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dimanche 21 janvier 2024

L'école des fan(atique)s

Voilà plus de vingt ans qu'en Communauté française de Belgique on réfléchit, dans l'enseignement officiel, à la création de cours de philosophie et de citoyenneté en lieu et place des cours de religion qui séparent les élèves selon leurs convictions. Ici, celles et ceux qui suivent les cours de religion catholique, là les élèves de religion protestante, là encore de religion musulmane ou juive, et puis des cours dits de morale pour ceux qui n'ont pas de religion ou en tout cas n'en veulent pas au programme de leurs cours. Chacun s'y trouve conforté dans ce qu'il croit ou plutôt dans ce que croient ses parents. Des cours qui divisent ou éloignent plutôt que des cours qui amènent les uns et les autres à se poser des questions sur ce qui fonde l'humanité et devrait aider au vivre-ensemble. Visiblement, le dossier n'avance pas (1). 

Ce qui avance au contraire avec ses gros sabots, c'est la religion, en particulier musulmane dans nos pays, mais aussi évangélique aux Etats-Unis et en Afrique, qui impose de plus en plus ouvertement ses signes et ses codes à l'école.  Il y a quinze ou vingt ans, une de mes connaissances me reprochait d'être critique par rapport au voile. Ce n'était selon lui qu'une mode passagère. Depuis, la mode s'est solidement installée et le foulard est apparu comme le cheval de Troie de la religion musulmane qui entend définir non seulement comment s'habiller mais aussi ce qui peut ou doit être enseigné et ce qui doit être interdit. 
Dans Charlie Hebdo (2), un prof de français du 93 dit avoir vu la moitié de ses élèves de cinquième baisser la tête pendant la diffusion d'un documentaire sur les dieux et les héros de l'Antiquité. La nudité de certains d'entre eux leur était insupportable. Les sorties dans les musées deviennent problématiques, dit-il. Pendant le ramadan, certains se bouchent les oreilles dans les cours de musique. Et il est difficile et délicat d'aborder la liberté de la presse et l'éducation à la caricature. L'orthopraxie conquiert de plus en plus d'écoles.
Il y a pire : en Allemagne, dans une école secondaire proche de Düsseldorf, quatre élèves ont tenté - et en partie réussi, semble-t-il - de faire appliquer la charia à leurs camarades. Ils auraient, selon La Libre (3), "fait pression sur le corps enseignant pour que les règles strictes de l’Islam soient appliquées, devenant une vraie “police de la charia” auprès des élèves". Les garçons étaient assis à l'avant de la classe et les filles, très couvertes, évidemment reléguées au fond. Elles évitaient du regard leurs enseignants masculins. Les jeunes flics de la charia souhaitaient que les cours se terminent plus tôt le vendredi pour permettre aux élèves musulmans d'aller prier.

Le journaliste et poète Omar Youssef Souleimane, réfugié syrien qui a acquis la nationalité française, anime des ateliers d'écriture dans des écoles secondaires. Dans "Etre Français" (4), il parle de ces jeunes, troisième génération d'enfants d'immigrés, qui s'enferment dans l'islam comme dans une identité qu'ils ont du mal à trouver. "Le plus étonnant, c'est que la majorité de ces jeunes ne connaît de l'islam que le mot halal, le voile, l'interdiction de boire de l'alcool et le ramadan. (...) Ils répondent inconsciemment à l'injonction de n'être que des Arabes, des musulmans, uniquement pour ne pas être Français, pour ne pas appartenir à ce pays qui nous a occupés." La religion, leur religion, pour ces jeunes, a tous les droits et ne peut être critiquée ou remise en question. Ou simplement remise à sa place qu'elle déborde de plus en plus largement en niant le rôle fondamental de l'école. Qui est de les éclairer et de leur éviter l'obscurantisme.

