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vendredi 14 avril 2023

Jeûner ou jouer, il faut choisir

C'est le Printemps républicain qui nous l'apprend (1) : des footballeurs musulmans demandent que soient interrompus les matchs joués en début de soirée pour leur permettre de rompre le jeûne du ramadan. "Portée depuis quelques jours dans l’espace médiatique, cette revendication tourne au procès en « islamophobie » contre la France, comme ce fut le cas dernièrement avec le burkini à Grenoble, les abayas dans les collèges ou le hidjab, à nouveau, sur les terrains de foot."
Bref, c'est à  nouveau à la société de s'adapter à la religion, nous disent ces croyants, et non l'inverse. C'est le grand bond en arrière, à l'époque où la religion faisait de ses règles la loi publique.

"La Fédération Française de Football, invoquant l’article 1er de son règlement et en appelant à la « laïcité », a rappelé aux clubs et aux arbitres que toute expression religieuse est interdite dans le cadre sportif. Faux, rétorquent les vigies : la laïcité ne s’applique qu’à des services publics, pas à des joueurs."
Que dit le droit ? "Il a été avancé que les footballeurs n’étant pas des agents publics, c’est à tort que la laïcité a été invoquée. C’est exact, du moins si l’on rabat la laïcité sur le critère de neutralité des services publics. Mais n’est-ce pas restreindre à l’excès la portée du principe ? Rappelons qu’au terme de la Constitution, c’est la République qui est laïque, et pas uniquement les collectivités publiques. Mais alors, qu’est-ce que cela veut dire pour les « simples » particuliers que sont les joueurs de foot ? Eh bien, s’ils ne relèvent pas de la loi de 1905, on peut tout à fait les rattacher au régime juridique de la neutralité en entreprise, puisque nous sommes bien dans un cadre de droit privé.
Longtemps contestée, la neutralité en entreprise est désormais bien identifiée par le droit national et, chose importante mais méconnue, par le droit européen. C’est la célèbre « affaire Babyloup », du nom de cette crèche imposant la neutralité de ses personnels au nom de la laïcité et des valeurs féministes et universalistes, qui a donné l’occasion à la Cour de cassation de confirmer la possibilité, pour une entreprise ou une association, de restreindre la liberté religieuse de ses salariés." (1)

De toute façon, si chacun commence à appliquer les règles qu'il veut bien se laisser imposer par ses croyances, plus personne ne jouera une compétition avec les mêmes règles.
"Le règlement de la FFF prévoit explicitement la neutralité des compétitions. Il ne saurait donc être question d’exprimer son appartenance religieuse pendant un match – règle qui, au demeurant, est appliquée avec une certaine souplesse d’ores et déjà… Si on veut aller plus loin et changer la règle, pourquoi pas ? Mais il y a des procédures pour cela. Et il faudra, au passage, convaincre toute la communauté sportive qu’il faut changer la loi pour satisfaire à la revendication d’une minorité, ou plus précisément la revendication d’une minorité d’une minorité. Et s’apprêter à ce que d’autres revendications particulières surgissent." (1)

Au-delà des règles, est-il indiqué de jouer un match de football professionnel - ou de travailler sur un chantier - quand on ne mange ni ne boit ? Le Monde explique  (2) que les jours de match, le coach du FC Nantes a fixé comme condition de s’alimenter et de boire pour pouvoir être retenu dans l'équipe. Selon le docteur Philippe Kuentz qui a travaillé à l'AS Monaco, « le jeûne faisait chaque année l’objet d’une réflexion globale avec le staff ». « Ce qui nous inquiète le plus, c’est la déshydratation », souligne-t-il en citant aussi « l’augmentation du risque de blessure musculaire » et « la performance altérée », qui sont documentées dans la littérature scientifique. « Ça dépend de pleins de conditions et c’est au cas par cas. »
L’entraîneur Pascal Dupraz raconte qu'à l’AS Saint-Etienne, lors du premier jour du ramadan en 2022, l'équipe avait, sur la feuille de match, 13 joueurs sur 20 de confession musulmane qui respectaient le jeûne. Mais à la mi-temps, cinq d'entre eux ont demandé à être être remplacés "parce qu’ils étaient cuits… »

