samedi 29 mars 2014

Jan Palach et l'Europe

Arte diffusait ces jeudi et vendredi la mini-série d'Agniezska Holland "Sacrifice" (Burning Bush - Le Buisson ardent, en v.o.) (1). Magnifique hommage à Jan Palach, ses proches, son avocate, les étudiants, les jeunes, tous ceux qui se sont battus, ont été jusqu'à donner leur vie parfois pour que leur pays connaisse la liberté.
On les voit prisonniers d'un système autoritaire, glacial, arbitraire, qui ment, manipule, terrorise, broie des vies, écrit la vérité à sa façon. Ce système a vécu de serviteurs dociles et de bras armés arrogants, fiers de leur pouvoir.
Un pouvoir qui a été jusqu'à faire disparaître le corps et la tombe de Jan Palach. Ce système-là tuait même les morts. Mais ces morts-là restent vivants. Vingt ans après la mort de Jan Palach, la Tchécoslovaquie a connu la plus grande manifestation anticommuniste de son histoire. Quelques mois plus tard, le régime s'effondrait. Au sein du premier gouvernement démocrate qui lui a succédé, Dagmar Buresova, avocate de la famille Palach, devenait ministre de la Justice.
De toute cette histoire, où se mêlent héroïsme et crapulerie, Agniezska Holland, a tourné une fiction pour mener un travail de mémoire. "Autant qu'un travail d'actualité, dit-elle. C'est périlleux pour le présent de vouloir évacuer le passé. Sans mémoire, on ne peut comprendre l'actualité, encore moins l'empêcher de devenir dangereuse." (2)
Polonaise, elle était étudiante à Prague, contemporaine de Jan Palach. Ces événements, elle les a vécus. Elle sait, elle, ce que représente l'Europe. "L'Europe d'aujourd'hui est le résultat de la guerre. Nos institutions ont été créées pour faire barrage aux pulsions nationalistes et populistes. Ce sont des garanties qui nous permettent de vivre en paix, dans un monde où les citoyens sont des sujets et non les objets de tyrannie. Pourtant, tout cela est terriblement fragile, estime-t-elle. Nous oublions trop souvent ce qui nous a menés là."  (2)
Aujourd'hui, à travers l'Europe, ils sont nombreux et de plus en plus puissants ces partis qui voudraient mettre fin à cette Europe. Elle doit être, c'est vrai, plus sociale, plus créative, plus combattive, plus ancrée dans le quotidien de ses habitants. Mais vouloir y mettre fin est imbécile et assassin. "Je ne cherche qu'une chose pour l'Union européenne, c'est qu'elle explose", a déclaré la députée européenne Marine Le Pen (3). L'Europe est aujourd'hui menacée par ces terroristes, ces pyromanes qui - par calcul électoral, par nostalgie d'une gloire nationale qu'ils ne retrouveront jamais, par peur et/ou par haine de l'autre - mettent en péril les liens qui nous unissent.
La bête n'est pas morte.

(1) à voir sur www.arte.tv/guide/fr/050183-001/sacrifice-1-3
(2) Télérama, 26 mars 2014.
(3) Christopher Dickey, The Daily Beast, in Le Courrier international, 27 mars 2014.
A lire aussi
http://tempsreel.nouvelobs.com/elections-municipales-2014/20140328.OBS1783/comment-lutter-contre-le-gentil-front-national.html 

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