lundi 20 janvier 2025

Trump Ltd, destructions en tout genre

Un gang de milliardaires va diriger les Etats-Unis pendant quatre ans. Au moins. Ils n'ont que mépris pour la population américaine qui a voulu rejeter le système. Ils en sont la pire des incarnations. Leur projet : déréguler et devenir plus riches encore, se faire un maximum de pognon. Ils sont prêts à piétiner joyeusement l'Etat de droit, n'ont aucune limite et une seule doctrine : le cynisme. 
Qui donc va dans les faits être président des Etats-Unis ? Ubu Trump ou Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, qui colle aux basques du dieu élu, trépigne à ses côtés, multiplie les déclarations fracassantes ? 

Certains analystes veulent nous rassurer : il ne faut pas craindre Donald Trump. Il est plus expérimenté aujourd'hui qu'il ne l'était au début de son premier mandat quand il débutait en politique. Et il ne faut pas prendre pour argent comptant toutes ses menaces et ses coups de gueule : ce n'était que des rodomontades de candidat. Le président sera plus mesuré. 
On est en effet rassuré quand on l'écoute : "Ces pauvres idiots parlaient du réchauffement climatique, mais ça n'a pas marché. Alors, ils appellent ça le changement climatique. (...) On dépense des fortunes pour des trucs stupides ! L'éolien ne marche pas. Il coûte cher, il tue les oiseaux. (1)" 
On est également rassuré en le voyant constituer son équipe.

Comme ministre de la Santé, il a choisi Robert F. Kennedy, réputé pour son hostilité aux vaccins et pour ses doutes quant à l'origine du Covid-19. "Il a relayé des rumeurs infondées sur le lien entre vaccins et autisme. Il a également proposé d'arrêter la fluoration de l'eau du robinet et a dénoncé l'effet nocif des colorants alimentaires." (2) Il affirme qu'il n'empêchera jamais personne de se faire vacciner, mais il répercute des rumeurs sur les vaccins qui causeraient l'autisme et n'a visiblement pas compris qu'une immunité collective ne sera atteinte que quand une majeure partie de la population est vaccinée contre une maladie. Bref, il fera un parfait ministre de la Santé. On peut espérer de lui que, puisqu'il se soucie tant des produits nocifs qu'ingèrent les enfants, il mette fin aux pesticides et aux énergies fossiles. 
"Pendant dix-neuf ans, a affirmé RFK, j'ai prié Dieu pour qu'il me mette en position de mettre fin à l'épidémie de maladies chroniques. Cette année, Dieu m'a envoyé Donald Trump." (3). Une autre maladie chronique en effet que ce Donald Trump et il n'y a visiblement pas de vaccin pour s'en débarrasser.  
Près de quatre-vingts Prix Nobel américains appellent les sénateurs à refuser la nomination de RFK (4).

Dans un gouvernement normal, on peut espérer trouver des experts, des gens d'expérience dans le domaine qu'ils auront à gérer. Trump, lui, a d'autres critères. Ainsi, être son partenaire de golf peut aider à obtenir un poste clé. C'est le cas de Steven Witkoff, nommé envoyé spécial au Moyen-Orient, un promoteur immobilier sans la moindre expérience diplomatique. "Nul doute que « l’art du deal », dont M. Trump se veut un expert, avec cette fois M. Witkoff à la manœuvre, conduira à imposer aux Palestiniens un diktat encore plus brutal qu’en 2020" , écrit Le Monde (5)

Star de télé est un autre critère. Mehmet Oz est un ancien chirurgien qui a animé sa propre émission durant plus de dix ans :  le « Dʳ Oz Show ». Sa célébrité lui vaut de piloter le programme public d’assurance-maladie américaine. "Ses recommandations santé, écrit Le Monde (6), parfois ponctuées de qualificatifs comme « magique » ou « miracle », lui ont cependant valu les critiques de confrères, et il a aussi été accusé d’avoir promu des traitements ou des compléments alimentaires inefficaces ou potentiellement dangereux, notamment sur le Covid-19.

