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mardi 26 mars 2024

Abject Ier

Il a fini par l'admettre du bout des lèvres : l'ignoble attentat qui a tué au Crocus City Hall à Moscou 144 personnes et en a blessé 285 (des chiffres sans doute encore provisoires) est le fait d' « islamistes radicaux ». Mais le criminel de guerre Vladimir Poutine veut voir derrière cette attaque meurtrière la main de Kiev : " Nous savons qui a commis cette atrocité contre la Russie et son peuple. Ce qui nous intéresse, c’est le commanditaire. " (...) " Il est important de répondre à la question de savoir pourquoi les terroristes, après leur crime, ont essayé de partir en Ukraine. Qui les attendait là-bas ? " 
Poutine ne se remettra évidemment jamais en question. Ses services de sécurité ont été défaillants, plus occupés à surveiller les citoyens qui fleurissent la tombe d'Alexeï Navalny qu'à protéger leurs concitoyens d'une attaque pourtant annoncée. "Trois jours avant le drame, écrit Le Monde (1), le chef de l’Etat balayait les multiples avertissements américains, publics mais aussi transmis de services à services, comme l’a confirmé la partie russe, quant à l’imminence d’une attaque : « Des provocations et un chantage évident, destiné à déstabiliser et effrayer notre société », disait Poutine le 19 mars devant ses anciens collègues du FSB (service fédéral de sécurité), préférant mettre l’accent sur les vrais ennemis menaçant le pays – les traîtres. "
Personne ne peut mettre en garde le tsar qui maîtrise tout ce qui se passe sur son territoire et même au-delà. Les citoyens russes ne demanderont pas - n'oseront pas, ne pourront pas demander - de compte à cet homme tout-puissant qui a démontré son impuissance mais se défausse toujours sur les autres. Cette attaque islamiste met à mal sa fable de ce pseudo sud global qui serait à ses côtés pour lutter contre l'Occident décadent. Le voilà agressé par le sud comme un vulgaire occidental.
"Cet attentat, écrit encore Le Monde, qui rappelle combien la menace djihadiste reste présente, y compris sur le sol européen, prend à revers le grand récit développé depuis des années par le maître du Kremlin. Ce récit fait de l’affrontement avec un Occident fantasmé, à la fois décadent et agressif, le seul enjeu existentiel auquel la Russie serait confrontée. Cet aveuglement est particulièrement contre-productif. Il suffit de porter le regard sur les régions du monde où le djihadisme continue de semer la mort après l’éradication de son sanctuaire moyen-oriental, comme en Afrique sahélienne, pour constater combien la mise en avant obsessionnelle de l’opposition entre Moscou et Washington, ou Paris, sert cette organisation terroriste."

Poutine se contentera d'allumer une bougie à la mémoire de ces centaines de victimes d'un crime que sa prétention l'a empêché d'éviter. 
Cet attentat, il en fait un argument de plus pour justifier sa guerre contre l'Ukraine. Les assaillants, prétend-il, fuyaient vers l'Ukraine qui a, c'est ce qu'il laisse entendre, commandité l'attentat. Ces terroristes présumés ont pourtant, selon certaines sources, été arrêtés plus près de la frontière biélorusse que de celle de l'Ukraine. Et comment auraient-ils franchi cette dernière alors qu'ils auraient dû traverser les lignes russes ? Mais le régime russe n'essaie pas d'être crédible, il a depuis longtemps abandonné tout souci de cohérence. Son président dit la vérité et celui qui oserait le contredire est un nazi et un traitre.
On doute cependant que Poutine ait été jusqu'à remercier l'Etat islamique au Khorassan. Il ne remercie personne. Il ne doit rien rien à personne. 

