lundi 27 novembre 2006

Ps: comment en finir?

Ce texte a été publié en page « Opinion » dans La Libre Belgique du 27 novembre 2006


Devinette :
Que reste-t-il de rouge au Parti Socialiste ?
Réponse :
Les cravates

Aux dernières élections communales et provinciales, la défaite du Ps fut finalement limitée. Seuls quelques bastions où les abus de pouvoir furent trop évidents se sont fortement lézardés.
Dans beaucoup de communes, la cote du Ps est à la hausse. Malgré « les affaires » récurrentes que connaît le parti.
Il est effrayant de constater à quel point l’opinion publique peut exprimer son dégoût de la manière dont la politique est menée, et de voir se maintenir, et même progresser à nouveau, un parti dans l’ADN duquel on sait que l’éthique n’est certainement pas le gène dominant.

LE TRIOMPHE DE LA COM
Mais en politique, aujourd’hui, il importe plus d’avoir l’air et de dire que d’être et de faire.
En cette ère de « Star Ac » et de « Nouvelle Star », on peut difficilement s’étonner de voir quantité de citoyens - et même plus d’un journaliste - tomber dans le panneau de la « com ». Les images ont la vie belle. Je suis ce que je dis. Il suffit donc de se déclarer rénovateur pour l’être, d’annoncer une grande rénovation pour que l’opinion publique croie à sa réalité. Même si cette dernière est bien différente… Trop d’électeurs (et parfois de journalistes) n’examinent pas la cohérence qui existe ou non entre déclarations et pratiques. Nombre d’entre eux tiennent pour acquise et indiscutable la volonté du président Di Rupo et de son équipe de rénover le parti de fond en comble. Et les autres partis, espérant pouvoir partager une part de pouvoir avec un Ps qui reste tout puissant, font ou ont fait semblant d’y croire. La rénovation du Ps semblait un fait acquis. Seuls y avaient échappé, ici ou là, de rares dinosaures.
Aujourd’hui, le doute s’installe et s’exprime. Il apparaît de plus en plus que l’opération rénovation s’apparentait plutôt à la peinture rose du bâtiment du boulevard de l’Empereur : du « façadisme ». Tout le monde a d’ailleurs oublié le nom du chargé de rénovation du Ps présenté à la presse voici un an. L’important n’était pas que tout change, mais de dire que tout allait changer.
Peut-on ne pas voir que les Van Cau, les Cariat, les Despi, les Anselme , les De Clercq, les Rovillard (et avant eux, les Spitaels, les Coeme, les Mathot, les Carlier - et oublions les autres) ne sont pas des exceptions dans leur parti, mais la partie émergée de l’iceberg ?
Peut-on ne pas voir que le clientélisme, le favoritisme, le cumul des mandats, les petits arrangements entre amis sont inscrits au cœur même de la culture du Ps ? Et que celles et ceux que la presse classe parmi les rénovateurs peuvent aussi être imprégnés de cette culture et, même s’ils s’en défendent, la pratiquer quotidiennement ? Parce qu’elle est le fondement du succès électoral du Ps.


UN Ps TRES AFRICAIN
Il y a quelques années, un ambassadeur de Belgique dans un pays d’Afrique me disait toute sa fascination – que je partage - pour ce continent. « Quand on y est attentif, me disait-il, on se rend compte que l’Afrique est un miroir grossissant de ce qui se passe chez nous ». La vision est à double sens. Les Africains sont au moins aussi joviaux que les Wallons (on se souvient cependant de ce bourgmestre du Borinage qui déplorait, dans un documentaire, que ses pauvres ne soient pas aussi souriants que ceux d’Afrique), mais l’autre face de la médaille n’est guère plus reluisante chez nous que chez eux.

