Non loin de chez moi, un projet de sept éoliennes fait du bruit. Comme partout, des "riverains" s'y opposent. Même si les plus proches d'entre eux se trouveront à plus de 800 mètres de ces moulins à vent. Mais le nymbisme semble bien être le mal du siècle.
Ci-dessous le courrier que je viens de leur adresser.
Mesdames, Messieurs,
habitant L., à proximité de T., je viens de recevoir votre folder
dans lequel vous vous opposez à l'implantation d'éoliennes dans notre région.
Que vous vous souciiez de notre cadre de vie, je m'en réjouis, mais je vous
avoue rencontrer certaines difficultés à comprendre vos arguments.
Tout d'abord, je ne parviens pas à savoir de combien d'éoliennes il s'agit:
vous parlez d'une enquête publique concernant "7 éoliennes", mais
votre carte en indique 20 du côté des H. et en illustre 17.
Ensuite, je ne peux accepter telle quelle la liste de vos critiques contre
les éoliennes, qui ressemble fort à un « copier-coller » de toutes
celles que s’échangent les comités anti-éoliens à travers l’Europe.
Vous parlez de "nuisances sonores et visuelles". Personnellement,
j'ai eu l'occasion de voir, de près, d'un peu plus loin et de très loin, des
éoliennes, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne, et
je dois dire que si je les ai vues, je ne les ai pas entendues, mis à part un
chuintement quand on se trouve à leur pied et tout au plus à 200 mètres. Dès
que le vent augmente, le bruit ambiant fait de même et celui des éoliennes se
perd dans l'ensemble.
Quant à leur impact visuel, vous me permettrez d'estimer qu'il s'agit là
d'un point de vue purement subjectif. Personnellement (et ça n'engage évidement
que moi), je les trouve rassurantes, apaisantes, modernes et design. C'est
peut-être bête à dire, mais j'adore voir tourner des éoliennes. Dans les débats
publics sur les éoliennes, c’est en général le dernier argument qui
tienne : les éoliennes sont-elles belles ou pas ? Juste une question
d’esthétique donc.
Vous affirmez de manière assez précise que les éoliennes "font subir
une dévalorisation aux biens situés à proximité, et ce dans une fourchette
comprise entre -28% à -46% de leur valeur d'origine". Je ne sais d'où vous
tenez ces chiffres. De mon côté, j'ai lu une étude – en Wallonie - qui réfute totalement votre affirmation. Des
maisons ont été revendues, à partir desquelles la vue s'ouvre sur des
éoliennes, sans que leur valeur ait baissé. C'est donc, sans doute, qu'il y a
des gens qu'elles ne dérangent pas ou qui les apprécient.
Vous dénoncez la destruction de la faune: ici encore, aucune étude, à ma
connaissance, ne le confirme. Et s'il doit y avoir parfois des oiseaux tués par
des éoliennes, leur nombre n'a rien à voir avec celui, bien plus élevé, des
oiseaux tués par le trafic automobile et par la chasse. Envisagez-vous
l’interdiction de ces activités ?
Elle "ne subsistent que grâce aux subventions", dites-vous. Vieil
opposant au nucléaire, je serais curieux de savoir quelles fortunes les
pouvoirs publics ont dépensé pour lui permettre de se développer et de gérer
aujourd'hui l'ingérable problème des déchets. Donc, oui, l'énergie, quelles que
soient ses formes, a un coût pour la société.
Les éoliennes ne fonctionnent, dites-vous encore "que 15% des 365
jours d'une année". Voilà bien une rumeur que se refilent tous les
comités anti-éoliens. J'ai entendu la même en Belgique où j'ai vécu et où j'ai
vu tourner pendant des années, au moins 25 à 28 jours par mois (quand ce n'est
pas 31 – je l’ai par exemple vérifié quotidiennement du 1er au 31
mars 2013 * ), les 7 éoliennes érigées à proximité de chez moi.
Elles "ne créent pas d'emplois industriels en France",
affirmez-vous. Comme d'autres pays, la France a pris du retard en ce domaine.