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/25/attentat-de-moscou-des-failles-au-sommet-un-bouc-emissaire-a-l-exterieur_6224044_3210.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/25/attentat-de-moscou-vladimir-poutine-rappele-a-la-realite_6224059_3232.html

vendredi 22 juillet 2016

Les gros malins

C'est fou le nombre de gros malins qu'il y a aujourd'hui en France. Tous ceux qui savent - et se répandent dans la presse et sur Internet pour l'affirmer - ce qu'il fallait faire pour éviter le carnage de Nice. Mettre des blocs de béton ici, des barrières de sécurité là, plus de gendarmes encore, de policiers, de militaires, de surveillance, de fichage, de filage. Comme s'ils savaient ce qui allait arriver, comme s'ils avaient imaginé qu'un camion conduit par un fou furieux difficilement décelable allait foncer dans la foule.
La veille du massacre de Nice, je me baladais dans un vide-greniers dans une petite ville du centre de la France. Ni barrières, ni blocs de béton, ni policiers, ni gendarmes, les étals de vendeurs suffisaient à faire comprendre aux automobilistes que l'accès à la ville leur était fermé. Ce qui n'a pas empêché l'une d'entre eux de pénétrer au pas dans une ruelle pour une raison inconnue. Elle n'avait visiblement rien à faire là et n'a heureusement, à ma connaissance, causé aucun dégât, mais qui imagine que certains citoyens (se) conduisent comme des abrutis? Il faut maintenant vivre avec l'idée que le pire est possible partout, sous toutes les formes et que la prévention de la violence a d'énormes limites. Faut-il désormais mettre des blocs de béton devant tout rassemblement, tout établissement public, faut-il interdire la vente et l'usage de marteaux, de hâches, de foreuses, de tronçonneuses?  Après le prochain atttentat, que nous diront-ils qu'il aurait fallu faire, les gros malins?

Les gros malins ont les solutions: emprisonner tous ceux qui sont fichés, renvoyer les étrangers, fermer les mosquées salafistes, expulser les musulmans, fermer les frontières. Et tant pis si toutes ces solutions ne sont pas réellement applicables (1), il n'yaka tempêter pour faire croire que toute situation complexe a des solutions simples.
Les gros malins, adeptes du yaka, fustigent les autorités qui n'auraient pas pris les mesures nécessaires à Nice et celles-ci se montrent du doigt, s'insultent, se renvoient la responsabilité. Pendant ce temps, les gros cons rigolent. Ils ont réussi à créer la zizanie et préparent leur prochain coup. Qui viendra là où on ne l'attend pas, dans une foire agricole, une fête de village, une piscine de plein air, une rue commerçante ou un restaurant bondé. Et les agresseurs useront de moyens auxquels on n'avait pas pensé. Ils savent qu'on ne peut mettre un flic derrière chaque citoyen, qu'on ne peut fouiller tous les sacs ni tous les véhicules, que la barbarie ne se détecte pas au faciès.

Ceux qui appellent à fermer les frontières sont de dangeeux illusionnistes. Les agresseurs ne viennent pas de l'étranger. Les assassins sont parmi nous et c'est ce qui fait leur force. "Les attentats se préparent dans l'esprit de gens dont les intentions restent impossibles à déceler jusqu'à ce que les balles se mettent à siffler", écrit Max Fisher dans le New York Times (2). "Il est possible d'améliorer la sécurité, dit-il encore, avec des barrages, des détecteurs de métaux et des programmes des surveillance, mais pas de la garantir absolument. Les gouvernements devraient plutôt s'attaquer à l'idéologie qui appelle à commettre de telles violences." Max Fisher pointe aussi d'autres causes: "des Etats autoritaires souvent violents, des institutions religieuses généralement complices, des économies étranglées qui n'offrent que peu d'espoir aux jeunes et des conflits sans fin qui encouragent le tribalisme et l'extrémisme".
Dans The Guardian (3), Simon Jenkins estime que les dispositifs policiers et militaires montrent aujourd'hui leurs limites, que "aucune force de sécurité au monde ne peut défendre une foule contre un déséquilibré au volant d'un camion et que ce sont "10 000 psychologues ou 10 000 historiens spécialistes de l'islam" qu'il faudrait déployer en France. "Nous vivons dans un monde où règne le désastre mental", écrit Philippe Lançon dans Charlie Hebdo cette semaine. Il conclut son article (4) en constatant que "désormais, l'asile est partout et les fous sont armés".