La ministre de l’éducation, quant à elle, est l'ancienne patronne de la fédération de catch WWE. Elle a été administratrice de la Small Business Administration, soit la ministre des PME, de 2017 à 2019. Elle obtient un retour sur investissement  : elle fut une donatrice importante du Parti républicain, explique Le Monde (6), "apportant dès 2016 un soutien financier à la candidature de Donald Trump, d’abord pour sa primaire, puis dans la course à la Maison Blanche. Elle est mariée à Vince McMahon, l’héritier de la WWE, visé par une accusation d’agressions sexuelles".

Avec l'humour particulier qui est le sien, Ubu Trump a nommé à la tête du régulateur américain des télécoms un homme dont le seul objectif est de les déréguler (7). Brendan Carr est pour le free speech, la liberté d'expression la plus absolue. Il n'aura sans doute pas beaucoup de travail, le rouleau compresseur est en marche. Mark Zukerberg s'est déjà agenouillé devant l'empereur américain, en annonçant qu'il supprimait de ses réseaux toute modération des contenus et commentaires. Par ailleurs, l'agence fédérale de lutte contre la désinformation étrangère, critiquée par Elon Musk, a déjà dû fermer ses portes, faute de financements du Congrès.

Le ministre de l'énergie, lui, ne pouvait être qu'un climatosceptique notoire, patron d'un groupe de fraction hydraulique. On n'est jamais si bien servi que par soi-même. Les autres nominations sont du même tonneau.

Evidemment, il y a Elon Musk. Nommé à la tête d’un département de l’efficacité gouvernementale, il a pour mission de lutter contre la bureaucratie et surtout de dégraisser l'Etat en taillant drastiquement dans les dépenses publiques. Qui peut imaginer une seule seconde que les plus défavorisés y trouveront leur compte ? « Nous faisons les choses différemment, affirme Musk. Nous sommes des entrepreneurs, pas des politiciens. Nous taillerons dans les coûts. » Y a-t-il projet plus clairement exprimé ? Ce gouvernement travaillera pour le privé, pas pour l'Etat, pour l'intérêt individuel, pas pour l'intérêt collectif.  Musk envisage ainsi des « réductions massives d’effectifs dans la bureaucratie fédérale », assurant que les fonctionnaires limogés seront « soutenus dans leur transition vers le secteur privé » ou bénéficieront de conditions de départ « décentes ». (8) Les Etats-Unis se tournent vers l'illibéralisme, comme l'Argentine de Millei. Par ailleurs, Musk, ce chantre (comme Trump, son maître, son ami, son valet) du repli des Etats-Unis sur eux-mêmes intervient dans la politique de pays européens pour y soutenir les partis d'extrême droite.

Enfin, bien sûr, il y a Trump lui-même. Celui qui défaille d'émotion chaque fois qu'il se regarde dans un miroir, celui qui a été condamné pour agressions sexuelles, celui qui a essayé de truquer le résultat des élections de 2020, celui qui a suscité l’assaut contre le Capitole en 2021, à Washington. Il a fait campagne, rappelle Stéphane Foucart dans Le Monde, avec des vidéos proclamant la venue d’un « Reich unifié », il a promis qu’il conduirait des « déportations de masse », comparé les immigrants à une « vermine » qui « empoisonne le sang des Etats-Unis », déclaré qu’il suffisait qu’il remporte le scrutin pour que les citoyens américains n’aient plus à voter dans l’avenir, etc." (9) Lui aussi va multiplier les conflits d’intérêts. Ce week-end, il vient de lancer la vente de cryptomonnaies à son effigie. "Par le biais de son propre empire, la Trump Organization, ou du fonds de capital-investissement de l’un de ses beaux-fils en affaires avec l’Arabie saoudite, le président élu s’expose, comme lors de son premier mandat, à des violations de ses obligations légales et éthiques." (10) Mais que lui importe les règles ? 

