lundi 7 septembre 2020

Que vive Charlie Hebdo

Enfin ! Enfin, un haut représentant du culte musulman appelle ses fidèles à respecter Charlie Hebdo. Le recteur de la Grand mosquée de Paris, Hafiz Chems-eddine, souhaite « que Charlie Hebdo continue d’écrire, de dessiner, d’user de son art et surtout de vivre. Que le drame qui a frappé cette publication, des policiers et nos compatriotes juifs serve de leçon à la communauté nationale, mais aussi à ceux qui se réclament de l’islam, à ceux qui se disent amis des musulmans et qui ne condamnent pas clairement ces crimes terroristes : en quoi le meurtre de dessinateurs a fait avancer la cause des musulmans ? Et en quoi la destruction et la barbarie peuvent-elles servir la cause de l’islam ? », demande-t-il (1).

« Tout ça pour ça » a titré Charlie dans son numéro du 2 septembre, le jour où s’est ouvert le procès des présumés complices des assassins de son équipe. « Tout ça », c’est ce massacre. « Pour ça », ce sont des caricatures, comme il y en a eu tant d’autres. Celles-ci, pour la plupart, dénonçaient la prise en otage de l’islam par des obscurantistes prêts aux pires violences pour asseoir leur pouvoir.
« Si le crime est si difficile à nommer, écrit Riss, directeur de Charlie, c’est parce qu’il fut commis au nom d’une idéologie fasciste nourrie dans les entrailles d’une religion. Et rares sont ceux qui, cinq ans après, osent s’opposer aux exigences toujours plus pressantes des religions en général, et de certaines en particulier.
« Des procès, poursuit-il, il faudrait donc en faire non pas un, mais dix, vingt ou cent. Contre les coupables, mais ils sont morts. Contre leurs complices, et ils sont là. Mais  aussi contre la lâcheté, le cynisme, le pédantisme, l’inculture, la trahison, la couardise, le confort intellectuel, l’opportunisme, l’aveuglement, la suffisance, la superficialité, les calculs politiques, l’inconscience, la légèreté, le défaitisme, l’indécision, l’imprévoyance et mille autres travers qui, séparément, semblent anodins, mais qui, tous réunis, ont permis d’exterminer un journal. » (2)

Il y a tous ces charognards, tous ces immondes, tous ces hypocrites, toutes ces âmes  qui se pensent bien nées, « amies » des pauvres musulmans, prompts à traiter d’islamophobes qui se moque de l’islam. Se rendent-ils compte de leur racisme ? Ils laissent entendre que les musulmans ne peuvent entendre la critique et l’humour. Ils insultent les hommes et les femmes qui, dans les pays dominés par l’islam, tentent de vivre libres, de se dégager du poids d’une religion qui entend régir tous les aspects de la vie quotidienne.
Il faut respecter les religions, affirment-ils, la main sur le cœur. Pourquoi pourrait-on se moquer de tout, sauf de ces religions qui se moquent royalement de nous ? Qui inventent des histoires terrifiantes de dieux menaçants et vengeurs, qui multiplient les règles pour nous empêcher de jouir de la vie, qui se préoccupent du contenu de nos assiettes et de ce qui se passe sous nos draps.

Bien sûr, on se réjouit des propos du recteur de la Grand mosquée de Paris, espérant qu’ils seront entendus aussi de tous ceux qui se prosternent devant les déviances assassines d’une religion. Mais le chantier est immense pour lui. Charlie Hebdo a fait réaliser un sondage dont les résultats sont particulièrement inquiétants (3).
74% des 15 à 24 ans se déclarant musulmans font passer leurs convictions religieuses avant les valeurs de la République et 73% d’entre eux estiment que l’islam, leur seule vraie religion, est incompatible avec les valeurs de la société française. Seuls 62% d’entre eux condamnent totalement les frères Kouachi, les sombres assassins crétins de l’équipe de Charlie.
Comme l’écrit Gérard Biard, rédacteur en chef de Charlie, « l’Education nationale a aujourd’hui un problème autrement plus compliqué  et explosif à gérer qu’une bête distribution de masques et de gel hydroalcoolique ».

(1)         Le Figaro, 5.9.2020.
(2)         « Ceux que nous avons perdus », Charlie Hebdo, 2.9.2020.

(3)         « La liberté d’expression, c’est important, MAIS… », Charlie Hebdo, 2.9.2020.

1 commentaire:

Bernard De Backer a dit…

la lecture des minutes du procès Charlie est glaçante, mais également la colère des survivants contre la gauche bienpensante (et pas seulement elle). Lire à ce sujet dans Le Monde de ce jour le bilet de Michel Guerrin : "Où en est aujourd’hui la liberté d’expression et de création à l’heure où se tient le procès de la tuerie contre « Charlie » ? Pas très bien, l’autocensure galope." Il salue également le recteur de la Mosquée de Paris.