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lundi 15 février 2016

Multinationales et mépris multiples

Que sont les valeurs et les références du socialisme devenues? Elles ont perdu, au fil des dernières décennies et d'une véritable incapacité à penser l'avenir, leur brillance rose ou rouge pour se teinter de bleu acier. Les voilà tous, ceux qui chantent l'Internationale à la fin de leurs congrès, qui se muent en petites mains des multinationales. Elio Di Rupo, empereur de toutes les Wallonie et de tous leurs partis socialistes, s'était déjà enorgueilli d'accueillir en sa baronnie montoise le grand Google. Voilà à présent qu'il inaugure en sa ville, avec un bonheur non dissimulé, un centre Ikea. Les trois cent cinquante emplois promis justifient sa soumission au capitalisme et à ses débordements. Tant pis pour les hectares arrachés à l'agriculture, tant pis pour le renforcement de l'usage de la voiture individuelle qu'implique l'implantation loin de la ville de ces géants de la distribution. Tant pis pour les emplois indépendants qui disparaîtront dans un rayon de cinquante ou soixante kilomètres autour de ces centres. "Un emploi Ikea, ce sera 3,5 à 5 emplois perdus dans toute la zone de chalandise", craint l'économiste Alexandre Bertrand, membre du Collectif Citoyen Mons Equitable (1).
Tant pis aussi pour toutes les grandes déclarations sur l'écologie, sur la défense du commerce indépendant et de proximité, sur la fin (promis-juré, avaient-ils dit il y a quinze ans) des implantations commerciales en dehors des villes. Qui fait la loi, sinon le marché? Que veut un élu, sinon le rester? Ce qui implique une certaine flexibilité. Paul Magnette, alors Ministre fédéral du Climat et de l'Energie, l'avait déjà déclaré (c'était à propos du projet de centre des sports de glisse à Antoing) (2): les principes ne doivent pas ouvrir la porte au jansénisme et n'empêchent pas le droit au plaisir. Et notamment à celui de consommer ce que l'on veut quand on veut.
Les profits d'Ikea sont considérables, mais rapportent peu aux pays où il est implanté. Le roi de l'ameublement connaît les meilleurs coffres. C'est ce que dénoncent les députés verts européens (3): les "acrobaties" comptables d'Ikea lui ont permis d'éviter de payer un milliard d'euros d'impôts aux fiscs européens entre 2009 et 2014. Quand on sait que tous les produits vendus par Ikea sont fabriqués dans les pays de l'Est et surtout en Asie, on mesure combien nos pays et leurs responsables politiques s'enferment dans le clientélisme, sans aucune autre considération: pourvu que des emplois soient créés, plus aucune valeur n'existe.

Nicolas Sarkozy n'a jamais eu aucun principe socialiste ou écologiste et n'a jamais caché son goût pour l'argent. Mais des travailleurs indépendants, et en particulier les petits commerçants, ont pu naÏvement croire que l'UMP, plus que d'autres partis, pouvait défendre leur existence. Nicolas Ier, qui rêve toujours de vengeance, sourd à l'opinion publique qui veut le ranger dans le tiroir des erreurs qu'on aimerait oublier, Nicolas Ier a sorti un livre  dont il aimerait qu'il se vende et surtout qu'on parle. On ne sait s'il souhaite qu'il soit lu. Pour le faire vendre, son parti a envoyé un courrier à tous ses adhérents, les invitant à le pré-commander auprès de plateformes internationales de commande en ligne, Amazon, iTunes, Decitre et quelques autres, celles-là mêmes qui, elles aussi échappent autant qu'elles peuvent à l'impôt et veulent la mort du petit commerce. Les libraires indépendants, qui n'existent déjà plus aux yeux de celui qui ne voit que lui, se sont vengés avec humour (4) et n'ont pas laissé le hasard placer son livre dans leurs vitrines ou leurs rayons. Le voici qui voisine ici avec un recueil de Cabu intitulé "Toujours aussi cons!", là entre un livre sur les dinosaures et un autre sur les légumes anciens, ou encore à côté de l'ouvrage "Qu'il est bon d'être mauvais" signé par "un odieux connard". Celui-ci n'en tient pas rigueur à l'ancien président. (5)

Mais que tous les indépendants, belges comme français, soient rassurés: dès la prochaine campagne électorale ils recevront un courrier très émouvant des mêmes candidats qui, la larme à l'œil, les assureront de leur soutien.

