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lundi 5 décembre 2016

Lundi brumeux

Lundi en demi-teinte. L'Autriche se teint en vert et l'Italie s'engage dans le brouillard.
L'Autriche et l'ensemble de l'Union européenne viennent d'échapper au pire. Le président autrichien sera le candidat écologiste, ce qui est une bonne nouvelle, et non pas son adversaire du parti d'extrême droite FPÖ, ce qui en est une autre. Mais ils ont quand même été 47% d'électeurs autrichiens à faire le choix de ce dernier.
Ici, les gentilles explications sur ces malheureux oubliés du système, ces perturbés par la mondialisation, ces méprisés par l'élite ne tiennent pas. L'Autriche est un pays prospère qui connaît un taux de chômage de 3,9% (alors qu'il est de 8,3% en moyenne dans l'ensemble de l'Union européenne). Les brillants analystes devront trouver d'autres explications à un choix aussi important pour un parti haineux.
En attendant, au vu des récentes (et effrayantes) surprises de ces derniers mois, il est rassurant de voir gagner un homme austère de 72 ans face à son concurrent de 45 ans qui sait utiliser tous les outils contemporains de communication.
En Italie, les électeurs ont sèchement rejeté la proposition de révision de la constitution portée à bras-le-corps par le président du Conseil. Une réforme des institutions est en débat en Italie depuis trente-trois ans, sans qu'aucun parlement l'ait menée à bien. Matteo Renzi avait promis de la réussir, mais quelle mouche l'a donc piqué pour qu'il soumette cette réforme à un référendum en en faisant une affaire personnelle ? Les Italiens ont été près de 60% à refuser le projet de Renzi. Mais est-ce vraiment à ce projet qu'ils ont dit non? Ou plutôt à la personnalité du premier ministre? Ou à sa politique sociale? Philippe Waechter, directeur de recherche économique chez Natixis relève que "sur les 100 districts au sein desquels le taux de chômage est le plus faible, le oui l'emporte à 59%", tandis que "pour les 100 districts ayant le taux de chômage le plus élevé, le non l'emporte avec 65,8%" (1). Bref, une fois encore, un référendum démontre toutes ses limites. Une fois encore, les électeurs, plutôt que de répondre à la question posée, utilisent le référendum pour dire leur insatisfaction au gouvernement.
La résistance au changement a dû également jouer. On la retrouve partout en politique aujourd'hui. Les ctoyens sont nombreux à exprimer, de manière virulente parfois, leur rejet de la casta, mais tout aussi nombreux à s'opposer au changement.
En embuscade se tiennent la Ligue du Nord et plus encore le Mouvement 5 Etoiles, étrange parti populiste "transgenre", eurosceptique, associé au Parlement européen à des partis tels que Ukip ou l'AfD. Il réunit le vote contre, anti-politica, anti-casta, mais avec un programme flou. Son chef, Beppe Grillo, a des attitudes d'autocrate refusant tout compromis (2) et a parfois tenu des discours anti-immigrés. (3) Tous ceux qui le soutiennent veulent du changement. Ils viennent d'en refuser un. 
Résumons-nous: c'est l'ensemble du système représentatif politique qu'il est urgent de modifier radicalement. Sous peine de rendre impossible tout changement. Tout vrai changement.

(1) http://www.lalibre.be/actu/international/voici-pourquoi-l-italie-a-dit-non-a-matteo-renzi-584580f0cd7003fc4011023f
(2) (re)lire sur ce blog "Clownocratie", 11 mars 2013.
(3) revoir l'émission "28 minutes" d'Arte de ce lundi 5.

lundi 11 mars 2013

Clownocratie

Qu'est-ce que la démocratie? Elle semble insaisissable. Ceux qui l'appellent de leurs voeux ne savent comment la gérer. Beppe Grillo, qui a connu aux dernières élections italiennes le succès que l'on sait, estime que son parti doit diriger le pays. Mais il menace: il quittera la politique (en laquelle il vient juste d'arriver) si les élus de son parti s'associent avec la gauche ou avec la droite. On voit par là que de fervents défenseurs de la démocratie en ont une curieuse conception. Ils entendent occuper seuls le pouvoir sans avoir une majorité absolue (1).
Les partis traditionnels italiens - Démocratie chrétienne, Parti Socialiste, Casa della Liberta de Berlusconi - ont fait pendant quelques décennies tout ce qu'ils pouvaient, en termes de malversations, de combinazione, de mépris et de gestion à leur seul profit, pour dégoûter les électeurs de la politique. Le succès de Grillo est ainsi compréhensible. Mais à vouloir jouer les chevaliers blancs et les rénovateurs-de-fond-en-comble, on peut très bien se transformer rapidement en autocrates. Ou - c'est moins grave - en pleutres. La politique, qu'on le veuille ou non, est affaire de compromis et de négociations. Se présenter aux élections, c'est accepter de prendre ses responsabilités. Sans cela, on n'aura jamais été qu'un catalyseur d'écœurement, un capteur de mécontentement. Et donc un accident de plus dans l'histoire d'un pays qui n'en avait pas besoin.
Les électeurs ont évidemment, eux aussi, leur part de responsabilités: peut-on se contenter d'exprimer un vote de mécontentement, en faisant le choix d'un parti sans vrai projet et qui n'assume pas le pouvoir - même limité - qu'on lui donne? Savent-ils seulement ce qu'ils veulent, ces électeurs prêts à se jeter aux pieds du premier populiste qui passe?
"Aujourd’hui, le citoyen s’engage de façon provisoire, ses choix ne sont valables que dans le moment où il les exprime, écrit Pascal Josèphe dans "La société immédiate". Le consentement politique est sans cesse renouvelable, limité au temps présent. Se sentir lié dans la durée par un engagement, par une opinion, c’est déjà renoncer à une part de liberté. (...)  Les notions de « peuple de gauche » ou « de droite », d’appartenance à un « camp » se dissolvent dans le libre choix du citoyen-consommateur. Avec l’hyperindividualisme et le culte de l’immédiat qui caractérisent les sociétés postmodernes, on peut diagnostiquer la fin de la politique telle qu’elle existait jusqu’à présent. Les identités et les projets collectifs, la responsabilité sociale disparaissent au profit d’une revendication généralisée des droits individuels."

(1) entendu dans Matin Première ce 11 mars 2013.