samedi 27 avril 2019

Grogne et élections

Le président Emmanuel Macron n'avait pas fini d'énumérer, il y a deux jours, la longue liste des réformes qu'il veut engager à la suite du Grand débat que les Gilets jaunes exprimaient déjà leur déception. Mais un Gilet jaune le serait-il encore s'il n'était pas mécontent, s'il ne restait un éternel insatisfait? C'est ce qui le caractérise: bougon, boudeur, grognon, râleur. Aucune annonce ne peut le contenter. France 3  (1) recueillait sur un rond-point les réactions de Gilets jaunes pendant la conférence de presse du président. Sans surprise, ils s'affirmaient très déçus. La mauvaise foi est érigée en vertu. On croirait voir des enfants qui, face aux remarques de leurs parents, se mettent les mains sur les oreilles en criant pour être sûrs de ne rien entendre. Ils pourraient se réjouir d'avoir été, au moins partiellement, entendus, mais ils préfèrent la posture du puriste ou du capricieux. Sans doute aucun président n'a-t-il jamais annoncé, dans l'histoire de la République française, autant de réformes en même temps pour répondre à la grogne, mais les Gilets jaunes avaient décidé, dès le départ, que quoi qu'il dise ils resteraient mécontents. Leur existence repose sur l'insatisfaction. Il n'est point de pire sourd que celui qui a attrapé la fièvre jaune.

Le Journal d'Arte (1) affirme qu'ils sont notamment déçus par les annonces du président en matière d'écologie, "un thème très cher aux Gilets jaunes". Voilà qui nous avait échappé: si une petite frange d'entre eux est inquiète pour l'avenir de la planète, la plupart est quand même faite d'automobilistes qui veulent rouler comme bon leur semble.
Les écologistes, eux, ne sont pas déçus, parce qu'ils n'attendaient rien de Macron, disent-ils (2). Ce qui ne les empêche pas de regretter que les réflexions sur l'avenir de la planète et les mesures à prendre soient confiées à un panel de citoyens tirés au sort. Mais quel élu a pris ou oserait prendre des mesures fortes et contraignantes en faveur de l'environnement et du climat? Aucun. Même chez les écologistes. On se souvient qu'il y a seize ans, suite à son cuisant échec aux élections fédérales, Ecolo avait décidé de non plus s'opposer mais s'abstenir sur le dossier dit de Francorchamps, estimant avoir été mal compris et injustement sanctionné par les électeurs. Plus récemment, ce sont les Verts allemands qui revenaient sur leur projet de taxer lourdement les carburants routiers. L'élection oblige à renoncer à ses propres objectifs, à sa cohérence. De qui espérer une avancée indispensable sinon de personnes qui ne sont pas liées à une élection?
Autre exemple à Limoges. Où le maire considère comme "une catastrophe" la décision de la compagnie aérienne Twin Jet de ne plus assurer la liaison Limoges-Paris depuis le 1er janvier dernier (3). En mai 2018, la Ministre des Transports avait fixé deux nouvelles obligations de service public sur les liaisons Limoges-Paris et Limoges-Lyon. "L'aéroport veut une desserte moderne, des avions plus grands, des toilettes à bord et des prix plus bas", soulignait le président de Limoges Métropole. La compagnie ne pouvant assurer un tel service avait annoncé en septembre qu'elle abandonnerait cette liaison. Comment peut-on parler de service public en parlant d'avion? Quel intérêt public y a-t-il à soutenir un mode de transport aussi polluant? Pourquoi faut-il une liaison aérienne entre Paris et Limoges (372 km)? Entre Limoges et Lyon (331 km)? Un élu est-il obligé de soutenir les positions les plus stupides? Ne peut-il plaider pour un abandon de ces lignes scandaleuses en accordant toute priorité au chemin de fer? Un élu, s'il veut survivre, doit plaire à son électorat et surtout ménager les grognons. Il doit assurer que tout va bien, que tout ira bien, que le confort ne fera que croître et que rien de ce qui le permet ne sera remis en question.

Pendant ce temps, la reine des grognons passe en tête des sondages pour l'élection européenne. La fille à papa peut remercier les Gilets jaunes, leurs analyses et leurs positions simplistes. On la croyait finie après le débat de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle où elle avait démontré l'extrême limite de ses capacités intellectuelles. Le RN-ex-FN engrange les voix de ceux qui sont, par essence (dans tous les sens du terme), mécontents.

Post-scriptum: on ne sait que penser des revendications des G.J. Arte (voir ci-dessus) affirme que l'écologie est un "thème très cher aux G.J.". Mais le Huffpost (4) s'étonne que Macron n'ait pas répondu positivement à l'exigence des G.J. de supprimer la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires et d'abandonner tout projet de taxe carbone. Sont-ils pour ou contre l'écologie finalement? Faudrait savoir. Mais c'est sans doute qu'il y a Gilets jaunes et Gilets jaunes: ceux qui sont plus jaunes que jaunes, ceux qui sont verts de rage, ceux qui sont en colère, ceux qui sont le vrai peuple fâché, ceux qui sont le peuple vraiment fâché, ceux qui sont oh là là vous n'avez encore rien vu. Chaque samedi, lors de leur promenade traditionnelle, ils sont un peu moins nombreux. Ils ne lâchent rien, mais sont lâchés par tous les autres.

(1) 25.4.2019.
(2) https://www.nouvelobs.com/politique/20190425.OBS12118/les-ecologistes-n-attendaient-rien-de-macron-ils-n-ont-pas-ete-decus.html
(3) "Une surprise générale... qui surprend", La Montagne, 27.12.2018.
(Re)lire sur ce blog "En marche", 27.12.2018.


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