L'ambiance est glaciale à Washington pour la prestation de serment d'Ubu. Au point que la cérémonie ne peut avoir lieu à l'extérieur comme il est d'usage. Elle se fera dans l'entre-soi.

Est-il possible de rester optimiste ? On pense à Jean Rostand qui écrivit : "Je me sens très optimiste quant à l'avenir du pessimisme".

(1) sur X, 11.11.2024, cité par Charlie Hebdo, 20.11.2024.
(2) USA Today, 14.11.2024, in Le Courrier international, 28.11.2024.
(3) sur X, 14.11.2024, cité par Charlie Hebdo, 20.11.2024.
(4) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/10/etats-unis-pres-de-80-prix-nobel-s-opposent-au-choix-de-robert-kennedy-jr-comme-ministre-de-la-sante-de-donald-trump_6439062_3210.html
https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/17/complotiste-antivax-neveu-de-jfk-qui-est-robert-kennedy-jr-le-ministre-de-la-sante-choisi-par-donald-trump_6398060_3210.html
(5) https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2024/11/24/l-administration-la-plus-antipalestinienne-de-l-histoire-des-etats-unis_6411224_6116995.html
(6) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/20/etats-unis-donald-trump-nomme-un-chirurgien-star-des-plateaux-tele-a-un-poste-cle-a-la-sante_6403962_3210.html
(7) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/18/nomme-par-donald-trump-a-la-tete-du-regulateur-americain-des-telecoms-brendan-carr-veut-demanteler-le-cartel-de-la-censure_6399686_3210.html
(8) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/20/etats-unis-elon-musk-bras-droit-de-donald-trump-detaille-son-plan-pour-reduire-le-role-de-l-etat-federal-de-maniere-radicale_6405928_3210.html
(9) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/17/tout-semble-en-place-pour-une-reinvention-du-fascisme-autour-de-la-question-environnementale_6397988_3232.html
(10) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/19/en-plein-conflit-d-interets-trump-debute-son-mandat-en-vendant-des-cryptomonnaies-a-son-effigie_6505740_3210.html







2 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Je suis terriblement inquiet, et pas seulement pour les USA bien évidemment. La grosse question pour moi est celle de la majorité d'Américains qui ont vôté pour lui, dont des hispaniques et des afro-américains (surtout des hommes). Ce qui me frappe dans les documentaires de fond que j'ai pu voir sur Arte, c'est le poids de la religion qui différencie fortement les USA de l'Europe (pour des raison historiques trop longues à déplier). Le président de la chambres des représentants (trumpiste) a dit : « La bible est très claire. Dieu décide en qui placer son autorité. Nous sommes ici grâce à lui. Chacun de vous et nous tous » (source doc Arte). Le gros de l'électorat trumpiste est composé des cols bleus blancs chrétiens (les diverses dénominations américaines) qui craignent à la fois "la sortie de la religion" (notamment sur les valeurs familiales et sexuelles, la domination masculine, etc.) et l'immigration qui menacerait leur emploi et leur mode de vie. Je risque l'hypothèse que l'élection de Trump, rendue possible par un parti républicain droitisé depuis Reagan (et le "Tea party"), est une sorte de "protestation" contre une société autonome qui aurait rompu avec une référent divin et messianique. Cela peut mener à une sorte de fascisme. C'est vite dit mais je ne veux pas encombrer.

Michel GUILBERT a dit…

Effectivement, Bernard, il y a de quoi être très inquiet ! Et c'est vrai que pour nombre de ses afficionados (ses disciples ?) Trump apparaît comme un dieu. Quand on voit ces immenses drapeaux avec sa tête sur fond de bannière étoilée, on voit qu'on a affaire à une ferveur mystique.
Par ailleurs, j'ai lu un titre dans la presse ce jour disant qu'une étude indique que les jeunes femmes sont de plus en plus féministes (pas les supportrices de Trump !) et les jeunes hommes de plus en plus virilistes. Ils se reconnaissent en lui....