Sidoine Appolinaire,
Lyonnais d’origine, fut, au Ve siècle, chef du Sénat, préfet de Rome, évêque
d’Auvergne. Et poète aussi. « Le plus grand drame pour moi, disait-il, ce
serait d’être entourés d’hommes complètement étrangers à l’étude des
Lettres ». C’est pourtant ce qui lui arriva quand l’Auvergne tomba aux
mains des Wisigoths qui l’exilèrent à Bordeaux.
Etranger au monde
dans lequel il se retrouva plongé, il décida de se taire et inventa pour
l’affirmer un verbe : taciturire :
avoir envie de se taire. Sidoine Appolinaire créa aussi un autre mot: scripturire : avoir envie d’écrire.
C’est Laurent Nunez
qui raconte l’histoire et de cet homme et de ces mots dans son remarquable
ouvrage Il nous faudrait des mots nouveaux
(1).
Aujourd’hui, nous ne
vivons pas au milieu des Wisigoths, mais des Philistins, de personnages
grossiers, étrangers aux arts et aux lettres, bouffis de leur prétention. Ils
débordent de partout et doivent faire connaître urbi et orbi la haine qu’ils
vouent à ceux qui ne leur ressemblent pas. Pour beaucoup, Twitter n’est ni
parler, ni écrire. C’est jacasser, jargonner, cracher, vomir, éructer,
provoquer. C’est remplir de vent un néant. Et nous nous laissons aspirés dans
ces bavardages vides, dans ces propos venteux, souvent tempétueux, qui semblent
diffusés sans même avoir été pensés.
On aimerait tant que
les Trump, les Bolsonaro, les Salvini, les Johnson, tous ces hommes méprisants
(et donc méprisables) commencent à réfléchir, puis à agir pour le bien commun,
plutôt que de passer leur temps à s’auto-encenser et à agresser les autres.
On aimerait tant que
les médias cessent de se faire l’écho de ces fatras de bêtises proférés
quotidiennement par des (ir)responsables politiques, par des gens de télé qui
jouent les paons, par tous ces mâles buzzeurs.
Si tout le temps
qu’ils gaspillent à tweeter, ils le passaient à planter des arbres, le monde
s’en trouverait plus apaisé. S’ils apprenaient à se taire.
(1) Les éditions du
Cerf, 2018.
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