mercredi 2 juin 2021

Le voile en face

En Belgique comme en France, le communautarisme gagne chaque jour du terrain. Les islamistes sourient dans leur barbe. Ils sont en train de gagner, avec l'aide active de la gauche. Où est l'internationalisme et l'universalisme des partis de gauche? Les voilà plus catholiques que le pape, aussi prudes qu'un ayatollah. La religion musulmane a désormais pour eux tous les droits et ses (pseudo) règles doivent avoir droit de cité. Au nom du décolonialisme, il faut soutenir les pratiques islamiques, même s'il n'y a pas plus colonisateur des esprits qu'une religion. 

En Belgique, voilà qu'Ecolo - par provocation? - désigne comme commissaire du gouvernement à l'égalité entre les hommes et les femmes une femme voilée. Faut-il pleurer, faut-il en rire? Le voile, vêtement politique, est précisément l'expression de l'inégalité hommes - femmes. 

Que diraient les bonnes âmes qui aujourd'hui défendent le port du voile et les accommodements dits raisonnables si demain les chrétiens obligeaient les femmes à se couvrir la tête, interdisaient que qui ce soit consomme de la viande le vendredi et pendant le Carême et qu'on vende et consomme de l'alcool dans les quartiers où ils vivent, revendiquaient des horaires différents pour les hommes et les femmes dans les piscines? Et s'ils élevaient les filles à faire des enfants et gérer le foyer? S'ils se montraient menaçants dès qu'on critique leur religion? S'ils pourchassaient l'adultère et l'homosexualité? N'y aurait-il pas du racisme à accepter pour d'autres des contraintes, des règles et des châtiments que soi-même on combattrait furieusement ? Qu'est-ce qui pousse Ecolo et d'autres partis de gauche, en Belgique comme en France - partis qu'on a connus féministes - à défendre le voile? L'électoralisme? Le paternalisme? Un sentiment très judéo-chrétien de culpabilité? Un peu de tout cela? La religion est l'opium du peuple et le carburant de trop de partis de gauche.

Nombreuses sont les femmes de culture musulmane qui rejettent le voile, ici comme dans les pays où l'islam est majoritaire.

Djemila Benhabib (qui a fui l'Algérie): " Je suis contre tous les foulards, qu'ils soient portés à Téhéran, Kaboul, Alger, La Courneuve, Lille ou Marseille, qu'ils recouvrent une partie du corps ou totalement, car les foulards du monde entier expriment une même chose: la soumission forcée des femmes à un programme d'oppression." (...) "Cet apprentissage du foulard se fait sous la pression de l'entourage, pour amener la fillette à revendiquer son foulard vers 14 ans, en affrontant ses professeurs et en clamant c'est mon choix. Cette recherche ethnico-identitaire des adolescentes se fait sur le dos des femmes et il se trouve de ses défenseurs pour crier au racisme."

Seyran Ates, imame de la mosquée Ibn Rushd-Gœthe à Berlin (qui vit sous protection policière): elle considère le voile comme "un marqueur qui désigne les femmes en tant que telles". Ce sont, selon elle, les Occidentaux qui soutiennent l'idée que le hijab serait pour les femmes un signe de dignité ou un symbole d'empowerment. "Je suis avocate, j'ai travaillé pendant plus de trente ans avec ces femmes qui tentent d'avoir une vraie vie: 80% d'entre elles n'ont pas le moindre choix. Ça va bien au-delà du voile, elles n'ont aucun choix dans aucun domaine, aucune autodétermination."
"Quand une femme se couvre, ce sont les pulsions sexuelles de l'homme qu'elle protège. Elle ne se protège pas elle-même, elle protège le pauvre homme qui ne peut plus se concentrer sur sa foi en Dieu et sa pratique de la religion."
Elle défend la loi interdisant aux professeures, aux juges, aux policières de porter le voile. "Et je veux faire interdire le voile dans les écoles".
Aux féministes occidentales qui refusent de s'opposer au voile, voire le soutiennent, au nom de la lutte anti-colonialiste, elle répond que "c'est leur position qui est colonialiste. Ça ne tient pas debout: Je ne veux pas être colonialiste, mais je défends le foulard. Il est là, le colonialisme. C'est positivement raciste. Et arrogant. Il ne faut pas imposer nos valeurs occidentales aux autres pays, donc nous acceptons que les droits de l'homme ne s'appliquent pas aux pays musulmans? Pardon? Je croyais que les droits de l'homme étaient universels... J'aimerais bien voir ces dames faire du bénévolat en Iran. Elles devraient emmener leurs familles et passer six mois là-bas. (...) Quand je vois les conditions d'existence des femmes en Iran, je pourrais en pleurer. Elle se battent contre le voile depuis 1979. Ces féministes ne les écoutent pas. Parce que ce ne sont pas des victimes. Or elles aiment bien quand nous restons à notre place de victimes. Elles peuvent alors nous aider, nous apprendre à lire et à écrire, aller au Pakistan et en Afghanistan... Mais pas en Iran, parce que, justement, les femmes iraniennes se débrouillent très bien toutes seules, vont à l'université, ont un vaste savoir. Elles ne sont pas victimes des pays occidentaux. Elles sont victimes des mollahs. Ces féministes ne veulent pas l'entendre. Elles préfèrent se voir comme des dissidentes de prétendues dictatures occidentales".