La demande d'interruption de compétitions sportives pour cause de rupture de jeûne n'est qu'un moyen de plus pour des organisations du type Frères musulmans de marquer de manière très visible leur capacité à imposer leurs règles dans la société. Il y a un mot pour cela : orthopraxie. 
Selon Wikipedia, "l'orthopraxie est l'accomplissement d'une action, l'exécution d'un geste, la conduite d'une affaire, une praxis (au sens du grec ancien πρᾶξις) menée avec justesse ou rectitude, selon le droit et la justice (au sens du grec ancien ὀρϑός). Dans le domaine moral ou religieux, l'orthopraxie se réfère à une conduite conforme aux rites traditionnellement construits", ces rites primant sur la loi publique.
Dans nos sociétés, l'orthopraxie chrétienne a été remise à sa place depuis un bon moment, après des siècles de lutte. Et voilà que l'orthopraxie musulmane veut prendre sa place.

(1) Communiqué du 7.4.2023, "Le ramadan, les deux neutralités et l’éthique sportive".
(2) https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/04/08/ramadan-le-jeune-un-enjeu-complexe-pour-les-footballeurs-entre-convictions-religieuses-et-devoir-de-performance_6168810_3242.html


jeudi 28 octobre 2010

Hors la loi

Le 22 septembre dernier, j'évoquais ici même le cas de ces deux travailleurs du bâtiment qui, en Algérie, avaient eu l'audace de manger dans l'immeuble privé dans lequel ils travaillaient. C'était le 13 août à midi, on était alors en plein ramadan. Et quand je dis "on", je parle plus d'eux que de moi. Le tribunal local les avait inculpés pour atteinte à un précepte de l'islam. On a appris depuis lors (LLB, 06.10.2010) qu'ils ont été relaxés: ils sont chrétiens. L'information ne dit pas ce qui leur serait arrivé s'ils s'étaient déclarés athées. Ou pire: musulmans.
Le même article nous a appris que, en Indonésie cette fois, deux jeunes femmes ont été flagellées en public pour avoir commis le crime atroce d'avoir vendu de la nourriture durant les heures de jeûne du ramadan. En Indonésie comme en Algérie et tant d'autres pays, la charia devient la loi. Le religieux s'impose par la force. Comme il tente de le faire chez nous.
"Comment aujourd'hui, à l'heure de la liberté des consciences, une religion peut-elle encore se définir comme un système légal et coutumier s'imposant de façon collective?" C'est le philosophe Abdennour Bidar qui pose cette question (1) "Le Coran a été sacralisé de manière archaïque, estime-t-il, il est déclaré intouchable, comme si le sacré devait éternellement signifier pour les hommes le règne de l'indiscutable. Beaucoup de musulmans en Occident étouffent sous une telle conception et me soutiennent", dit-il.
Du côté de l'église catholique, on essaie de faire passer la "culture" religieuse devant la loi. L'archevêque Léonard a estimé dans l'émission "Questions à la Une" de ce mercredi que les prêtres retraités soupçonnés de faits de pédophilie devaient être laissés en paix, leurs victimes étant invitées à leur accorder le pardon. Leurseigneur Léonard s'insurge contre la volonté de "vengeance" des victimes. Visiblement, il confond vengeance et justice et ignore ou veut ignorer ce qu'est simplement la justice des hommes.
On voit par là que l'homme, s'il veut se sauver, ne peut accepter que les religions fassent la loi.

(1) "L'islam face à la mort de Dieu" (F. Bourin éditeur), interviewé dans Le Vif, 15 octobre 2010