mercredi 5 mars 2025

Insoumis à la solidarité

Les moments de grande crise sont des révélateurs. La gauche française, nous explique Le Monde (1), se déchire sur l'Ukraine. Elle est divisée depuis longtemps sur de nombreux points. Cette fois, c'est - est-ce une surprise ? - sur le soutien à l'Ukraine.
Les écologistes appellent à « un engagement militaire et financier renforcé », qui passerait notamment par « la fourniture des équipements de défense avancés » ou « le renforcement de la présence de troupes européennes dans les pays frontaliers de l’Ukraine ». Tandis que les socialistes affirment leur volonté de  « financer ce soutien militaire à l’Ukraine », de saisir « les 210 milliards d’euros d’avoirs russes gelés dans nos banques » et d’arrêter de laisser « transiter par nos ports, avec la complicité de nos entreprises, son gaz naturel liquéfié ». Enfin, il appelle à un « grand emprunt commun de 500 milliards », seule façon de « sauver la paix et la sécurité en Europe ». Pas question cependant de financer le réarmement de l'Ukraine pour les communistes et les insoumis (à la solidarité ?). Un élu communiste veut que Macron aille négocier avec Poutine (ce qu'il a déjà tenté et on sait le tsar sourd) et un élu LFI estime que « notre sécurité n’est pas en cause dans l’immédiat ». La sécurité des Ukrainiens et de leurs voisins n'a donc pas d'importance, seule compte la nôtre, pour ces élus de partis qui se sont longtemps présentés comme internationalistes et ne sont finalement que des partis souverainistes comme ceux de l'extrême droite qui prennent comme ils peuvent de timides distances avec leurs idoles Trump et Poutine.

Pour financer le réarmement de l'Ukraine, certains proposent d'utiliser les liquidités que la Banque centrale de Russie avait placées dans des établissements financiers étrangers : 300 milliards d'euros dans le monde, 209 rien qu'en Europe. Jusqu'à présent, les intérêts - un peu moins de 3 milliards par an - profitent aux Ukrainiens, mais le capital reste gelé. L'Union européenne a toujours refusé d'y toucher, par respect du droit international. Un droit dont le régime russe se moque chaque jour. Mais l'envie de puiser là de quoi financer l'aide à l'Ukraine fait son chemin. Une proposition dans ce sens sera soumise au vote du Parlement européen la semaine prochaine. Et en France, Gabriel Attal réclame maintenant la saisie de ces avoirs. De même que les socialistes et les écologistes. Le gouvernement, lui, y reste opposé, toujours au nom du droit international. "C’est aussi ce que disent les Insoumis, qu’on a connu plus offensifs contre la finance…", constatait ce matin l'éditorialiste de France Inter Patrick Cohen. "Alors, formellement, ils ont raison : le principe d’immunité souveraine protège les Etats et leurs biens. Mais dans le chaos actuel, l’argument fait doucement rigoler l’avocat spécialisé que j’ai interrogé hier. Parce que le droit international, il dit en premier qu’on ne doit pas envahir son voisin. Et que les agressions donnent lieu à des réparations. L’Irak a payé pendant plus de 30 ans pour l’invasion du Koweït, quelque 52 milliards. L’Europe pourrait donc bien faire payer la Russie tout de suite. Ou utiliser ses avoirs comme garantie. Et puis le droit, Poutine s’assied dessus, il ne respecte rien, ni le droit de la guerre, ni aucun autre. La quasi-totalité des actifs européens et américains en Russie ont déjà été confisqués. Qui imagine Poutine saisir la Cour internationale de justice, l’organe judiciaire de l’ONU, pour récupérer son argent ?"
Autre argument pour s'opposer à cette prise de guerre : l’idée du « précédent économique » qui pourrait effrayer les investisseurs. "Argument partagé là encore par le gouvernement et par les Insoumis." Ici encore,  les Insoumis se montrent tout à coup très soumis aux marchés et aux investisseurs. A moins qu'ils ne le soient au régime russe ? Conclusion de Patrick Cohen : "Contrairement à ce que l’exécutif voudrait faire croire, le sujet des avoirs russes est bien plus politique que juridique. Question d’astuce et de volonté. Pour aider l’Ukraine et gratter des roubles, il n’est pas interdit d’être un peu roublard".

Pétition à signer sur Avaaz :

Post-scriptum : 
Me revient cette chanson qu'on chantait dans les manifs fin des années '70 - début des 80.
Prenez l'argent où il est / Dans les banques, dans les banques / Prenez l'argent où il est / Dans les coffres des banquiers.
Mélenchon a dû la chanter. Il a bien changé.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/03/04/la-gauche-se-fracture-sur-l-aide-a-l-ukraine_6576306_823448.html
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/l-edito-politique-du-mercredi-05-mars-2025-8009881

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