lundi 5 août 2019

La déesse Croissance

"Pendant qu'on nous amuse avec des guerres et des révolutions qui s'engendrent les unes les autres en répétant toujours la même chose, l'homme est en train, à force d'exploitation technologique incontrôlée, de rendre la planète inhabitable, non seulement pour lui mais pour toutes les formes de vie supérieures qui s'étaient jusqu'alors accommodées de sa présence. Le paradis concentrationnaire qui s'esquisse et que promettent ces cons de technocrates ne verra jamais le jour parce que leur ignorance et leur mépris des contingences biologiques le tueront dans l'œuf. La seule vraie question qui se pose n'est pas de savoir s'il sera supportable une fois né mais si, oui ou non, son avortement provoquera notre mort." Ces lignes, visionnaires, ont été écrites en 1969 par Pierre Fournier (1) dans Charlie Hebdo. L'année suivante, le club de Rome publiait son rapport "Halte à la croissance", appelant à freiner d'urgence cette société du toujours plus, de la surproduction et de la surconsommation. Voilà donc cinquante ans que l'on sait, cinquante ans que des prophètes inspirés nous invitent à changer radicalement de mode de vie sous peine de mort.
Et depuis, la grande majorité des politiques, la plupart des journalistes, la quasi totalité des économistes ne jurent que par la croissance et nous prédisent des jours sombres dès qu'elle diminue.
L'homme est un animal sourd.
Juillet 2019 est le mois le plus chaud jamais mesuré sur la planète Terre (2). Mais qui s'en soucie vraiment? Ugly Trump fait la seule chose qu'il sait faire: vociférer en accusant les autres de tous les maux. Les élus belges peinent à construire des gouvernements, leurs ego comptant plus que l'avenir de la planète. Bart De Wever espère devenir un jour président de la République flamande, se trompant totalement de combat. A la fin du siècle, demain donc, un tiers de sa Flandre pourrait être sous eau.
En France, on n'entend guère d'appels à changer rapidement les priorités politiques. L'écologie devrait guider tous les gouvernements de la planète. Elle n'est toujours vue que comme un boulet qu'on voudrait oublier mais qu'on est bien obligé de traîner derrière soi.
"Ça ne marchera jamais beaucoup l'écologie, écrivait Cabu en 2005 (1), parce que ce n'est pas une idéologie de la facilité. Tout ce qui marche, c'est quand on flatte les gens dans le sens du poil, quand on leur dit Vous êtes les plus grands, les plus beaux, la source de tous vos malheurs, c'est l'Arabe du coin. (...) Les idées écologistes dérangent tout le monde, puisque ça contrarie tous les privilèges, tous les plans, toutes les théories capitalistes, etc. C'est un retour à la frugalité, ça ne plaît pas aux chefs d'entreprise, au monde de la production."
On ne serait pas surpris que juillet 2020 soit le mois le plus chaud jamais mesuré sur la planète Terre. L'année aussi où nous serons plus nombreux encore à nous précipiter dans les bouchons pour partir en vacances. 

(1) cité par Jean-Luc Porquet dans  son remarquable ouvrage "Cabu, une vie de dessinateur", Gallimard, 2018.
(2) https://www.lesoir.be/240396/article/2019-08-05/climat-juillet-2019-mois-le-plus-chaud-jamais-mesure-dans-le-monde

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