Abnousse Shalmani, journaliste d'origine iranienne: "Le voile, c'est l'islam politique. C'est la frontière Privé-Public portée à son paroxysme." (...)
"Il existe un vrai rapport, un rapport simple entre le foulard et la modernité: ils ne vont pas ensemble. Le foulard est l'anathème de la modernité. Présentez-moi mille femmes voilées de tous âges et faites-leur répéter qu'elles se sentent libres, qu'elles se sentent heureuses sous le voile. Je ne les croirai pas. Elles peuvent être chefs d'entreprise, féministes, politiciennes, biologistes, écrivains, ingénieurs, nobélisables, elles n'en demeurent pas moins des femmes marquées par la honte d'être femmes. Elles trimbalent avec leur voile des millénaires d'abus, d'infériorité, de mépris. Elles se couvrent pour cacher leur honte." (...) "Qu'un homme viole une femme sans voile, il n'est pas coupable. La femme sans voile est une provocation. Elle n'a pas besoin d'en rajouter en jupe et en décolleté, elle est provocation quand elle est dé-couverte. Riez, riez sous mon nez d'enfant prisonnière du voile islamique, l'Histoire vous donnera tort: le voile n'est pas seulement un voile."

Soheib Bencheick, mufti de la mosquée de Marseille: "Le voile est une fausse route pour les jeunes filles. Rien dans le Coran ne leur impose d'afficher ainsi leur foi. Le voile conduit trop souvent à des comportements inquiétants, comme le refus de la mixité, de l'égalité des sexes, des cours de biologie ou de sport." 

Maya Ksouri, avocate tunisienne: "Lisez les mémoires d'un des plus éminents dirigeants de la Nahda (le parti islamiste tunisien Ennahdha, vendu comme le parangon de l'islam modéré), Abdelhamid Jelassi (...) et vous verrez que le voile et ses pendants ne sont pas des vêtements comme les autres. Il le dit clairement. Le voile et la volonté insidieuse de sa généralisation, sous toutes ses formes, dans l'espace public, est aujourd'hui, dans un contexte d'islam politique florissant, un élément de propagande, de démonstration de force et de victoire... Victoire remportée sur le modèle social caractérisé par la libération des femmes arabes et leur émancipation à partir des années 30 sous l'impulsion d'Atatürk, Bourguiba et Nasser."

Fawzia Zouari, écrivaine et journaliste tunisienne, fustige "ces gourdes qui se voilent et se courbent au lieu de flairer le piège, qui revendiquent le statut de coépouse, de complémentaire, de moins que rien! Et ces niqabées qui, en Europe, prennent un malin plaisir à choquer le bon Gaulois ou le bon Belge comme si c'était une prouesse de sortir en scaphandrier! Comme si c'était une manière de grandir l'islam que de le présenter dans ses atours les plus rétrogrades". 

