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vendredi 23 avril 2021

Une Bretagne corse

La liberté de la presse n'est jamais acquise. Même dans un pays démocratique comme la France. Récemment, la voiture de la journaliste Morgan Large a été sabotée, devant chez elle, dans les Côtes d'Armor. Une roue de sa voiture a été partiellement déboulonnée et elle a roulé ainsi pendant quelques jours sans le savoir, au risque de sa vie et de celle de ses enfants. Cette agression n'est qu'une ixième intimidation, après de nombreux appels téléphoniques nocturnes, des menaces sur les réseaux sociaux où sa photo a été diffusée, une intrusion nocturne dans les locaux de Radio Kreiz Breizh où elle travaille, ou chez elle, où son chien a été empoisonné. Elle n'est pas la seule à subir des menaces. "Depuis plusieurs années, écrit Le Monde (1), les journalistes installés en Bretagne alertent sur la 'loi du silence' qui leur est imposée autour de l’industrie agroalimentaire. La journaliste indépendante Inès Léraud, coautrice de l’enquête en bande dessinée Algues vertes - l’histoire interdite (2), en a particulièrement fait les frais. Entre autres choses, Inès Léraud est régulièrement ciblée par des plaintes en diffamation de groupes industriels, plaintes parfois retirées quelques jours avant l’audience, et qui ne visent qu’à inquiéter, à épuiser financièrement et psychologiquement la journaliste. Et in fine à imposer le silence."

L'agro-industrie dicte sa loi jusque dans les rédactions: "des articles en rade sur le bureau d'un rédacteur en chef, explique Natacha Devanda dans Charlie Hebdo (3), une couverture médiatique complaisante envers les grosses coopératives agricoles, des gendarmes zélés qui viennent contrôler les enregistrements d'une reporter allemande...". Des pressions telles qu'en 2020 cinq cents journalistes bretons, appuyés par une pétition signée par 40.000 personnes, ont adressé une lettre ouverte au Conseil régional de Bretagne, dénonçant les difficultés rencontrées quotidiennement pour enquêter sur le secteur agricole. "L'agro-industrie fait sa loi en Bretagne et n'accepte pas la contestation", confirme le syndicaliste Serge Le Quéau (3). La coopérative agricole Ereden - formée de l'union de D'aucy et Triskalia - pèse 3,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. "Un Etat dans l'Etat", selon Serge Le Quéau. Il a défendu, il y a dix ans, les salariés de Nutréa, une filiale de Triskalia, victimes du dichlorvos, un pesticide produit par Bayer. Par souci d'économies, la coopérative avait coupé la ventilation dans les bâtiments où étaient stockés des milliers de tonnes de céréales. Résultat: la fermentation a favorisé l'arrivée de charançons que Triskalia s'est empressée d'arroser avec l'insecticide Nuvan Total, interdit depuis 2007. "Autour des bâtiments, c'était Tchernobyl, raconte Serge Le Quéau. Les gars ont développé des tas de maladies invalidantes, ils se réveillaient parfois en pissant le sang." 

La Bretagne est "considérée comme la plus belle région de France", affirme le site bretagne.com. Qui le croit encore? Il y a quelque chose de pourri au royaume de Bretagne avec cette agro-industrie toute puissante qui s'autorise les pires exactions: "haies arrachées, zones humides réduites en bouillie, sites de stockage de pesticides toujours plus grands, pollution de l'air et des rivières", dénonce un collègue de Morgan Large. Même si, ajoute-t-il, "chez les agriculteurs qui participent au système dominant, tous ne sont pas d'accord avec la FNSEA. Mais les voix dominantes sont accusées de trahir les autres. " Reste à déterminer qui trahit qui et quoi. Cette agro-industrie sans foi ni loi et ce syndicat qui défend l'argent au mépris de ses adhérents trahissent cette terre et ceux qui l'habitent. 

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/11/deboulonner-une-roue-de-la-voiture-de-la-journaliste-morgan-large-n-est-pas-un-geste-d-intimidation-mais-une-tentative-de-blesser-ou-de-tuer_6076344_3232.html

(2) Delcourt/La Revue dessinée, 2019.