S’indigne-t-on de ces petits ou grands chefs, de ces caporaux qui se proclament empereurs ou présidents, qui se servent dans la caisse, favorisent leur famille, leur village et leur ethnie, installent leur capitale dans leur village natal ?
Il suffit de regarder ce qui se passe dans notre profonde Wallonie, Dès qu’un parti est dominant, il se laisse aller à des dérives africanistes.
Ici, c’est un président de société de logement social qui se constitue une cave à vin, un bourgmestre qui se paie de luxueux voyages, tous deux avec l’argent public. Là, c’est un ministre de la culture qui privilégie sa commune et les villages voisins dans un excès de subventions ; un autre qui défend la nomination dans l’administration d’affiliés de son parti, sous le prétexte que celui-ci est puissant. Là encore, c’est un Collège qui s’octroie la gestion d’un parc de logements sociaux, se réservant le choix des locataires et la détermination du montant de leurs loyers (au mépris affiché de toute politique de lutte contre les négriers du logement). Ailleurs, c’est un bourgmestre qui multiplie les marchés avec l’entreprise de sa compagne ; un autre qui nomme, sans appel public à candidature, sa belle-fille comme coordinatrice de l’accueil extrascolaire ; un troisième qui aurait signé un faux certificat au registre des étrangers d’un joueur du club de foot qu’il préside. Ou c’est un député régional qui fait envoyer à son bureau, par l’administration communale dont il fut le patron, les chômeurs à la recherche d’un emploi. Ailleurs encore, c’est une famille à qui l’on n’accorde un logement social qu’à la condition qu’elle retire ses enfants de l’école catholique pour les placer dans l’enseignement communal.
Certaines de ces pratiques sont illégales (et la justice en jugera), d’autres ne le sont sans doute pas, mais ne sont pas éthiquement acceptables.
Tous ces exemples sont récents, et, plus d’une fois, le fait de mandataires présentés comme « rénovateurs » au sein du Ps, comme totalement étrangers aux attitudes dénoncées chez leurs camarades carolos ou namurois.

La base de la politique clientéliste du Ps, c’est la culture du « protégé », celui ou celle pour qui on envoie des lettres de « recommandation », à qui on promet un logement social, un emploi, une promotion, un marché ou la lune. Comment un parti qui se prétend socialiste peut-il avoir des protégés, et maintenir ainsi un système de servitude digne des patrons catholiques du XIXè siècle ? La raison en est simple : les obligés ont la mémoire des urnes, les valeurs soi-disant défendues par ce parti dussent-elles en souffrir. On est là à mille lieues d’une politique de libération, d’autonomisation des individus que prône la gauche.

« DORMEUR, REVEILLE-TOI ! »
Il y a quelques années, le Ps a modifié son logo. Oubliée la rose, ce n’était plus l’important. L’important, c’était le S de socialiste. Le P de Parti étant censé s’effacer au service des Valeurs. Mais l’arbre n’a pas caché longtemps la forêt. Le gros S n’a pas réussi à cacher un P en réalité hypertrophié. Hyper trop fier de son pouvoir, de ses mainmises, de ses réseaux. On pouvait penser qu’il y aurait une morale à cette histoire, que la « com » avait ses limites et que les faits démontraient qu’elle ne peut tout déguiser.
Aujourd’hui, les faits apparaissent les uns après les autres au grand jour, mais les récents résultats électoraux doivent rassurer les responsables du parti. Le populisme continue à payer.

En dehors de ses affiliés et de ses sympathisants et électeurs (qui sont très nombreux, il est vrai), le Ps ne semble pas se rendre compte de la véritable haine qu’il est en train de développer contre lui. Et du tort qu’il cause à l’ensemble de la région wallonne, et en particulier aux plus démunis qu’il est censé défendre.
Aujourd’hui, ce n’est pas d’une rénovation qu’a besoin le Ps, c’est d’une refondation. Et celle-ci ne pourra s’opérer que par une cure d’opposition.
Aux électeurs wallons de prendre leur sort en main dès 2007 ! Il n’est plus temps de s’indigner, de protester mollement. Nous avons un pouvoir : celui des urnes. Qu’en faisons-nous ? Il est temps que tant de citoyens (re)trouvent un rôle actif, sortent de l’état d’assistés dans lequel certains se plaisent à les maintenir. Sans se tourner vers une extrême droite nauséabonde qui traîne bien plus de casseroles encore et prône des valeurs qui n’en sont pas, de rejet et de haine. Mais, à créer des assistés et des ignorants, on crée, hélas !, des dégoûtés qui peuvent se tourner, demain, vers le premier prophète de mauvais augure venu…

Michel Guilbert,
au nom des valeurs socialistes
inscrites au cœur de l’écologie politique


« on a sauvé la façade depuis le manifeste
gardé les initiales et bazardé le reste
on a sauvé la façade et cravaté nos vestes
le marché a marché, le parti est parti
aux marchands à présent, faut vivre avec son temps. »
Claude Semal : la Façade

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