dimanche 2 décembre 2012

Belle jeunesse

Passant devant l'église romane de Ruffec-le-Château, dans le centre de la France, on en pousse la porte, mu par une simple curiosité architecturale. C'est un premier novembre - celui de 2012, précisons-le, jour de Toussaint, en fin de matinée. De nombreuses femmes habillées et voilées de noir sont en prière. Une à une, elles quittent leur prie-dieu et s'éclipsent via la sacristie. Quelques-unes traversent la nef pour sortir par la grande porte. La plupart sont jeunes. L'une d'entre elles se place derrière nous, sans un mot, attendant qu'on la regarde. Elle nous propose alors de nous faire visiter l'église. On décline l'invitation. Poliment, comme il se doit.
Un dépliant nous apprend que ces religieuses sont membres des Soeurs de la Fraternité Saint-Pie X, une congrégation fondée par Marcel Lefebvre. Celui qui est plus connu sous le nom de Monseigneur Lefebvre fut un intégriste catholique, en lutte comme Pie X contre le "modernisme" de l'église. Il fonda le Séminaire d'Ecône pour y former des prêtres. Sa soeur, Marie-Gabriel, prit en charge la formation des religieuses qui s'installèrent à Albano, à quelques kilomètres de Rome. Mais très vite, elles se voient contraintes de quitter l'Italie pour la France, "pour laisser la place aux séminaristes d'Ecône", nous dit le dépliant. On voit par là qu'on se fait parfois des idées fausses. Contrairement à ce que l'on croit, dans les religions intégristes, la femme ne doit pas rester à la maison : elle a le droit d'en changer. Surtout si c'est pour faire place aux hommes. Et pour leur éviter les basses besognes. Le rôle de ces religieuses est  clair : "elles déchargent les prêtres des soucis matériels tels que : cuisine, couture, ménage, les rendant ainsi plus libres pour accomplir leur ministère". Bref, elles sont les bonnes du curé, même si elles ont aussi en charge le catéchisme et les visites aux pauvres et aux malades. Chaque jour, elles ont "une heure d'adoration réparatrice". Le feuillet ne précise pas ce qu'elles réparent. 
On sort de l'église. On croise sur le parvis un groupe de fidèles, adultes, jeunes et enfants, devisant avec un prêtre en soutane, comme on n'en voit plus depuis les années soixante, un homme heureusement déchargé des soucis matériels. On se demande laquelle de ces jeunes filles sera la prochaine à s'enfermer dans cet espace du passé. Laquelle aura "la vocation". Celle de devenir boniche d'un dieu et de ses officiers.


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