(1) http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/07/21/petit-manuel-pour-lutter-contre-les-pensees-simplistes-apres-les-attentats_4972776_4355770.html#dcdr_carte15
(2) "Le nouveau visage du terrorisme", New York Times, 16 juillet 2016, in Le Courrier international,  21 juillet 2016.
(3) "Une riposte militaire serait la pire des réponses", The Guradian, 15 juillet 2016, in Le Courrier international,  21 juillet 2016.
"(4) Salade niçoise", Charlie Hebdo, 20 juillet 2016.

Post-scriptum: à lire aussi: l'excellent billet de Guillaume Erner dans Charlie Hebdo de cette semaine, "Message à l'intention des futurs djihadistes", où il exprime son écœurement par rapport à ces crétins, juste capables de "sadisme imbécile". Et dans la même logique que cet article, une pétition appelant à l'anonymat des terroristes dans les médias. Une manière de leur dire: vous n'avez jamais existé, vous n'existez pas, vous n'existez plus! Vous n'êtes rien. Nuls, juste nuls!
https://www.change.org/p/csaudiovisuel-pour-l-anonymat-des-terroristes-dans-les-médias/sponsors/new

jeudi 8 janvier 2015

Des questions

Qu'est-ce qui peut donc bien se passer dans la tête de sombres crétins pour qu'ils décident un jour d'aller massacrer l'équipe de Charlie Hebdo? Que gagnent-ils, qui gagne quoi à faire disparaître des journalistes et des dessinateurs dont tout le travail se concentrait sur la lutte contre le racisme, contre la violence, contre la bêtise? "Charlie s'est toujours battu contre toutes les formes d'extrémisme, contre la connerie", rappelait ce matin entre ses larmes Patrick Pelloux sur France Inter. Quel soutien, à part celui de quelques hyènes, espéraient-ils recevoir après un acte aussi lâche et ignoble? Quand ils mourront, ce n'est pas face à 70 vierges que se trouveront ces assassins, mais devant 70 pages vierges sur lesquelles ils devront écrire ce qu'ils ont fait de positif dans leur vie. Ils pourront y décrire la société idéale dont ils rêvaient et pourront s'inspirer pour cela des textes de Bernard Maris qu'ils ont tué. Oncle Bernard, un des trop rares économistes capables d'expliquer pourquoi et comment une autre économie est possible (1). Et ces imbéciles l'ont assassiné froidement. 
Oui, mais Charlie Hebdo était contre l'islam, disent des âmes bien croyantes et mal pensantes. Charlie n'aimait pas les religions, toutes les religions, comme il n'aimait pas le racisme et la connerie, comme il démontait les manipulations et rabotait les langues de bois. Pour tout cela, il reste indispensable.
Ils croyaient avoir tué Charlie, mais Charlie sera toujours en kiosques mercredi prochain. La solidarité le sauvera. Pourvu qu'elle perdure au-delà de l'émotion. 
En attendant, on découvre d'autres noms dans la liste des morts (2). A ceux de Charb, Cabu, Oncle Bernard, Wolinski, Tignous, s'ajoutent ceux du dessinateur Honoré, de la psychanalyste Elsa Cayat, de Michel Renaud, organisateur du festival Carnets de voyage à Clermont-Ferrand, de Frédéric Boisseau, agent d'entretien, de deux policiers Ahmed Merabet et Franck Brinsolaro. Celui aussi de Moustapha Ourrad, correcteur à Charlie à qui un membre de l'équipe (c'était Cavanna, je pense) avait rendu un bel hommage il y a plusieurs mois, louant notamment sa parfaite maîtrise de la langue française. Douze morts pour quoi? Est-il permis de l'espérer? Pour qu'il y ait plus de solidarité au sein de la société française? Plus d'affirmation de la liberté d'expression? Moins de place pour la violence et la bêtise crasse? En tout cas, comme le dit Patrick Pelloux, "c'est pas la connerie qui va gagner".

