vendredi 9 août 2019

La porte des trous

La déconstruction des arches centrales du Pont des trous à Tournai fait du bruit. Des Tournaisiens en ont pleuré. La presse en parle abondamment, souvent sans maîtriser le dossier. Même le Guardian à Londres s'en inquiète. Les réseaux prétendument sociaux - c'est devenu leur spécialité - permettent à Monsieur et Madame Toutlemonde de tempêter.
Ces arches datent de 1947 et non du XIIIe siècle comme les tours qu'elles reliaient. Elles avaient été démolies durant la seconde guerre mondiale par l'armée anglaise. Leur démolition est justifiée, qu'on l'accepte ou non (1), par l'étroitesse du passage pour les bateaux.
Faut-il les reconstruire à l'identique ou d'une manière résolument contemporaine? C'est la bataille tournaisienne d'Hernani. Défenseurs du faux vieux et partisans du vrai neuf s'étripent.
Et voilà qu'un architecte tournaisien sort son œuf de Colomb. Jacques Desablens propose, au vu de l'état actuel du chantier, de quasiment tout laisser en l'état. "Le massacre a assez duré, écrit-il. Le passage pour les péniches est dégagé, le SPW (service public de Wallonie) est content et son ministre aussi... gardons la dernière arche sans rien reconstruire. On garde la travée côté beffroi, témoignant de la reconstruction de 1948 et on ne fait pas du faux vieux. On  reste aussi dans l'expression de la ruine, pittoresque et un tant soit peu romantique, sans lisses de guidage. Et cela ne coûte quasi rien...". (2)
Ce pont a toujours mal porté son nom, il n'a jamais permis de passer d'une rive à l'autre, mais bien de fermer le passage sur l'Escaut. Il n'était en rien un pont mais une porte militaire. "On pourrait garder les traces de la reconstruction, propose encore l'architecte, et le fait qu'une partie subsiste permet à l'imaginaire de reconstituer la courtine. En plus, cela n'est pas moche, ça ouvre la perspective; c'est une porte ouverte, dans laquelle on montre sa situation quand elle défendait...".
Voilà une excellente idée, une évidence à laquelle personne n'avait pensé.
Mais les pouvoirs publics seront-ils assez rapides et assez intelligents pour stopper le chantier?
Après tout, le ministre avait pris peu de temps pour jeter à la poubelle le projet issu d'une concertaion populaire.

(1) (Re)lire sur ce blog
« Démocratie de l’esthétique », 22.10.2015 
http://moeursethumeurs.blogspot.com/2015/10/democratie-de-lesthetique.html
et « De la complexité des arches », 9.4.2019 


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