jeudi 29 août 2019

Une envie de silence

Sidoine Appolinaire, Lyonnais d’origine, fut, au Ve siècle, chef du Sénat, préfet de Rome, évêque d’Auvergne. Et poète aussi. « Le plus grand drame pour moi, disait-il, ce serait d’être entourés d’hommes complètement étrangers à l’étude des Lettres ». C’est pourtant ce qui lui arriva quand l’Auvergne tomba aux mains des Wisigoths qui l’exilèrent à Bordeaux.
Etranger au monde dans lequel il se retrouva plongé, il décida de se taire et inventa pour l’affirmer un verbe : taciturire : avoir envie de se taire. Sidoine Appolinaire créa aussi un autre mot: scripturire : avoir envie d’écrire.
C’est Laurent Nunez qui raconte l’histoire et de cet homme et de ces mots dans son remarquable ouvrage Il nous faudrait des mots nouveaux (1).

Aujourd’hui, nous ne vivons pas au milieu des Wisigoths, mais des Philistins, de personnages grossiers, étrangers aux arts et aux lettres, bouffis de leur prétention. Ils débordent de partout et doivent faire connaître urbi et orbi la haine qu’ils vouent à ceux qui ne leur ressemblent pas. Pour beaucoup, Twitter n’est ni parler, ni écrire. C’est jacasser, jargonner, cracher, vomir, éructer, provoquer. C’est remplir de vent un néant. Et nous nous laissons aspirés dans ces bavardages vides, dans ces propos venteux, souvent tempétueux, qui semblent diffusés sans même avoir été pensés.
On aimerait tant que les Trump, les Bolsonaro, les Salvini, les Johnson, tous ces hommes méprisants (et donc méprisables) commencent à réfléchir, puis à agir pour le bien commun, plutôt que de passer leur temps à s’auto-encenser et à agresser les autres.
On aimerait tant que les médias cessent de se faire l’écho de ces fatras de bêtises proférés quotidiennement par des (ir)responsables politiques, par des gens de télé qui jouent les paons, par tous ces mâles buzzeurs.
Si tout le temps qu’ils gaspillent à tweeter, ils le passaient à planter des arbres, le monde s’en trouverait plus apaisé. S’ils apprenaient à se taire.


(1) Les éditions du Cerf, 2018.

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