dimanche 4 juin 2023

Barbares

Bizutage en France, baptême en Belgique, le nom change, mais les pratiques barbares sont les mêmes. D'un autre âge, elles se poursuivent, donnant l'occasion à des jeunes d'asseoir le pouvoir qu'ils se donnent et d'exercer leur agressivité et leur mépris, leur violence parfois, sur les nouveaux étudiants.
Le verdict d'un procès en appel en Belgique fait scandale, il laisse penser à une (in)justice de classe.
Dix-huit étudiants de l’Université catholique de Leuven étaient poursuivis pour avoir fait subir en 2018 à Sanda Dia, un étudiant belgo-mauritanien, un véritable calvaire qui a entraîné sa mort. Ils n'ont été condamnés qu'à des travaux d’intérêt général.
Durant trois jours, le bleu fut forcé d’ingérer des quantités d'alcool et quatre litres d’huile de poisson, à haute teneur en sel, de la bouillie pour chien et une souris malaxée, fut arrosé d'urine et plongé dans un trou d'eau glacée. Ses tortionnaires (y a-t-il un mot plus adéquat ?) l'ont empêché de dessoûler en le privant d’eau. L'un d'entre eux, alors que le jeune homme était inconscient, a jugé « pas utile » de l’envoyer à l’hôpital, tandis qu'un autre le filmait plutôt que de l’aider et qu'un troisième envoyait un message estimant que : « Il est bon pour la poubelle ».
Sanda Dia est  décédé d’hypothermie – la température de son organisme avait chuté à 28,7 degrés – et d’un œdème cérébral. 

Cette bande organisée a un nom : le cercle Reuzegom, réputé depuis longtemps pour sa violence et qui voulait des baptêmes « fous et brutaux ». Le fait que Sanda soit noir n'est sans doute pas étranger aux tortures inhumaines dont il a été victime. Mais "la question inévitable du racisme de Reuzegom a été survolée, constate Le Monde, alors même que certains de ses membres ne cachaient pas leurs convictions – l’un d’eux traitait Sanda de « nègre », un autre disait d’Hitler qu’il était « [leur] bon ami allemand »."

Le procureur réclamait des peines de dix-huit à cinquante mois de prison, mais la cour n'a condamné les prévenus qu'à des travaux d’intérêt général (de deux cents à trois cents heures) et à une amende de 400 euros. Leur condamnation ne sera pas inscrite dans leur casier judiciaire et leur identité n'a pas été révélée. C'est qu'il s'agit de « ne pas hypothéquer l’avenir » des jeunes gens concernés, 
Celui qu'on appelait « l’enfant du dimanche », "parce qu’il était joyeux, rayonnant et ouvert aux autres", n'a, lui, plus d'avenir. Pour avoir croisé une meute de chacals dorés. Une espèce protégée.

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/31/en-belgique-la-clemence-de-la-justice-apres-un-bizutage-fatal-suscite-l-amertume_6175492_3210.html

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