Post-scriptum:
http://www.lalibre.be/actu/belgique/les-centres-villes-wallons-presentent-une-mauvaise-vitalite-commerciale-56c2b4c83570fdebf5f70303 Quelle surprise!
(1) https://www.rtbf.be/info/regions/hainaut/detail_mons-non-l-arrivee-d-ikea-ne-fait-pas-l-unanimite?id=9210055
(2) (re)lire sur ce blog: "Magnette et le plaisir", 12 avril 2008.

jeudi 11 septembre 2014

Poubelle

Réflexion faite, je suis assez content de ne pas avoir partagé ma vie avec une journaliste de Paris Match. Elle aurait écrit dans un livre que dès notre premier rendez-vous je buvais - déjà - un verre de vin blanc, que je n'hésite pas à chanter du Jo Dassin quand je tonds ma pelouse et qu'à la télé je ne regarde que Derrick sur de vieilles cassettes vhs (1).
Des libraires en traitent d'autres de censeurs parce qu'ils refusent de vendre le livre de Valérie Trierweiler. Ils n'ont pas compris que ceux-ci font la différence entre librairie et maison de la presse. Le livre en question n'est qu'une édition spéciale de Paris Match. Les libraires énervés affirment que leur commerce "n'a pas vocation à être la machine à laver le linge sale de Madame Trierweiler" (2).
Qu'une femme, considérée comme "première dame de France", soit blessée d'avoir été trompée et humiliée publiquement, se comprend aisément. Mais la vengeance froide à laquelle elle procède avec ce livre est d'autant plus écœurante qu'elle ajoute un peu plus de discrédit au politique et fait, en cette période sensible, le jeu de l'extrême droite et des populistes. Les politiques, à commencer par le président de la République, sont tous des salauds. Et les très nombreux lecteurs (record de vente battu) des voyeurs. Le livre en question n'est qu'une version, même pas plus classe, d'émissions du style Loft.
Une majorité de Français, heureusement, désapprouve cette littérature de caniveau (3).
Finalement, les seuls qui s'en sortent la tête haute sont ces libraires "censeurs" qui refusent de faire leur beurre avec de la boue.

A propos de l'indiscrétion à laquelle s'adonne et nous convie Valérie Trierweiler, ces lignes de Voltaire:
Mais croyez qu'en ce lieu tout rempli d'injustices,
Il n'est point de vertu, qui rachète les vices,
Qu'on cite nos défauts en toute occasion, 
Que le pire de tous est l'indiscrétion,
Et qu'à la cour, mon fils, l'art le plus nécessaire
N'est pas de bien parler, mais de savoir se taire.
(...)
Cachez vos sentiments, et même votre esprit,
Surtout de vos secrets soyez toujours le maître;
Qui dit celui d'autrui doit passer pour un traître,
Qui dit le sien, mon fils, passe ici pour un sot.
Voltaire, "L'Indiscret", comédie (4).

Lire aussi: http://bescherelletamere.fr/fautes-livre-trierweiler-merci-pour-ce-moment/
Et encore:
http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2014/09/13/merci-moment-xavier-libraire-dit-non-a-trierweiler-oui-a-soral-254826

(1) voir "Ne le lisez pas, Charlie l'a fait pour vous", Riss, Charlie Hebdo, 10 septembre 2014.
(2) www.lesoir.be/647323/article/actualite/france/2014-09-06/enerves-des-libraires-refusent-vendre-livre-valerie-trierweiler
(3) www.lalibre.be/light/societe/livre-de-trierweiler-qu-en-pensent-les-francais-54109ebe357030e6103ef792
(4) in "Voltaire, œuvres d'humour", éditions Omnibus, 2013.