(2) "Pudibonderie et bondieuseries", Charlie Hebdo, 17.1.2024
(3) https://www.lalibre.be/international/europe/2024/01/19/priere-separation-entre-les-filles-et-les-garcons-tenues-religieuses-des-eleves-dune-ecole-allemande-essayent-de-mettre-en-place-la-charia-PLQESGGT2RDLNJOZIKEY46FYWA/
(4) Omar Youssef Souleimane, "Etre Français", Flammarion, 2023.

mardi 28 février 2012

Saigneur et maîtres

Nicolas Sarkozy ne sait plus s'arrêter. Depuis 2007, 66.000 postes d'enseignants ont été supprimés en France. Juste avant Noël 2011, le Ministère de l'Education en annonçait 14.000 de plus. Entendez: de moins en plus (1). Aujourd'hui, le président candidat a annoncé son projet en matière d'éducation. Il prévoit encore des suppressions d'emplois. Mais qu'on se rassure: les enseignants restants seront mieux payés. Vingt-cinq pour cent de plus. Pour cela, ils devront aussi travailler plus. On n'a rien sans rien. Il faut mériter la chance de garder son job. Ils devront prester en classe 26 heures par semaine plutôt que 18 actuellement (2). Si on considère qu'une heure de cours nécessite une autre heure en préparation et/ou en correction, on peut estimer que les enseignants français travailleront désormais 52 heures par semaine. Ce doit être ce qu'on appelle le progrès. Le président pense que tout s'achète, se consomme, se jette. Il pense que tout le monde est comme lui, que tout le monde ne rêve que de gagner plus d'argent, que chaque enseignant pourra enfin se payer une Rolex. Au-delà de cela, il ne pense pas. Il ne pense pas que l'enseignement joue un rôle fondamental dans l'éducation des jeunes, qu'il est porteur de valeurs et de sens. Ceci dit, le président sortant veut créer de l'emploi. C'est d'ailleurs sa priorité. On peut être rassuré.
Il veut aussi plus de notes éliminatoires au bac, dit-il. Le président aime l'élite. Et tous ceux qui citeront la Princese de Clèves seront en échec. Le président est décidément surprenant. C'est ce qui fait son charme. Il devrait cependant se méfier des notes éliminatoires. Personne ne peut jurer qu'il en est à l'abri.

(1) http://www.lemonde.fr/education/article/2011/12/17/ecole-la-carte-des-14-000-postes-supprimes_1620042_1473685.html
(2) JT de France 2, 28 février 2012

lundi 14 novembre 2011

Intelligence humaine

Le JT de la RTBF (1) nous fait connaître une école pas comme les autres. L'IMCE d'Erquelinnes forme des jeunes aux métiers de la construction et de l'environnement. La majorité d'entre eux, si pas tous, sont en décrochage scolaire. Certains n'ont même jamais accroché à l'école, ont été expulsés de plusieurs établissements. D'autres sont passés par des IPPJ. Au total, 220 élèves qui n'ont pas trouvé leur place dans l'enseignement qu'on dit ordinaire et qu'on a classés dans les tiroirs "caractériels", "indisciplinés, "démotivés" ou "à problèmes".
On se souvient de ces amis enseignants qui nous disaient constater au quotidien combien le système scolaire n'est pas conçu pour les élèves, mais pour les profs. Ici, à Erquelinnes, l'offre scolaire est souple, elle part des besoins du jeune. "Nous adaptons notre structure à la progression du jeune", explique Christophe Quittelier, directeur de l'école (2).
Ces élèves difficiles n'avaient pas la possibilité d'intégrer une formation en alternance. Ici, ils l'ont enfin. L'école ne travaille pas seulement sur les connaissances et les compétences techniques, mais aussi - et parfois surtout - sur les compétences sociales de base, les règles de vie. Elle travaille aussi sur le projet personnel du jeune, sur la reconstruction de sa parole. "Le système scolaire promeut l'apprentissage du silence, estime Christophe Quittelier. Ici, nous avons développé des sas d'écoute qui permettent aux jeunes de réapprendre à parler." (2) Pour le directeur, le but principal de l'école est de permettre aux jeunes de répondre aux questions essentielles: qui suis-je? que veux-je faire de ma vie?
"Je ne suis plus violent comme je l'étais avant, maintenant j'ai changé", dit avec un regard convaincu un futur maçon. (1) Même s'il n'est que de 50% dans les sections horticulture et bois, le taux d'intégration professionnelle est de 80% en construction et en soudure.
On voit par là qu'on peut croire en l'homme et en son intelligence. C'est juste une question de voie. Et de confiance.

(1) 13 novembre 2011, 19h30
(2) Le Soir, 2 juin 2010