(3) "Agro-industrie - La Bretagne veut en finir avec la loi du silence", Charlie Hebdo, 14.4.2021.

dimanche 25 octobre 2015

Poison subventionné

Certains d'entre eux aiment se présenter comme les premiers écologistes. Mais un prophète affirmait que les premiers seraient les derniers. En ce qui concerne la majeure partie des agriculteurs, il semble avoir eu raison. On sait (1) combien la terre et les animaux sont devenus, pour trop d'entre eux, des matières traitées comme si elles étaient déjà mortes. Les méfaits de l'agriculture intensive ne paraissent pas les préoccuper et leur fuite en avant se poursuit. Ferme des 1000 vaches, ferme des 1400 veaux, ferme des 1000 truies ne sont que quelques exemples des délires industriels dans lesquels continue à s'engouffrer une agro-industrie qui a visiblement perdu tout sens commun et veut ignorer superbement les dégâts qu'elle engendre.
Parmi les lois qui régissent l'agriculture, il en est une qui impose aux éleveurs de déclarer tous les "flux d'azote produits, importés ou exportés" sur les exploitations agricoles. Les dépassements de flux peuvent entraîner des sanctions. Mais voilà que les quatre chambres d'agriculture bretonnes, établissements publics financés par l'impôt et gérés par le tout-puissant syndicat agricole FNSEA, appellent leurs adhérents à ne pas respecter cette règle. "Nous ne pouvons accepter ces mesures qui auraient pour impact économique une baisse d'environ 3% de l'excédent brut d'exploitation pour une ferme moyenne", affirment les chambres d'agriculture qui demandent à leurs membres de "ne pas remplir la déclaration de flux d'azote 2014-2015".
"Or, rappelle Fabrice Nicolino qui dénonce cette attitude (2), l'azote est à l'origine des nitrates. Or les nitrates polluent massivement les eaux douces avant de provoquer dans les estuaires et les plages de somptueuses bouillies vertes qu'il faut évacuer avant qu'elles se changent en hydrogène sulfuré, gaz mortel. Question mille fois posée: d'où vient ce foutu azote? Réponse itou: pour l'essentiel, de la merde des animaux prisonniers, comme les porcs, et des engrais azotés qu'on balance pour faire pousser le maïs industriel. Quand elle n'est pas contaminée, l'eau ne contient des nitrates que la trace: disons 0,1 mg par litre d'eau. Grâce à l'agriculture industrielle, elle compte maintenant en Bretagne 0,35 mg en moyenne avec des pointes à 200. Dès qu'une eau - celle des rivières ou des nappes - atteint 100 mg par litre, on n'a même plus le droit de la traiter pour en faire une eau potable."
La devise de la FNSEA doit être "après nous les mouches (s'il en reste)". Que nous reste-t-il à faire, face à une attitude aussi méprisante pour l'environnement, pour les voisins, pour les touristes, pour la société? Eviter les produits agricoles bretons qui ne soient pas certifiés bio? Ne plus se rendre en vacances en Bretagne?
Qui tue l'environnement? Qui tue la Bretagne? Qui tue l'agriculture? Sinon la FNSEA, premier syndicat agricole de France qui, depuis des décennies, entraîne ses adhérents dans une agro-industrie mortifère qui les pousse à s'endetter jusqu'au cou et à polluer sans sourciller. Elle donne raison au titre de l'ouvrage récent de Fabrice Nicolino dans lequel il s'attaque à "ce vaste merdier qu'est devenue l'agriculture".
Qui a encore envie de défendre cette industrie scandaleuse? Et quel gouvernement, quels politiques oseront, enfin, supprimer toute subvention à cette activité d'empoisonneurs?

(1) (re)lire sur ce blog:
- "Adieux veaux, vaches, cochons", 21 septembre 2015;
- "Les usines de l'agriculture", 3 mars 2015.
(2) "Les nitrates et les marées vertes, ils s'en cognent", Charlie Hebdo, 21 octobre 2015.
Le blog de Fabrice Nicolino: http://fabrice-nicolino.com

samedi 5 avril 2014

Une enquête du commissaire Missaire

Il est, nous dit-on, de mauvaises langues qui se plaisent à faire croire que la "théorie du genre" est enseignée dans les écoles par les instituteurs de la République. Qu'on y incite les petites filles à devenir viriles et qu'on y effémine les petits garçons. C'est le gouvernement bolchevique qui dirige la France qui en serait à l'origine et en aurait intimé l'ordre aux enseignants.
Rien n'est plus faux.
C'est un ami breton qui m'a mis sur la voie, me faisant remarquer que derrière l'appellation d'un instrument traditionnel breton, on pouvait trouver un appel au changement: be new! N'est-ce pas là une invitation claire à se renouveler, c'est-à-dire à changer de sexe? 
Plus encore, ce camarade relevait l'étonnante proximité dans la consonance entre les termes kouign-amann et l'expression queen, a man! Ainsi donc, en vendant leur gâteau traditionnel, les pâtissiers bretons laisseraient entendre que la reine est un homme. Voilà qui donne à réfléchir.
Poursuivant donc les réflexions de mon ami breton, j'en vins à penser au terme kenavo. A vo, me dis-je, ne peut être qu'une forme d'abréviation de a woman. Ainsi donc, quand ils se saluent, les Bretons suggèrent que Ken, l'ami de Barbie, est une femme. Déjà, dans les écoles de la République, on apprend aux garçons à jouer à la Barbie et aux filles à jouer au Ken.
Tout s'éclaire.
Mon enquête amène ainsi à croire que la théorie du genre serait portée par ceux qu'on appelle incorrectement les Bonnets rouges. Mais qui sont en réalité les Beaux nez rouges. Je n'arrivais pas à comprendre la cohérence de leurs positions et de leur(s) mouvement(s). A présent, je comprends mieux: ce sont des clowns qu'il faut prendre aussi au sérieux que le Joker.
Quelqu'un a le numéro de téléphone de Christine Boutin?

