mardi 7 janvier 2025

Besoin de Charlie

"Dix ans après qu’on a décimé sa rédaction, Charlie Hebdo est toujours là, hilarant, insolent, invincible. Comme un pied de nez à tous les prophètes et aux cons qui les adorent", écrit Raphaël Enthoven dans son dernier éditorial dans Franc-Tireur.
Voilà dix ans que deux sombres crétins ont cru "venger le prophète" en massacrant à la kalashnikov une équipe de dessinateurs armés de leurs seuls crayons. 
Charlie Hebdo, ses lecteurs et la société en général y ont perdu quelques personnes à l'intelligence vive et à l'humour mordant : Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, Oncle Bernard et d'autres encore sacrifiés par une bêtise ultra-violente nourrie par une lecture guerrière du Coran.
Ils continuent à nous manquer. Personne ne les remplacera. Mais Charlie Hebdo vit toujours et son équipe - un dessin dans le numéro de la semaine dernière en témoigne - s'est rajeunie et élargie. Les violents censeurs ont perdu. Même dans l'opinion publique : elle est plus favorable aujourd'hui qu'hier à la liberté de caricaturer. Un sondage en témoigne dans le numéro spécial qui sort aujourd'hui, tiré à 300.000 exemplaires. 


"Le 7 janvier continue de m’habiter sans arrêt, témoigne la dessinatrice Coco, prise en otage par les terroristes (1). Ce qui est aussi difficile à accepter, dix ans après, c’est le sentiment d’impuissance. Ces gars ont été lâches de s’attaquer à des dessinateurs et à une femme comme moi de 1,61 mètre et de 50 kilos. Il y avait une disproportion en tout. Leur haine, notre pacifisme. Leurs armes, leur monstruosité, et nous qui étions là, avec nos plumes, nos stylos, nos crayons, à défendre des idées, à rire. En voulant tuer Charlie, ils ont pensé imposer leur loi de fanatiques, alors que nous prônions la liberté, de penser et de dessiner. Un vrai choc de civilisations."
C'est pour son combat pour la liberté de penser, pour la laïcité, pour l'universalisme et contre les culs-bénits de tous poils qu'il faut continuer à être Charlie.
"François Cavanna avait défini Charlie Hebdo comme le journal de la raison contre tous les dogmes, religieux, politiques…, rappelle Gérard Biard, rédacteur en chef (2). Charlie est un journal athée, laïque, républicain dans la conception française du terme et un journal de la raison. On s’attaque aux dogmes, et donc, évidemment, au dogme religieux. D’abord parce qu’au XXIe siècle, l’idée de Dieu est communément admise comme une idée au-dessus de toutes les autres. Cela signifie que les croyants ont plus de valeur que les autres citoyens. Concevoir une démocratie comme cela n’est pas possible. Il y a aussi le constat qu’il est impossible de construire une démocratie en basant les lois sur la parole divine. Car le principe fondateur de la démocratie est que toutes les lois peuvent être discutées, contestées, y compris dans la rue. La loi de Dieu, elle, est écrite une fois pour toutes. C’est un outil de contrôle totalitaire de la société."
Défendre Charlie, c'est aussi défendre la démocratie.

France Inter consacre à Charlie Hebdo une journée spéciale aujourd'hui.

(1) https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/01/05/coco-dessinatrice-l-attentat-contre-charlie-hebdo-continue-de-m-habiter-sans-arret_6482089_3246.html
(2) https://www.levif.be/international/europe/france/charlie-hebdo-attentat-contre-charlie-dix-ans-apres-lesprit-charlie-est-toujours-vivant/

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