mercredi 25 août 2021

Mal réveillées

Ces wokes-là n'ont pas l'air très éveillé. Rappelons que les wokes sont ces gens qui se sont donné une mission : combattre le paternalisme, le sexisme, le racisme, l'homophobie, la transphobie, sous toutes leurs formes (réelles et surtout imaginaires) et pour cela traquer celles et surtout ceux qui sont dans la norme, donc dominants. En particulier les blancs hétéros. Il n'y a pas pires individus. Faire quelque chose de positif ne semble pas être truc. Leur truc, c'est plutôt de faire justice en dénonçant et en condamnant d'un même mouvement l'affreux mâle, l'horrible blanc. Ces wokes-là avaient investi le Genepi, le Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées qui était actif dans les prisons depuis les années '70, et ils l'ont dissous. Le grand tort du Genepi? Etre "classiste, raciste et patriarcal". Les militantes "féministes et anticarcérales" qui s'y sont introduites pour le casser dénoncent le "tourisme carcéral" des "étudiant-es bourgeois-es", des "voyeuristes" qui s'achètent "une bonne conscience" en supportant l'association "police-justice-prison".

Dans Charlie Hebdo (1), Christophe Conway, chef d'entreprise et bénévole au Genepi à ses débuts puis dans les années 2000, explique que l'idée de départ était à la fois de changer le regard de la société sur la prison et de permettre l'insertion des détenus. Il constate que ce deuxième objectif n'a pas vraiment été atteint, mais que les bénévoles ont surtout répondu à une demande. "Il y avait une réelle soif de savoir chez les détenus qui passaient le brevet ou un CAP. Il fallait rattraper les lacunes. Mais les cours étaient avant tout vécus par les détenus comme une respiration dans cet univers d'enfermement." Dans les années 2000, le Genepi rassemblait 800 personnes et s'était structuré régionalement. Et voilà qu'en 2019, l'assemblée générale décide de stopper les interventions en prison, donc de cesser l'activité qui constituait l'essence même de l'association. Les bénévoles sont accusés de faire du "tourisme carcéral", de "s'enfermer volontairement pour en ressortir aussi vite" et cette pratique serait révélatrice d' "une violence tout autant que d'un rapport asymétrique d'étudiant.e.s principalement blanc.he.s et privilégié.e.s". Les hommes se voient interdits de participation au conseil d'administration par "les meufs" (comme elles se sont autobaptisées) qui ont pris la main et finalement le 2 août dernier, l'association décidait son autodissolution.

Le débat sur le rôle de la prison a toujours été important au sein du Genepi, affirme Christophe Conway. "Je pense qu'aucun genepiste n'est pour l'enfermement systématique. Beaucoup mesurent l'impasse du tout-carcéral et sont favorables aux peines alternatives à la prison. Les abolitionnistes ont toujours pu s'exprimer au sein du Genepi. (...) Mais aujourd'hui on assiste à la confiscation des échanges, l'interdiction des opinions contraires. A la limite, je pourrais comprendre leur logique: le refus de collaborer au système carcéral, mais alors pourquoi avoir pris la direction d'une association dont c'est la raison d'être depuis quarante-cinq ans? L'entre-soi des abolitionnistes radicaux n'a abouti qu'à détruire ce qui existait. C'est un immense gâchis."

Et l'intérêt et le besoin d'apprendre des détenus? Ils n'existent tout simplement pas, les wokes s'en soucient moins que de leur premier tweet. Seul comptent pour ces justicières leur combat contre le mal(e) absolu. Les wokes apparaissent de plus en plus comme celles et ceux qui veulent que rien n'évolue positivement pour que perdure  leur vision binaire et simpliste de la société, divisée en bons et en méchants, en dominants et en racisés, en coupables et en victimes. De qui sont ici victimes les détenus, sinon des wokes ? Heureusement, d'anciens genepistes s'accrochent et, rejoints par d'autres, ont décidé de créer  une nouvelle association: Rebond. "Elle permettra le retour d'anciens étudiants bénévoles pour des interventions et des cours en détention. Une chose est sûre, nous serons extrêmement vigilants pour contrer l'entrisme de ceux qui préfèrent détruire plutôt que construire."

(1) Natacha Devanda, "Le Genepi, nouvelle victime de l'entrisme et du wokisme", Charlie Hebdo, 11.8.2021.

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