L'opposition de principe n'aide évidemment pas le secteur à se développer, même
si, en Allemagne, par exemple, il a créé bien plus d'emplois que le nucléaire.
Enfin, vous regrettez qu'elles "ne profitent qu'à une minorité de
propriétaires-exploitants". Mais vous soulignez par ailleurs que la
Communauté de Communes, donc la collectivité, donc les citoyens, en
bénéficieront (le groupe de soutien aux éoliennes cite les chiffres de 50.000 €
annuels pour la minuscule commune de T., tout récemment au bord de la
faillite, et autant pour la Communauté de communes). Cherchez l'erreur. Si
demain on se met à interdire toute activité industrielle qui ne rapporte qu'à
quelques-uns, j'imagine que l'économie française serait définitivement ruinée.
A moins que vous ne souhaitiez - c'est peut-être votre projet, après tout
pourquoi pas? - passer à une économie de type communiste.
Vous terminez en posant la question de savoir quel héritage nous voulons
laisser à nos enfants. Personnellement, j'aimerais leur laisser une Terre la
plus propre possible, d'où auraient disparu les énergies polluantes et sans
leur laisser pendant des siècles de dangereux déchets nucléaires.
Je l'ai vécu en Belgique comme en France: l'opposition aux éoliennes semble
reposer sur un principe... d'opposition, sur des rumeurs, sur la résistance au
changement et surtout sur une attitude d'autruches. Que proposent, que font les
opposants pour réduire leurs consommations, pour changer de mode de production
d'énergie?
La région de L. a refusé, voilà des années, l'enfouissement de déchets
nucléaires. Elle a eu bien raison. Mais soyons cohérents : on ne peut
refuser les déchets tout en acceptant la logique nucléaire, à moins de tomber
dans le « nimbysme » (not in my backyard – pas dans le fond de mon
jardin). Donc, quelles formes d’énergie pour remplacer le nucléaire?
Peut-être le projet que vous contestez envisage-t-il trop d'éoliennes.
Peut-être les éoliennes en projet sont-elles trop hautes. Peut-être certaines
sont-elles prévues trop près de certaines habitations. Je n’en sais rien et
c'est possible, mais vous n'en dites rien et je serais prêt à vous suivre si
vous pouvez démontrer que leur impact paysager pourrait être diminué.
Sans doute faudrait-il exiger que ces éoliennes soient « citoyennes »,
en ce sens que les riverains puissent y investir prioritairement et en retirer
donc, sous l’une ou l’autre forme, des bénéfices. Cette pratique a déjà prouvé,
ailleurs, tout son « intérêt ».
A Houyet, petite commune rurale de Wallonie, les habitants et les communes
environnantes sont propriétaires de 2/3 du parc éolien. J’y ai rencontré des
habitants très fiers de « leurs » éoliennes. Le concept est le
suivant : « le gisement vent appartient aux citoyens et est l’une de
leurs ressources énergétiques. (…) Les retombées économiques et financières de
l’exploitation du gisement vent sont réservées majoritairement aux habitants de
la région et à leurs sympathisants dans le pays, soit à titre individuel ou
associatif, soit par le biais de leurs administrations communales,
intercommunales, etc. » (extrait d’un document que je tiens à votre
disposition - voir www.vents-houyet.be)
Je suis persuadé que c’est dans ce sens qu’il faut aller, plutôt que de
s’en tenir à un refus de principe de tout parc éolien, au risque que votre
combat reste un combat d'arrière-garde, s'inscrivant dans une démarche de
résistance à un changement
indispensable. Les éoliennes sont aujourd’hui un moyen, parmi d’autres,
de changer de modes d’énergie. Elles
génèrent, comme les autres modes, mais moins que d’autres, certaines
gênes. Faut-il, absolument, les
refuser ? Si oui, il faut alors cesser toute consommation d’énergie.
Il n’est pas question d’accepter n’importe quoi, mais pas non plus de
refuser tout changement. Et chacun doit en prendre sa part.
* lire sur ce blog "Et pourtant elles tournent", 31 mars 2013.
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