jeudi 22 septembre 2016

Si ça continue, ça va cesser

Que fait l'homme de 2016? Il bougonne, il grogne, il râle, il peste, il tempête. En un mot, il n'est pas content et en dix il le dit.
Hier soir, Arte diffusait en direct (1) depuis la Scala de Milan une représentation de "La Flûte enchantée" de Mozart par l'Académie du Teatro alla Scala, c'est-à-dire de jeunes chanteurs et musiciens. Adam Fischer assurait la direction de cet orchestre de jeunes et Peter Stein la mise en scène. L'ensemble avait beaucoup de charme et de fraîcheur. et permettait à ces jeunes de faire là leurs premières armes et d'exprimer leur talent. Mais ainsi ne le voyaient pas les quelques téléspectateurs d'Arte qui ont posté des commentaires sur son site dès les premières minutes de la représentation: l'un trouve que "ils chantent faux et c'est moche", un autre estimait que "c'est pathétique", un autre encore se demandait ce qu'est cette histoire et pourquoi Arte la programme. On comprend la déception de ces téléspectateurs: les histoires d'opéra sont souvent étranges et pourquoi donc ces jeunes prometteurs ne s'appellent-ils pas Luciano Pavarotti, La Callas ou Cecila Bartoli? Comment peut-on programmer des débutants qu'on ne connaît même pas?
Dans la commune bruxelloise d'Uccle, un horodateur a été installé sur la rue même. C''est une erreur et on peut en rire tant la situation est grotesque (2). Mais des citoyens n'ont pas le cœur à rire: c'est, font-ils remarquer, qu'on perd là une place de parking. L'homme de 2016 ne peut plus se garer. Alors, il est "sous le choc", il se met en colère et entend lancer sans plus attendre une pétition.
L'homme de 2016 adore les pétitions, il en a toujours une sous le bras: il est contre la venue d'Eric Zemmour et contre celle d'un centre d'accueil de migrants, il est contre le nouveau plan de circulation de Lille et contre "le système politique actuel" (3). Mais il est heureusement pour qu'on rejoue la finale de l'Euro 2016 et surtout pour le retour de la bière à l'ENSAPL. On respire. L'homme de 2016 a gardé le sens des priorités. D'autant que les bénéfices de la vente de la bière dans cette école permettent de "soutenir des projets culturels". L'homme de 2016 est cultivé.

(1) http://concert.arte.tv/fr/la-flute-enchantee-de-mozart-par-lacademie-du-teatro-alla-scala
(2) http://www.lalibre.be/regions/bruxelles/uccle-un-horodateur-installe-par-erreur-en-pleine-rue-57e3709dcd70633d4457dd6e
(3) http://www.mesopinions.com/petition/a-la-une

2 commentaires:

Grégoire a dit…

Cette réaction concernant "La Flûte enchantée" s'explique peut-être par un problème de pédagogie (j'exècre ce mot). Dans une très grande majorité de familles, on n'écoute jamais d'opéras. Tout au plus, voit-on en période de fin d'année, entre une pub pour Champomy et une autre sur une lessive qui lave encore et toujours plus blanc que blanc, la sortie d'un cd avec trois ténors connus... Il manque un cours de culture générale en école primaire... Enfin, il faudrait déjà que les matières de base soient assimilées...
Au fait, combien a coûté l'horodateur? Pour le reste, cela fait le bonheur des chroniqueurs pseudorigolos ou des auteurs de brèves de journaux.
Avant Internet, l'expression d'un avis était réservée aux professionnels de l'information, aux politiques, et aux auteurs aléatoires (universitaires, philosophes, etc.) mais choisis avec précautions. Depuis internet, chacun imagine (et finalement ma "présence" ici-même en est la preuve) que son avis vaut autant que celui d'un député, d'un scientifique, d'un journaliste, d'un économiste... N'est-ce pas une des bases de la démocratie? : une voix égale une voix. En revanche une voie n'y égale pas une autre. Fabrice Epelboin rappelle dans une conférence (je vous conseille une petite recherche sur Youtube à son sujet) que la liberté d'expression n'est pas inscrite dans la Constitution Française, contrairement à celle de USA. Même s'il regrette que les racistes y aient le droit d'exprimer des opinions détestables, il constate que cela n'a pas empêcher l'élection d'un président "noir". En France, avant que cela n'arrive...

Michel GUILBERT a dit…

D'accord avec vous, mais ce qui me sidère, c'est de voir combien cet outil (Internet, les forums, les blogs, etc), qui pourrait (et peut) consituer un instrument d'intelligence collective, est si souvent utilisé pour critiquer par principe, pour se plaindre, pour râler. Sur Internet, on trouve plein de réflexions et d'informations intéressantes, c'est donc parfois le Café Philo. Mais c'est aussi, trop souvent, le Café du Commerce. Comme dans la "vraie vie" sans doute....