Une grande manifestation se prépare à Paris ce dimanche, rassemblant toutes les composantes de la société. Le FN aurait évidemment le culot d'en être, lui qui a multiplié les procès à l'encontre de Charlie qu'il haïssait. Par respect pour la mémoire des disparus de Charlie, le FN devrait se contenter d'aller à la messe ce jour-là. Et même à confesse, tant qu'à faire.

A voir des dessins d'hommage de différents dessinateurs à travers le monde:
http://www.lemonde.fr/grands-formats/visuel/2015/01/08/dessinateurs-du-monde-entier-tous-charlie_4551870_4497053.html#xtor=RSS-3208

(1) www.huffingtonpost.fr/jacques-sapir/bernard-maris-mort_b_6429820.html?utm_hp_ref=france
(2) www.huffingtonpost.fr/2015/01/08/victimes-charlie-hebdo_n_6434150.html?utm_hp_ref=france
www.rtbf.be/info/societe/detail_charlie-hebdo-des-journalistes-tues-mais-aussi-des-victimes-collaterales?id=8733608

mercredi 7 janvier 2015

Nous nous appelons tous Charlie




Il ne doit pas cesser de se retourner dans sa tombe, le Prophète. Il faut dire que le voilà arrosé de sang, si c'est bien pour le "venger" comme ils le clamaient que des barbares ont lâchement assassiné l'équipe de Charlie Hebdo. La bête immonde est donc partout, de moins en moins tapie dans l'ombre. Elle sort du bois, attaque, frappe, viole, blesse, tue. Ici, c'est à la liberté de pensée et d'expression qu'elle s'en est pris, croyant qu'il suffit de décimer une rédaction pour achever cette liberté. Charlie Hebdo ne s'en remettra, hélas, sans doute jamais, comme le pense l'un des siens, Antonio Fischetti (1). Mais, quoi que croient ceux qui ne savent pas ce qu'est penser, cette liberté survit à tout. Même au pire. On peut tuer un symbole de la liberté, mais pas la liberté. En attendant, on pleure la mort de Charb, de Wolinski, de Tignous, de Bernard Maris (Oncle Bernard), de Cabu et de qui d'autre encore? Cabu! Ils ont tué Cabu! Cet homme magnifique, cet amateur de jazz, ce chantre de Trénet, ce caricaturiste sans égal! Je ne connaissais personnellement aucun des journalistes et caricaturistes de Charlie, mais ce sont autant de proches que j'ai perdus aujourd'hui. On peut parier que ces bêtes humaines qui les ont tués ne savaient même pas quels esprits libres et talentueux elles avaient en face d'elles. En massacrant aussi lâchement des gens intelligents, drôles, courageux, armés de leurs seules plumes, ces monstres font non seulement preuve d'une violence terrifiante mais aussi d'une bêtise et d'une veulerie abyssales. En agissant avec une telle sauvagerie pour s'attaquer à des idées, à des dessins, ces fascistes font le lit des racistes et d'une autre extrême droite. Comme le lui faisait dire Cabu en couverture de Charlie Hebdo du 8 février 2006, sous le titre Mahomet débordé par les intégristes, le Prophète doit une fois de plus sangloter en se disant que "c'est dur d'être aimé par des cons". Et il pourrait ajouter "et d'immondes assassins".



(1) www.liberation.fr/societe/2015/01/07/antonio-fischetti-charlie-hebdo-ces-derniers-temps-la-vigilance-s-etait-relachee_1175422
A voir l'émission "28 minutes" de ce soir sur Arte: www.arte-tv.com
A lire le billet d'Axel Kahn:
http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/07/axel-kahn-humanite-est-niee-massacree-256954
et aussi, un peu partout, tant d'appels à la solidarité, à rester debout, à continuer à rire malgré les loups et les hyènes (qui visiblement ricanent sur Internet).