En 1967 et 1968, la jeunesse était dans la rue. Elle se soulevait un peu partout dans le monde. Pour s'opposer à la guerre du Vietnam, mais aussi à un monde sclérosé, conservateur, enfermé dans la reproduction de vieilles valeurs, un monde qui avait fait de la consommation le but de la vie.
Il y a quelques années, les jeunes (et aussi de moins jeunes), un peu partout à travers la planète, se mobilisaient pour la sauvegarde du climat. Il y a cinq ans, la crise du Covid-19 nous laissait croire à un monde nouveau, plus sobre, plus raisonnable, respectueux du vivant. Mais le vieux monde est reparti de plus belle au mépris de l'avenir de la planète et de l'humanité. Et nous voilà en 2025 dans le pire encore, un monde qui se fait la guerre, qui s'arme, qui se déchire, où on assiste médusés à un combat entre deux vieux primates primates prêts à mettre la terre à feu et à sang pour s'imposer comme le mâle alpha avec le soutien de populations déboussolées qui pensent trouver en eux un guide. La guerre est à nos portes et le monde à deux doigts de sa perte. Nous nous scandalisons, nous nous indignons, mais que faisons-nous ? Nous assistons à la destruction du monde et des valeurs humanistes scotchés à nos écrans. Nous devrions manifester quotidiennement devant les ambassades russe et américaine, mais nous nous contentons de soupirer depuis nos canapés. Prisonniers de notre confort, nous refusons de remettre en question nos modes de vie dévastateurs, nous continuons à voyager, à consommer, à vivre comme hier alors que demain est plus que jamais menacé.
L'ambiance est plombée et nous le sommes tout autant, peu réactifs. Les réseaux qu'on dit sociaux nous referment sur nous-mêmes, cultivent l'individualisme, montent les identités les unes contre les autres.
Sur France Inter, une journaliste a pris l'habitude de demander, à son invité, à la fin de son interview, de choisir entre liberté, égalité et fraternité. La plupart des personnalités choisissent la liberté. La liberté, c'est trop souvent celle de faire ce qu'on veut, au mépris des conséquences collectives de nos actes, celle de rejeter, d'insulter voire d'agresser qui n'est pas ou ne pense pas comme nous. Ce qui nous fait défaut actuellement, c'est la fraternité, la solidarité, le souci du bien collectif. Bien sûr, on voit un peu partout des gens, des jeunes notamment, continuer à se mobiliser pour la paix, pour la planète, pour le bien commun. Mais les mouvements sont épars, éclatés, discrets, trop discrets. Sommes-nous fatigués, désespérés ?
"Les jeunes font face à une situation inédite dans l’histoire de l’humanité, estime Nellly Pons, autrice de Le Grand épuisement (1). Si les générations précédentes ont connu des crises économiques ou sanitaires, la montée des guerres et des extrémismes, les jeunes d’aujourd’hui doivent, en plus, faire face à l’idée de finitude, c’est-à-dire celle de notre potentielle mort collective du fait de nos activités. Le fait d’avoir d’ores et déjà dépassé six des neuf limites planétaires, propulsant l’humanité hors de sa zone de sûreté, est quelque chose de totalement nouveau. Non seulement c’est d’une violence inouïe, mais en plus, les jeunes ne sont pas aux commandes. Ils n’occupent pas les postes stratégiques et décisionnels qui pourraient influer sur le cours des choses. Il y a de quoi se sentir totalement démuni."
A la suite d'Hartmut Rosa, philosophe et sociologue, Nelly Pons s'appuie sur le concept de résonance. "Il nous invite à réagir au monde avec empathie, à se laisser traverser par lui, à entrer en relation. C’est exactement ce qui nous manque aujourd’hui, en témoigne l’épidémie de solitude qui se répand dans les sociétés occidentalisées. La notion de résonance peut aussi être étendue à la relation que nous entretenons avec nos milieux de vie et les êtres qui les peuplent, aux vivants non-humains. Nous ne devrons notre salut qu’à notre capacité à comprendre notre interdépendance avec le monde vivant, en en respectant l’intégrité et en s’inspirant de ses dynamiques pour réorganiser nos sociétés humaines."
Résumons-nous : résonnons, résonnons !
(1) Actes Sud, 2025,
https://www.levif.be/societe/nelly-pons-autrice-ne-serions-nous-pas-en-train-de-faire-un-burnout-collectif/
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