Rappelons enfin que l'avocate iranienne Nasrin Sotoudeh a été condamnée, en mars 2019, à trente-huit ans de prison et cent quarante-huit coups de fouet. Son crime: avoir défendu des femmes qui ne portaient pas le voile et en revendiquaient le droit. Bien sûr, le tribunal islamique a invoqué d'autres raisons, toutes plus invraisemblables les unes que les autres: "incitation à la corruption et à la prostitution", "insulte au Guide suprême", "incitation à la débauche", "propagande contre l'Etat" et on en passe tant ces accusations sont ridicules. Ce qu'on lui reproche, c'est de s'être opposée au port du hijab, d'avoir retiré celui-ci lors de visites de ses clientes en prison, d'avoir accordé des interviews aux médias à propos de l'arrestation violente et de la détention de femmes qui contestent l'obligation du port du voile islamique. Ce qu'on leur reproche, à elle et à ses clientes, c'est de vouloir être des femmes simplement libres. Et se montrer la tête libre lui coûte donc trente-huit ans de prison et cent quarante-huit coups de fouet. Ainsi va la vie pour les femmes dans ce pays de vieux barbus obsédés qui les haïssent.

Existent-elles ces femmes aux yeux des bonnes âmes de gauche qui défendent le voile?

A (re)lire sur ce blog: "Ecriture voilée", 9.5.2021; "Djemila Benhabib et les islamistes", 19.1.2021; "Enfin!", 4.10.2020; "Ces mollahs malades", 12.12.2019; "Moments de dévoilement", 2.12.2019; "Vivement le temps des femmes", 25.9.2019; "Mauvaise foi", 28.5.2018; "Cachez cette femme que je ne saurais voir", 24.10.2016; et bien d'autres billets encore (cliquez sur le libellé voile).

5 commentaires:

Pierre Guilbert a dit…

Eh oui, le débat s'enflamme en Belgique. Mais même, ce mot débat est mal choisi. Il n'y a plus débat. Tes propos, avec lesquels je suis totalement d'accord, te font passer désormais pour islamophobe, raciste, conservateur et sexiste. C'est terrible. Ecolo est en train d'imprimer une marque "durable" sur la société belge.
Un livre franco-belge vient d'être publié. Il est déjà sorti en Belgique et sortira d'ici peu en France : "Cachez cet islamisme !" J'ai dévoré ce bouquin écrit par un collectif totalement respectable et respectueux. Mais ce livre est décrié. Les libraires ont reçu des pressions pour ne pas le vendre. Dans certaines librairies, il était quasi caché.
Ce livre - lisez-le ! - fait le procès du voile, en expliquant, comme tu le fais, que ce n'est pas un bête bout de tissu. Mais il montre le caractère haïssable de l'autre bord. Avec cette impossibilité du débat.
Je crois que nous sommes en train de perdre le combat de la laïcité. C'est "Soumission" de Houellebecq, sorti le 7 janvier 2015, le jour des attentats contre Charlie !
Je crois aussi, maigre consolation, qu'Ecolo va payer très cher ses choix aux prochaines élections. Parce que, à part les Musulmans pratiquants et les candidats qui courent derrière leur vote, l'immense majorité de la population ne veut pas de ce type de société.

Michel GUILBERT a dit…

"Cachez cet islamisme!" est préfacé par Elisabeth Badinter, ce qui est un bon signe. Elle aussi est "islamophobe", "raciste", "conservatrice" et même "sexiste". Plus sérieusement, on commence à se compter, les gens de gauche qui refusent d'entrer dans le jeu des islamistes. Je ne peux plus voter qu'au fédéral en Belgique. Je ne sais pour qui je voterai, mais plus pour Ecolo. Je ne suis même pas sûr que la majorité des musulmans pratiquants soutiennent réellement le voile et les "marques" de l'islam, mais plutôt une majorité très agissante et menaçante qui a vampirisé une bonne partie de la gauche.

Bernard Tomasi Debeire a dit…

Exactement ça ! L'aveuglement de la gauche, pour moi définitivement incompréhensible, semble n'avoir plus de limite. Seule et maître consolation : lire des contributions comme celle-ci, fraternelles..

Bernard Tomasi Debeire a dit…

Pas "maître" mais "maigre". Mais je trouve l'erreur de frappe assez drôle et au bout du compte pas si fausse..

Michel GUILBERT a dit…

Oui, ça m'avait fait sourire!