mardi 31 août 2021

On se calme

Depuis lundi, la circulation dans Paris, comme dans d'autres villes déjà, est limitée à 30 km/h. Si les piétons et les cyclistes se réjouissent, il se trouve évidemment des automobilistes pour contester la mesure, estimant qu'ils perdront plus de temps encore dans la circulation. On se souvient que, il y a quelques années, quand la vitesse sur le périphérique parisien a été limitée à 70 km/h, la droite avait hurlé, affirmant que la circulation y serait impossible et qu'il s'agissait là d'une agression de plus des automobilistes. En réalité, on est plutôt content quand on arrive à rouler à 50 km/h sur le périph' tant la circulation y est dense à toute heure de la journée. 

La vitesse est "source de maux", affirment les auteurs de l'ouvrage Pour en finir avec la vitesse (1). A partir de nombreuses données, ils démontrent qu'on ne gagne pas forcément du temps en roulant plus vite. L'un des auteurs, Vincent Kaufmann, explique (2) le "processus infernal": la construction de voies rapides a entraîné l'extension et l'éloignement des banlieues. "L'existence de routes rapides permet d'éloigner les logements des lieux de travail, de sorte qu'on ne passe pas moins de temps dans les transports." Au contraire. Et on constate le même phénomène par rapport aux centres commerciaux. C'est parce qu'il y a des routes qu'on a construit des supermarchés à l'extérieur des villes. "Si la vitesse de déplacement n'était plus la même, cela changerait des choses dans la disposition des magasins. Un groupe comme Carrefour, affirme le sociologue, choisit ses lieux d'implantation "pour que la majorité des consommateurs soient à moins de vingt-cinq minutes de voiture : si la vitesse de déplacement n'était plus la même, cela changerait des choses dans la disposition des magasins". Les auteurs du livre proposent de "penser les emplois en fonction de bassins de vie relativement autonomes" et répartis, par exemple, sur l'ensemble de la région Ile-de-France. L'urbaniste Carlos Moreno imagine, lui, la "ville du quart d'heure": une ville où on pourrait satisfaire tous ses besoins - emploi, achats, activités culturelles sportives, etc. - en moins de quinze minutes à pied, à vélo ou en transports en commun. Ce qui suppose de mener une politique de la ville radicalement différente et d'abandonner une vision positive de la vitesse. 

D'après les chercheurs de Forum Vies mobiles, 80% des Français pensent que "le rythme de vie dans la société actuelle est trop rapide" et que le ralentissement leur permettrait "de retrouver du temps pour leurs proches et pour eux-mêmes."  Autrement dit: "l'aspiration la mieux partagée dans les pays industrialisés est le ralentissement des rythmes de vie".

Post-scriptum : https://www.lalibre.be/regions/bruxelles/2021/08/31/le-nombre-daccidentes-graves-et-de-morts-en-baisse-de-25-a-bruxelles-depuis-la-zone-30-LBU3RFROZRCS3DLCMEZAHUMROY/

(1) Tom Dubois, Christophe Gay, Vincent Kaufmann et Sylvie Landriève, "Pour en finir avec la vitesse", éditions de l'Aube.

(2) Antonio Fischetti, "La fin de la vitesse - Aller moins vite pour gagner plus", Charlie Hebdo, 18.8.2021.

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