'en finit pas, au manque de pluie, aux incendies, aux typhons, à la montée du niveau des mers, à la perte de biodiversité, tout le monde est d'accord: nous devons modifier radicalement notre mode de vie et nos productions. Tout le monde sauf les pays pétroliers et les raffineurs, sauf les fabricants de véhicules à moteur et ceux qui les conduisent, sauf les agriculteurs, sauf les fabricants de béton, de plastique et de pesticides, sauf les compagnies d'aviation et les touristes. 
Et les chasseurs aussi. L'état de la biodiversité ne les inquiéte pas. De nombreuses espèces disparaissent, mais ils veulent continuer à les chasser.

De toute façon, ils alimentent chaque année avec des animaux d'élevage les populations des espèces qu'ils aiment chasser: le syndicat national français des gibiers de chasse propose chaque année aux chasseurs 15 millions de faisans, 5 millions de perdrix, 1 million de canards colverts, 100.000 lapins, 40.000 lièvres. En conseillant bien aux chasseurs, avant de lâcher à portée de leurs fusils ces animaux de compagnie, de "réguler" les prédateurs: renards et rapaces (1).
Ce qui amène Christian Ledoux, président de l'Association de gestion et de régulation des prédateurs de l'Indre (eh oui, ça existe) à  expliquer que son rôle est de "contenir les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts, en les piégeant." En fait, ces chasseurs ne chassent pas, ils régulent. C'est-à-dire qu'ils tuent les animaux qui s'attaquent à leur cher gibier.
"Dans le département de l'Indre, écrit la Nouvelle République, c'est le renard qui figure en tête de liste, pour les dégâts qu'il occasionne au sein des populations de gibiers et chez les particuliers. (2)" Mais le pire prédateur, celui qui occasionne le plus de dégâts à la nature, n'est-il pas le chasseur? Celui qui n'a aucun aucun prédateur au-dessus de lui?
Certains d'entre eux aiment se présenter comme les plus grands amoureux de la nature que cette terre ait connus. Ils la respectent plus que n'importe qui. Même si "bon an, mal an, chasseurs, braconniers et amateurs de ball-trap tirent autour de 200 millions de cartouches et abandonnent dans l'environnement près de 8000 tonnes de plomb et autres métaux" (2). Au point que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail recommande de ne pas dépasser trois repas par an avec de la viande sauvage. Au risque de souffrir de saturnisme?
En France, 64 espèces sont chassables, alors que la moyenne européenne est de 14 à 24. Et sur ces 64 espèces, 20 ont été placées sur liste rouge par l'Union européenne de conservation de la nature. Au total, chaque année, les chasseurs français tuent plus de 30 millions d'animaux sauvages, ce qui n'est visiblement pas encore assez pour eux. Ils ont tous les droits. Même celui de chasser des espèces protègées. Plus qu'un droit, c'est leur devoir de gestionnaire.  "La gestion adaptative, c'est celle qui nous permet de pouvoir chasser toutes les espèces, mêmes celles qui sont protégées, comme le cormoran par exemple. A force d'être protégées, elles finissent par être en surpopulation!" (2).
Le chasseur français a toujours été protégé par les différents gouvernements français, quelles que soient leurs idéologies. Il convient donc de le chasser - c'est même un devoir - avant qu'il ne finisse par être en surpopulation. La prudence nous le conseille.

Post-scriptum: Il y a un excès de sangliers en Indre, ce qui a des conséquences fâcheuses sur les cultures. Aussi, le président de la fédération de chasse de l'Indre avait-il, au printemps dernier, annoncé l'interdiction du nourrissage des sangliers au maïs. "La décision a provoqué la colère des chasseurs de sangliers, vents debout contre cette mesure." (4) Aujourd'hui, la peste porcine africaine est une vraie menace. Et l'excès de sangliers inquiète. Un chasseur voit-il plus loin que le bout de son fusil?

A (re)lire sur ce blog:
- "La fable du loup et du rap", 17..2015.
- "La vache", 19.12.2013.
- "Un beau dimanche à la campagne", 20.1.2013.

(1) Jacky Bonnemains: Chasse - Le lobby qui a flingué Hulot, Charlie Hebdo, 5.9.2018.
(2) "On doit chasser certaines espèces protégées", La Nouvelle République - Indre, 10.9.2018.
(3) Jacky Bonnemains: Du plomb dans le sel, Charlie Hebdo, 5.9.2018.
(4) "Sangliers: l'urgence", La Nouvelle République - Indre, 16.9.2018.

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