La France fait tout pour se décrédibiliser, estime un journaliste allemand (1). Les Français souffrent d'hypocondrie dans un pays qui va mieux qu'il ne le pense, affirme un journaliste américain (2). Rien ne fonctionne, tout va mal, disent en chœur tant de Français. Qui se jettent avec avidité sur le livre de vengeance de l'ex-compagne du président. La France sent l'égout, écrivais-je. Se mêle maintenant à ces remugles l'odeur du linge sale déballé en public par la journaliste de Paris Match. Il semble que tant de gens aient perdu la tête.
Le PS semble oublier, un peu plus chaque jour, le programme sur lequel il a été élu et ses représentants ne cessent de se quereller et d'accumuler les problèmes. La droite, elle, siffle le même air que l'extrême droite. Résultat: la fille à papa Le Pen arrive en tête des sondages. Si les Français devaient aujourd'hui se choisir un nouveau président de la république, elle l'emporterait largement au premier tour. Comment et pourquoi le parti de la famille Le Pen parvient-il ainsi à apparaître comme une alternative crédible? Pourquoi tant de Français sont-ils prêts à voter pour un parti d'extrême droite? Bêtise, naïveté, cynisme? Car il s'agit bien d'extrême droite, quoi que dise la fille à papa Le Pen. "Le FN est un parti fasciste, au sens le plus précis du terme, écrit Paul Klein dans Charlie Hebdo (4). Zeev Sternhell, un des plus grands historiens de notre temps, qui étudie depuis plus de quarante ans le fascisme français, de ses origines (des années 1880) à nos jours, le rappelle dans un magnifique livre d'entretiens", dit-il: (5). "Le principe de l'imperméabilité des cultures, écrit Sternhell, constitue un élément fondamental de l'identité d'une nation conçue comme un organisme vivant; telle est l'idée qui se dissimule derrière le 'ni droite ni gauche' du FN. (...) La présence de l'ennemi intérieur est une nécessité de méthode. Après "le Juif", "aujourd'hui, (...) c'est plutôt l'Arabe, ou le musulman, qui constitue l'anti-moi. Cependant, le vieil antisémitisme réapparaît, ce qui nous apprend que racisme, xénophobie, antisémitisme sont rarement séparables."
Si la fille à papa Le Pen apprécie qu'on la compare à Jeanne d'Arc, c'est bien parce cette dernière a bouté l'étranger dehors. Si elle n'avait pas le même objectif, elle se défendrait de cette allusion qui la flatte.
Aujourd'hui, la réincarnation de la Pucelle se tait. On ne l'entend plus depuis des semaines. Elle sait qu'elle a tout intérêt à rester muette. L'incapacité du président Hollande et de son gouvernement, les tensions au sein du PS, les discours excessifs et haineux de l'UMP, la culture grognonne qui s'est emparée de la France parlent pour elle. Elle a réussi sa grande œuvre de dédiabolisation: les journalistes viennent maintenant lui manger dans la main. Le Monde titrait en une, annonçant son interview: Marine Le Pen détaille au Monde sa stratégie de conquête du pouvoir. Et le Nouvel Obs publiait les "confidences" de papa Le Pen, seigneur de Montretout (4).
Le FN a la gueule grande ouverte. Le prédateur sait être patient.
Le FN a la gueule grande ouverte. Le prédateur sait être patient.
(2) Libération, 29 août 2014.
(3) www.lalibre.be/actu/international/marine-le-pen-serait-en-tete-au-premier-tour-de-la-presidentielle-5409accf35708a6d4d53c51e
(4) 27 août 2014.
(5) Zeev Sternhell, Histoire et Lumières. Changer le monde par la raison, Albin Michel, 2014.