samedi 22 mars 2014

Understand who can

Quand on passe sur la route express qui relie Vannes à Quimper, on ne peut pas ne pas les lire: d'énormes graffiti sur des ponts qui surplombent la voie. Ils sont d'une délicatesse exquise. On les suppose écrits par des proches des Bonnets rouges. Quelques exemples: "Taubira, casse-toi!", "Pas d'écotaxe!" ou "Euthanasie = état nazi". On voit qu'on a affaire là à de grands penseurs. Mais le plus surprenant est la langue utilisée pour certains d'entre eux: "No gender!" ou encore "Gender child killer". On est surpris de découvrir combien la langue de Bretagne est proche de celle de Grande-Bretagne. Mais peut-être s'agit-il d'un appel au "grand frère"? David Cameron va-t-il mettre la main sur la Bretagne comme Poutine l'a fait sur la Crimée, parce qu'on l'y a appelé? On s'interroge. On se perd en conjectures.

jeudi 31 octobre 2013

Malaises

Bêtise ou perfidie? La fille à papa Le Pen a le rare talent de combiner les deux. L'allure des otages français rentrés du Niger a créé chez elle "un malaise". Et un étonnement sans borne: "j'ai trouvé ces images étonnantes, a-t-elle déclaré ce matin sur Europe 1, cette extrême réserve étonnante, leur habillement étonnant". Les barbes et les chèches l'ont beaucoup dérangée. Marine Le Pen découvre la vie: chez un homme, en trois ans, la barbe peut pousser abondamment, et le chèche a une utilité certaine dans le désert. Serait-elle cependant consciente de ses limites intellectuelles? "Je ne suis pas psychologue", a-t-elle reconnu. Mais elle est convaincue que ce qu'elle a ressenti, "c'est ce qu'ont ressenti beaucoup de Français". On voit par là qu'on peut ne pas être psychologue tout en étant capable de savoir ce que pensent les autres. (1)

On se réjouit de la libération de ces otages et on espère que tous les otages dans le monde, français ou autres, connaîtront rapidement le même sort heureux. Mais il est d'autres otages qu'il faudrait se soucier de libérer, c'est l'avenir de l'humanité qui en dépend. On veut parler de l'environnement et du climat. Pris en otage par le grand capital, le patronat, les lobbies du transport et du pétrole et une bonne partie des syndicats, ils ne font visiblement pas partie du souci premier (et même secondaire) de la plupart des gouvernements. La démission du gouvernement français sur les écotaxes en est une preuve de plus. Une démission d'autant plus stupide que ces écotaxes allaient permettre de réinvestir dans d'autres moyens de transport moins nuisibles et qu'elles étaient attendues impatiemment dans certaines régions. Ainsi, en Alsace, tous les élus, tous partis confondus, les réclament depuis 2005. Elles auraient pu décourager les poids lourds de passer par l'Alsace pour éviter la Suisse et l'Allemagne qui, depuis 2004, appliquent ce type de taxes (2).

Les Bretons (certains d'entre eux du moins) pensent avoir gagné une bataille, mais pas encore la guerre (3). Mais ils se trompent totalement de guerre. On attend désespérément des appels de Bretons invitant à un changement radical de cap. Les Bretons sont en colère et l'expriment main dans la main avec un patronat responsable de la crise. On se permet de penser qu'un peu de réflexion ne nuirait pas à l'affaire.

P.S.: on entend avec soulagement la Confédération Paysanne prendre ses distances avec ce mouvement de grogne et l'un de ses représentants parler du "pseudo-problème des écotaxes". Ouf!

(1) lire http://tempsreel.nouvelobs.com/vu-sur-le-web/20131031.OBS3533/otages-marine-le-pen-devient-la-risee-de-twitter.html
Et, toujours à propos du F.N., mais concernant ses fantasmes sur l'immigration, on écoutera avec grand intérêt les faits et les réflexions apportés par Edwy Plenel et surtout par l'excellent François Gemenne, dans une étrange émission d'Ardisson (où se mêlent visiblement sujets people dépourvus du moindre intérêt et réflexions politiques):
www.rue89.com/zapnet/2013/10/30/soudain-chez-ardisson-discours-fn-limmigration-secroule-247074
(2) www.liberation.fr/politiques/2013/10/30/ecotaxe-quand-les-alsaciens-manifestent-ils-sont-moins-entendus_943448
(3) Journal de France Inter, 31 octobre 2013, 13h.